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Urteilskopf

26275/12


Spycher Iris gegen Schweiz
Nichtzulassungsentscheid no. 26275/12, 17 novembre 2015

Regeste

Diese Zusammenfassung existiert nur auf Französisch.

DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
SUISSE: Art. 6 par. 1 CEDH; art. 14 combiné avec l'art. 8 CEDH. Rejet d'une demande de rente d'invalidité. Equité de la procédure en cas d'expertise COMAI et non-discrimination des personnes atteintes d'un syndrome douloureux sans substrat organique.

La Cour retient que la requérante n'a invoqué aucun motif susceptible de justifier un manque d'indépendance et d'impartialité du centre d'observation médical qui a réalisé l'expertise dans son cas. Les juges strasbourgeois estiment que rien n'indique que la procédure était inéquitable et rejettent le grief tiré de l'art. 6 CEDH pour défaut manifeste de fondement (ch. 20-32).
La Cour estime par ailleurs que la différence entre un syndrome sans substrat organique - dont souffre la requérante - et un syndrome avec substrat organique relève de l'objectivité d'un diagnostic médical. Le fait que, sur la base de cette distinction objective, l'intéressée n'ait pas obtenu de rente ne la discrimine pas, dès lors que les deux situations ne sont pas analogues ou comparables. Le second grief est également rejeté pour défaut manifeste de fondement (ch. 33-39).
Conclusion: requête déclarée irrecevable.



Inhaltsangabe des BJ


(4. Quartalsbericht 2015)

Recht auf ein faires Verfahren (Art. 6 Abs. 1 EMRK), Diskriminierungsverbot (Art. 14 EMRK i.V.m. Art. 8 EMRK [Recht auf Achtung des Privat- und Familienlebens] sowie Art. 14 EMRK i.V.m. Art. 2 [Recht auf Leben] und Art. 3 EMRK [Verbot der unmenschlichen oder erniedrigenden Behandlung]); Ablehnung eines Antrags auf Gewährung einer Invalidenrente.

Die Beschwerde betraf die Abweisung eines Gesuchs um Gewährung einer Invalidenrente für eine Person, die an gesundheitlichen Beschwerden leidet, welche nicht von der Invalidenversicherung umfasst werden.

Der Gerichtshof stellte insbesondere fest, dass die Beschwerdeführerin ihre Behauptung, wonach die mit der Begutachtung beauftragte Swiss Medical Assessment and Business-Center AG (SMAB) in ihrem Fall die Unparteilichkeit und Unabhängigkeit vermissen lassen habe, in keiner Weise substantiiert habe. Zudem sei nicht zu erkennen, dass die innerstaatlichen Instanzen die medizinischen Akten, insbesondere das Privatgutachten der Beschwerdeführerin und das Gutachten der SMAB, in willkürlicher Weise gewürdigt hätten. Zuletzt wies das Gericht darauf hin, dass es zu einer objektiven medizinischen Diagnose gehört, zwischen Syndromen mit organischem Hintergrund und - wie im Fall der Beschwerdeführerin - Syndromen ohne einen solchen zu unterscheiden. Dass der Beschwerdeführerin gestützt auf diese objektive Unterscheidung keine IV-Rente gewährt wurde, ist keine Diskriminierung gegenüber Personen, denen eine IV-Rente gewährt wurde, sind doch die beiden Situationen weder analog noch vergleichbar. Unzulässig (einstimmig).





Sachverhalt

 
TROISIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 26275/12
 
Iris SPYCHER
contre la Suisse
 
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant le 17 novembre 2015 en une chambre composée de :
    Luis López Guerra, président,
    Helena Jäderblom,
    George Nicolaou,
    Helen Keller,
    Johannes Silvis,
    Dmitry Dedov,
    Pere Pastor Vilanova, juges,
et de Stephen Phillips, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 17 avril 2012,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
 
EN FAIT
La requérante, Mme Iris Spycher, est une ressortissante suisse née en 1971 et résidant à Oberstocken. Elle est représentée devant la Cour par Me P. Stolkin, avocat à Zürich.
A.  Les circonstances de l'espèce
1.  Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit.
2.  Selon son exposé des faits, la requérante se blessa au cou et à l'épaule droite, en avril 2004, en tentant d'empêcher une chute de son enfant lors d'une séance de gymnastique. L'assureur-accidents prit en charge le cas, puis, après différentes mesures de réadaptation qui s'avérèrent inefficaces contre les douleurs persistantes de la requérante, le clôtura sans suites en novembre 2006. Les tribunaux confirmèrent cette décision qui entra ainsi en force en 2009.
3.  Entre-temps, la requérante présenta à l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Berne (ci-après : l'Office) une demande de rente, à l'appui de laquelle elle produisit une expertise privée de l'« Unabhängige medizinische Gutachtenstelle » (ci-après : UMEG ou, en français, Centre indépendant d'expertises médicales ; il s'agit d'une association ayant pour but principal la réalisation d'expertises médicales interdisciplinaires), du 23 novembre 2006, diagnostiquant une cervico-céphalée, un syndrome cervico-brachial, un syndrome panvertébral accompagné de développements secondaires de fibromyalgie et de troubles neurovégétatifs, neuropsychologiques et psychologiques, avec une incapacité de travail totale pour toute activité.
4.  Le 27 septembre 2007, l'Office rejeta la demande de rente en application de la jurisprudence fédérale relative au caractère en principe surmontable des douleurs sans déficit organique (voir, ci-dessous, les arrêts du Tribunal fédéral ATF 130 V 352 du 12 mars 2004, et 131 V 49 du 16 décembre 2004).
5.  Par arrêt du 14 août 2008, le tribunal administratif cantonal du canton de Berne (ci-après : tribunal administratif) rejeta le recours de la requérante, constatant que l'Office appliqua correctement la jurisprudence du Tribunal fédéral.
6.  La requérante recourut contre l'arrêt du tribunal administratif auprès du Tribunal fédéral. Par arrêt du 13 mars 2009, le Tribunal fédéral admit le recours au motif, en substance, que le tribunal administratif eût dû, à la lumière de l'expertise privée de l'UMEG, mettre en œuvre une nouvelle expertise pour vérifier si, et dans quelle mesure, les troubles organiques diagnostiqués limitaient la capacité de la requérante à exercer une activité adaptée à son état de santé, ainsi que pour clarifier si les troubles non-organiques et psychiques diagnostiqués étaient surmontables au sens de la jurisprudence fédérale.
7.  Donnant suite aux instructions du Tribunal fédéral, l'Office chargea l'un de ses « Centres d'observation médicaux » (ci-après : COMAI), le « Swiss Medical Assessment and Business-Center AG» (ci-après : SMAB), d'examiner la requérante. Même si elle contesta le choix du SMAB en sa qualité de COMAI, la requérante ne récusa pas formellement ses experts.
8.  Dans son rapport d'expertise pluridisciplinaire du 17 septembre 2009, le SMAB diagnostiqua, en substance, un syndrome douloureux cervical, sans altérations dégénératives ou posttraumatiques, et, d'un point de vue anamnestique, des migraines, avec une pleine capacité de travail pour la dernière activité exercée et pour toute autre activité adaptée. Le SMAB prit également position sur l'expertise privée de l'UMEG, constatant que celui-ci fonda son diagnostic sur les seuls propos subjectifs de la requérante.
9.  Eu égard aux conclusions du SMAB, l'Office rejeta à nouveau la demande de rente de la requérante le 26 février 2010. Suite à une audience publique pour laquelle il refusa à entendre oralement deux médecins proposés par la requérante comme témoins, le tribunal administratif confirma la décision de l'Office le 7 avril 2011.
