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Urteilskopf

27478/17


H, I et J c. Suisse
DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ no. 27478/17, 19 novembre 2018

Regeste

Diese Zusammenfassung existiert nur auf Französisch.

  DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ de la CourEDH:
   SUISSE: Art. 2 et 3 CEDH. Renvoi de requérants d'asile iraniens convertis au christianisme.

Les circonstances sont similaires à celles à l'origine de l'arrêt A. c. Suisse, dans lequel la Cour a estimé qu'il n'y avait aucune raison de retenir que l'appréciation effectuée par les autorités internes était inadéquate. Les motifs d'asile ont été examinés par deux degrés de juridiction et il n'y a pas d'indication que la procédure ait été viciée. Les requérants n'ont pas fourni de moyens de preuve ou d'arguments susceptibles de remettre en cause les conclusions des autorités internes et il n'y a aucune raison de retenir que l'appréciation de ces autorités était inadéquate ou insuffisamment étayée. La Cour estime qu'il n'existe pas de motifs sérieux et avérés de croire que les requérants seraient exposés à des risques réels de traitements contraires aux articles 2 et 3 CEDH en cas de renvoi en Iran (ch. 21-34).
  Conclusion: requête déclarée irrecevable.





Sachverhalt

 
TROISIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 27478/17
H, I and J
contre la Suisse
 
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant le 19 novembre 2018 en un comité composé de :
Pere Pastor Vilanova, président,
    Helen Keller,
    María Elósegui, juges,
et de Fatoş Aracı, greffière adjointe de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 9 avril 2017,
Vu la mesure provisoire indiquée au gouvernement défendeur en vertu de l'article 39 du règlement de la Cour,
Vu la décision de traiter en priorité la requête en vertu de l'article 41 du règlement de la Cour,
Vu la décision d'accorder l'anonymat aux requérants en vertu de l'article 47 § 4 du règlement de la Cour.
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
 
