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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.276/2002 /col 
 
Arrêt du 12 août 2002 
Ire Cour de droit public 
 
Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du Tribunal fédéral, 
Aeschlimann, Reeb, Féraud, Catenazzi, 
greffier Thélin. 
 
Compagnie d'applications et de relations économiques 
(Care SA), rue du Lion d'Or 2, 1003 Lausanne, 
recourante, représentée par Me Philippe Reymond, avocat, avenue d'Ouchy 14, case postale 155, 1000 Lausanne 13, 
 
contre 
 
A.________, 
B.________, 
C.________, 
tous trois représentés par Me Christian Fischer, avocat, avenue Juste-Olivier 9, 1006 Lausanne, 
D.________, représenté par Me François Chaudet, avocat, place Benjamin-Constant 2, case postale 3673, 1002 Lausanne, 
intimés; 
 
X.________, représenté par Me Laurent Moreillon, avocat, place St-François 5, case postale 3860, 1002 Lausanne, 
 
Juge d'instruction du canton de Vaud, rue du Valentin 34, 
1014 Lausanne, 
Procureur général du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne, 
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois, route du Signal 8, 1014 Lausanne. 
 
procédure pénale; constitution de partie civile 
 
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation n° 161 du 4 mars 2002. 
 
Faits: 
A. 
A la suite d'une plainte de X.________, le Juge d'instruction cantonal du canton de Vaud a ouvert une enquête pénale contre A.________, B.________, C.________ et D.________, prévenus notamment d'escroquerie et de contrainte commises dans leur activité au service de Crédit suisse Group SA. Le plaignant leur reproche de l'avoir privé d'une rémunération qui lui était due, à son avis, par l'établissement bancaire, à la suite de prestations d'intermédiaire qu'il prétend avoir fournies et qui auraient abouti à une importante prise de participation de cet établissement au capital d'un groupe industriel à l'étranger; il leur reproche également d'avoir résilié le crédit hypothécaire dont il bénéficiait. 
 
La plainte pénale contient, par ailleurs, le passage suivant: 
Je précise que j'ai également apporté au moins sept clients nouveaux en gestion de fortune au Crédit suisse, pour plusieurs millions, par l'intermédiaire d'une société CARE dont je suis l'un des actionnaires. Le Crédit suisse a reconnu mon intervention et le principe de ma rémunération en qualité d'intermédiaire. Il m'a arbitrairement fixé une rémunération dérisoire, sans me donner la moindre justification sur le volume d'affaires et le taux pris en compte. 
B. 
Par écritures du 10 et du 24 octobre 2001, la Compagnie d'applications et de relations économiques (Care SA) a déclaré intervenir dans la cause pénale et se constituer partie civile. Elle se disait créancière de la rémunération concernant l'apport de clients nouveaux, à laquelle le plaignant avait fait allusion, et elle produisait une expertise hors procès qu'elle avait obtenue sous l'autorité du Juge de paix du cercle de Lausanne, relative à l'ampleur des sommes qu'elle aurait dû recevoir. Elle considérait les agissements de la banque comme "curieusement semblables, voire identiques" aux faits dont le plaignant se prétendait lui-même victime. 
 
Le Juge d'instruction a refusé la constitution de partie civile de Care SA par une ordonnance du 19 novembre 2001. L'intervenante a recouru sans succès au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois qui, statuant le 4 mars 2002, a rejeté son recours et confirmé la décision. D'après cet arrêt, l'intervenante n'est pas directement lésée par les actes éventuellement commis au préjudice du plaignant, cela même dans l'hypothèse où elle serait cessionnaire de certaines des prétentions élevées par lui; pour le surplus, il incombe à cette société de porter elle-même plainte à raison d'actes similaires mais distincts, commis, le cas échéant, à son propre préjudice. 
C. 
Agissant par la voie du recours de droit public, Care SA requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal d'accusation; elle se plaint d'une application prétendument arbitraire des dispositions de droit cantonal concernant l'intervention en qualité de partie civile, et elle met en doute l'impartialité du Président du Tribunal d'accusation. 
Invités à répondre, les prévenus intimés proposent l'irrecevabilité ou le rejet du recours; X.________ et les autorités judiciaires ont renoncé à déposer des observations. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Les critiques concernant le Président du Tribunal d'accusation se rattachent, par simple redondance, à celles déjà élevées par X.________ dans un recours de droit public distinct, sur lequel Care SA a pu prendre position. Le Tribunal fédéral ayant statué sur ce recours (arrêt 1P.138/2002 du 17 juin 2002), lesdites critiques n'ont plus d'objet. 
2. 
Aux termes de l'art. 87 al. 2 OJ, le recours de droit public n'est recevable contre des décisions préjudicielles ou incidentes que s'il peut en résulter un préjudice irréparable. Selon la jurisprudence, la décision finale est celle qui met un terme au procès, qu'il s'agisse d'un prononcé sur le fond ou d'une décision appliquant le droit de procédure. En revanche, une décision est incidente lorsqu'elle intervient en cours de procès et constitue une simple étape vers la décision finale; elle peut avoir pour objet une question de procédure ou une question de fond jugée préalablement à la décision finale (ATF 123 I 325 consid. 3b p. 327; 122 I 39 consid. 1 p. 41). 
2.1 Il n'est pas douteux que, dans une cause pénale, la décision par laquelle l'autorité d'instruction autorise une personne à intervenir en qualité de partie civile est incidente, car elle ne met pas fin au procès pénal; elle ne cause au prévenu aucun préjudice irréparable, de sorte que celui-ci ne peut pas agir de suite par la voie du recours de droit public; il doit, au contraire, attendre l'issue du procès (arrêts 1P.450/1994 du 26 octobre 1994 et 1P.582/1994 du 12 octobre 1994). 
2.2 La situation est moins claire lorsque l'autorité, comme en l'espèce, refuse l'autorisation d'intervenir et que sa décision est contestée par le plaideur ainsi éconduit. 
 
