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Chapeau

148 III 215


28. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause A. contre B. SA (recours en matière civile)
4A_247/2021 du 4 mai 2022

Regeste

Art. 271 et 271a CO; résiliation du bail; travaux de rénovation.
Rappel des règles et principes relatifs à la résiliation ordinaire du bail (consid. 3.1), applicables également à la résiliation donnée par le bailleur pour exécuter des travaux de rénovation (consid. 3.2).
Intérêt du bailleur à décider des travaux à effectuer, même s'ils ne sont pas nécessaires et urgents (consid. 3.2.1).
Cas de résiliation contraires à la bonne foi (consid. 3.2.2), niés en l'espèce (consid. 3.3).

Faits à partir de page 215

BGE 148 III 215 S. 215

A.

A.a Par contrat du 10 novembre 1995, A. a pris à bail un appartement de deux pièces au 3e étage d'un immeuble sis à x, pour une durée initiale allant du 1er février 1996 au 1er avril 1997, le bail se renouvelant ensuite d'année en année sauf préavis de résiliation de quatre mois. Le loyer mensuel net initial était de 865 fr., plus un montant de 90 fr. à titre d'acompte de frais de chauffage et d'eau chaude. À partir du 1er avril 2014, le loyer mensuel a été réduit au montant de 685 fr. et, à partir du 1er mai 2017, le montant des charges a été augmenté à 150 fr. par mois.
BGE 148 III 215 S. 216

A.b B. SA a acquis l'immeuble le 28 août 2018. Le 25 mars 2019, elle a déposé une requête de preuve à futur contre l'ancienne propriétaire, concluant à la mise en oeuvre d'une expertise au sujet de l'état des canalisations et de l'installation de chauffage de l'immeuble.
Le bâtiment est un immeuble locatif mitoyen, édifié en 1967 et comprenant sept étages et un sous-sol. L'état d'entretien est qualifié de bon à moyen par le rapport d'expertise du 12 juillet 2018 établi en vue de déterminer la valeur vénale de l'immeuble. À teneur de l'expertise du 12 août 2020 effectuée dans le contexte de la procédure de preuve à futur, il n'y a pas de déficit d'entretien, mais une usure normale. Sur les 26 appartements de l'immeuble, sept ont été partiellement rénovés par l'ancienne propriétaire et six ont été rénovés par la nouvelle propriétaire; les autres sont dans leur état d'origine. Les appartements sont tous habitables et habités.

A.c Par avis sur formule officielle du 10 juillet 2019, la bailleresse a résilié le bail de la locataire avec effet au 31 mars 2020, la lettre d'accompagnement indiquant comme motif que les "sociétés propriétaires" souhaitaient récupérer le bien pour cette date.
La locataire a requis la motivation du congé le 23 juillet 2019. Il a été retenu en procédure qu'il n'avait pas été démontré que la bailleresse aurait répondu à cette demande de la locataire.

B.

B.a Le 25 juillet 2019, la locataire a ouvert action en annulation de la résiliation par requête de conciliation adressée à la commission de conciliation. Le motif de la rénovation de l'appartement a été invoqué devant dite commission (complètement selon l'art. 105 al. 2 LTF). Celle-ci a rendu une proposition de jugement annulant le congé. La bailleresse s'y étant opposée, une autorisation de procéder lui a été délivrée le 28 octobre 2019.

B.b La bailleresse a déposé sa demande contre la locataire devant le Tribunal des baux du canton de Vaud le 27 novembre 2019, concluant à ce que la résiliation soit déclarée valable et à ce qu'ordre soit donné à la locataire de quitter et rendre libres les locaux pour le 31 mars 2020, faute de quoi l'huissier du tribunal serait chargé de procéder à l'exécution forcée, le cas échéant avec le concours de la force publique. Toute demande de prolongation du bail devait en outre être rejetée.
BGE 148 III 215 S. 217
Dans sa demande, la bailleresse a allégué que l'appartement litigieux nécessitait une rénovation complète, dans la mesure où il était dans son état d'origine; les travaux planifiés ne pouvaient être effectués en présence de la locataire car il s'agissait de refaire entièrement la salle de bain, la cuisine, le parquet et les revêtements des murs, tous travaux qui ne pouvaient être effectués de manière rationnelle que si l'appartement était vide. La locataire avait d'ailleurs demandé à plusieurs reprises des interventions dans l'appartement, en particulier sur les sanitaires, le chauffage, les radiateurs et le réfrigérateur (complètement selon l'art. 105 al. 2 LTF).
La défenderesse a conclu au rejet de la demande, reconventionnellement à l'annulation de la résiliation et, subsidiairement, à une prolongation du bail de quatre ans jusqu'au 31 mars 2024, la possibilité de résilier le bail en respectant un préavis d'un mois pour le quinze ou la fin d'un mois lui étant accordée.