EN FAIT
1.  Les requérants sont M. H (« le premier requérant »), né en 1979 ; son épouse, Mme I (« la deuxième requérante »), née en 1984 ; et leur fille, J (« la troisième requérante »), née en 2012. Ils sont tous des ressortissants iraniens et ont été représentés devant la Cour par Mme Susanne Sadri et Mme Françoise Lambert, exerçant à Berne.
A.  Les circonstances de l'espèce
2.  Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.
3.  Les requérants entrèrent en Suisse le 21 novembre 2010 et y demandèrent l'asile le jour suivant. L'Office fédéral des migrations (désormais le Secrétariat d'État aux migrations [« SEM »]) auditionna le premier requérant et la deuxième requérante le 30 novembre 2010, sommairement, et les 13 et 14 décembre 2010, sur leurs motifs d'asile. Un interprète était présent lors des auditions et le procès-verbal des auditions a été traduit aux requérants avant qu'ils ne les signent. Un représentant d'une œuvre d'entraide assistait, en qualité d'observateur, aux auditions sur les motifs d'asile respectives des requérants. Ces représentants d'œuvres d'entraide pouvaient demander que soient posées des questions visant à clarifier l'état de fait, suggérer qu'il soit procédé à d'autres éclaircissements et formuler des objections à l'encontre du procès-verbal. En l'espèce, ils ne formulèrent aucune remarque concernant les auditions des requérants.
4.  S'agissant de ses motifs d'asile, le premier requérant affirmait qu'il avait été condamné à 45 coups de fouet, en 1999/2000, suite à une altercation avec un fonctionnaire et qu'il avait été détenu trois à quatre jours et condamné à payer une amende pour avoir participé à une fête mixte en 2008/2009. A l'occasion de l'élection présidentielle du 12 juin 2009, il serait passé devant un bureau de vote avec un ami. Constatant que les élections avaient été faussées, ils auraient commencé à rire et un fonctionnaire originaire du même village, qui connaitrait la famille du premier requérant dont les membres appartiendraient à l'Organisation des moudjahiddines du peuple iranien (« OMPI »), l'aurait volontairement provoqué en l'insultant. Le premier requérant aurait ensuite été arrêté après avoir, avec son ami, donné des coups de pied dans les urnes. Le premier requérant alléguait qu'il avait été torturé, au cours d'une détention d'un mois aux mains des services de renseignement. Il aurait été pendu par les pieds à un ventilateur. On lui aurait également bandé les yeux avec un chiffon imbibé d'essence et inséré une bouteille dans l'anus. Il aurait ensuite été transféré dans une prison et condamné à une année et un jour de privation de liberté et à 85 coups de fouet. Il affirmait qu'après sa libération contre le paiement d'une caution, sous la forme du titre de propriété de la maison de son père, il avait perdu son travail et avait été condamné à cinq ans de bannissement dans une région reculée d'Iran.
5.  La deuxième requérante alléguait, s'agissant de ses propres motifs d'asile, qu'elle avait été détenue trois à quatre jours et condamnée à des coups de fouet en 1998/1999, pour s'être fiancée, et qu'elle avait été insultée et regardée avec antipathie par des voisins pour s'être maquillée et n'avoir pas porté le voile correctement.
6.  Les requérants, à l'appui de leurs motifs d'asile, fournirent les copies de plusieurs documents - jugements et convocation - émanant de tribunaux iraniens.
7.  En 2012, la deuxième requérante donna naissance à la troisième requérante en Suisse.
8.  Le 8 juillet 2014, le SEM demanda à l'ambassade de Suisse à Téhéran (« ambassade ») de fournir des renseignements sur les motifs d'asile allégués par le premier requérant. Dans sa réponse du 21 août 2014, l'ambassade indiquait en substance que plusieurs éléments permettaient de douter de l'authenticité des documents fournis par les requérants.
9.  Le 29 août 2014, le SEM donna la possibilité aux requérants de se prononcer sur la réponse de l'ambassade, dont le contenu essentiel avait été résumé car des intérêts publics importants empêchaient la divulgation du rapport.
