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Chapeau

10111/06


Pedro Ramos Luis Miguel c. Suisse
Arrêt no. 10111/06, 14 octobre 2010

Regeste

SUISSE: Art. 6 par. 1 CEDH. Accès à un tribunal. Refus du Tribunal fédéral d'accorder l'assistance judiciaire pour couvrir le montant de l'avance de frais.

Les décisions sur l'octroi de l'assistance judiciaire ont été prises par le Tribunal fédéral lui-même, donc un organe juridictionnel; peu importe que les rapports préalables aient été préparés par un greffier, comme le prétend le requérant, ou par les juges.
Ces demandes ont fait l'objet d'un examen attentif et complet par le Tribunal fédéral, qui a exposé dans des rapports internes les raisons pour lesquelles les deux recours étaient selon lui d'emblée voués à l'échec. La Cour rappelle qu'elle n'a pas à juger ces rapports détaillés ni les conclusions qui en résultent, car le Tribunal fédéral, mieux placé, a considéré la cause avec le plus grand soin et qu'elle n'est pas une juridiction de quatrième instance. En outre, le Tribunal fédéral a dûment motivé le rejet de la demande d'assistance judiciaire, exposant notamment que le demandeur avait souscrit des engagements solidaires et que les contrats ne semblaient entachés d'aucun vice du consentement.
Dès lors, les limitations imposées par le souci d'économie de procédure au requérant, qui avait bénéficié au niveau cantonal de l'exemption de l'avance de frais et d'un avocat d'office, ne l'ont pas privé du droit d'accès au Tribunal fédéral (ch. 46 - 55).
Conclusion: non-violation de l'art. 6 par. 1 CEDH.



Synthèse de l'OFJ
(4ème rapport trimestriel 2010)

Droit à un procès équitable (art. 6) ; assistance judiciaire et droit d'accès à un tribunal.

L'affaire concerne un procès civil portant sur une créance. Alors que les tribunaux genevois avaient accordé au requérant l'assistance judiciaire, le Tribunal fédéral la lui refusa. Au regard du soin avec lequel cette décision fut préparée et motivée par le Tribunal fédéral, la Cour rejeta la requête, dans laquelle le requérant avait fait valoir que le refus de lui accorder l'assistance judiciaire constituait une violation du droit d'accès à un tribunal.

Pas de violation de l'article 6 § 1 (unanimité).





Faits

En l'affaire Pedro Ramos c. Suisse,
La Cour européenne des droits de l'homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
Christos Rozakis, président,
Nina Vajic,
Khanlar Hajiyev,
Dean Spielmann,
Sverre Erik Jebens,
Giorgio Malinverni,
George Nicolaou, juges,
et de André Wampach, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 23 septembre 2010,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE

1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 10111/06) dirigée contre la Confédération suisse et dont un ressortissant de cet Etat, Luis Miguel Pedro Ramos (« le requérant »), a saisi la Cour le 9 mars 2006 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant est représenté par Me P.-X. Luciani, avocat à Lausanne. Le gouvernement suisse (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. F. Schürmann, chef de la section des droits de l'homme et du Conseil de l'Europe à l'Office fédéral de la justice.

3. Invoquant les articles 6 § 1 et 13 de la Convention, le requérant se plaint en particulier du refus du Tribunal fédéral de lui accorder l'assistance judiciaire.

4. Le 23 avril 2008, le président de la première section a décidé de communiquer ce grief au Gouvernement. Comme le permet l'article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1968 et réside à Genève. Il est cuisinier de profession.

6. Le 11 mai 2001, quand il travaillait en qualité de cuisinier dans un restaurant à Genève, il conclut, avec trois autres contractants, un contrat de livraison de bière ainsi qu'un contrat de prêt avec les sociétés K. et S. Il prétend qu'étant inexpérimenté et titulaire d'un travail précaire, tout en étant partiellement au chômage, il n'aurait pas bien perçu la portée de son acte.

7. Le 16 avril 2002, S. engagea une procédure d'exécution forcée contre le requérant, à la suite de quoi ce dernier ouvrit contre S. une action en libération de dettes auprès du tribunal d'arrondissement de La Côte (canton de Vaud). Par une décision du 13 février 2003, le requérant fut mis au bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure devant les instances cantonales. Il fut dispensé d'avancer les frais judiciaires et se vit désigner un avocat d'office en la personne de Me Luciani.

8. Par un jugement du 17 mai 2004, le requérant fut obligé de payer 36 516.90 francs suisses (CHF) et 43 560 CHF (c'est-à-dire 80 076,90 CHF au total, soit environ 61 598 EUR) à S. et ce, de manière solidaire avec respectivement deux et trois autres personnes. Le recours du requérant auprès de la chambre des recours du tribunal cantonal vaudois fut rejeté par un arrêt notifié le 30 mars 2005.