B.c Lors de l'audience du 7 février 2020, C., gérant d'immeubles auprès de la régie de la bailleresse et entendu en qualité de témoin, a souligné que l'appartement se trouvait dans un certain état de vétusté, que les travaux les plus urgents avaient été réalisés et qu'il restait à effectuer le solde des travaux de rénovation. Il a (...) estimé le montant des travaux entre 32'000 fr. et 35'000 fr. et leur durée de 45 à 60 jours. Il a précisé que la présence de la locataire durant les travaux n'était pas envisageable, dans la mesure où il s'agissait de "désamianter" et de "tout casser" (...). Une demande d'autorisation administrative n'avait pas été déposée, des discussions avec le service du logement étant en cours sur la nécessité de requérir une telle autorisation.
Selon l'administrateur de la bailleresse, celle-ci n'avait pas les moyens de procéder à une rénovation intégrale de l'immeuble; elle pouvait uniquement rénover au maximum entre deux et trois logements par année. Même si les travaux n'étaient pas urgents, il s'agissait de remettre les logements au goût du jour afin que l'immeuble fût correctement valorisé et il était nécessaire de procéder par le biais de résiliations car les locataires pouvaient obtenir des prolongations de leurs baux. Le gérant a, quant à lui, précisé que le choix s'était porté en premier lieu sur l'appartement de la défenderesse en raison de l'absence de parquet dans le hall, de son état de vétusté et parce que la colonne qui le desservait était celle qui était dans le plus mauvais état. Le montant du loyer n'avait pas joué de rôle dans cette décision,
BGE 148 III 215 S. 218
même si la volonté de la bailleresse était de réajuster les loyers après rénovation.

B.d Par jugement du 7 février 2020, le Tribunal des baux a annulé la résiliation du bail. (...)

B.e La bailleresse a interjeté appel contre ce jugement. Elle a produit le rapport d'expertise du 12 août 2020.
Statuant le 12 mars 2021, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a partiellement admis l'appel et, statuant à nouveau, a constaté que la résiliation du bail était valable et a accordé à la locataire une première prolongation de bail d'une durée de deux ans, soit jusqu'au 31 mars 2022, la locataire ayant la faculté de résilier le bail moyennant un préavis d'un mois pour le quinze ou la fin d'un mois durant la prolongation. (...)

C. Contre cet arrêt, qui lui a été notifié le 23 mars 2021, la locataire a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 6 mai 2021 (...). (...)
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours, dans la mesure de sa recevabilité.
(extrait)

Considérants

Extrait des considérants:

3. Avant d'aborder la résiliation pour cause de rénovation, il s'impose de rappeler les règles et principes applicables à la résiliation ordinaire du bail.