10.  Le 9 octobre 2014, les requérants rétorquaient que les documents en question étaient authentiques. Ils faisaient par ailleurs valoir qu'ils s'étaient convertis de l'islam au christianisme, qu'ils étaient actifs politiquement en Suisse et que les parents du premier requérant avaient été avertis, environ une année auparavant, que ce dernier était recherché par les services de renseignement iraniens. A l'appui de leur réponse, les requérants fournirent, pour l'essentiel, l'original d'un jugement de 1999, déjà fourni en copie, concernant l'altercation du premier requérant avec un fonctionnaire, des photos montrant des blessures du premier requérant, des certificats de baptême et des documents concernant des manifestations en Suisse.
11.  Par une décision du 30 octobre 2014, le SEM rejeta la demande d'asile des requérants et ordonna leur renvoi de Suisse. Il considérait en substance que les allégations centrales du premier requérant sur sa détention alléguée d'environ une année ne satisfaisaient pas aux exigences de vraisemblance. Pour ce faire, il s'appuyait notamment sur les conclusions du rapport de l'ambassade. Le SEM estimait en outre que les autres événements antérieurs à la fuite que les requérants avaient fait valoir ne satisfaisaient pas aux conditions pour reconnaître la qualité de réfugié et qu'il n'existait pas de motifs subjectifs postérieurs à la fuite permettant de leur reconnaître la qualité de réfugié. Le SEM estimait en particulier que la conversion des requérants de l'islam au christianisme et leur baptême n'étaient pas pertinents en matière d'asile. Une conversion au christianisme ne provoquait pas, en elle-même, des mesures de la part des autorités iraniennes susceptibles de relever du droit d'asile. A connaissance du SEM, les conversions étaient souvent orchestrées à l'étranger afin d'obtenir un titre de séjour, ce qui devait également être connu des autorités iraniennes. Une telle conversion n'était cependant pas sérieuse et durable, raison pour laquelle un retour en Iran ne causerait pas d'inconvénients relevant du droit d'asile. Le SEM estimait enfin que rien ne permettait de retenir que le baptême allégué des requérants était connu des autorités iraniennes ou qu'elles s'y étaient intéressées. S'agissant enfin des activités politiques des requérants en Suisse, le SEM précisait qu'aucun élément ne permettait de retenir qu'ils étaient perçus comme une menace concrète par les autorités iraniennes.
12.  Le 3 décembre 2014, les requérants, interjetèrent recours contre la décision du SEM auprès du Tribunal administratif fédéral. Les requérants faisaient valoir une violation de leur droit d'être entendu, remettant en cause le contenu du rapport de l'ambassade et soutenant que certains moyens de preuve n'avaient pas été pris en compte par le SEM. Ils affirmaient que leurs propos satisfaisaient aux exigences de vraisemblance et que, en cas de retour en Iran, il existait un risque de persécutions liées à leur conversion au christianisme et à leurs activités politiques en Suisse. Ils faisaient en particulier valoir qu'ils vivaient leur foi de manière active, que les autorités iraniennes s'intéressaient au premier requérant du fait que plusieurs membres de sa famille faisaient partie de l'OMPI et que le premier requérant s'était fait tatouer un symbole du régime du chah d'Iran. Au cours de la procédure de recours, les requérants soumirent des documents médicaux, une convocation au tribunal concernant le père du premier requérant à propos d'une caution immobilière et la traduction en allemand de ce document, des copies de certificats attestant de leur baptême en 2012 ainsi que divers autres documents, dont du matériel attestant de leurs activités politiques en Suisse.
13.  Par une décision incidente du 12 décembre 2014, le Tribunal administratif fédéral accorda l'assistance judiciaire gratuite aux requérants.
14.  Par un arrêt du 7 mars 2017, le Tribunal administratif fédéral rejeta le recours des requérants. Il refusait de leur reconnaître la qualité de réfugié et considérait qu'aucun élément ne s'opposait à leur renvoi en Iran. Il estimait que, en l'absence d'une violation du droit d'être entendu des requérants, il ne se justifiait pas de renvoyer l'affaire à l'autorité précédente. Il considérait que les allégations du premier requérant concernant sa détention d'environ une année ne satisfaisaient pas aux exigences de vraisemblance, précisant toutefois que certaines de ses déclarations, qui avaient été considérées comme contradictoires par le SEM, ne pouvaient pas être qualifiées de la sorte. Le Tribunal administratif fédéral accordait un poids important aux conclusions du rapport de l'ambassade et en concluait que la convocation fournie par les requérants n'était pas authentique, précisant par ailleurs qu'ils n'avaient pas apportés d'arguments de nature à remettre en cause ce constat. Le Tribunal administratif fédéral considérait également que les allégations des requérants à propos de l'intérêt que les services de renseignement iraniens porteraient au premier requérant, qu'aucun document ne venait étayer, n'étaient pas crédibles. Il estimait en outre que rien ne permettait de retenir que les requérants avaient été exposés à des persécutions étatiques lors de leur départ d'Iran - intervenu en 2010 - en lien avec la condamnation du premier requérant à 45 coups de fouet, en 1999/2000, suite à une altercation avec un fonctionnaire, et avec la détention de trois à quatre jours et la condamnation de la deuxième requérante à des coups de fouet, en 1998/1999, pour s'être fiancée. Le Tribunal administratif fédéral indiquait que la détention du premier requérant de trois à quatre jours pour avoir participé à une fête mixte en 2008/2009, de par sa nature et son intensité, ne constituait pas un motif de fuite déterminant en matière de droit d'asile. Il en allait de même des insultes et regards malveillants que la deuxième requérante avait dû subir de la part de voisins pour s'être maquillée et n'avoir pas porté le voile correctement. Le Tribunal administratif fédéral constatait en outre que les requérants, de par leurs activités politiques, n'atteignaient pas un degré d'exposition suffisant. Si le premier requérant avait fait valoir une altercation avec un fonctionnaire en 2009 en lien avec le fait que sa famille eût été connue pour sa sympathie, voire même son appartenance à l'OMPI, un engagement personnel du premier requérant n'était pas établi. Le comportement politique des requérants devait être qualifié, dans l'ensemble, de modéré et n'était pas à même de provoquer une réaction de la part des autorités iraniennes. Le Tribunal administratif fédéral soulignait par ailleurs que les personnes ayant quitté l'Iran illégalement ou pour déposer une demande d'asile en Suisse ne risquaient pas d'être victimes de persécutions pour ce motif. À propos du tatouage du premier requérant, le Tribunal administratif fédéral indiquait qu'il n'était pas spécifiquement lié au régime du chah et que la question de sa pertinence en matière de droit d'asile pouvait rester ouverte, le premier requérant pouvant dissimuler ce tatouage ou le faire enlever.
15.  S'agissant de la conversion des requérants, le Tribunal administratif fédéral précisait que les convertis au christianisme étaient exposés à un risque réel de mauvais traitements en cas de retour en Iran s'ils manifestaient leur foi de façon active et visible. En l'espèce, il considérait que les allégations des requérants n'étaient pas de nature à justifier leur crainte d'une future persécution étatique, la conversion à la foi chrétienne ne conduisant pas à elle seule à la reconnaissance d'une persécution. Il relevait, comme le SEM, que rien ne permettait de retenir que les autorités iraniennes avaient eu connaissance du baptême des requérants. A la lumière du dossier, il ne pouvait être retenu que les requérants avaient eu un comportement ostensible en lien avec cet événement. Le Tribunal administratif fédéral estimait en conséquence qu'il ne pouvait être question en l'espèce d'un exercice actif de la foi ou d'une pratique visible de l'extérieur ou même comportant des aspects missionnaires, et qu'une crainte justifiée d'une répression étatique en cas de retour en Iran ne pouvait pas être retenue.