9. Le 29 avril 2005, le requérant, par l'entremise de son avocat, forma un recours en réforme ainsi qu'un recours de droit public auprès du Tribunal fédéral. Il y sollicitait notamment d'être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire, comme tel avait été le cas devant les instances cantonales. Dans le cadre du recours en réforme, il faisait valoir que l'engagement qu'il avait pris était un cautionnement déguisé. A cet égard, il affirma que, en tant que simple cuisinier à mi-temps, au chômage partiel, il ne disposait pas d'un intérêt propre à la conclusion du contrat de fourniture de bière et du prêt destiné à l'exploitation du restaurant. Son engagement n'aurait été requis que pour garantir l'obligation du débiteur principal, seul exploitant du restaurant, dont la solvabilité n'était pas suffisante ; il revêtirait ainsi le caractère accessoire typique de l'obligation d'une caution. Il prétendit également que les contrats signés étaient entachés du vice de lésion, d'une erreur essentielle et de dol.

10. Par un courrier du 27 juin 2005, le Tribunal fédéral invita le requérant à lui fournir tous renseignements utiles concernant ses revenus, sa fortune et ses dettes éventuelles.

11. Le 5 juillet 2005, le représentant du requérant précisa que la demande d'assistance judiciaire portait tant sur la dispense de paiement des frais judiciaires que sur sa propre désignation comme avocat d'office du requérant et soumit un bordereau de pièces à l'appui de ladite demande. Y figurait notamment le bulletin de paie du requérant pour le mois de juin 2005, qui montrait un revenu mensuel net de 3 428.20 CHF (environ 2 637 EUR).

12. Par deux décisions du 19 juillet 2005, le Tribunal fédéral refusa d'accorder l'assistance judiciaire au requérant dans le cadre des deux recours déposés, au motif que les moyens soulevés paraissaient dépourvus de toute chance de succès. Les parties pertinentes de la décision sur le recours en réforme sont libellées comme il suit :
« (...) Vu la demande d'assistance judiciaire présentée par le recourant ;
Considérant que, selon l'art. 152 al. 1 OJ, l'assistance judiciaire n'est accordée qu'à la double condition que la partie requérante soit dans le besoin et que ses conclusions ne paraissent pas vouées à l'échec ;
que, d'après la jurisprudence, un procès est dénué de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre et qu'elles ne peuvent être considérées comme sérieuses, au point qu'un plaideur raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'il s'exposerait à devoir supporter (ATF 129 I 129 consid. 2.3.1 p.135/136 ; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3 p. 236 ; ATF 125 II 265 consid. 4b p. 475) ;
qu'en l'espèce, il apparaît que le demandeur a souscrit des engagements solidaires, et non des cautionnements, lors de la signature des contrats de fourniture de bière et de prêt du 11 mai 2001 ;
qu'au surplus, ces contrats ne semblent entachés ni de lésion, ni d'une erreur essentielle, ni de dol ;
Considérant que la demande d'assistance judiciaire doit ainsi être rejetée ;
(...) »

13. Le Tribunal fédéral fixa ainsi l'avance des frais judiciaires à verser par le requérant, pour chaque recours, à 4 000 CHF (environ 3 077 EUR). Pour l'examen de chacune des deux requêtes d'assistance judiciaire, un rapport interne fut établi, exposant de manière détaillée (sur plus de neuf pages quant au recours en réforme et sur sept pages concernant le recours de droit public), en réponse aux mémoires détaillés du requérant, les faits et les considérations juridiques à l'appui des conclusions tirées. Selon les informations fournies par le Gouvernement, ces rapports sont des documents purement internes et ne sont pas mis à la disposition des personnes concernées.

14. Le 26 juillet 2005, un délai au 2 septembre 2005 fut imparti au requérant afin qu'il s'acquitte de l'avance de frais.

15. Le 2 septembre 2005, le requérant adressa un courrier au Tribunal fédéral, dans lequel il exposa qu'en raison de sa situation financière précaire, il n'avait pu réunir les fonds nécessaires. Il requit du Tribunal fédéral qu'il le dispense de l'avance de frais pour motifs particuliers, conformément à l'article 150 alinéa 1, 2ème phrase de la Loi sur l'organisation judiciaire, en vigueur à l'époque des faits (paragraphe 17 ci-dessous).

16. Par des arrêts du 9 septembre 2005, le Tribunal fédéral déclara irrecevables les deux recours du requérant. Il constata que les avances de frais requises n'avaient pas été versées et que la requête du 2 septembre 2005 n'était fondée sur aucun motif particulier autre que ceux qui avaient été invoqués dans la demande d'assistance judiciaire.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