Le Tribunal fédéral a parfois considéré la décision comme incidente, compte tenu qu'elle ne termine pas le procès pénal. En particulier, dans une affaire concernant un établissement d'assurance qui, selon le droit cantonal applicable, jouissait d'un droit d'accès au dossier même s'il n'intervenait pas en qualité de partie, le recours de droit public a été déclaré irrecevable au motif que le recourant n'exposait aucun élément de fait ou de droit propre à démontrer le risque d'un préjudice irréparable (arrêt 1P.114/2002 du 7 mai 2002). Dans un cas semblable, où le statut de l'intervenant ne présentait cependant pas de particularité, le Tribunal fédéral a laissé indécise la question du préjudice irréparable, compte tenu que le recours, même s'il était recevable, devait de toute façon être rejeté (arrêt 1P.580/2001 du 22 janvier 2002, consid. 1.3). 
 
En d'autres occasions, le Tribunal fédéral a examiné la décision d'un point de vue particulier au plaideur concerné, et l'a jugée finale parce que ledit plaideur était définitivement exclu du procès pénal; le recours de droit public était alors déclaré recevable au regard de l'art. 87 OJ (arrêt 1P.231/1998 du 16 juillet 1998, consid. 2b; voir aussi l'arrêt 1P.620/2001 du 21 décembre 2001, consid. 1 in fine). 
2.3 De ces deux approches, la première correspond le mieux à la définition textuelle de la décision incidente, telle que reproduite dans les arrêts publiés du Tribunal fédéral. Elle ne prend toutefois pas suffisamment en considération que dans le système de l'organisation judiciaire fédérale, les décisions incidentes sont, en principe, toujours susceptibles d'un contrôle de leur conformité aux droits constitutionnels des citoyens: l'art. 87 al. 3 OJ précise que si le recours de droit public séparé n'est pas recevable, celui-ci est possible conjointement avec la décision finale. Or, le plaideur auquel la qualité de partie est refusée n'a, par la suite, aucun droit de recevoir communication des décisions prises dans le procès; en particulier, le prononcé final, à l'occasion duquel il devrait pouvoir recourir, ne lui est pas notifié. Ce contexte juridique ne lui fournit donc aucune occasion d'épuiser, si nécessaire, les instances cantonales, puis de recourir au Tribunal fédéral. Il ne peut le faire que dans l'hypothèse où il apprend de façon informelle qu'une décision finale est intervenue. Cette solution est insatisfaisante déjà en raison de son caractère aléatoire et étranger au système de l'organisation judiciaire; de plus, en pareil cas, le calcul du délai de recours présente des incertitudes qu'il faut, autant que possible, éviter (cf. ATF 119 Ib 64 consid. 3b p. 71; 112 Ib 417 consid. 2d p. 422; arrêt 2A.293/2001 du 21 mai 2002, consid. 1b). 
 
