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Chapeau

112 Ib 312


49. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 15 octobre 1986 dans la cause Christian Rufener c. Conseil d'Etat du canton de Vaud (recours de droit administratif)

Regeste

Recevabilité (art. 99 lettre h OJ); indemnité pour pertes d'animaux (art. 1er al. 2, 32 al. 1 ch. 3, 34 et 36 LFE; RS 916.40).
1. L'art. 32 al. 1 ch. 3 LFE confère un droit aux indemnités au sens de l'art. 99 lettre h OJ (consid. 2b). Malgré la formulation de l'art. 36 al. 2 LFE, prévoyant que les cantons fixent "définitivement" les indemnités, le recours de droit administratif est recevable (consid. 2c).
2. Faute justifiant une réduction des indemnités pour pertes d'animaux (consid. 3).

Faits à partir de page 312

BGE 112 Ib 312 S. 312
En février 1983, Christian Rufener, agriculteur à Savigny, a acheté à Châtel-St-Denis deux vaches munies d'un laissez-passer
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portant la mention "IBR-IPV en contrôle"; enregistrées par l'inspecteur du bétail de Savigny, ces deux bêtes sont restées isolées pendant deux mois du reste du bétail. Par la suite, il s'est révélé que ces deux vaches étaient à l'origine de l'épizootie IBR-IPV dépistée dans le troupeau de Christian Rufener, dont trente bêtes ont dû être abattues.
Retenant la négligence grave, le Département vaudois de l'intérieur et de la santé publique, Service du vétérinaire cantonal, a refusé de verser à Christian Rufener l'indemnité de la Caisse cantonale d'assurance du bétail.
Après que l'action pénale ouverte contre l'intéressé eut été close par un jugement d'acquittement, le Conseil d'Etat vaudois a, le 12 mars 1986, considéré que la faute commise par Christian Rufener n'était que légère en l'absence de toute mise en garde claire des autorités compétentes; il a ainsi réformé, sur recours, la décision du Département, accordé les indemnités, mais opéré une réduction de 10% pour faute légère.
Le Tribunal fédéral rejette un recours de droit administratif formé contre l'arrêt du Conseil d'Etat.

Considérants

Extrait des considérants:

2. a) L'autorité cantonale a, en l'espèce, fait application du droit public fédéral. Elle a, dès lors, rendu une décision au sens de l'art. 5 PA, qui a pour objet de constater l'étendue d'un droit (art. 5 al. 1 lettre b et al. 2 PA). Le recours de droit administratif est, en principe, recevable (art. 97 al. 1 et 98 lettre g OJ).
b) Selon l'art. 99 lettre h OJ, le recours n'est pas recevable contre l'octroi ou le refus d'indemnités ou autres prestations pécuniaires de droit public auxquelles la législation fédérale ne confère pas un droit.
L'art. 1er al. 1 LFE énumère, sous ch. 1 à 17, les épizooties et autres maladies animales soumises à la loi. L'IBR-IPV n'y figure pas. Toutefois, l'art. 1er al. 2 LFE permet au Conseil fédéral de déclarer applicable tout ou partie des prescriptions de la loi à d'autres maladies animales transmissibles, très répandues ou particulièrement dangereuses. Faisant usage de cette faculté, le Conseil fédéral a prévu que les pertes d'animaux causées par l'IBR-IPV sont indemnisées conformément aux art. 32 et 33 LFE, les dispositions concernant l'indemnisation de pertes d'animaux entraînées par les maladies énumérées à l'art. 1er al. 1 ch. 11 à 17
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de la loi étant applicables (art. 42a ch. 11 de l'ordonnance relative à la loi fédérale sur les mesures à prendre pour combattre les épizooties; ci-après: OCF; RS 916.401). Si, pour ces maladies, certaines indemnités peuvent être allouées par les cantons (art. 33 al. 1 LFE), tel n'est toutefois pas le cas en l'espèce. Dans sa décision, le Conseil d'Etat vaudois a, en effet, admis que les animaux avaient été abattus en application de l'art. 32 al. 1 ch. 3 LFE. Or, cette disposition confère un droit aux indemnités, aucune distinction n'étant, par ailleurs, opérée entre les maladies visées à l'art. 1er al. 1 ch. 1 à 10 et celles visées à l'art. 1er al. 1 ch. 11 à 17.
On ne se trouve donc pas dans l'un des cas d'irrecevabilité prévus par les art. 99 à 102 OJ.
c) L'art. 36 al. 2 LFE prévoyant que "les cantons fixent définitivement les indemnités", le Conseil d'Etat soutient que la voie du recours de droit administratif ne serait pas ouverte.
L'adverbe "définitivement" figurait déjà dans le projet du Conseil fédéral (FF 1965 II 1121). Il a été repris directement de la loi antérieure du 13 juin 1917 (RS 9.264). La loi actuelle du 1er juillet 1966 (FF 1965 II 1082) est encore antérieure à la revision de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 20 décembre 1968 (FF 1965 II 1301). Aussi, au moment où il adoptait le terme "définitivement", le législateur fédéral n'avait-il pas à l'esprit la voie du recours de droit administratif. Cet adverbe n'a ainsi pas été adopté pour exclure un recours qui n'existait de toute façon pas à l'époque, mais, en réalité, pour éviter que l'administration fédérale intervienne dans la fixation des indemnités.
Au demeurant, lors de la revision de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le législateur n'a pas voulu soustraire les indemnités litigieuses au recours de droit administratif, car il ne les a pas énumérées aux art. 99 à 101 OJ (FF 1965 II 1336 et 1339). La teneur de l'actuel art. 46 al. 2 LFE, qui déclare applicables les dispositions générales de la procédure fédérale, confirme la volonté du législateur de ne pas déroger aux règles de la loi fédérale d'organisation judiciaire relatives à la recevabilité du recours de droit administratif.
Le recours de droit administratif est ainsi recevable.