10.  La requérante recourut contre le nouvel arrêt du tribunal administratif au Tribunal fédéral. Elle fit valoir une violation de l'article 6 de la Convention (procès équitable), prétendant, en substance, qu'elle ne consentit pas à être examinée par le SMAB et que le tribunal administratif, pour garantir l'égalité des armes, eût dû, d'une part, lui permettre d'interroger au moins les experts au cours de l'audience publique, et, d'autre part, ordonner une expertise judiciaire pour contrebalancer la prépondérance de l'expertise du SMAB agissant en tant que COMAI. La requérante fit également valoir une violation de l'article 14 combiné avec l'article 8 de la Convention, arguant que les personnes, comme elle, atteintes d'un syndrome douloureux sans déficit organique, sont discriminées par rapport aux personnes atteintes d'un syndrome douloureux avec déficit organique, eu égard au droit à une vie privée et familiale, parce que, selon la jurisprudence fédérale, les premières sont en principe présumées pouvoir surmonter leurs douleurs et reprendre un travail, alors que les deuxièmes ne le sont pas.
11.  Par arrêt du 29 septembre 2011, le Tribunal fédéral rejeta le recours. En relation au grief tiré de l'article 6 de la Convention, se référant à sa jurisprudence ATF 137 V 210 du 28 juin 2011 (voir ci-dessous), le Tribunal fédéral souligna que la requérante, même si elle contesta le choix du SMAB en tant que tel, ne récusa pas formellement ses experts, qu'elle s'abstint de poser toute question écrite auxdits experts, et qu'elle ne prit pas position sur le rapport d'expertise de manière concrète et motivée, ne faisant ainsi pas usage de son droit de participer à l'administration des preuves déjà au stade de la procédure non-contentieuse. Le Tribunal fédéral ajouta qu'il n'y avait pas de motifs concrets de douter de la fiabilité et du caractère concluant des constatations du SMAB, qui avait agi en tant qu'organe auxiliaire de l'assurance-invalidité. Par rapport à la procédure devant le tribunal administratif, le Tribunal fédéral releva que la requérante, avec son représentant, avait participé à l'audience publique, tout en précisant que l'article 6 de la Convention ne garantit pas un droit illimité à la convocation de témoins, ni le droit d'obtenir, en toute circonstance, la mise en œuvre d'une expertise judiciaire.
12.  S'agissant du grief tiré de l'article 14 combiné avec l'article 8 de la Convention, le Tribunal fédéral l'aborda sous l'angle de l'article 14 combiné avec l'article 6 de la Convention, concluant, toujours en référence à sa jurisprudence ATF 137 V 210, que la requérante n'avait pas subi de traitement discriminatoire.
13.  Le 2 septembre 2015, la requérante introduisit devant le Tribunal fédéral une demande en révision de l'arrêt du 29 septembre 2011, se fondant sur une nouvelle jurisprudence de cette même haute juridiction (paragraphe 17 ci-dessous). Cette demande est pendante.
B.  Le droit et la pratique internes pertinents
14.  Les dispositions pertinentes du droit interne sont libellées comme suit :
1.   Loi fédérale sur l'assurance-invalidité (LAI) du 19 juin 1959 :
Article 57 - Attributions des offices de l'assurance-invalidité
1) Les attributions des offices AI sont notamment les suivantes : a. (...) ; b. (...) ; c. examiner si les conditions générales d'assurance sont remplies ; d. (...) ; e. (...) ; f. (...) ; g. rendre les décisions relatives aux prestations de l'AI ; h. (...) ; i. (...).
2) (...).
3) Avant qu'une décision ne soit rendue, les offices AI fixent les mesures d'instruction déterminantes et nécessaires.
Article 59 - Organisation et procédure, services médicaux régionaux
1) Les offices AI s'organisent de manière à garantir que les tâches énumérées à l'art. 57 [LAI] seront exécutées avec compétence et efficacité dans le respect des dispositions légales et des directives de la Confédération.
2) Les offices AI mettent en place des services médicaux régionaux interdisciplinaires (...).
2bis) Les services médicaux régionaux sont à la disposition des offices AI pour évaluer les conditions médicales du droit aux prestations (...) Ils sont indépendants dans l'évaluation médicale des cas d'espèce.
3) Les offices AI peuvent faire appel à des spécialistes de l'aide privée aux invalides, à des experts, aux centres d'observation médicale et professionnelle ainsi qu'aux organes d'autres assurances sociales.
4) (...).
5) (...).
2.   Règlement sur l'assurance-invalidité (RAI) du 17 janvier 1961 :