3.1

3.1.1 Chaque partie est en principe libre de résilier un bail de durée indéterminée (ce qu'il est lorsqu'il contient une clause de reconduction tacite) pour la prochaine échéance convenue en respectant le délai de congé prévu (résiliation ordinaire; art. 266a al. 1 CO; ATF 145 III 143 consid. 3.1; ATF 140 III 496 consid. 4.1; ATF 138 III 59 consid. 2.1; arrêts 4A_69/2021 du 21 septembre 2021 consid. 4.1.1; 4A_113/2019 du 9 juillet 2019 consid. 3; 4A_491/2018 du 8 mai 2019 consid. 2.1.1). Le bail est en effet un contrat qui n'oblige les parties que jusqu'à l'expiration de la période convenue; au terme du contrat, la liberté contractuelle renaît et chacune des parties a la faculté de conclure ou non un nouveau contrat et de choisir son cocontractant (arrêts 4A_293/2016 du 13 décembre 2016 consid. 5.2.1 et les arrêts cités, non publié in ATF 143 III 15; 4A_69/2021 précité consid. 4.1.1; 4A_19/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.1).
BGE 148 III 215 S. 219
En principe, le bailleur est libre de résilier le bail, notamment, dans le but d'adapter la manière d'exploiter son bien selon ce qu'il juge le plus conforme à ses intérêts (ATF 136 III 190 consid. 3), pour effectuer des travaux de transformation, de rénovation ou d'assainissement (ATF 142 III 91 consid. 3.2.1; ATF 140 III 496 consid. 4.1), pour des motifs économiques (comme optimiser son rendement dans les limites fixées par la loi; ATF 136 III 74 consid. 2.1; ATF 120 II 105 consid. 3b/bb; arrêts 4A_293/2016 précité consid. 5.2.1 et 5.2.3, non publiés in ATF 143 III 15; 4A_69/2021 précité consid. 4.1.3; 4A_19/2016 précité consid. 4.2; 4A_475/2015 du 19 mai 2016 consid. 4.1 et 4.3) ou encore pour utiliser les locaux lui-même ou pour ses proches parents ou alliés (arrêts 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid. 4.3 et 4.5; 4A_18/2016 du 26 août 2016 consid. 3.3 et 4).

3.1.2 La seule limite à la liberté contractuelle des parties découle des règles de la bonne foi: lorsque le bail porte sur une habitation ou un local commercial, le congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO; cf. également art. 271a CO) (ATF 140 III 496 consid. 4.1; ATF 138 III 59 consid. 2.1; arrêts 4A_293/2016 précité consid. 5.2.2, non publié in ATF 143 III 15; 4A_69/2021 précité consid. 4.1.2; 4A_113/2019 précité consid. 3; 4A_19/2016 précité consid. 2.2; 4A_290/2015 du 9 septembre 2015 consid. 4.1).
La protection conférée par les art. 271 et 271a CO procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC) (arrêts 4A_69/2021 précité consid. 4.1.2; 4A_113/2019 précité consid. 3).
Les cas typiques d'abus de droit (art. 2 al. 2 CC), à savoir l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion grossière des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement et l'attitude contradictoire, permettent de dire si le congé contrevient aux règles de la bonne foi au sens de l'art. 271 al. 1 CO (ATF 120 II 105 consid. 3; sur les cas typiques d'abus de droit, cf. ATF 135 III 162 consid. 3.3.1). Il n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de la partie donnant congé à l'autre constitue un abus de droit "manifeste" au sens de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 136 III 190 consid. 2; ATF 135 III 112 consid. 4.1; ATF 120 II 31 consid. 4a). Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif lorsqu'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection (ATF 135 III 112 consid. 4.1). Tel est le cas
BGE 148 III 215 S. 220
lorsque le congé apparaît purement chicanier, lorsqu'il est fondé sur un motif qui ne constitue manifestement qu'un prétexte ou lorsqu'il consacre une disproportion crasse entre l'intérêt du locataire au maintien du contrat et celui du bailleur à y mettre fin (ATF 145 III 143 consid. 3.1; ATF 142 III 91 consid. 3.2.1; ATF 140 III 496 consid. 4.1; ATF 138 III 59 consid. 2.1).
Les règles de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) qui régissent le rapport de confiance inhérent à la relation contractuelle permettent aussi d'obtenir l'annulation du congé si le motif sur lequel il repose s'avère incompatible avec elles (ATF 120 II 105 consid. 3a).
Le but de la réglementation des art. 271 et 271a CO est uniquement de protéger le locataire contre des résiliations abusives. Un congé n'est pas contraire aux règles de la bonne foi du seul fait que la résiliation entraîne des conséquences pénibles pour le locataire (ATF 140 III 496 consid. 4.1) ou que l'intérêt du locataire au maintien du bail paraît plus important que celui du bailleur à ce qu'il prenne fin (arrêts 4A_293/2016 précité consid. 5.2.2 et les arrêts cités, non publié in ATF 143 III 15; 4A_69/2021 précité consid. 4.1.2). Sauf cas de disproportion crasse des intérêts respectifs des parties, il ne faut examiner, pour statuer sur la validité d'un congé, que l'intérêt qu'a le bailleur à récupérer son bien, et non pas procéder à une pesée entre l'intérêt du bailleur et celui du locataire à rester dans les locaux; cette pesée des intérêts n'intervient que dans l'examen de la prolongation du bail (arrêts 4A_293/2016 précité consid. 5.2.2 et l'arrêt cité, non publié in ATF 143 III 15; 4A_19/2016 précité consid. 2.2).

