Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_321/2022  
 
 
Arrêt du 8 septembre 2022  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président, 
Marazzi et Bovey. 
Greffière : Mme Hildbrand. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
recourante, 
 
contre 
 
B.________, 
intimé. 
 
Objet 
retrait provisoire du droit de déterminer le lieu de résidence de l'enfant et placement provisoire, 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Président a.h. de la Cour administrative, du 10 mars 2022 (ADM 116/2021 + AJ 117/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. C.A.________, née en 2012, est la fille de A.A.________ et de B.________.  
 
A.b. B.________ a, par décision du 17 avril 2019 de l'Autorité de protection de l'enfant et de l'adulte des Montagnes et du Val-de-Ruz (canton de Neuchâtel), été mis au bénéfice d'un droit de visite sur sa fille qui devait s'exercer à six reprises, à quinzaine, par le biais du Point Rencontre puis, sauf avis contraire de la curatrice d'assistance éducative et de surveillance désignée pour l'enfant par cette même décision, par le biais du Point Echange, à quinzaine, une après-midi. Son droit de visite a été étendu fin août 2021.  
 
A.c. Le 18 novembre 2019, suite au déménagement de la recourante dans le canton du Jura, le for de la procédure de mesures de protection a été transféré à l'Autorité de protection de l'enfant et de l'adulte du canton du Jura (ci-après: APEA), avec effet au 1er décembre 2019. Une nouvelle curatrice a en conséquence été nommée pour l'enfant avec effet au 1er décembre 2019.  
 
A.d. Le 7 juin 2021, la Vice-présidente de l'APEA a prononcé, à titre de mesures superprovisionnelles, le retrait provisoire avec effet immédiat du droit de A.A.________ de déterminer le lieu de résidence de sa fille et a ordonné le placement provisoire de l'enfant, pour une durée indéterminée, à l'Institut D.________. Elle a également limité provisoirement et avec effet immédiat l'exercice des relations personnelles entre la mère et l'enfant, le droit de visite devant s'exercer sous surveillance au Point Rencontre en fonction des disponibilités de cette institution. La curatrice d'assistance éducative et de surveillance a été chargée d'organiser les modalités pratiques de l'exercice des relations personnelles.  
 
A.e. Cette décision a été confirmée par décision de mesures provisionnelles du 13 juillet 2021 du Vice-président de l'APEA.  
 
B.  
Statuant sur le recours formé le 27 juillet 2021 et complété le 30 juillet suivant par A.A.________ contre la décision du 13 juillet 2021, le Président de la Cour administrative du Tribunal cantonal du canton du Jura (ci-après: Président) l'a rejeté par jugement du 10 mars 2022. 
 
C.  
Par acte du 2 mai 2022, A.A.________ exerce un recours en matière civile, subsidiairement un recours constitutionnel, par-devant le Tribunal fédéral concluant principalement à l'annulation du jugement du 10 mars 2022 et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation dudit jugement du 10 mars 2022 et à sa réforme en ce sens que la levée immédiate du placement de sa fille et du retrait de son droit de déterminer le lieu de résidence de cette dernière soit ordonné. Elle sollicite également que son recours soit assorti de l'effet suspensif et d'être mise au bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale avec désignation de son mandataire en qualité de défenseur d'office. Ce dernier a toutefois fait en parallèle l'objet d'un prononcé d'incapacité de postuler dans la présente procédure. Le recours en matière civile formé contre cette décision a été rejeté par arrêt du 26 avril 2022 (5A_124/2022), de sorte que la recourante a été invitée à faire parvenir au Tribunal de céans un nouvel exemplaire de son recours muni de sa propre signature manuscrite, ce qu'elle a fait dans le délai imparti. 
Invités à se déterminer sur le recours, le Président s'en est rapporté à justice et l'intimé s'est opposé à l'octroi de l'effet suspensif sans prendre formellement de conclusions sur le fond. 
 