Pour juger du caractère final ou, au contraire, incident de la décision par laquelle une constitution de partie civile est refusée, il apparaît donc préférable de se prononcer du point de vue relatif au plaideur concerné, et d'admettre qu'il s'agit d'une décision finale pour celui-ci, alors même que la cause pénale demeure pendante devant les autorités cantonales. A ce sujet, il convient d'observer que la condition du préjudice irréparable, selon l'art. 87 al. 2 OJ, s'examine aussi d'une façon relative à la partie qui recourt au Tribunal fédéral: le préjudice entrant en considération est celui subi par cette partie. 
2.4 C'est ainsi l'approche adoptée dans l'arrêt précité du 16 juillet 1998 qui est pertinente, et qui doit être suivie aussi dans la présente affaire. Il en résulte que l'arrêt attaqué est une décision finale, et que le recours de droit public est recevable au regard de l'art. 87 OJ
3. 
Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. A cet égard, il ne suffit pas non plus qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 127 I 54 consid. 2b p. 56; 126 I 168 consid. 3a p. 170; 125 I 166 consid. 2a p. 168; 125 II 10 consid. 3a p. 15). 
3.1 Selon la jurisprudence cantonale relative à l'art. 93 CPP vaud., le droit de se constituer partie civile dans le procès pénal est, en principe, réservé à la personne physique ou morale lésée de façon immédiate dans son honneur, ses biens ou son corps; l'intervenant doit ainsi rendre vraisemblable un lien de causalité directe entre l'infraction en cause et un dommage dont il demande réparation (JdT 2000 III 60). Cette jurisprudence est confirmée par l'arrêt présentement attaqué, et la recourante ne met pas en doute sa conformité à la loi; le Tribunal fédéral l'a d'ailleurs admise au regard de l'art. 9 Cst. (arrêt 1P.620/2001 du 21 décembre 2001, consid. 2.1). 
3.2 La recourante ne se prétend pas concernée par l'activité d'intermédiaire que le plaignant dit avoir fournie dans la prise de participation de la banque au capital d'un groupe industriel; il est donc évident qu'elle n'est aucunement lésée par les infractions imputables aux prévenus, le cas échéant, en rapport avec cette activité. 
3.3 Quant à l'apport de client nouveaux à l'établissement bancaire, la recourante affirmait, dans ses déclarations d'intervention du 10 et du 24 octobre 2001, avoir fourni elle-même cette prestation. Le plaignant X.________ n'aurait donc agi qu'en qualité de représentant de la société dont il est actionnaire. Cette thèse trouve une certaine confirmation dans la plainte pénale, si l'on comprend le passage pertinent en ce sens que X.________ explique avoir agi, et attendu une rémunération, dans son propre intérêt économique, mais au nom ("par l'intermédiaire") de ladite société. 
 
Le rapport de représentation direct, s'il est avéré, implique cependant que seule la société est directement lésée par l'éventuelle infraction, à l'exclusion de X.________. Celui-ci n'a donc pas qualité, au regard de l'art. 83 al. 1 CPP vaud., pour porter plainte au sujet de l'apport de clients nouveaux à la banque, c'est-à-dire à raison de faits préjudiciables à Care SA seulement; à la lecture de la plainte, on doute d'ailleurs qu'il ait effectivement voulu le faire. Dans ces conditions, le Tribunal d'accusation juge sans arbitraire que Care SA, si elle s'y croit fondée, doit déposer elle-même une plainte pénale à raison des faits qui la concernent, et qu'elle n'est pas autorisée à intervenir dans la cause de X.________, celle-ci ayant pour objet les seuls faits commis, le cas échéant, au préjudice personnel de ce dernier. Que les faits concernant respectivement la société et l'actionnaire soient "curieusement semblables, voire identiques" ne suffit évidemment pas, au regard de la jurisprudence précitée, à autoriser l'intervention de la première dans la cause du second. A supposer qu'elle dépose elle-même plainte, la société obtiendra éventuellement la jonction des causes, selon les art. 24 ou 25 CPP vaud., en raison de la connexité des faits. Une décision du Juge d'instruction est toutefois nécessaire à cette fin, et la voie de l'intervention, telle qu'adoptée par la recourante, a pour effet, notamment, d'éluder cette étape. 
 
Certains indices permettent aussi de supposer un rapport de représentation seulement indirect en faveur de Care SA, où X.________ aurait d'abord traité en son propre nom. En effet, le 16 mars 1998, ce dernier a communiqué à la banque l'instruction suivante: "Concernant la rémunération d'apports de clientèle [...], je souhaiterais que les payements soient effectués en faveur de Care SA, 2, rue du Lion d'Or à Lausanne. Cette société dispose d'un compte chez vous". De plus, en prévision de l'expertise hors procès, le 27 août 1999, X.________ a expressément cédé à la société, "à toutes fins utiles", les créances découlant de l'apport de clientèle à la banque. Or, si la société n'était qu'indirectement représentée, on peut admettre sans arbitraire qu'il n'existait pas non plus de rapport de causalité directe entre l'infraction et le dommage prétendument subi par elle. Par conséquent, dans cette hypothèse également, l'arrêt attaqué échappe au grief tiré de l'art. 9 Cst. 
4. 
Le recours de droit public se révèle mal fondé, ce qui entraîne son rejet. La recourante, qui succombe, doit acquitter l'émolument judiciaire et les dépens à allouer aux intimés. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
La recourante acquittera un émolument judiciaire de 3'000 fr. 
3. 
La recourante acquittera les sommes suivantes à titre de dépens: 
a) 2'000 fr. à l'intimé D.________; 
b) 2'000 fr. aux intimés C.________, B.________ et A.________, créanciers solidaires. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au Procureur général, au Juge d'instruction et au Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
Lausanne, le 12 août 2002 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le président: Le greffier: