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Chapeau

5493/16


Soukup c. Suisse
Décision no. 5493/16, 11 mai 2021
Synthèse de l'OFJ
(2ème rapport trimestriel 2021) Droit à un procès équitable (art. 6 § 1 CEDH), radiation du rôle (art. 37 § 1 let. c CEDH); rejet d'une demande d'interroger la partie adverse, radiation du rôle suite à une déclaration unilatérale du Gouvernement. La requérante alléguait, entre autres, que le rejet sans motivation suffisante de sa demande d'interroger la partie adverse pour élucider la question de savoir s'il existait un accord oral entre les parties à une procédure civile quant à l'utilisation d'un local de chauffage aurait porté atteinte à son droit à un procès équitable. Après l'échec des tentatives de règlement amiable, le Gouvernement a informé la Cour qu'il envisageait de formuler une déclaration unilatérale afin de résoudre la question soulevée par la requête. Dans sa déclaration, il a reconnu que les faits à l'origine de la requête étaient constitutifs d'une violation de l'article 6 § 1 EDH et s'est déclaré disposé à verser à la requérante un montant de 10'000 CHF, valant règlement définitif de l'affaire. Eu égard en particulier à la nature des concessions que refermait la déclaration et au montant de l'indemnisation proposée, la Cour a estimé qu'il ne se justifiait plus de poursuivre l'examen de la requête et a rayé l'affaire du rôle (art. 37 § 1 let. c CEDH). II. Arrêts et décisions contre d'autres États


Faits

TROISIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 5493/16
Lenka SOUKUP
contre la Suisse
La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant le 11 mai 2021 en un comité composé de :
Georgios A. Serghides, président,
María Elósegui,
Andreas Zünd, juges,
et de Olga Chernishova, greffière adjointe de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 15 janvier 2016,
Vu la déclaration déposée par le gouvernement défendeur le 2 septembre 2020 et invitant la Cour à rayer la requête du rôle, ainsi que la réponse de la partie requérante à cette déclaration,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
FAITS ET PROCÉDURE
1. La requérante, Mme Lenka Soukup, est une ressortissante tchèque née en 1973 et résidant à Lagoa (Portugal).
2. Le gouvernement suisse (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, A. Chablais, de l'Office fédéral de la justice.
3. La requérante prétend qu'elle n'a pas eu droit à un procès équitable au sens de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme (« la Convention ») dans un litige de voisinage.
4. Par arrêt du 15 mai 2014, le tribunal de district de Bottmingen obligea la requérante à enlever une installation de chauffage et rejeta sa demande reconventionnelle.
5. Le 16 décembre 2014, le Tribunal cantonal du canton de Bâle-Campagne rejeta un recours de la requérante, sans avoir administré des preuves supplémentaires.
6. Le Tribunal fédéral rejeta un recours de la requérante par arrêt du 15 juillet 2015, estimant qu'elle n'avait pas invoqué l'établissement arbitraire des faits par l'instance inférieure.
7. Une partie de la requête a été communiquée au Gouvernement.


Considérants

EN DROIT
8. La partie requérante alléguait, entre autres, que le rejet de la demande d'interroger la partie adverse pour élucider la question de savoir s'il existait un accord oral entre les parties quant à l'utilisation du local de chauffage aurait porté atteinte à son droit à un procès équitable. Elle estimait également que les tribunaux internes, notamment le Tribunal fédéral, n'avaient pas suffisamment motivé ce rejet. Elle invoquait l'article 6 § 1 de la Convention.
9. Après l'échec des tentatives de règlement amiable, par une lettre du 2 septembre 2020, le Gouvernement a informé la Cour qu'il envisageait de formuler une déclaration unilatérale afin de résoudre la question soulevée par la requête. Il a en outre invité la Cour à rayer celle-ci du rôle en application de l'article 37 de la Convention.
10. La déclaration était ainsi libellée dans sa partie pertinente :
« En l'espèce, il ressort des arrêts des tribunaux internes que la demande d'interroger la partie adverse au sujet de l'existence d'un éventuel accord oral a été rejetée sans motivation suffisante. Au vu de la jurisprudence susmentionnée, cette manière de procéder n'est pas compatible avec les exigences découlant de l'article 6 § 1 de la Convention.
Par conséquent, le Gouvernement suisse reconnaît que les faits qui ont donné lieu à l'introduction de la requête no 5493/16 devant la Cour sont constitutifs d'une violation de l'article 6 § 1 de la Convention et se déclare disposé à verser à la requérante la somme totale de 10 000 (dix mille) francs suisses [soit environ 9 236 euros (EUR)] [1] , valant règlement définitif de l'affaire. (...) »
11. Par une lettre du 28 septembre 2020, la partie requérante a indiqué qu'elle n'était pas satisfaite des termes de la déclaration unilatérale, soutenant que le témoignage de la partie adverse aurait été décisif pour l'issue du litige et aurait eu pour conséquence l'octroi en entier des frais judiciaire.
12. La Cour rappelle qu'en vertu de l'article 37 de la Convention, à tout moment de la procédure, elle peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances l'amènent à l'une des conclusions énoncées aux alinéas a), b) ou c) du paragraphe 1 de cet article. L'article 37 § 1 c) lui permet en particulier de rayer une affaire du rôle si :
« pour tout autre motif dont la Cour constate l'existence, il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de la requête. »
13. La Cour rappelle aussi que, dans certaines circonstances, il peut être indiqué de rayer une requête du rôle en vertu de l'article 37 § 1 c) sur la base d'une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur même si le requérant souhaite que l'examen de l'affaire se poursuive.
14. À cette fin, la Cour a examiné la déclaration à la lumière des principes que consacre sa jurisprudence, en particulier l'arrêt Tahsin Acar ( Tahsin Acar c. Turquie (question préliminaire) [GC], n o 26307/95 , §§ 75-77, CEDH 2003-VI, WAZA Sp. z o.o. c. Pologne (déc.), no 11602/02, 26 juin 2007, et Sulwińska c. Pologne (déc.), no 28953/03 , 18 septembre 2007).
15. La Cour a établi dans un certain nombre d'affaires, dont celles dirigées contre la Suisse, sa pratique en ce qui concerne les griefs tirés de la violation du droit à un procès équitable au motif d'un rejet insuffisamment motivé d'éléments de preuves (voir, entre autres, De Haes et Gijsels c. Belgique , 24 février 1997, §§ 57 et suiv., Recueil des arrêts et décisions 1997-I, Suominen c. Finlande , no 37801/97 , § 35, 1er juillet 2003, Jaćimović c. Croatie , no 22688/09 , §§ 50 et sui., 31 octobre 2013, Steiner et Steiner-Fässler c. Suisse (déc.) no 18600/13 , §§ 30-33, 7 octobre 2014, et Răchită c. Roumanie , no 15987/09 , §§ 56 et suiv., 17 mai 2016).
16. Eu égard à la nature des concessions que renferme la déclaration du Gouvernement, ainsi qu'aux arguments peu convaincants contenus dans la réponse de la requérante (paragraphe 11 ci-dessus) et au montant de l'indemnisation proposée - qui est conforme aux montants alloués dans des affaires similaires -, la Cour estime qu'il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de la requête (article 37 § 1 c)).
17. En outre, à la lumière des considérations qui précèdent, et eu égard en particulier à sa jurisprudence claire et abondante à ce sujet, la Cour estime que le respect des droits de l'homme garantis par la Convention et ses Protocoles n'exige pas qu'elle poursuive l'examen de la requête (article 37 § 1 in fine ).
18. La Cour interprète la déclaration ci-dessus (paragraphe 10) dans le sens que la somme de 9 236 EUR, convertie en francs suisses (CHF) au taux applicable à la date du paiement, devra être versée dans les trois mois suivant la date de la notification de la décision de la Cour rendue conformément à l'article 37 § 1 de la Convention. À défaut de règlement dans ledit délai, le Gouvernement devra verser, à compter de l'expiration de celui-ci et jusqu'au règlement effectif de la somme en question, un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne, augmenté de trois points de pourcentage.
19. Enfin, la Cour souligne que, dans le cas où le Gouvernement ne respecterait pas les termes de sa déclaration unilatérale, la requête pourrait être réinscrite au rôle en vertu de l'article 37 § 2 de la Convention ( Josipović c. Serbie (déc.), nº 18369/07 , 4 mars 2008).
20. En conséquence, il convient de rayer l'affaire du rôle.


Disposition

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
1. Prend acte des termes de la déclaration du gouvernement défendeur concernant l'article 6 § 1 de la Convention et des modalités prévues pour assurer le respect des engagements ainsi pris ;
2. Décide de rayer la requête du rôle en application de l'article 37 § 1 c) de la Convention.
Fait en français puis communiqué par écrit le 10 juin 2021.
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Olga Chernishova Georgios A. Serghides
Greffière adjointe Président
1.
Taux d'échange applicable à la date de la déclaration unilatérale du Gouvernement (2 septembre 2020).