16.  Les requérants transmirent divers documents à la Cour, notamment plusieurs articles de presse concernant le traitement des chrétiens en Iran ainsi que deux courriers étayant leurs griefs, rédigés respectivement par les pasteurs K et L en mars et mai 2017, soit après l'arrêt du Tribunal administratif fédéral rejetant le recours des requérants. Dans son attestation, K affirme connaître le premier requérant et la deuxième requérante depuis leur arrivée en Suisse et les rencontrer régulièrement dans le cadre d'un groupe de prière. Il atteste de la sincérité de leur conversion et de leur participation à diverses activités religieuses et se dit en particulier impressionné par les connaissances bibliques de la deuxième requérante, laquelle jouerait un rôle actif dans le cadre des rencontres hebdomadaires du groupe de prière. Il ajoute que, partout où elle le peut, elle cherche à convertir parmi les persanophones. Dans sa lettre de référence, L indique qu'il connaît les requérants depuis sept mois et qu'ils participent à un groupe de prière composé de ressortissants afghans et iraniens auquel il participe lui-même. Il expose que la deuxième requérante fait partie des membres les plus actifs de ce groupe et qu'elle participe aux activités religieuses du groupe, notamment à des activités évangélisatrices. Il affirme encore que le premier requérant et la deuxième requérante avaient, en août 2015, signé un courrier de protestation adressé à l'ambassadeur iranien en soutien à des chrétiens persécutés en Iran et que les autorités iraniennes avaient dès lors connaissance de leurs noms.
B.  Le droit interne, le droit de l'Union européenne et les documents internationaux pertinents
17.  Les dispositions de droit interne pertinentes ont été exposées dans l'arrêt M.O. c. Suisse (no 41282/16, §§ 34-35, 20 juin 2017).
18.  Le droit pertinent de l'Union européenne, la pratique pertinente de la Cour de justice de l'Union européenne et les principes directeurs et autres documents pertinents du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (« UNHCR ») ont été résumés dans l'arrêt de Grande Chambre F.G. c. Suède [GC], no 43611/11, §§ 48-53, 23 mars 2016).
19.  Les informations pertinentes sur la situation générale en matière des droits de l'homme en Iran et la situation particulière concernant les convertis au christianisme dans ce pays ont été exposées dans les récents arrêts F.G. c. Suède (précité, §§ 55-58) et A. c. Suisse (no 60342/16, §§ 26-31, 19 décembre 2017). Il ne ressort pas des documents internationaux publiés depuis lors qu'un changement significatif de la situation en Iran soit intervenu entretemps.
GRIEFS
20.  Les requérants allèguent que, en cas de retour en Iran, ils risquent d'être soumis à des mauvais traitements et à la torture, en violation de l'article 3 de la Convention, voire même d'être exécutés, en violation de l'article 2 de la Convention, en raison de leur conversion de l'islam au christianisme. Ils font valoir que les chrétiens convertis courent plus de risques que les chrétiens appartenant aux communautés reconnues par l'État iranien, qu'ils sont victimes de persécutions, qu'ils subissent des arrestations arbitraires et des condamnations sans procès et que, en prison, ils sont victimes de mauvais traitements et n'ont pas accès aux soins médicaux. Les requérants affirment que les libertés d'expression, d'association et de réunion sont bafouées en Iran et que les minorités religieuses subissent des discriminations sur le plan juridique et social. Les requérants font également valoir des violations de l'article 9 de la Convention et de l'article 14 combiné avec l'article 9 de la Convention. Ils allèguent que la liberté de pensée n'est pas respectée en Iran, que le code pénal iranien prévoit la peine de mort pour les apostats et que, en cas de retour en Iran, ils ne pourraient plus manifester leur foi chrétienne.
 