17. Les dispositions pertinentes de la Loi sur l'organisation judiciaire du 16 décembre 1943, en vigueur à l'époque des faits, étaient libellées comme suit :
Article 150 - Sûretés pour frais judiciaires et dépens
« 1. Quiconque saisit le Tribunal fédéral est tenu, par ordre du président, de fournir des sûretés en garantie des frais judiciaires présumés (article 153 et 153a). Lorsque des motifs particuliers justifient une exception, le tribunal peut renoncer entièrement ou partiellement à exiger la constitution de sûretés.
(...)
4. Si les sûretés (selon l'al. 1er ou 2) ne sont pas fournies avant l'expiration du délai fixé, les conclusions de la partie sont irrecevables. »
Article 152 - Assistance judiciaire
« 1. Le tribunal dispense, sur demande, une partie qui est dans le besoin et dont les conclusions ne paraissent pas vouées à l'échec de payer les frais judiciaires, ainsi que de fournir des sûretés pour les dépens. Exception est faite pour les cas de prorogation de juridiction.
2. Au besoin, le tribunal peut faire assister cette partie d'un avocat ; si elle n'obtient pas gain de cause ou que les dépens ne puissent être recouvrés, les honoraires de l'avocat sont fixés par le tribunal conformément au tarif prévu à l'article 160 et supportés par la caisse du tribunal.
3. Si la partie peut rembourser ultérieurement la caisse, elle est tenue de le faire. »
Article 153 - Frais judiciaires : en général
« 1. Les frais judiciaires à la charge des parties comprennent l'émolument judiciaire, les dépenses consenties pour des traductions dans une langue ou issues d'une langue qui ne figure pas au nombre des langues nationales, pour des expertises, des indemnités de témoins et la détention préventive.
2. Lorsqu'une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, le tribunal peut renoncer à percevoir tout ou partie des frais. »
Article 153a - Frais judiciaires : émolument judiciaire
« 1. L'émolument judiciaire est fixé en fonction de la valeur litigieuse, de l'ampleur et de la difficulté du procès, de la façon de procéder des parties, ainsi que de leur situation financière.
2. Il oscille :
a. entre 1000 et 100 000 francs dans les contestations dont le tribunal connaît en instance unique ;
b. entre 200 et 5000 francs pour les recours de droit public et de droit administratif portant sur des affaires non pécuniaires ;
c. entre 200 et 50 000 francs dans les autres contestations.
3. Lorsque des circonstances particulières le justifient, le tribunal peut majorer ces montants jusqu'au double. »


Considérants

EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

18. Le requérant se plaint du refus du Tribunal fédéral de lui accorder l'assistance judiciaire, du montant de l'avance de frais demandée, et du fait que le Tribunal fédéral n'ait procédé qu'à un examen prima facie de sa cause proprement dite. Il invoque l'article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé dans sa partie pertinente :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

19. Le Gouvernement s'oppose à cette thèse.
A. Sur la recevabilité

20. La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B. Sur le fond
1. Les thèses des parties
a) Le requérant

21. Le requérant rappelle qu'alors qu'il travaillait en qualité de cuisinier dans un restaurant de Genève, il a été invité par l'exploitant du restaurant à signer un contrat de fourniture de bière, ainsi qu'un contrat de prêt. Inexpérimenté et titulaire d'un travail précaire, tout en étant partiellement au chômage, il n'aurait pas très bien perçu la portée de son acte. Par ailleurs, il allègue qu'il n'a obtenu aucune contre-prestation et a quitté son travail, sans avoir été payé pour son activité.

22. Le requérant expose que tout justiciable doit pouvoir accéder au juge et bénéficier de l'assistance judiciaire, laquelle consiste non seulement en l'aide d'un avocat, mais également en la dispense de l'obligation d'acquitter des frais de procédure trop élevés eu égard à ses revenus et à sa situation financière. Le droit à un procès équitable comporte également le droit à l'obtention d'une décision de justice, à savoir une décision motivée tranchant définitivement le litige. Le tribunal doit se livrer à un examen effectif des moyens présentés par les parties, et une motivation appropriée des jugements est requise.

23. Dans le cas d'espèce, le requérant est d'avis que ses recours étaient parfaitement fondés en droit. Il souhaitait que son cas soit tranché par la plus haute autorité judiciaire suisse. Or, celle-ci se serait contentée d'un examen prima facie de la cause pour déclarer les recours dénués de chances de succès. Le requérant soutient qu'une telle solution revient à faire dépendre de la capacité financière du justiciable la possibilité d'obtenir une décision de la plus haute autorité judiciaire du pays.

24. Le requérant estime que l'avance de frais requise, soit 8 000 CHF (environ 6 154 EUR) pour les deux recours, était totalement disproportionnée, en particulier eu égard à son revenu mensuel modeste et à sa charge de famille.

25. Il fait valoir que l'étude du dossier démontre qu'il accordait une grande importance à cette affaire, notamment aux divers recours qu'il avait déposés. Les motifs juridiques par lesquels il établissait ne pas être débiteur avaient été amplement développés, et contrairement à ce que le Tribunal fédéral a cru pouvoir estimer sur la base de l'examen hâtif auquel il s'est livré pour lui refuser le bénéfice de l'assistance judiciaire, ils n'étaient pas dénués de pertinence.

