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Chapeau

123 V 269


48. Arrêt du 29 décembre 1997 dans la cause Fondation institution supplétive LPP contre A. et Tribunal cantonal des assurances, Sion

Regeste

Art. 23, art. 24 al. 1 et art. 26 al. 1 LPP: Naissance du droit à une rente d'invalidité.
Le droit à une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle ne prend pas naissance tant que des mesures de réadaptation ne sont pas terminées et que l'assuré est de ce fait au bénéfice d'indemnités journalières de l'assurance-invalidité.

Faits à partir de page 269

BGE 123 V 269 S. 269

A.- A., né en 1965, a été victime d'un accident le 16 juillet 1992. Il travaillait alors au service de M., exploitant d'une entreprise de constructions métalliques. Le cas a été pris en charge par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). Par la suite,
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l'assurance-invalidité a accordé au prénommé des mesures d'ordre professionnel sous la forme de deux stages successifs dans un centre ORIPH, pour les périodes du 1er juin au 30 novembre 1993 et du 14 février au 13 août 1994. Au terme de ces stages, elle lui a alloué des mesures de reclassement consistant en un apprentissage d'employé de bureau, au centre ORIPH de Pomy, à Yverdon, d'une durée de deux ans à partir du 14 août 1994. La CNA a versé à son assuré des indemnités journalières, qui ont été remplacées par des indemnités journalières de l'assurance-invalidité à partir du 1er juin 1993.

B.- Le 19 janvier 1993, M. a été affilié d'office à la Fondation institution supplétive LPP avec effet rétroactif au 1er janvier 1992.
Le 22 décembre 1995, A. a assigné cette institution en paiement d'une rente mensuelle d'invalidité de 716 fr. 75 dès le 1er juin 1993, avec intérêts à 5 pour cent l'an.
La défenderesse a conclu au rejet de la demande.
Par jugement du 4 novembre 1996, le tribunal des assurances a fait droit, pour l'essentiel, aux conclusions du demandeur. Il a condamné la défenderesse à verser à celui-ci une rente d'invalidité calculée sur la base d'un revenu de 47'164 fr. 50 dès le 1er juillet 1993 et de 48'975 fr. 30 dès le 2 juin 1995, cela dans les limites d'une éventuelle surindemnisation.

C.- La Fondation institution supplétive LPP interjette un recours de droit administratif dans lequel elle conclut à l'annulation de ce jugement et au rejet de la demande.
A. conclut au rejet du recours. De son côté, l'Office fédéral des assurances sociales propose de l'admettre.

Considérants

Considérant en droit:

1. En vertu de l'art. 23 LPP, ont droit aux prestations d'invalidité les personnes qui sont invalides à raison de 50 pour cent au moins au sens de l'assurance-invalidité, et qui étaient assurées lorsqu'est survenue l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de l'invalidité. Selon l'art. 24 al. 1 LPP, l'assuré a droit à une rente entière d'invalidité s'il est invalide à raison des deux tiers au moins, au sens de l'assurance-invalidité, et à une demi-rente s'il est invalide à raison de 50 pour cent au moins.