Erwägungen

EN DROIT
21.  Les requérants allèguent qu'un renvoi en Iran emporterait violation des articles 2 et 3 de la Convention, qui se lisent comme suit en leurs passages pertinents en l'espèce :
Article 2
« 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.
(...) »
Article 3
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
22.  La Cour se réfère aux principes applicables en matière d'expulsion (J.K. et autres c. Suède [GC], no 59166/12, §§ 77-105, 23 août 2016).
23.  Selon la jurisprudence clairement établie de la Cour, l'existence d'un risque de subir des mauvais traitements doit s'apprécier principalement par référence aux circonstances dont l'État en cause avait ou devait avoir connaissance au moment de l'expulsion. Toutefois, si les requérants n'ont pas encore été expulsés, comme c'est le cas en l'espèce, la date à retenir pour l'appréciation doit être celle de l'examen de l'affaire par la Cour (J.K. et autres c. Suède, précité, § 83, et A. c. Suisse, no 60342/16, § 39, 19 décembre 2017).
24.  La Cour est d'avis que la situation générale de violence en Iran n'est pas à elle seule de nature à empêcher tout renvoi vers ce pays. Elle s'attachera donc à vérifier si la situation personnelle des requérants, notamment en lien avec leur conversion de l'islam au christianisme en Suisse, est telle que leur renvoi en Iran serait contraire aux articles 2 et 3 de la Convention (A. c. Suisse, précité, § 40).
25.  La Cour relève que le cas d'espèce diffère de l'arrêt de Grande Chambre F.G. c. Suède (no 43611/11, 23 mars 2016), dans lequel elle a considéré qu'il y aurait violation des articles 2 et 3 de la Convention si le requérant était renvoyé en Iran en l'absence d'une appréciation ex nunc par les autorités suédoises des conséquences de sa conversion (A. c. Suisse, précité, § 41). En l'espèce, les conséquences de la conversion sur place des requérants ont été examinées à la fois par le SEM et par le Tribunal administratif fédéral (paragraphes 11 et 14 ci-dessus).
26.  La Cour note que, contrairement au SEM, le Tribunal administratif fédéral, qui statuait en dernière instance, n'a pas remis en cause la sincérité de la conversion des requérants. Les autorités suisses ont indiqué que la conversion à la foi chrétienne ne fondait pas à elle seule un risque de persécutions de la part des autorités iraniennes. Elles ont en revanche estimé que les convertis au christianisme étaient exposés à un risque réel de mauvais traitements en cas de retour en Iran s'ils manifestaient leur foi de façon active et visible. Elles n'ont toutefois pas considéré que c'était le cas en l'espèce, rien ne permettant de retenir que les autorités iraniennes avaient eu connaissance du baptême des requérants en Suisse ni que ceux-ci aient eu un comportement ostensible en lien avec cet événement.
27.  La Cour note également que les autorités internes ne sont pas arrivées à la conclusion que les requérants étaient très fortement attachés à leur foi ni qu'ils considéraient que la pratique de leur religion en public était nécessaire à la préservation de leur identité religieuse. Les requérants n'ont par ailleurs pas fourni à la Cour des moyens de preuve ou des arguments de nature à remettre en cause l'appréciation de leur foi, notamment s'agissant de leur pratique publique de celle-ci (A. c. Suisse, précité, § 44). En effet, s'agissant en particulier des courriers rédigés par les pasteurs K et L, après que le Tribunal administratif fédéral eut rejeté le recours des requérants, ces derniers ne prétendent pas qu'ils n'avaient pas été en mesure de faire valoir ces éléments avant que le Tribunal administratif fédéral ne rende son arrêt. Ils n'expliquent pas non plus pour quels motifs ils n'avaient pas fait valoir ces éléments auparavant. Il convient notamment de relever, à cet égard, que les requérants ont été baptisés en 2012 déjà et que les activités décrites dans les courriers des pasteurs K et L se seraient déroulées sur une période de plusieurs années. S'agissant des activités missionnaires attribuées à la deuxième requérante, il doit être relevé qu'elles ne sont quasiment pas détaillées et qu'elles ne sont étayées par aucun autre moyen de preuve. Par ailleurs, la lettre de protestation adressée à l'ambassadeur iranien mentionnée par L n'a pas été fournie par les requérants et il s'agit d'un événement remontant à 2015, lorsque L ne connaissait pas encore les requérants. Enfin, il n'est pas inutile de souligner que les requérants n'ont formulé aucun argument spécifique en lien avec le contenu des courriers des pasteurs K et L.
28.  La Cour n'identifie en outre aucun élément justifiant de remettre en cause l'appréciation étayée des autorités suisses s'agissant des autres motifs d'asile allégués par les requérants en lien avec leur fuite d'Iran et leurs activités politiques en Suisse. Les requérants n'ont d'ailleurs soulevé aucun grief à ce sujet dans le cadre de leur requête devant la Cour.
29.  Partant, la Cour est d'avis que les circonstances à l'origine de la présente affaire sont similaires à celles à l'origine de l'arrêt A. c. Suisse (précité), dans lequel elle a estimé qu'il n'y avait aucune raison de retenir que l'appréciation effectuée par les autorités internes était inadéquate (Ibidem, § 45).
30.  En l'espèce, la Cour tient compte du fait que les motifs d'asile des requérants liés à leur conversion de l'islam au christianisme ont été examinés par deux degrés de juridiction et qu'il n'y a pas d'indication que la procédure ait été viciée. Elle tient également compte du raisonnement des autorités internes venant étayer leurs conclusions et des rapports sur la situation des personnes converties au christianisme en Iran (paragraphe 19 ci-dessus). Sur la base de ces éléments et du fait que les requérants n'ont pas fourni devant la Cour des moyens de preuve ou des arguments de nature à remettre en cause les conclusions des autorités internes, il n'y a aucune raison de retenir que l'appréciation de ces autorités était inadéquate ou insuffisamment étayée (F.G. c. Suède, précité, § 117, et A. c. Suisse, précité, § 45).
31.  Eu égard à ce qui précède, la Cour estime qu'il n'existe pas de motifs sérieux et avérés de croire que les requérants seraient exposés à des risques réels de traitements contraires aux articles 2 et 3 en cas de renvoi en Iran.
32.  Ces griefs, manifestement mal fondés au sens de l'article 35 § 3 a) de la Convention, doivent dès lors être rejetés en application de l'article 35 § 4 de la Convention.
33.  En outre, la Cour n'estime pas nécessaire de traiter séparément les griefs formulés sous l'angle de l'article 9 de la Convention et sous l'angle de l'article 14 combiné avec l'article 9 de la Convention, ceux-ci ayant déjà été traité en substance sous l'angle des articles 2 et 3 de la Convention.
34.  Vu ce qui précède, il convient de mettre fin à l'application de l'article 39 du règlement.
 


Entscheid

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Fait en français puis communiqué par écrit le 13 décembre 2018.
    Fatoş Aracı    Pere Pastor Vilanova
    Greffière adjointe    Président

Referenzen

Artikel: Art. 2 et 3 CEDH