3. Les animaux ayant dû être abattus sur ordre de l'autorité pour prévenir la propagation de l'IBR-IPV, le recourant a, en principe, droit à des indemnités (art. 1er al. 2 et 32 al. 1 ch. 3 LFE; art. 42a ch. 11 OCF). Elles doivent être calculées conformément à l'art. 36 LFE.
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Toutefois, selon l'art. 34 al. 1 LFE, l'indemnité n'est pas versée ou est réduite si la faute est légère, lorsqu'une personne lésée porte une part de responsabilité dans l'apparition de l'épizootie, ne l'a pas annoncée ou l'a annoncée trop tard, ou n'a pas appliqué de façon complète les prescriptions et ordres émanant de la police des épizooties. Il faut ainsi examiner si, en application de cette disposition, l'autorité cantonale a justement réduit les indemnités versées au recourant.
a) En vertu de l'art. 42a ch. 5 al. 1 OCF - en vigueur depuis le 1er janvier 1983 - du bétail bovin ne peut être transféré d'un troupeau dans un autre que si un examen sérologique du sang, ne datant pas de plus de six semaines, a donné un résultat négatif; le détenteur doit fournir la preuve que l'examen prescrit a été exécuté en produisant un certificat vétérinaire ou un rapport d'examen (al. 2); le destinataire ne peut mettre avec d'autres animaux que ceux pour lesquels une attestation valable a été établie (al. 3).
Dans le cas particulier, ces règles n'ont pas été respectées. En effet, pour chacune des vaches qu'il avait achetées, Christian Rufener a, le 18 février 1983, reçu un laissez-passer dont l'indication montrait clairement qu'un contrôle était en cours ou devait encore être exécuté. Elevant des bovins depuis de nombreuses années, l'intéressé ne pouvait ignorer que l'IBR-IPV était une maladie dangereuse et contagieuse. Aussi, au vu de la formulation équivoque de l'attestation délivrée par l'inspecteur du bétail de Châtel-St-Denis, le recourant devait compter avec l'éventualité que les animaux achetés soient atteints d'IBR-IPV. Certes, l'art. 42a ch. 9 lettre b OCF permet aux cantons, en cas de situation épizootique favorable et avec l'accord de l'Office vétérinaire fédéral, d'autoriser le déplacement d'animaux provenant de troupeaux libres d'IBR-IPV dans d'autres troupeaux, sans examen sérologique préalable; pour le trafic à l'intérieur du canton, la provenance d'un troupeau libre d'IBR-IPV peut être attestée directement sur le laissez-passer. Le canton de Vaud a fait usage de cette faculté en adoptant l'art. 1er du règlement du 22 décembre 1982. Mais cette disposition n'était pas en vigueur au moment du transfert litigieux, le règlement ne devenant exécutoire que le 22 février 1983, date de sa publication dans la "Feuille des avis officiels du canton de Vaud" (art. 1er et 4 de la loi vaudoise du 28 novembre 1922 sur la promulgation des lois, décrets et arrêtés). De toute manière, il ne s'agissait pas, en l'occurrence, d'un déplacement à l'intérieur du canton; par
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ailleurs, le troupeau du vendeur n'était pas officiellement reconnu libre d'IBR-IPV (art. 42a ch. 3 OCF), comme cela ressort de l'observation figurant sur le laissez-passer. En conséquence, Christian Rufener a violé l'art. 42a ch. 5 de l'ordonnance.
b) Les indemnités ne peuvent être réduites en application de l'art. 34 al. 1 LFE que si la transgression des prescriptions sur la police des épizooties est fautive.
Dans le cas particulier, le juge pénal l'a nié, Christian Rufener ayant été induit en erreur par un article "trompeur" paru dans "Terre romande". Si le juge administratif ne doit pas s'écarter sans raison sérieuse des conclusions du juge pénal, il faut toutefois constater, en l'espèce, que le Conseil d'Etat disposait d'un élément inconnu du juge pénal. En effet, dans le cadre de la procédure administrative, Christian Rufener a, dans une écriture du 5 décembre 1983, confirmé que "la nouvelle réglementation entrée en vigueur le 1er janvier 1983 n'a pas été portée à sa connaissance", puisqu'il n'était pas abonné au journal en question. Or, si Christian Rufener avait lu l'article et si celui-ci l'avait induit en erreur, il n'aurait pas manqué d'invoquer d'emblée ce fait à sa décharge. L'aveu contenu dans son écriture précitée montre que, en réalité, il ne connaissait exactement ni le texte de l'ordonnance fédérale, ni celui du règlement cantonal. Ce n'est que devant le juge pénal qu'il s'est rendu compte que l'article paru dans "Terre romande" pouvait être discutable; à ce moment seulement, il a alors déclaré avoir eu, par hasard, l'occasion de le lire. Apparaissant pour le moins tardive, cette affirmation ne peut dès lors être tenue pour établie faute d'autres éléments de preuve. On ne peut ainsi prendre en considération un article que le recourant n'a pas lu. En tout état de cause, malgré la mention inquiétante "IBR-IPV en contrôle", l'intéressé n'a entrepris aucune démarche sérieuse pour connaître le contenu des prescriptions applicables. Il a ainsi adopté un comportement contraire tant aux règles applicables au moment des faits litigieux qu'aux dispositions du règlement cantonal entré en vigueur quelques jours plus tard. Cela doit lui être imputé à faute.
On peut, certes, s'étonner que les inspecteurs du bétail n'aient pas procédé à une mise en garde ou à une intervention plus claire. S'il ne permet pas de disculper entièrement le recourant, cet élément atténue toutefois la gravité de la faute commise. Celle-ci peut ainsi être tenue pour légère, de sorte qu'une réduction des indemnités au sens de l'art. 34 al. 1 LFE s'avère justifiée.
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c) La quotité de la réduction est une question d'appréciation; elle est notamment fonction de la faute commise.
A cet égard, même s'il avait été plus juste de ne pas opérer de réduction sur les indemnités dues pour les deux vaches achetées le 16 février 1983 - la faute de Christian Rufener n'est dans ce cas pas en rapport de causalité avec la perte de ces animaux déjà contaminés -, on aurait, en revanche, pu considérer que la faute commise justifiait une réduction plus importante pour les autres bêtes. Quoi qu'il en soit, le Tribunal fédéral ne saurait admettre que le Conseil d'Etat a commis un abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 lettre a OJ) en réduisant de 10% les indemnités versées pour l'ensemble des bêtes abattues.

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Etat de fait

Considérants 2 3

références

Article: art. 32 al. 1 ch. 3 LFE, art. 36 al. 2 LFE, art. 99 à 102, art. 99 à 101