26. Par ailleurs, le requérant fait valoir que les deux rapports à l'appui des décisions du 19 juillet 2005 ont manifestement été rédigés par la greffière du Tribunal fédéral, ce qui découlerait sans équivoque des initiales que portent ces rapports. Par la suite, le président de la Cour aurait donné son accord, tout comme les deux autres juges. Il en découlerait que la greffière, avant le Tribunal fédéral lui-même, aurait préjugé des chances de succès et de l'issue du recours, contrairement aux exigences de l'article 6 § 1 de la Convention.
b) Le Gouvernement

27. Le Gouvernement rappelle que le requérant n'a pas été dispensé du paiement des avances de frais parce qu'aucun des moyens soulevés dans les recours n'est apparu propre à remettre en cause le bien-fondé de l'arrêt cantonal attaqué. L'avance des frais pour chaque recours pouvait dès lors être fixée conformément au tarif applicable. Le montant de 4 000 CHF par recours, qui correspond au tarif prévu par l'article 153a de l'ancienne loi sur l'organisation judiciaire (paragraphe 17 ci-dessus), ne paraît pas excessif dans les circonstances de l'espèce.

28. Le Gouvernement est convaincu que l'appréciation du Tribunal fédéral, selon laquelle le recours en réforme du requérant était dépourvu de chances de succès, était fondée sur un examen détaillé et complet des griefs soulevés. Il précise que, sur la base de cet examen, la décision relative à la demande d'assistance judiciaire a été prise par trois juges du Tribunal fédéral. Il relève également que les considérations de cet examen concordaient avec l'appréciation à laquelle étaient parvenues les deux instances cantonales dans leur examen au fond.

29. Le Gouvernement rappelle aussi que, certes, le requérant a été mis au bénéfice de l'assistance judiciaire devant les autorités cantonales, ses moyens n'ayant pas été considérés à ce stade comme dépourvus d'emblée de chances de succès. Toutefois, le rôle particulier du Tribunal fédéral, qui agit comme autorité supérieure habilitée à ne contrôler que certains aspects des arrêts attaqués et non pas comme autorité d'appel, justifiait l'application de critères plus sévères pour l'examen de sa demande d'assistance judiciaire à ce stade. Le cas d'espèce ne serait pas comparable à l'affaire Bakan c. Turquie (no 50939/99, §§ 76 et suiv., 12 juin 2007), puisque la demande d'assistance judiciaire a été rejetée par la plus haute juridiction du pays, après que deux tribunaux se sont prononcés sur le fond de l'affaire avec un pouvoir d'examen plein et entier.

30. En ce qui concerne le recours de droit public, le Gouvernement est d'avis que, de même que pour le recours en réforme, la demande d'assistance judiciaire du requérant a été examinée en détail par le Tribunal fédéral, selon un procédé offrant des garanties substantielles de nature à préserver les parties de l'arbitraire.

31. S'agissant de l'ensemble de la procédure, le Gouvernement soutient que le rejet de la demande d'assistance judiciaire opéré à la suite d'une appréciation circonstanciée et le refus du Tribunal fédéral d'examiner les recours sur le fond n'ont pas empêché le requérant de porter l'affaire devant un tribunal. Il rappelle que la Convention laisse aux Etats le choix des moyens à employer pour garantir un droit effectif d'accès aux tribunaux. Au vu de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, il apparaît que les décisions du Tribunal fédéral de ne pas entrer en matière sur les recours du requérant, après que l'assistance judiciaire lui ait été refusée, n'ont pas constitué une restriction disproportionnée de son droit d'accéder à cette juridiction.

32. Selon le Gouvernement, les rapports à l'appui des décisions du 19 juillet 2005 ont en effet probablement été établis par la greffière du Tribunal fédéral. En revanche, l'on ne saurait déduire des initiales figurant dans la référence du document que le juge compétent n'aurait pas déterminé le contenu du rapport. De plus, le procédé de l'adoption de décisions par voie circulaire serait usuel dans les tribunaux à tous les niveaux. Rien n'indiquerait qu'une irrégularité ait été commise en l'espèce lors de la prise de décision par le Tribunal fédéral.
2. L'appréciation de la Cour
a) Principes généraux
i. Obligation de l'Etat de ne pas restreindre de manière injustifiée ou disproportionnée le droit d'accès au tribunal

33. La Cour rappelle que l'article 6 de la Convention garantit à chacun le « droit à un tribunal », dont le droit d'accès, à savoir le droit de saisir un tribunal en matière civile, constitue un aspect. Ce droit n'est pas absolu ; il se prête à des limitations implicitement admises, car il commande de par sa nature même une réglementation de l'Etat. Toutefois, alors même que les Etats contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation en la matière, il appartient à la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention (Kreuz c. Pologne, no 28249/95, § 53, CEDH 2001-VI et, mutatis mutandis, Airey c. Irlande, 9 octobre 1979, § 26, série A no 32).

34. La Cour rappelle en outre que l'article 6 de la Convention n'astreint pas les Etats contractants à créer des cours d'appel ou de cassation (voir, notamment, Kemp et autres c. Luxembourg, no 17140/05, § 48, 24 avril 2008, et Delcourt c. Belgique, arrêt du 17 janvier 1970, série A no 11, pp. 13-15, §§ 25-26). Cependant, si de telles juridictions existent, les garanties de l'article 6 doivent être respectées, notamment en ce qu'il assure aux plaideurs un droit effectif d'accès aux tribunaux pour les décisions relatives à leurs « droits et obligations de caractère civil » (voir, parmi d'autres, Brualla Gómez de la Torre c. Espagne, arrêt du 19 décembre 1997, Recueil 1997-VIII, p. 2956, § 37). En outre, la compatibilité des limitations prévues par le droit interne avec le droit d'accès à un tribunal reconnu par l'article 6 § 1 de la Convention dépend des particularités de la procédure en cause et il faut prendre en compte l'ensemble du procès mené dans l'ordre juridique interne et le rôle qu'y a joué la Cour suprême, les conditions de recevabilité d'un pourvoi en cassation pouvant être plus rigoureuses que pour un appel (Khalfaoui c. France, no 34791/97, CEDH 1999-IX).

35. La Cour a ainsi admis, dans un certain nombre d'affaires, que l'accès à un tribunal pouvait faire l'objet de limitations de nature diverse, y compris financière ( Brualla Gómez de la Torre, précité, § 33, et Tolstoy Miloslavsky c. Royaume-Uni, 13 juillet 1995, § 61 et suiv., série A no 316-B). S'agissant en particulier de l'exigence de payer aux juridictions civiles une taxe judiciaire relative aux demandes dont elles ont à connaître, la Cour a considéré qu'une telle restriction au droit d'accès à un tribunal n'était pas, en soi, incompatible avec l'article 6 § 1 de la Convention ( Kreuz, précité, § 60).

36. Dans l'ensemble de ces affaires, la Cour a toutefois vérifié si les limitations appliquées n'avaient pas restreint l'accès ouvert au justiciable d'une manière ou à un point tels que le droit s'en soit trouvé atteint dans sa substance même.

37. A cet égard, la Cour réitère qu'une limitation de l'accès à une cour ou à un tribunal ne se concilie avec l'article 6 § 1 que si elle tend à un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Kreuz, précité, §§ 54-55 ; Tinnelly & Sons Ltd et autres et McElduff et autres c. Royaume-Uni, 10 juillet 1998, § 72, Recueil 1998-IV). En particulier, en ce qui concerne les frais ou taxes judiciaires dont un justiciable est redevable, leur montant, apprécié à la lumière des circonstances particulières d'une affaire donnée, y compris la solvabilité de l'intéressé et la phase de la procédure à laquelle la restriction en question est imposée, sont des facteurs à prendre en compte pour déterminer si un requérant a bénéficié de son droit d'accès à un tribunal (Kreuz, précité, § 60 ; Podbielski et PPU Polpure c. Pologne, no 39199/98, § 64, 26 juillet 2005).

38. Par ailleurs, lorsqu'il s'agit d'apprécier le respect des critères susmentionnés, il n'appartient pas à la Cour de se substituer aux autorités internes compétentes pour déterminer quels sont les meilleurs moyens de réglementer l'accès à la justice, ou pour évaluer les faits qui ont conduit ces autorités à adopter telle décision plutôt que telle autre. Son rôle est de contrôler, au regard de la Convention, les décisions prises par ces autorités dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation et de vérifier la conformité à la Convention des conséquences qui en découlent ( Kreuz, précité, § 56 ; Tolstoy-Miloslavsky, précité, § 59 ; Brualla Gómez de la Torre, précité, §§ 31-32).

39. La Cour rappelle enfin que si l'article 6 § 1 de la Convention oblige les tribunaux à motiver leurs décisions, il ne peut pas se comprendre comme exigeant une réponse détaillée à chaque argument ( Van de Hurk c. Pays-Bas, série A no 288, § 61 ; Société anonyme Immeuble Groupe Kosser c. France (déc.), no 38748/97, 9 mars 1999 ; Latournerie c. France (déc.), no 50321/99, 10 décembre 2002). Il en découle que l'article 6 n'exige pas que soit motivée en détail une décision par laquelle une juridiction de recours, se fondant sur une disposition légale spécifique, écarte un recours comme dépourvu de chances de succès ( Burg et autres c. France (déc.), no 34763/02, CEDH 2003-II, avec la jurisprudence citée).

40. Enfin, la Cour réitère le principe selon lequel elle n'est pas appelée à rechercher si tous les arguments ont été adéquatement traités. Il incombe aux juridictions de répondre aux moyens de défense essentiels, sachant que l'étendue de ce devoir peut varier selon la nature de la décision et doit donc s'analyser à la lumière des circonstances de l'espèce (voir, notamment, arrêt Hiro Balani c. Espagne, 9 décembre 1994, série A no 303-B, § 27).
ii. Obligation positive de l'Etat d'octroyer, à certaines conditions, l'assistance judiciaire gratuite dans des procédures civiles

41. La Cour rappelle ensuite que si l'article 6 § 1 de la Convention garantit aux justiciables un droit effectif d'accès aux tribunaux pour les décisions relatives à leurs « droits et obligations de caractère civil », il laisse à l'Etat le choix des moyens à employer à cette fin. L'instauration d'un système d'aide judiciaire en constitue un. La Convention n'oblige pas à accorder l'aide judiciaire dans toutes les contestations en matière civile. En effet, il y a une nette distinction entre les termes de l'article 6 § 3 c), qui garantit le droit à l'aide judiciaire gratuite à certaines conditions dans les procédures pénales, et ceux de l'article 6 § 1, qui ne renvoie pas du tout à l'aide judiciaire. La Cour rappelle également qu'un système d'assistance judiciaire ne peut pas fonctionner sans la mise en place d'un dispositif permettant de sélectionner les affaires susceptibles d'en bénéficier, et qu'un système qui prévoit de n'allouer des deniers publics au titre de l'aide judiciaire qu'aux demandeurs dont le pourvoi a une chance raisonnable de succès ne saurait en soi être qualifié d'arbitraire (Del Sol c. France, nos 46800/99, 26 février 2002, CEDH 2002-II, §§ 20-23, Essaadi c. France no 49384/99, §§ 30-33, 26 février 2002, Debeffe c. Belgique (déc.), no 64612/01, 9 juillet 2002, ou Puscasu c. Allemagne (déc.), no 45793/07, 29 septembre 2009).

42. Dans l'affaire Aerts c. Belgique (30 juillet 1998, § 60, Recueil des arrêts et décisions 1998-V), la Cour a estimé qu'en rejetant la demande d'assistance judiciaire au motif que la prétention ne paraissait pas juste, le bureau d'assistance judiciaire avait porté atteinte à la substance même du droit du requérant à un tribunal. Il aurait appartenu à la Cour de cassation d'en décider.

43. Dans l'affaire Debeffe (précitée) la Cour, alors que le système belge d'assistance judiciaire avait été changé à la suite de l'affaire Aerts, a exposé ce qui suit :
« Il est vrai que, dans l'affaire Aerts c. Belgique, la Cour a conclu à une violation de l'article 6 § 1 après avoir souligné qu'« en rejetant la demande [d'assistance judiciaire] au motif que la prétention ne paraissait pas actuellement juste, le bureau d'assistancejudiciaire a porté atteinte à la substance même du droit [du requérant] à un tribunal » (arrêt Aerts c. Belgique du 30 juillet 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-V, p. 1964, § 60). Suite à cet arrêt, un nouveau système a été mis en place par le législateur belge. La Cour constate que ce système offre des garanties substantielles aux individus, de nature à les préserver de l'arbitraire. Le bureau d'assistance judiciaire établi près la Cour de cassation est présidé par un magistrat du siège de cette cour assisté de son greffier. Sauf dans le cas particulier d'une requête qui ne répond pas aux conditions de recevabilité, un avocat à la Cour de cassation, désigné par le bâtonnier de l'Ordre des avocats à la Cour de cassation, examine la requête et remet un avis motivé au président du bureau. Dans les causes qui ne sont pas urgentes comme en l'espèce, une audience du bureau d'assistance judiciaire se tient deux semaines après le dépôt de l'avis. Les parties au litige, qui ont connaissance de l'avis, y sont convoquées. Si elles sont présentes, elles sont entendues, de même que le ministère public, et elles auront la parole en dernier. Le bureau d'assistance judiciaire se prononce en audience publique par décision motivée, même si ce n'est souvent que par référence à l'avis de l'avocat à la Cour de cassation qui y est joint. Telle a été la procédure suivie dans le cas d'espèce. S'il semble que le requérant n'était pas présent à l'audience devant le bureau d'assistance judiciaire, il a présenté les objections qu'il dirigeait contre l'avis du 25 mai 2000 par lettre du 5 juin 2000. Au surplus, le requérant avait pu faire entendre sa cause en première instance, puis en appel (arrêt Del Sol précité, § 26).
Au vu de ce qui précède, la Cour estime que le refus du bureau d'aide juridictionnelle de lui accorder l'aide judiciaire pour saisir la Cour de cassation rendu notamment sur base de l'avis de l'avocat spécialisé, n'a pas atteint dans sa substance même le droit d'accès à un tribunal du requérant. »

44. Dans les affaires Del Sol (précitée, § 26) et Essaadi (précitée, § 36), la Cour a considéré que le système mis en place par le législateur français offre des garanties substantielles aux individus, de nature à les préserver de l'arbitraire. Dans la dernière affaire, elle a conclu ce que suit :
« [D]'une part, le bureau d'aide juridictionnelle établi près la Cour de cassation est présidé par un magistrat du siège de cette cour et comprend également son greffier en chef, deux membres choisis par la haute juridiction, deux fonctionnaires, deux avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, ainsi qu'un membre désigné au titre des usagers (article 16 de la loi du 10 juillet 1991 susmentionnée) ; d'autre part, les décisions de rejet peuvent faire l'objet d'un recours devant le premier président de la Cour de cassation (article 23 de la loi). Au surplus, dans chacune des trois procédures, le requérant a pu faire entendre sa cause par deux juridictions successives. »