D.  
La requête d'effet suspensif a été rejetée par ordonnance du 18 août 2022. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme légale (art. 42 al. 1 LTF) par une partie qui a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 let. a et b LTF), le recours est dirigé contre une décision rendue sur recours par une autorité supérieure statuant en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 et 2 LTF) dans une affaire non pécuniaire, portant sur des mesures provisoires prises dans le domaine de la protection de l'enfant (art. 445 al. 1 CC en lien avec l'art. 310 al. 1 CC), à savoir une décision incidente (art. 93 LTF) sujette au recours en matière civile (art. 72 al. 2 let. b. ch. 6 LTF). La décision attaquée, qui concerne le sort de l'enfant, est en l'espèce susceptible de causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) puisque le droit de déterminer le lieu de résidence de celle-ci a été provisoirement retiré à sa mère et qu'elle a été placée dans un foyer, de sorte que même une décision finale ultérieure favorable à la recourante ne pourrait pas compenser rétroactivement l'exercice des prérogatives parentales dont elle a été frustrée (arrêts 5A_293/2019 du 29 août 2019 consid. 1; 5A_995/2017 du 13 juillet 2018 consid. 1.1). Le recours en matière civile est donc en principe recevable au regard des dispositions qui précèdent, ce qui a pour corollaire l'irrecevabilité du recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Comme la décision attaquée porte sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF, la partie recourante ne peut dénoncer que la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés par le recourant (" principe d'allégation ", art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 147 I 73 consid. 2.1; 146 III 303 consid. 2; 142 III 364 consid. 2.4). Le recourant qui se plaint de la violation d'un droit fondamental ne peut donc se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition; il ne peut, en particulier, se contenter d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer ses allégations par une argumentation précise (ATF 134 II 349 consid. 3; 133 II 396 consid. 3.2). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4; 140 III 264 consid. 2.3).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Dans l'hypothèse d'un recours soumis à l'art. 98 LTF, le recourant qui entend invoquer que les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ne peut obtenir la rectification ou le complètement des constatations de fait de l'arrêt cantonal que s'il démontre la violation de droits constitutionnels, conformément au principe d'allégation susmentionné (cf. supra consid. 2.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 et la référence). Le recourant ne peut pas se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (art. 106 al. 2 LTF; ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1; 140 III 264 consid. 2.3 et les références).  
En l'espèce, la partie " Faits " du recours (p. 5-7) sera ignorée en tant que les éléments qui y sont exposés ne sont pas expressément visés par un grief d'arbitraire dans l'établissement des faits, s'écartent de ceux contenus dans l'arrêt attaqué et que la recourante n'invoque, ni a fortiori ne démontre, leur établissement arbitraire ou que leur correction influerait sur le sort de la cause.  
 
3.  
Sous l'angle de la violation du principe de primauté du droit fédéral (art. 49 Cst.) et de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.), la recourante se plaint de l'absence de conformité de l'art. 12 al. 1 ch. 1 de la loi de la République et canton du Jura du 23 mai 2012 sur l'organisation de la protection de l'enfant et de l'adulte (RSJU 213.1; ci-après: LOPEA) avec l'art. 440 al. 2 CC
 
3.1. Invoquant un arrêt récent de la Cour de céans (arrêt 5A_524/2021 du 8 mars 2022, destiné à la publication), la recourante rappelle que l'art. 440 al. 2 CC qui prévoit que l'autorité de protection de l'adulte et de l'enfant prend ses décisions en siégeant à trois membres au moins, permet aux cantons de prévoir des exceptions pour des affaires déterminées. Elle relève toutefois que, selon le Message du Conseil fédéral, la compétence de l'ensemble des membres du collège est indispensable pour les procédures concernant l'application de mesures ou d'autres décisions portant gravement atteinte à la liberté personnelle. Dans la mesure où l'art. 12 al. 1 ch. 1 LOPEA permet au président de l'autorité de protection ou, en cas d'empêchement de ce dernier, au vice-président, de statuer seul notamment lorsqu'il s'agit d'ordonner des mesures provisionnelles ou superprovisionnelles au sens de l'art. 445 al. 1 et 2 CC et toutes autres mesures urgentes lorsqu'il n'est pas possible de réunir à temps l'autorité collégiale, elle soutient que cette disposition viole le principe de primauté du droit fédéral ainsi que l'interdiction de l'arbitraire puisque le droit fédéral ne permet pas une telle exception dans une procédure concernant le retrait du droit de déterminer le lieu de résidence d'un enfant, respectivement son placement.  
 
3.2. Dans son arrêt 5A_524/2021, le Tribunal fédéral a effectivement répondu par la négative à la question de savoir si, au regard du droit fédéral, des mesures provisionnelles retirant le droit de déterminer le lieu de résidence de l'enfant et prononçant le placement de celui-ci sur la base des art. 310 al. 1 et 445 al. 1 CC pouvaient être rendues par un membre unique de l'autorité de protection de l'enfant.  
Procédant à l'interprétation littérale de l'art. 440 al. 2 CC qui dispose que l'autorité de protection prend ses décisions en siégeant à trois membres au moins et que les cantons peuvent prévoir des exceptions pour des affaires déterminées, il a d'abord constaté que cette dernière notion n'était ni définie ni circonscrite, de sorte que l'art. 440 al. 2 CC, pris au sens littéral, laissait la liberté aux cantons de définir quelles pouvaient être les affaires échappant à l'obligation de composition collégiale de l'autorité décisionnelle (consid. 3.6.2.8). 
Il a ensuite constaté qu'il ressortait certes de l'interprétation historique - qui se confondait en l'espèce avec l'interprétation téléologique (consid. 3.6.4.1) - de l'art. 440 al. 2 CC qu'une certaine liberté avait été laissée aux cantons pour définir des exceptions à une composition collégiale de l'autorité décisionnelle au sens de l'art. 440 al. 2 CC mais que le Message du 28 juin 2006 concernant la révision du code civil suisse (Protection de l'adulte, droit des personnes et droit de la filiation; FF 2006 6635; ci-après: Message) n'avait pas pour autant renoncé à définir les contours des cas concernés, de sorte qu'on ne pouvait tirer de l'absence de liste exhaustive d'exceptions la volonté de donner un blanc-seing aux cantons. Interdiction leur était ainsi faite de contourner, par le biais de l'art. 440 al. 2 CC, le principe de collégialité dans certains types d'affaires où il devrait prévaloir au regard notamment de l'importance du cas concerné (consid. 3.6.2.8). 
S'agissant en particulier du prononcé de mesures provisionnelles, le Tribunal fédéral a constaté qu'une compétence individuelle était exclue s'agissant des mesures impliquant un pouvoir d'appréciation important et pour les décisions limitant l'exercice des droits civils de la personne concernée ou, d'une autre manière, portant gravement atteinte à sa liberté personnelle. Pour de telles décisions, la compétence d'un membre unique de l'autorité pouvait tout au plus être admise s'agissant de mesures superprovisionnelles au sens de l'art. 445 al. 2 CC (consid. 3.6.2.8). 
En définitive, le Tribunal de céans a retenu que le retrait du droit de déterminer le lieu de résidence de l'enfant et le placement de celui-ci, même prononcés à titre provisionnel, constituaient des mesures portant généralement une atteinte grave à des droits fondamentaux de l'enfant, singulièrement au respect de sa vie familiale, avec effet également pour les parents voire pour des tiers, en sorte que l'examen de ces questions par une autorité collégiale s'imposait (consid. 3.7). 
 