3.1.3 La résiliation ordinaire du bail n'est pas subordonnée à l'existence d'un motif de résiliation particulier (cf. art. 266a al. 1 CO) (ATF 145 III 143 consid. 3.1 et les arrêts cités). La motivation ne doit être fournie que si l'autre partie la demande (art. 271 al. 2 CO). La motivation du congé n'est donc pas une condition de sa validité (ATF 143 III 344 consid. 5.3); elle n'a pas à être fournie dans le délai de 30 jours suivant la réception de celui-ci, contrairement à ce qu'a pu faire croire la formulation des ATF 140 III 496 consid. 4.2.2 et ATF 142 III 91 consid. 3.2.1).
L'absence de motivation ou une motivation lacunaire ne signifie pas nécessairement que la résiliation est contraire aux règles de la bonne foi, mais elle peut constituer un indice de l'absence d'intérêt digne de protection à mettre un terme au bail ou du fait que le motif invoqué n'est qu'un prétexte (ATF 143 III 344 consid. 5.3.1 et les arrêts
BGE 148 III 215 S. 221
cités; arrêts 4A_113/2019 précité consid. 3; 4A_183/2017 du 24 janvier 2018 consid. 2; 4A_127/2017 du 25 octobre 2017 consid. 2.3).

3.1.4 Pour déterminer quel est le motif de congé et si ce motif est réel ou s'il n'est qu'un prétexte, il faut se placer au moment où le congé a été notifié (ATF 142 III 91 consid. 3.2.1; ATF 140 III 496 consid. 4.1; ATF 138 III 59 consid. 2.1).
Si le bailleur n'a pas indiqué de motif dans son avis de résiliation et ne le fournit pas, par la suite, sur requête du locataire, il peut encore l'invoquer devant le tribunal de première instance, en respectant les règles en matière d'allégations et d'offres de preuves, la maxime inquisitoire simple étant applicable (art. 229 al. 3 et art. 247 al. 2 let. a en relation avec l'art. 243 al. 2 let. c CPC) (ATF 138 III 59 consid. 2.3; arrêt 4A_200/2017 du 29 août 2017 consid. 3.2.2).
Des faits survenus ultérieurement ne sont pas susceptibles d'influer a posteriori sur cette qualification; tout au plus peuvent-ils, selon les cas, fournir un éclairage sur les intentions du bailleur au moment de la résiliation (ATF 138 III 59 consid. 2.1 in fine; arrêts 4A_113/ 2019 précité consid. 3; 4A_200/2017 précité consid. 3.2.1; 4A_19/ 2016 précité consid. 2.3; 4A_67/2016 du 7 juin 2016 consid. 6.1; 4A_430/2013 du 14 février 2014 consid. 2; 4A_623/2010 du 2 février 2011 consid. 2.4) ou permettre d'apprécier le degré d'impossibilité objective du projet au regard des règles du droit public (arrêt 4A_435/2021 du 14 février 2022 consid. 3.1.4 et les arrêts cités).
À cet égard, le Tribunal fédéral est en principe lié par les constatations de fait de l'arrêt cantonal (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si le recourant démontre, en soulevant expressément le grief de violation de l'art. 9 Cst. et en exposant celui-ci de façon claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF), que l'autorité cantonale a constaté arbitrairement les faits et apprécié arbitrairement les preuves (art. 97 al. 1 LTF) (arrêts 4A_113/2019 précité consid. 3; 4A_200/2017 précité consid. 3.2.3 et l'arrêt cité).
En revanche, le point de savoir si le congé contrevient aux règles de la bonne foi est une question de droit. Le Tribunal fédéral la revoit librement (arrêts 4A_113/2019 précité consid. 3; 4A_200/2017 précité consid. 3.2.3 et l'arrêt cité).