45. Enfin, dans l'affaire Puscasu (précitée) la Cour, après avoir pris acte de la décision amplement motivée de la cour d'appel portant rejet de la demande d'assistance judiciaire ainsi que de l'appréciation des moyens de preuve non arbitraire faite par les tribunaux internes, a observé qu'étant donné que c'est au juge ou aux chambres des tribunaux et des cours qu'il incombe de connaître d'une demande d'aide judiciaire, le système d'assistance judiciaire allemand offre de ce fait en principe des garanties substantielles aux intéressés, de nature à les préserver de l'arbitraire.
b) Application des principes susmentionnés au cas d'espèce

46. A titre liminaire, la Cour estime opportun de préciser les spécificités du système suisse en matière de garantie du paiement des frais de justice ainsi que d'octroi de l'assistance judiciaire gratuite dans les affaires civiles et de se pencher sur la façon dont le Tribunal fédéral a appliqué et interprété ces règles au cas d'espèce.

47. Après avoir bénéficié, au niveau cantonal, de l'exemption de l'avance des frais de justice et d'un avocat d'office, le requérant, débouté de son action en libération de dettes, a formé, par l'entremise de cet avocat, un recours de droit public ainsi qu'un recours en réforme auprès du Tribunal fédéral. Dans le cadre de ces recours, il sollicitait sa mise au bénéfice de l'assistance judiciaire, demande qui portait explicitement tant sur la dispense de paiement des frais judiciaires que sur la désignation d'un avocat d'office. Le Tribunal fédéral a rejeté ces demandes au motif que les moyens soulevés paraissaient voués à l'échec. Il a invité le requérant à verser dans un certain délai 4 000 CHF pour chaque recours à titre d'avance des frais judiciaires. Après que le requérant eut exposé encore une fois sa situation financière et l'impossibilité pour lui de verser les montants requis, la Haute Cour a déclaré irrecevables les deux recours, constatant que les avances de frais n'avaient pas été versées.

48. La Cour observe donc que le raisonnement du Tribunal fédéral a pris en compte à la fois l'obligation de l'Etat de ne pas restreindre de manière injustifiée ou disproportionnée l'accès au tribunal par l'imposition d'une avance des frais judiciaires excessive et l'obligation positive des Etats contractants d'octroyer, sous certaines conditions, l'assistance judiciaire gratuite dans les procédures civiles. Dans la mesure où le système suisse prévoit la possibilité de demander d'être dispensé de verser des frais judiciaires dans le cadre d'une demande d'assistance judiciaire et que le requérant a fait usage de cette possibilité, la Cour est amenée à examiner si le type d'examen fait en l'espèce par le Tribunal fédéral offre des garanties substantielles au requérant contre l'arbitraire à la lumière de l'article 6 et de la jurisprudence relative à ce type de procédure.

49. La Cour rappelle qu'il est important de prendre en compte la qualité du système d'assistance judiciaire dans un Etat. En d'autres termes, elle doit vérifier que le système mis en place par le législateur offre des garanties substantielles aux individus, de nature à les préserver de l'arbitraire ( Del Sol, précité, §§ 25 et 26).

50. A cet égard, la Cour observe que les décisions sur l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure devant le Tribunal fédéral ont été prises par ce tribunal même, donc par un organe juridictionnel. Dans des affaires précédentes, la Cour a donné beaucoup d'importance à cet élément (cf. dans ce sens Del Sol, précité, § 26, et Puscasu c. Allemagne, déc. précitée ; voir, a contrario, Aerts, précité, 60). Selon la Cour, il importe peu de savoir, dans ce contexte, si les rapports préalables aux décisions du 19 juillet 2005 ont en l'espèce été préparés par une greffière du tribunal, comme le prétend le requérant, ou par les juges eux-mêmes.

51. La Cour estime également que les demandes d'assistance judiciaire ont fait l'objet d'un examen attentif et complet par la Haute Cour suisse qui a exposé, dans le cadre de rapports internes, les raisons pour lesquelles les deux recours étaient selon elle d'emblée voués à l'échec (voir, dans ce sens, Debeffe, précitée). La Cour rappelle qu'il ne lui appartient en principe pas de juger le contenu de ces rapports ni les conclusions qui en résultent, car le Tribunal fédéral était mieux placé pour apprécier les recours sur le fond et, par ailleurs, elle n'est pas une juridiction de quatrième instance (voir, parmi beaucoup d'autres, Gsell c. Suisse, no 12675/05, § 51, 8 octobre 2009). La Cour prend néanmoins acte des moyens exposés par le requérant devant la Haute Cour. En outre, compte tenu des explications détaillées exposées dans les rapports susmentionnés - de plus de neuf pages s'agissant du recours en réforme et de septe pages quant au recours de droit public - rédigés en réponse à des mémoires de recours assez longs, la Cour est convaincue que le Tribunal fédéral a considéré la cause avec le plus grand soin.