Article 72bis RAI - Expertises médicales pluridisciplinaires
1) Les expertises comprenant trois ou plus de trois disciplines médicales doivent se dérouler auprès d'un centre d'expertises médicales lié à l'office fédéral [des assurances sociales] par une convention.
2) L'attribution du mandat d'expertise doit se faire de manière aléatoire.
3.  Loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) du 6 octobre 2000 :
Article 7 - Incapacité de gain
1) (...).
2) Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable.
Article 44 - Expertise
Si l'assureur doit recourir aux services d'un expert indépendant pour élucider les faits, il donne connaissance du nom de celui-ci aux parties. Celles-ci peuvent récuser l'expert pour des raisons pertinentes et présenter des contre-propositions.
15.  Un résumé en français de la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant le caractère surmontable des troubles résultant d'un syndrome sans pathogenèse ni étiologie claires et sans constat de déficit organique (syndrome douloureux ; ATF 130 V 352, du 19 mars 2004, et ATF 131 V 49, du 16 décembre 2004), se trouve dans le considérant 4.2 de l'arrêt C-1236/2012, du 2 mai 2013, du Tribunal administratif fédéral :
« Le Tribunal fédéral, par l'arrêt du 12 mars 2004 (ATF 130 V 352) précisé notamment par l'arrêt du 16 décembre 2004 (ATF 131 V 49), a établi que les troubles somatoformes douloureux persistants - ainsi qu'un traumatisme de type « coup de lapin » (ATF 136 V 279) - n'entraînent pas, en règle générale, une limitation de longue durée de la capacité de travail pouvant conduire à une invalidité au sens de la loi. Il existe une présomption que ces troubles ou leurs effets peuvent être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible. Ces arrêts principaux du Tribunal fédéral marquent le passage à un durcissement de la pratique. »
16.  L'ATF 137 V 210, du 28 juin 2011, n'est pas traduit en français ; néanmoins, un résumé se trouve dans la Revue de droit administratif et de droit fiscal (RDAF 2012 I 432) :
« Dans le cadre d'un recours interjeté par un assuré, le Tribunal fédéral a procédé à un examen complet des conditions dans lesquelles une expertise est confiée par les offices AI à des centres d'expertises médicales, particulièrement en rapport avec l'article 6 CEDH. (...) Les offices AI doivent prendre d'office les mesures d'instruction nécessaires [art. 43 LPGA]. Pour ce faire, ils peuvent recourir à des services médicaux régionaux interdisciplinaires qu'ils ont mis en place [art. 59 al. 2 et 2bis LAI], aux rapports des médecins soignants (...) ou encore à d'autres experts [art. 59 al. 3 LAI], parmi lesquels les Centres d'observation médicale de l'assurance invalidité [COMAI ; MEDAS en allemand]. Ces derniers sont au nombre de 18 et revêtent des formes juridiques variées [SA, Sàrl, associations, fondations, organisations de droit public] ; l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) conclut avec eux des conventions [art. 72bis OAI ; ...].
Les offices AI agissent en tant qu'autorités et sont donc tenus à un devoir de neutralité et d'objectivité ; cela vaut non seulement dans les procédures administratives qu'ils dirigent, mais aussi dans celles de recours - et cela même si, ayant qualité pour recourir, ils prennent dans cette phase le rôle formel d'une partie. Les expertises qu'ils ordonnent [et qu'ils produisent] ne sont donc pas assimilables aux allégations d'une partie, même si l'expert est d'une quelconque manière en relation avec l'autorité. Le juge peut se fonder sur de telles expertises - sauf circonstances particulières. Ce régime est compatible avec l'art. 6 CEDH, en particulier avec la garantie d'un procès équitable et le principe de l'égalité des armes.