3.1.5 Conformément à la règle générale de l'art. 8 CC, il appartient à la partie qui veut faire annuler le congé de prouver les circonstances permettant de déduire qu'il contrevient aux règles de la bonne
BGE 148 III 215 S. 222
foi. Le bailleur qui résilie le bail a toutefois le devoir de contribuer loyalement à la manifestation de la vérité, en motivant, sur requête, la résiliation et, en cas de contestation, en fournissant tous les documents en sa possession nécessaires à la vérification du motif qu'il a invoqué (cf. art. 160 al. 1 let. b CPC; ATF 142 III 568 consid. 2.1; ATF 140 III 433 consid. 3.1.2; ATF 120 II 105 consid. 3c; arrêts 4A_69/2021 précité consid. 4.2 et l'arrêt cité; 4A_17/2017 du 7 septembre 2017 consid. 2).

3.2 Les mêmes règles et principes jurisprudentiels sont applicables au congé donné en raison d'importants travaux de transformation (Umbauarbeiten), de rénovation (Renovationsarbeiten) ou d'assainissement (Sanierungsarbeiten) (en général, cf. les arrêts 4A_435/ 2021 précité consid. 3.1.4; 4A_491/2018 précité consid. 2).

3.2.1 Le bailleur est libre de notifier une résiliation ordinaire du bail pour effectuer de tels travaux. Il a un intérêt économique à maintenir l'état de son immeuble, voire à l'améliorer et à effectuer des travaux dans les meilleurs délais et conditions économiques de façon à améliorer le rendement de celui-ci (cf. PHILIPPE CONOD, in Droit du bail à loyer et à ferme, Commentaire pratique, 2e éd. 2017, n° 21 ad art. 271 CO p. 1142). La décision sur la nature et l'étendue de la rénovation est donc en principe exclusivement son affaire (ATF 142 III 91 consid. 3.2.1; ATF 140 III 496 consid. 4.1; ATF 135 III 112 consid. 4.2; arrêt 4A_503/2013 du 5 mars 2014 consid. 4.2). Il n'est pas tenu d'attendre que les travaux de rénovation deviennent nécessaires et urgents (ATF 135 III 112 consid. 4.2; arrêt 4A_503/2013 précité consid. 4.3).
Le congé n'est annulable que s'il se révèle incompatible avec les règles de la bonne foi au sens des art. 271 et 271a CO. Dans ce domaine, la motivation du congé revêt une grande importance (arrêt 4A_491/2018 précité consid. 2.1.2 in fine).