3.3. Compte tenu de ce qui précède et comme l'a déjà constaté le Tribunal de céans, hormis lorsque de telles mesures sont prononcées à titre superprovisionnel, l'art. 12 al. 1 ch. 1 LOPEA est contraire au droit fédéral (art. 440 al. 2 CC, en relation avec l'art. 445 al. 1 CC) en tant qu'il autorise un juge unique à prononcer le retrait du droit de déterminer le lieu de résidence de l'enfant et le placement de celui-ci à titre provisionnel. Il s'ensuit que le grief de violation de l'art. 49 Cst. de la recourante est fondé, ce qui rend la norme cantonale litigieuse inapplicable dans le cas particulier en raison de la force dérogatoire du droit fédéral (cf. ATF 140 V 233 consid. 4.4; 138 I 356 consid. 5.4.6 et les références). La décision du 13 juillet 2021 prononçant le retrait à titre provisionnel du droit de déterminer le lieu de résidence de l'enfant C.A.________ et le placement de celle-ci ainsi que le jugement attaqué du 10 mars 2022 seront par conséquent annulés et la cause sera renvoyée à l'APEA pour nouvelle décision dans le sens des considérants.  
 
4.  
En conclusion, le recours est admis dans la mesure de sa recevabilité, les décisions des 13 juillet 2021 et 10 mars 2022 annulées et la cause renvoyée à l'APEA pour nouvelle décision au sens des considérants. Le présent arrêt est rendu sans frais (art. 66 al. 4 LTF). En l'espèce, les conditions pour considérer que l'admission du recours résulte d'une erreur de procédure particulièrement grave ( Justizpanne; cf. arrêts 5A_477/2020 du 27 janvier 2021 consid. 4; 5A_107/2019 du 19 juin 2019 consid. 3 et les nombreuses références) ne sont pas réunies, de sorte que l'intimé devra verser une indemnité de dépens à la recourante (art. 68 al. 1 et 2 LTF), cette dernière étant encore représentée par un mandataire au moment du dépôt du recours (arrêt 5A_190/2020 du 30 avril 2021 consid. 6). L'ancien conseil de la recourante a fait parvenir au Tribunal de céans une note d'honoraires s'élevant à 2'396 fr. 95. Les opérations listées apparaissent manifestement excessives au vu des circonstances du cas d'espèce, à savoir que l'arrêt 5A_524/2021 ayant donné lieu à la jurisprudence pertinente en l'espèce concernait des clients du même conseil et était donc connue de ce dernier au moment de la rédaction du mémoire de recours. En considération des particularités de la cause, une indemnité de dépens de 1'000 fr. apparaît adéquate. Puisque la recourante ne supporte pas de frais judiciaires ni de dépens, sa demande d'assistance judiciaire est sans objet (ATF 109 Ia 5 consid. 5; arrêts 5A_403/2019 du 12 mars 2020 consid. 5.2; 5A_154/2019 du 1er octobre 2019 consid. 6.2 et la référence).  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable. La décision de première instance du 13 juillet 2021 prononçant le retrait du droit de déterminer le lieu de résidence de l'enfant C.A.________ et le placement de celle-ci ainsi que le jugement attaqué du 10 mars 2022 sont annulés et la cause est renvoyée à l'Autorité de protection de l'enfant et de l'adulte du canton du Jura (APEA) pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
L'intimé versera à la recourante une indemnité de 1'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est sans objet. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Président a.h. de la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura et à l'Autorité de protection de l'enfant et de l'adulte du canton du Jura (APEA). 
 
 
Lausanne, le 8 septembre 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : Hildbrand