Les assurés ont des droits de participation [...], en relation avec la garantie d'un procès équitable. Le principe de l'égalité des chances, qui en est un aspect, vise à empêcher que l'assuré ne soit placé dans une position procédurale à partir de laquelle il n'aurait plus aucune chance raisonnable de soumettre sa cause au juge sans être manifestement défavorisé par rapport à l'autre partie. En matière d'assurance-invalidité, il existe une disproportion entre les ressources à disposition de l'autorité et celles des assurés; cela demande l'institution de correctifs structurels. S'agissant d'expertises, et en référence aux articles 29 Cst., 6 CEDH et 36 LPGA, il en résulte notamment une obligation de récusation, mais non pas un droit des assurés à une expertise judiciaire. C'est la procédure dans son ensemble - la procédure administrative et la judiciaire - qui doit fournir les garanties adéquates.
Étant donné le volume considérable des expertises confiées par les offices AI aux COMAI, leur importance économique pour ceux-ci et leur intérêt à obtenir des mandats, il existe un risque de distorsion dans les évaluations auxquelles ils procèdent ; il doit être pris en considération, parce qu'il y a une inégalité entre les moyens à disposition de l'autorité et ceux des assurés ; une telle situation nécessite des correctifs.
Analyse des différents correctifs possibles dans la phase administrative : attribution des mandats selon le principe du hasard [...] ; différenciations minimales des tarifs [dans le système en place au moment de l'arrêt, la rémunération des expertises se faisait selon un régime forfaitaire ; ...] ; amélioration et unification des exigences de qualité et de leur contrôle [...] ; renforcement des droits de participation [...] ; en cas de désaccord, mise en œuvre de l'expertise par une décision incidente, susceptible de recours [changement de jurisprudence; ...] ; droits de participation de l'assuré dans la phase administrative [changement de jurisprudence ; ...].
Analyse des différents correctifs dans la phase de la procédure judiciaire de première instance: mise en œuvre d'une expertise par le juge lui-même [changement de jurisprudence ; ...], les coûts pouvant être mis à la charge de l'AI [...].
Dans la mesure où la mise en place de ces correctifs n'implique aucun changement des normes en vigueur, ils sont applicables à toutes les procédures en cours. Pour les autres correctifs, il incombe aux autorités compétentes d'adopter les modifications requises ; l'arrêt a ici une portée incitative [...]. »
17.  Par un arrêt 9C_492/2014, du 3 juin 2015, le Tribunal fédéral a modifié sa jurisprudence précédente relative au syndrome somatoforme douloureux, dans le sens qu'il a renoncé à la présomption réfutable qui affirmait que de telles douleurs étaient en principe, par un effort de volonté raisonnablement exigible, surmontables. En substance, le Tribunal fédéral a relevé que la question de l'incapacité de travail, lorsqu'un syndrome somatoforme douloureux a été diagnostiqué, ne doit plus être résolue par la réfutation de ladite présomption, mais par la mise en œuvre d'une procédure probatoire structurée devant permettre d'établir quelles sont les conséquences fonctionnelles objectives de l'atteinte à la santé sur la capacité de travail.
GRIEFS
18.  Invoquant l'article 6 § 1 de la Convention, la requérante se plaint de ce que sa cause n'a pas été entendue équitablement. D'un côté, elle prétend que les COMAI (dans son cas, le SMAB) ne sont pas indépendants et impartiaux vis-à-vis de l'assurance-invalidité à cause du fait que celle-ci les rémunère pour leurs expertises ; de l'autre côté, elle prétend que les tribunaux ne sont pas non plus indépendants et impartiaux lorsqu'ils fondent leur jugement, comme dans son cas, sur une expertise des COMAI sans ordonner la mise en œuvre d'une expertise judiciaire.
19.  La requérante allègue également une violation de l'article 14 combiné principalement avec l'article 8, mais aussi avec les articles 2 et 3 de la Convention. En résumé, elle prétend que la jurisprudence du Tribunal fédéral discrimine les personnes avec un syndrome douloureux sans déficit organique vis-à-vis des personnes souffrant de troubles qui ont un substrat organique. Dans ce contexte, elle s'oppose à la présomption réfutable, établie par la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle une personne avec des troubles somatoformes dispose, en principe, de la volonté nécessaire pour surmonter ses douleurs et reprendre une activité professionnelle.
 


Erwägungen

EN DROIT
A.  Sur les violations alléguées de l'article 6 § 1 de la Convention
20.  Se plaignant, d'une part, d'un manque d'impartialité et d'indépendance des COMAI vis-à-vis de l'assurance-invalidité à cause du fait que celle-ci les rémunère pour leurs expertises, et, d'autre part, d'un manque d'impartialité et d'indépendance des tribunaux à cause du fait qu'ils n'ont pas ordonné la mise en œuvre d'une expertise judiciaire, la requérante invoque l'article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...), par un tribunal indépendant et impartial (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) ».
1.  Le grief tiré du manque d'impartialité et d'indépendance des COMAI
21.  La Cour rappelle d'abord que l'article 6 de la Convention est applicable aux procédures visant l'attribution de prestations d'assurance sociale (Schuler-Zgraggen c. Suisse, 24 juin 1993, § 46, série A no 263).
22.  La Cour rappelle également que le seul fait que des experts soient employés par l'autorité administrative appelée à se prononcer sur un dossier, n'autorise pas en soi à les juger incapables d'agir avec l'objectivité requise (T.B. c. Suisse (déc.), no 33957/96, 22 juin 1999, avec autres références).
23.  En l'espèce, il n'est pas contesté que le SMAB a été mandaté et rémunéré par l'assurance-invalidité pour examiner la requérante dans le cadre d'une expertise pluridisciplinaire. Néanmoins, le SMAB n'est pas une unité de l'administration fédérale, comme le sont les services médicaux régionaux au sens de l'article 59 § 2 de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité (paragraphe 14 ci-dessus). En effet, il s'agit d'une société anonyme valablement inscrite au registre du commerce, avec pour but principal l'exécution d'expertises médicales pluridisciplinaires pour tous les mandants qui en feraient la demande, comme par exemple les Offices de l'assurance-invalidité en vertu de l'article 72bis § 1 du règlement sur l'assurance-invalidité (voir ci-dessus). Il s'ensuit que le raisonnement tenu par la Cour dans l'affaire T.B. c. Suisse, concernant des experts qui sont employés par l'autorité administrative, vaut, mutatis mutandis et a fortiori, pour des experts indépendants comme ceux du SMAB, sans qu'il faille entrer dans les détails de l'organisation des rapports entre les COMAI et l'assurance-invalidité.
24.  Par ailleurs, il convient également de constater que la requérante, qui n'a pas récusé les experts du SMAB, n'a invoqué aucun motif, à part les rapports contractuels liant les COMAI à l'assurance-invalidité, susceptible de justifier son grief tiré du prétendu manque d'indépendance et d'impartialité des experts du SMAB dans son cas concret.
25.  Cela étant, il y a lieu encore de relever que, conscient du risque de distorsion dans les évaluations des COMAI inhérent à l'importance économique des mandats que l'assurance-invalidité leur octroie, le Tribunal fédéral a renforcé, dans sa jurisprudence ATF 137 V 210 (paragraphe 16 ci-dessus), en particulier les droits de participation des assurés à la mise en œuvre de l'instruction médicale par l'administration, améliorant ainsi le système dans son ensemble.
26.  Compte tenu des considérations qui précèdent, cette partie du grief est manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 de la Convention, de sorte que la requête doit être, sur ce point, rejetée en application de l'article 35 § 4 de la Convention.
2.  Le grief tiré du caractère non équitable de la procédure devant les tribunaux
27.  Affirmant que les COMAI ne sont pas indépendants, du point de vue économique, de l'assurance-invalidité, la requérante prétend, en général et dans son cas particulier, que les tribunaux, quand ils se fondent sur une expertise du COMAI pour trancher une affaire au lieu d'ordonner une expertise judiciaire, ne font pas preuve d'indépendance et d'impartialité, contrevenant à l'article 6 § 1 de la Convention.
28.  La Cour rappelle que l'un des éléments d'une procédure équitable au sens de l'article 6 § 1 de la Convention est le caractère contradictoire de celle-ci: chaque partie doit en principe avoir la faculté non seulement de faire connaître les éléments qui sont nécessaires au succès de ses prétentions, mais aussi de prendre connaissance et de discuter toute pièce ou observation présentée au juge en vue d'influencer sa décision. À ce titre, elle précise d'emblée que le respect du contradictoire, comme celui des autres garanties de procédure consacrées par l'article 6 § 1, vise l'instance devant un « tribunal ». Il ne peut être déduit de cette disposition un principe général et abstrait selon lequel, lorsqu'un expert a été désigné par un tribunal, les parties doivent avoir dans tous les cas la faculté d'assister aux entretiens conduits par le premier ou de recevoir communication des pièces qu'il a prises en compte ; l'essentiel est que les parties puissent participer de manière adéquate à la procédure devant le « tribunal » (Mantovanelli c. France, no 21497/93, § 33, 18 mars 1997, avec d'autres références).
29.  Par ailleurs, la Convention ne réglemente pas le régime des preuves en tant que tel. Il revient aux juridictions internes d'apprécier les éléments obtenus par elles et la pertinence de ceux dont une partie souhaite la production. La Cour a néanmoins pour tâche de rechercher si la procédure considérée dans son ensemble, y compris la manière dont la preuve a été administrée, a revêtu le caractère équitable voulu par l'article 6 § 1 (Mantovanelli, précité, § 34 ; Larin c. Russie, no 15034/02, § 55, 20 mai 2010 ; et Albert et Le Compte c. Belgique, no 7496/76, § 29, 10 février 1983, avec d'autres références).
30.  En l'espèce, la cause de la requérante a été entendue deux fois par l'assurance-invalidité, par le tribunal cantonal et par le Tribunal fédéral. Lors de la deuxième procédure, pour compléter l'instruction médicale du dossier suite à l'expertise privée de l'UMEG, l'assurance-invalidité a ordonné une expertise auprès du SMAB, dont les médecins n'ont pas été formellement récusés par la requérante. Celle-ci a ensuite eu la possibilité de se prononcer sur le rapport d'expertise, même si elle n'a pas vraiment fait usage de cette possibilité, selon ce qui ressort du dossier.
31.  Devant le tribunal cantonal, il y a eu une audience publique, à laquelle la requérante a participé avec son représentant, et la procédure a été contradictoire. Le fait que le tribunal cantonal n'ait pas donné suite à la demande de la requérante de pouvoir interroger deux médecins en qualité de témoins, de même qu'il se soit refusé à ordonner une expertise judiciaire ou « surexpertise » (« Obergutachten », selon les termes de la requérante), relève de la libre appréciation des preuves, eu égard également au principe de l'économie de la procédure, et il n'apparaît pas que le tribunal cantonal, comme cela a été confirmé par le Tribunal fédéral, ait apprécié de manière arbitraire la documentation médicale, en particulier les expertises de l'UMEG et du SMAB. Ainsi, dans son ensemble, rien n'indique que la procédure ne se soit pas déroulée de manière équitable au sens de l'article 6 § 1 de la Convention.
32.  Partant, cette partie du grief est également manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 de la Convention, de sorte que la requête doit être, par rapport à la prétendue violation de l'article 6, rejetée en application de l'article 35 § 4 de la Convention.
B.  Sur la violation alléguée de l'article 14, combiné avec l'article 8 de la Convention
33.  En tant que personne souffrant d'un syndrome douloureux sans substrat organique, la requérante se plaint d'être victime d'une discrimination par rapport aux personnes souffrant de troubles organiques, et ce eu égard à son droit à une vie privée et familiale au sens de l'article 14 combiné avec l'article 8 de la Convention. Elle affirme que cette discrimination découle de l'application de la présomption réfutable selon laquelle une personne avec des troubles sans substrat organique dispose, en principe, de la volonté nécessaire pour surmonter ses douleurs et reprendre une activité professionnelle.
34.  D'après la jurisprudence constante de la Cour, l'article 14 complète les autres clauses normatives de la Convention et des Protocoles. Il n'a pas d'existence indépendante puisqu'il vaut uniquement pour « la jouissance des droits et libertés » qu'elles garantissent. Certes, il peut entrer en jeu même sans un manquement à leurs exigences et, dans cette mesure, possède une portée autonome, mais il ne saurait trouver à s'appliquer si les faits du litige ne tombent pas sous l'empire de l'une au moins desdites clauses (voir, parmi d'autres, Vallianatos et autres c. Grèce [GC], nos 29381/09 et 32684/09, § 72, CEDH 2013 (extraits) ; Fabris c. France [GC], no 16574/08, § 47, CEDH 2013 (extraits) ; ou Glor c. Suisse, no 13444/04, § 45, 30 avril 2009).
35.  En l'espèce, la question de savoir si le grief de la requérante peut être rattaché à l'article 8 de la Convention, comme elle le prétend, peut rester ouverte, le grief étant en effet irrecevable pour les raisons qui suivent.
36.  Selon la jurisprudence constante de la Cour, pour qu'une question se pose au regard de l'article 14, il doit y avoir une différence dans le traitement de personnes placées dans des situations comparables. Une telle différence est discriminatoire si elle ne repose pas sur une justification objective et raisonnable, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s'il n'y a pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. Les États contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation pour déterminer si et dans quelle mesure des différences entre des situations à d'autres égards analogues justifient des distinctions de traitement (voir, parmi d'autres, Vallianatos et autres, précité, § 76 ; ou Burden c. Royaume-Uni [GC], no 13378/05, § 60, CEDH 2008). La notion de discrimination au sens de l'article 14 englobe également les cas dans lesquels un individu ou un groupe se voit, sans justification adéquate, moins bien traité qu'un autre, même si la Convention ne requiert pas le traitement plus favorable (Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, 28 mai 1985, § 82, série A no 94).
37.  En l'espèce, la Cour constate que la différence entre un syndrome sans substrat organique et un syndrome avec substrat organique relève d'un diagnostic médical, de sorte que l'on ne peut pas prétendre que les personnes qui souffrent d'un syndrome sans substrat organique et celles qui souffrent d'un syndrome avec substrat organique, se trouvent dans une situation analogue ou comparable. En effet, les deux genres de syndromes se distinguent de par la présence ou l'absence d'une composante organique objectivable par les instruments de la médecine. Ainsi, le fait que la requérante, sur la base de ladite distinction, n'ait en définitive pas obtenu de rente d'invalidité, ne la discrimine pas par rapport à quelqu'un qui, atteint d'un syndrome avec substrat organique, aurait obtenu une rente d'invalidité, et ce pour la simple et bonne raison qu'il ne s'agit pas de situations analogues ou comparables.
38.  Par ailleurs, même en admettant le caractère analogue ou comparable des deux cas de figure, leur traitement différent trouverait sa justification objective et raisonnable dans le fait qu'une rente d'invalidité ne peut pas être accordée, notamment pour des raisons d'équité, d'économie et de politique sociale, sur la base d'un diagnostic purement subjectif, c'est-à-dire non objectivable par les instruments de la médecine. Dans ce sens, la critique de la requérante à la présomption jurisprudentielle réfutable selon laquelle une personne atteinte d'un syndrome sans substrat organique est en principe capable, avec un effort de volonté raisonnablement exigible, de surmonter ses douleurs et de travailler, ne s'avère pas convaincante, sans compter que si ladite présomption a été appliquée concrètement dans la première procédure, elle ne l'a pas été dans la deuxième, la capacité de travail de la requérante ayant été déterminée par les médecins experts du SMAB.
39.  En conséquence de ce qui précède, ce grief est manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention, de sorte que la requête doit être, sur ce point, rejetée en application de l'article 35 § 4 de la Convention.
C.  Sur la violation alléguée de l'article 14, combiné avec les articles 2 et 3 de la Convention
40.  La requérante allègue également une violation de l'article 14 combiné avec les articles 2 et 3 de la Convention. Elle ne semble pas avoir suffisamment soulevé ce grief devant le Tribunal fédéral et, de ce fait, épuisé les voies de droit interne. En tout état de cause, elle ne l'a pas étayé devant la Cour. Par ailleurs, il est essentiellement le même que celui examiné sous l'angle de l'article 14 combiné avec l'article 8 de la Convention, de sorte qu'il doit être déclaré irrecevable.
41.  Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l'article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
 


Entscheid

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
 
Fait en français puis communiqué par écrit le 10 décembre 2015.
    Stephen Phillips    Greffier
    Luis López Guerra    Président

Referenzen

Artikel: art. 6 CEDH, Art. 6 par. 1 CEDH, art. 8 CEDH, art. 43 LPGA mehr...