52. Par ailleurs, même si les rapports n'ont pas été publiés, le Tribunal fédéral a néanmoins dûment motivé le rejet de la demande d'assistance judiciaire. En effet, la Haute Cour a expliqué, dans le cadre de l'examen du recours en réforme, qu'il apparaissait que le demandeur avait, lors de la signature des contrats de fourniture de bière et de prêt du 11 mai 2001, souscrit des engagements solidaires, et non des cautionnements, et qu'au surplus ces contrats ne semblaient entachés ni de lésion, ni d'une erreur essentielle, ni de dol. Une telle manière de procéder, commandée notamment par le souci d'économie de procédure, ne constitue pas un obstacle déraisonnable au droit d'accès à un tribunal.

53. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que le système mis en place par le législateur suisse et son application dans le cas d'espèce ont offert au requérant, qui avait bénéficié au niveau cantonal de l'exemption de l'avance des frais et d'un avocat d'office, des garanties substantielles de nature à le préserver de l'arbitraire.

54. Partant, la Cour estime que les limitations appliquées à l'accès du requérant au Tribunal fédéral n'ont pas restreint ce droit à un point tel qu'il s'en est trouvé atteint dans sa substance même.

55. Dès lors, il n'y a pas eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 13 DE LA CONVENTION
Sur la recevabilité

56. Essentiellement pour les mêmes motifs que ceux soulevés sous l'angle de l'article 6, le requérant dénonce une violation de l'article 13 de la Convention. Invoquant cette dernière disposition, le requérant se plaint également du fait que les décisions du Tribunal fédéral du 9 septembre 2005 n'étaient susceptibles d'aucun recours devant les tribunaux internes. L'article 13 est libellé ainsi dans sa partie pertinente :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »

57. Dans la mesure où le requérant, sur la base de l'article 13, se plaint du refus du Tribunal fédéral de lui accorder l'assistance judiciaire, du montant de l'avance de frais demandée, et du fait que le Tribunal fédéral n'ait procédé qu'à un examen prima facie de sa cause en tant que telle, la Cour se contente de relever que l'article 6 § 1 pose des exigences plus strictes que l'article 13 et que, dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner ces griefs à la lumière de cette dernière disposition.

58. S'agissant du grief concernant l'absence de recours contre les décisions d'irrecevabilité du Tribunal fédéral, la Cour estime que cette disposition ne saurait garantir un droit de recours contre la décision de la plus haute instance judiciaire d'un Etat. Par ailleurs, dans la mesure où le requérant entendrait se plaindre de l'absence de recours contre la décision de refus de l'assistance judiciaire, la Cour note que ce grief est compris dans le grief examiné au regard de l'article 6 § 1.

59. Il s'ensuit que ces griefs sont manifestement mal fondés et doivent être rejetés en application de l'article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.


Disposition

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l'article 6 § 1 et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu'il n'y a pas eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 14 octobre 2010, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
André Wampach Greffier adjoint
Christos Rozakis Président
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l'exposé de l'opinion séparée du juge Spielmann à laquelle se rallie le juge Rozakis.
C.L.R.
A.M.W.
OPINION CONCORDANTE DU JUGE SPIELMANN À LAQUELLE SE RALLIE LE JUGE ROZAKIS
C'est avec beaucoup d'hésitations que j'ai rejoint la majorité lorsqu'elle a conclu à la non-violation de l'article 6 § 1 de la Convention.
En effet, je suis d'avis qu'en principe, la justice devrait être un service public gratuit et que le justiciable ne devrait pas avancer de frais de justice pour que sa cause soit entendue par une juridiction.
Toutefois, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme s'est toujours montrée flexible en la matière, se bornant à vérifier si les limitations imposées n'avaient pas restreint l'accès ouvert à un justiciable de manière ou à un point tels que son droit d'accès à la justice s'en était trouvé atteint dans sa substance même (Kreuz c. Pologne, no 28249/95, § 54, CEDH 2001-VI).
Or, en l'espèce, les limitations apportées à l'accès du requérant à la justice n'ont pas restreint ce droit au point de l'atteindre dans sa substance même. En effet, la question des frais ne s'est posée qu'en dernière instance, à savoir devant le Tribunal fédéral. Au niveau cantonal, le requérant a bénéficié de l'exemption de l'avance des frais et d'un avocat désigné d'office. A ceci s'ajoute que les demandes d'assistance judiciaire ont fait l'objet d'un examen attentif et complet dans des rapports internes détaillés et motivés. Il n'y a donc pas eu violation du principe de proportionnalité dans l'exercice de mise en balance entre le souci - légitime en soi - d'économie de procédure et le droit d'accès à la justice, qui n'est pas un droit absolu.

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Etat de fait

Considérants

Dispositif

références

Article: Art. 6 par. 1 CEDH, art. 152 al. 1 OJ