2. La recourante ne conteste pas que l'intimé puisse en principe prétendre de sa part le versement d'une rente d'invalidité en raison de l'incapacité de gain qui résulterait de l'accident du 16 juillet 1992. Mais elle fait valoir qu'un droit éventuel de l'intimé à une telle rente ne saurait
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prendre naissance aussi longtemps que ce dernier a droit à des indemnités journalières de l'assurance-invalidité.
a) Comme cela ressort des dispositions précitées, la LPP ne définit pas la notion d'invalidité, mais elle se borne à renvoyer, sur ce point, aux dispositions de la LAI (voir aussi l'art. 1er al. 1 let. d et l'art. 4 OPP 2). De même, elle ne contient aucune disposition à propos de la naissance du droit à la rente. En effet, l'art. 26 al. 1 LPP déclare à ce sujet applicable, par analogie, l'art. 29 LAI.
En matière de prévoyance professionnelle obligatoire, il existe donc une relation étroite, voulue par le législateur, entre le droit à une rente d'invalidité en vertu du premier pilier et celui à une rente du même genre du deuxième pilier (Message du Conseil fédéral à l'appui d'un projet de loi sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 19 décembre 1975, FF 1976 I 142 et 200; Viret, L'invalidité dans la prévoyance professionnelle selon la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances, RSA 1997 p. 103; Greber, Les prestations relatives à l'invalidité servies par d'autres régimes que l'AI, in: Cahiers genevois de sécurité sociale 1988, no 3/4, p. 74; Moser, Die Zweite Säule und ihre Tragfähigkeit, thèse Bâle 1992, p. 189). La notion d'invalidité est la même dans les deux cas: elle représente la diminution permanente ou de longue durée, résultant d'une atteinte à la santé assurée, des possibilités de gain sur le marché du travail équilibré qui entre en ligne de compte pour l'intéressé. C'est pourquoi l'institution de prévoyance est en principe liée, lors de la survenance du fait assuré, par l'estimation de l'invalidité par les organes de l'assurance-invalidité (ATF 120 V 108 sv. consid. 3c, ATF 118 V 40 consid. 2b/aa, ATF 115 V 210 consid. 2b et 212 consid. 2c, 218 consid. 4b et 220 sv. consid. 4c). Cette force contraignante vaut aussi quand il s'agit de déterminer le moment de la naissance du droit à la rente (ATF 118 V 39 sv. consid. 2b/aa, ATF 115 V 214; Viret, loc. cit., p. 105 sv. ad ch. 8); autrement dit, la personne à laquelle l'assurance-invalidité a accordé une rente a également droit à une rente de l'institution de prévoyance, avec effet à la même date (RSAS 1997 p. 552 consid. 1).
b) Selon l'art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente au sens de l'art. 28 LAI prend naissance au plus tôt à la date à partir de laquelle l'assuré présente une incapacité de gain durable de 40 pour cent au moins (let. a) ou à partir de laquelle il a présenté, en moyenne, une incapacité de travail de 40 pour cent au moins pendant une année sans interruption notable (let. b). La réadaptation est toutefois le but premier de l'assurance-invalidité. Ce n'est que lorsque ce but ne peut pas être
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atteint que l'assuré peut prétendre une rente. C'est le principe dit de la priorité de la réadaptation sur la rente (ATF 121 V 191 consid. 4a).
Lorsque, conformément à ce principe, l'assurance-invalidité met en oeuvre des mesures de réadaptation, l'assuré a droit à des indemnités journalières, aux conditions fixées par l'art. 22 LAI. S'il est apte à être réadapté, mais que les mesures de réadaptation ne sont pas ordonnées immédiatement, il a droit à des indemnités journalières dites d'attente, conformément à l'art. 18 RAI (ATF 121 V 192 sv. consid. 4c, 116 V 86). Les dispositions de la LAPG qui régissent le montant, le mode, le calcul et les taux maximums des allocations s'appliquent aux indemnités journalières (art. 24 al. 1 LAI). L'art. 24 al. 2 LAI précise que pour le calcul de l'indemnité journalière revenant à un assuré ayant exercé une activité lucrative, le revenu du travail acquis dans sa dernière activité exercée en plein sera déterminant. Si l'incapacité de travail découle d'un accident et que l'assuré est soumis à la LAA, l'indemnité journalière de l'assurance-accidents n'est pas allouée lorsque l'assuré a droit à une indemnité journalière de l'assurance-invalidité (art. 16 al. 3 LAA). Mais le montant total de la seconde correspond au moins à celui de la première (art. 25bis LAI).
c) Compte tenu de l'interdépendance - exprimée notamment par l'art. 26 al. 1 LPP - qui relie les prestations d'invalidité du deuxième pilier à celles du premier pilier, l'assuré qui n'a pas droit à une rente de l'assurance-invalidité au terme de la période de carence d'une année selon l'art. 29 al. 1 let. b LAI, en raison de l'exécution de mesures de réadaptation, ne peut pas non plus prétendre une rente de la prévoyance professionnelle obligatoire. Les termes "par analogie", dont use l'art. 26 al. 1 LPP, pourraient certes donner à penser, de prime abord, que l'institution de prévoyance dispose à ce sujet d'un certain pouvoir d'appréciation. Ces termes ne figuraient toutefois pas dans la version initiale de l'art. 26 al. 1 LPP (RO 1983 797). Ils y ont été insérés par une modification rédactionnelle apportée dans le cadre de la deuxième révision de la LAI pour des motifs tout à fait étrangers au problème ici en discussion. Il s'est agi, en effet, de tenir compte de l'introduction, dans la LAI, d'un système plus affiné d'échelonnement des rentes (introduction du quart de rente), alors que la LPP connaît un système de rentes à deux échelons seulement (Message concernant la deuxième révision de l'assurance-invalidité du 21 novembre 1984, FF 1985 I 82).
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Aussi bien doit-on admettre que le droit à une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle ne prend pas naissance tant que des mesures de réadaptation ne sont pas terminées et que l'assuré est de ce fait au bénéfice d'indemnités journalières de l'assurance-invalidité. Cette solution respecte la volonté de coordination du législateur entre le premier et le deuxième pilier et elle est, au demeurant, en accord avec la doctrine qui s'est exprimée sur le sujet (Moser, op.cit., p. 203 sv.; du même auteur, Eine Gesetzesnorm sorgt für Verunsicherung: Weitere Fragen zu Art. 23 BVG, RSAS 1997, p. 123, note 9; Brühwiler, Die betriebliche Personalvorsorge in der Schweiz, § 22, notes 37 et 40; Peter, Die Koordination von Invalidenrenten, thèse Fribourg 1997, p. 146 ad ch. III). Elle tient compte, en outre, des buts différents qui sont assignés aux indemnités journalières et aux rentes. Les premières sont destinées à fournir aux assurés un revenu de substitution, qui doit remplacer en tout ou partie la perte de salaire occasionnée temporairement; calculées, pour les personnes ayant exercé une activité lucrative, en fonction du salaire antérieur, les indemnités journalières de l'assurance-invalidité remplissent précisément ce but. Les rentes représentent, quant à elles, un revenu de substitution en cas d'invalidité, c'est-à-dire de perte définitive ou du moins de longue durée de la capacité de gain (voir à ce sujet Duc, Les assurances sociales en Suisse, p. 417).
Cette solution s'inscrit enfin dans un système de coordination plus général qui tend à éviter, dans la prévoyance professionnelle, le cumul d'un revenu temporaire de substitution avec une rente qui serait due en vertu de la LPP. C'est ainsi que les institutions de prévoyance sont autorisées, sous certaines conditions et moyennant une base statutaire ou réglementaire, à différer un droit aux prestations d'invalidité - qui a pris naissance selon les art. 26 al. 1 LPP et 29 LAI - jusqu'à épuisement des indemnités journalières d'assurance-maladie (art. 27 OPP 2 en corrélation avec les art. 26 al. 2 et 34 al. 2 LPP; voir ATF 120 V 58; RSAS 1994 p. 232).
d) Rien ne s'oppose cependant à ce que les institutions de prévoyance adoptent une réglementation plus favorable aux assurés sur le début du droit à la rente, ce qui peut être le cas, en particulier, lorsque l'institution adopte dans ses statuts une notion de l'invalidité plus large que celle qui résulte de la LAI, conformément à l'autonomie que lui réserve l'art. 49 al. 2 LPP (ATF 120 V 108 consid. 3c, 118 V 40 consid. 2b/aa, 115 V 211 sv. consid. 2b, 219 sv. consid. 4b; cf. aussi Peter, op.cit., p. 292 ch. 3).
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3. En l'espèce, l'intimé a bénéficié d'indemnités journalières de l'assurance-accidents jusqu'au 31 mai 1993, prestations qui ont été remplacées, dès le 1er juin 1993, par des indemnités de même nature de l'assurance-invalidité.
D'autre part, l'institution supplétive de la LPP est une institution de prévoyance (art. 60 al. 1 LPP) qui est chargée de mettre en oeuvre la prévoyance professionnelle obligatoire pour diverses catégories de personnes, notamment les travailleurs au service d'employeurs qui ne se conforment pas à l'obligation de s'affilier à une institution de prévoyance (art. 60 al. 2 let. a LPP). Elle alloue les prestations légales aux salariés ou à leurs survivants même si l'employeur ne s'est pas encore affilié à une institution de prévoyance (art. 12 LPP). Elle applique la LPP et ses dispositions d'exécution et elle ne verse donc pas de prestations qui vont au-delà des exigences minimales prévues par la loi (art. 6 LPP). Dans ce cadre, elle était par conséquent en droit, en l'espèce, de refuser d'accorder une rente d'invalidité à l'intimé aussi longtemps que ce dernier bénéficiait des indemnités journalières en cause.
Le recours de droit administratif se révèle ainsi bien fondé.

4. (Frais et dépens)

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Etat de fait

Considérants 1 2 3 4

références

ATF: 120 V 108, 118 V 40, 115 V 210, 118 V 39 suite...

Article: art. 26 al. 1 LPP, Art. 23, art. 24 al. 1 et art. 26 al. 1 LPP, art. 24 al. 1 LPP, art. 1er al. 1 let suite...