3.2.2 Lorsque le congé a été donné par le bailleur pour effectuer des travaux de rénovation, la résiliation a été jugée contraire aux règles de la bonne foi, notamment, dans les cas suivants:
1) Si le bailleur n'a pas véritablement l'intention de réaliser le projet qu'il a envisagé et/ou fait étudier, mais qu'il entend seulement replacer les logements sur le marché locatif sans réaliser ce projet:
La résiliation n'est alors qu'un simple prétexte. Cela constitue une constatation reposant sur l'appréciation des preuves.
BGE 148 III 215 S. 223
2) Si le projet de rénovation du bailleur est manifestement incompatible avec les règles du droit public (ou objectivement impossible; objektiv unmöglich), au point qu'il est certain qu'il ne sera pas autorisé (ATF 140 III 496 consid. 4.1 et 4.2.1; arrêts 4A_435/2021 précité consid. 3.1.3 par. 2; 4A_491/2018 précité consid. 2.1.2; 4A_142/ 2017 du 3 août 2017 consid. 2.3; 4A_503/2013 précité consid. 4.2).
Il n'est cependant pas nécessaire que le bailleur ait déjà obtenu une autorisation, ni même qu'il ait déposé les documents dont elle dépend (ATF 142 III 91 consid. 3.2.1; ATF 140 III 496 consid. 4.1). Il s'agit de pronostiquer si, au moment où le congé a été donné, l'autorisation des travaux envisagés paraissait de toute évidence exclue, une probabilité non négligeable de refus n'étant pas suffisante (arrêt 4A_491/2018 précité consid. 2.1.2 et les arrêts cités). Autrement dit, il faut que le projet soit déjà, à ce moment-là, manifestement incompatible avec les règles du droit public. Des événements survenus postérieurement, tel le refus d'octroi du permis de construire, ne sont pas susceptibles d'influer sur cette qualification, car un congé valable ne peut pas devenir invalide par la suite. Ces événements peuvent tout au plus permettre d'apprécier le degré d'impossibilité du projet tel qu'il existait à la date de la notification du congé (arrêts 4A_435/2021 précité consid. 3.1.4; 4A_142/2017 précité consid. 4.1). Un congé n'est pas déjà contraire à la bonne foi si le projet initial doit être modifié pour pouvoir être approuvé par les autorités administratives (arrêt 4A_435/2021 précité consid. 3.1.4).
La preuve de l'impossibilité objective incombe au locataire (ATF 140 III 496 consid. 4.1; arrêt 4A_435/2021 précité consid. 3.1.3).
3) Si le bailleur ne dispose pas d'un projet suffisamment mûr et élaboré qui permette de constater concrètement que la présence du locataire pendant la durée des travaux entraverait leur exécution, autrement dit s'il est nécessaire qu'il quitte les locaux (ATF 142 III 91 consid. 3.2.1; ATF 140 III 496 consid. 4.2.2; arrêts 4A_435/2021 précité consid. 3.1.3 par. 1; 4A_491/2018 précité consid. 2.1.2).
Pour qu'il soit possible d'apprécier concrètement si les travaux nécessitent le départ du locataire, il faut que le projet de rénovation du bailleur soit suffisamment mûr et élaboré (realitätsnah), et ce déjà au moment de la notification du congé. A elle seule, la ferme intention générale du bailleur de transformer son immeuble n'est pas suffisante (ATF 140 III 496 consid. 4.2.2). Le juge doit pouvoir se convaincre avec certitude qu'il est nécessaire que le locataire quitte
BGE 148 III 215 S. 224
les locaux, parce que sa présence est propre à entraîner des complications, des coûts supplémentaires ou une prolongation de la durée des travaux (arrêts 4A_491/2018 précité consid. 2.1.2; 4A_200/2017 précité consid. 4.2.2). Comme on l'a vu, il n'est toutefois pas nécessaire que le locataire puisse déjà estimer la nécessité de son départ dans le délai de 30 jours de l'art. 273 al. 1 CO (cf. consid. 3.1.3 ci-dessus).
Ainsi, il a été jugé que la résiliation est abusive s'il apparaît que la présence du locataire n'occasionnerait pas de complications ou de retards dans les travaux, ou seulement de manière négligeable, par exemple en cas de réfection des peintures ou de travaux extérieurs tels qu'une rénovation de la façade ou un agrandissement d'un balcon (ATF 140 III 496 consid. 4.1; ATF 135 III 112 consid. 4.2; arrêts 4A_703/2016 du 24 mai 2017 consid. 4.2, non publié in ATF 143 III 344; 4A_491/2018 précité consid. 2.1.2).
En revanche, la résiliation donnée pour procéder à une rénovation comportant notamment des modifications dans la distribution des locaux, le remplacement des cuisines, des salles de bains et de l'ensemble des conduites et le renouvellement des sols et revêtements muraux n'est pas abusive car ces travaux sont de nature à entraîner un accroissement des difficultés, du coût et de la durée de la rénovation. Elle est valable même si le locataire se déclare prêt à rester dans les locaux pendant de pareils travaux, et à s'accommoder des inconvénients qui en résulteront (ATF 135 III 112 consid. 4.2; arrêts 4A_200/2017 précité consid. 3.1.3.1; 4A_583/2014 du 23 janvier 2015 consid. 2.1.1).

3.3 En l'espèce, aucun des trois cas susmentionnés de résiliation contraire à la bonne foi n'est réalisé.

contenu

document entier
regeste: allemand français italien

Etat de fait

Considérants 3

références

ATF: 140 III 496, 142 III 91, 138 III 59, 135 III 112 suite...

Article: Art. 271 et 271a CO, art. 2 al. 2 CC, art. 105 al. 2 LTF, art. 266a al. 1 CO suite...