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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
5A_76/2021  
 
 
Arrêt du 17 mai 2021  
 
IIe Cour de droit civil  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux 
Herrmann, Président, Schöbi et Bovey. 
Greffière : Mme Achtari. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Jämes Dällenbach, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Office des poursuites et des faillites, 
rue de l'Avenir 2, 2800 Delémont 1, 
intimé. 
 
Objet 
saisie de la rente AI (plainte LP), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton du Jura, Cour des poursuites et faillites, Autorité cantonale de surveillance, du 15 janvier 2021 
(CPF 40 / 2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par décision du 17 juillet 2020, l'Office des poursuites et faillites de Delémont (ci-après: office) a ordonné une saisie de salaire de 820 fr. par mois, auprès de la Caisse de compensation FER CIAM 106.1 à Genève, sur la rente d'invalidité de 1'915 fr. de A.________, le minimum vital mensuel de celle-ci et de son époux s'élevant à 6'752 fr. 95, étant précisé que le revenu mensuel de ce dernier se monte à 9'926 fr. 73. 
 
B.  
 
B.a. Par décision du 17 août 2020, l'autorité inférieure de surveillance a rejeté la plainte interjetée par la poursuivie contre cette mesure.  
 
B.b. Par arrêt du 15 janvier 2021, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton du Jura, en sa qualité d'autorité cantonale de surveillance en matière de poursuites et faillites, a rejeté le recours interjeté par la poursuivie contre cette décision.  
 
C.  
Par acte posté le 28 janvier 2021, A.________ interjette un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral contre cet arrêt. Elle conclut à sa réforme, en ce sens qu'il est dit que sa rente AI est insaisissable. En substance, elle se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits (art. 9 Cst.) ainsi que de la violation des art. 265, 92 al. 1 ch. 9a LP et 2 al. 2 CC. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours a été déposé dans le délai légal (art. 100 al. 2 let. a LTF) à l'encontre d'une décision finale (art. 90 LTF), prise en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF) par une autorité cantonale supérieure de surveillance statuant sur recours (art. 75 al. 1 et 2 LTF). Il est ouvert sans égard à la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. c LTF). La poursuivie, qui a succombé en instance cantonale, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF); cela étant, eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, il n'examine en principe que les griefs soulevés (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4 et la référence).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). " Manifestement inexactes " signifie ici " arbitraires " (ATF 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi les conditions précitées seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes en conformité avec les règles de procédure les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). 
 
3.  
 
3.1. L'autorité supérieure de surveillance a constaté que les revenus mensuels cumulés des époux s'élevaient à 11'841 fr. 73, dont la rente invalidité de 1'915 fr. de la recourante. Elle a jugé que le minimum vital de la recourante et de sa famille ne devait pas être déterminé sur la base de l'art. 265 al. 2 LP, au motif que la rente d'invalidité de la recourante avait été saisie, en application de l'art. 149 al. 3 LP, par le biais de nouvelles poursuites sans nouveaux commandements de payer, dans les six mois dès la réception des actes de défaut de biens au sens des art. 115 al. 1 et 149 LP, datés du 14 janvier 2020. Elle a ensuite constaté le montant des différents postes entrant dans le minimum vital du droit des poursuites et considéré que celui-ci avait été calculé de manière relativement large, étant donné que les revenus de la famille ne comprenaient pas la rente pour enfant de 319 fr., les éventuels 13ème salaire et bonus de l'époux ainsi que la participation de l'employeur aux cotisations d'assurance-maladie de la recourante, atteinte dans sa santé. Les charges comprenaient en revanche les primes d'assurance-maladie complémentaire. Sur la base de ces éléments, elle a confirmé que le solde disponible de la famille se montait à 5'088 fr. 78. Elle a qualifié ce montant de très confortable, d'autant que les époux étaient propriétaires d'un immeuble d'une valeur de 309'600 fr., et qu'ils possédaient des véhicules privés estimés à 19'058 fr. ainsi que des titres à concurrence de 73'250 fr. Elle a conclu que la recourante pouvait mener un train de vie élevé grâce aux revenus et à la fortune de son conjoint ainsi qu'à leur fortune commune et a retenu l'existence d'un abus de droit manifeste justifiant une exception au principe de l'insaisissabilité posé à l'art. 92 al. 1 ch. 9a LP. En conséquence, l'autorité supérieure de surveillance a jugé qu'il se justifiait d'admettre le caractère saisissable de la rente AI de la recourante à hauteur de 820 fr.  
 
3.2. La recourante se plaint tout d'abord de la violation des art. 92 al. 1 ch. 9a et 265 LP. Elle soutient que son niveau de vie doit être évalué en procédant par analogie avec les principes fixés par cette dernière norme, ce qui implique dès lors de doubler les minima vitaux de la famille, de tenir compte des dépenses fiscales, des primes d'assurances complémentaires, de l'amortissement de l'emprunt bancaire et d'autres dettes, des frais relatifs à son traitement en Allemagne, des frais de formation de son fils et de ceux liés aux véhicules en dehors de l'utilisation professionnelle.  
A titre subsidiaire, la recourante se plaint de la violation de l'art. 2 CC. Elle prétend que si l'un ou l'autre des postes précités devait être écarté, la saisie de sa rente devrait être exclue au motif qu'elle est gravement atteinte dans sa santé, ce qui entraîne des frais importants qu'elle a démontrés en produisant un devis de 56'500 fr. relatif à des travaux d'aménagement du domicile familial, qui n'ont pas pu être entrepris en raison de la situation financière du couple, en attente d'une détermination quant à la prise en charge de ces coûts par l'assurance-invalidité. 
Enfin, la recourante dénonce l'arbitraire dans l'établissement des faits, en tant que l'autorité supérieure de surveillance a tenu compte de différents actifs (immeuble, véhicules et titres), mais a ignoré l'emprunt bancaire de 100'000 fr. et des dettes de 807'084 fr. qui ressortent de l'avis de taxation, soit des passifs qui contrebalancent largement les actifs. 
 
4.  
La question qui se pose est celle de savoir si l'art. 265 al. 2 LP s'applique pour déterminer le train de vie du débiteur bénéficiaire d'une rente AI qui se prévaut de l'insaisissabilité de celle-ci. 
 
4.1.  
 
4.1.1. Conformément à l'art. 92 al. 1 ch. 9a LP, sont insaisissables, en particulier, les rentes au sens de l'art. 50 LAI. Cette norme déroge au principe selon lequel des prestations destinées à remplacer un revenu sont relativement insaisissables en vertu de l'art. 93 LP; le législateur a en effet estimé que, aussi longtemps que les prestations du premier pilier n'atteindraient pas leur but, c'est-à-dire couvrir les besoins vitaux dans une mesure appropriée, elles devaient être déclarées absolument insaisissables. En principe, cette solution est aussi valable en cas de dépassement du minimum vital par suite du cumul de plusieurs prestations différentes absolument insaisissables, voire d'une seule prestation de cette nature; de telles prestations échappent ainsi à la mainmise des créanciers, quand bien même elles excéderaient le minimum vital du débiteur et de sa famille (ATF 144 III 407 consid. 4.2.1).  
Toutefois, dans certaines circonstances, le créancier peut se prévaloir de l'interdiction de l'abus de droit au sens de l'art. 2 al. 2 CC à la charge du débiteur. Ce moyen invite le juge à tenir compte des particularités de l'espèce lorsque, en raison des circonstances, l'application ordinaire de la loi ne se concilie pas avec les règles de la bonne foi. L'abus de droit n'est réprouvé que s'il est " manifeste ", de sorte qu'il doit être admis restrictivement. Tel est le cas lorsque le débiteur mène un " grand train de vie " grâce aux revenus ou à la fortune de son conjoint, alors qu'il n'est lui-même au bénéfice que de ressources totalement insaisissables sous l'angle de l'art. 92 al. 1 ch. 9a LP (ATF 144 précité consid. 4.2.2 et 4.2.3). Pour en juger, il faut partir du minimum vital du droit des poursuites et garder à l'esprit que l'intérêt du créancier à recouvrer son dû prime celui du débiteur, de sorte que la notion d'aisance ne doit pas être interprétée extensivement (ATF 144 précité consid. 4.3). 
 
4.1.2. Le " grand train de vie " est une notion dont l'application fait appel au pouvoir d'appréciation du juge. Le Tribunal fédéral ne contrôle qu'avec réserve une décision prise dans l'exercice de celui-ci. Il intervient lorsque la juridiction cantonale s'écarte sans raison des règles établies en la matière par la doctrine et la jurisprudence, ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou encore lorsqu'elle ignore des éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; en outre, le Tribunal fédéral redresse les décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 138 III 252 consid. 2.1; 136 III 278 consid. 2.2.1; 135 III 121 consid. 2; arrêt 5A_265/2018 du 9 juillet 2018 consid. 3.3.2).  
Pour apprécier si le débiteur mène un grand train de vie au sens de la jurisprudence précitée, il faut notamment comparer les revenus du conjoint de ce débiteur avec le salaire mensuel brut moyen pour l'ensemble de l'économie du canton où le couple est domicilié. Si cette personne fait partie des 10% des salariés les mieux payés du canton, soit ceux qui obtiennent environ 179% du revenu moyen, on peut généralement retenir que le débiteur mène, grâce à ces revenus, un grand train de vie. 
 
4.2. En l'espèce, la recourante méconnaît tant le champ d'application de l'art. 265 LP que la portée de cette norme. En effet, l'art. 265 LP distingue expressément les conditions posées à la réquisition d'une nouvelle poursuite dans la faillite et dans la saisie en exigeant, dans la première, le retour à meilleure fortune, montant qui diffère de celui protégé à titre de minimum vital dans la saisie des revenus (art. 93 LP). L'idée selon laquelle l'opportunité doit être donnée au débiteur de se remettre économiquement est propre à l'exécution générale et doit donc être limitée à celle-ci (cf. entre autres: arrêt 5A_21/2010 du 19 avril 2010 consid. 4.1 et les références). Par ailleurs, le retour à meilleure fortune n'a pas d'influence sur l'application des règles sur la saisie: l'art. 265 LP ne pose aucune règle supplémentaire pour la saisie subséquente, comme un " minimum vital de second rang "; la constatation de la nouvelle fortune et la saisie subséquente sont deux opérations distinctes. Le législateur n'a pas eu dans l'idée de ménager encore davantage, à savoir au stade de la saisie subséquente, le débiteur dans l'hypothèse où il est revenu à meilleure fortune et que la poursuite ne peut être requise que jusqu'à concurrence de cette limite (ATF 136 III 51 consid. 3.3). Le grief de la recourante selon lequel l'autorité de surveillance aurait dû appliquer l'art. 265 LP dans la saisie doit donc être rejeté.  
Pour tenter d'obtenir la réforme de l'arrêt entrepris, il appartenait ainsi uniquement à la recourante de critiquer l'exercice du pouvoir d'appréciation de l'autorité précédente dans l'application de la notion de " grand train de vie ". Or, force est de constater que, dans les autres griefs qu'elle soulève (arbitraire dans l'établissement des faits et violation de l'art. 2 CC), elle se fonde sur des faits qu'elle n'expose pas clairement avoir allégués et offerts de prouver. En particulier, concernant la charge fiscale du couple, elle ne se réfère précisément à aucune pièce et n'indique pas si le montant de 2'791 fr. concerne un arriéré ou les impôts courants; concernant l'amortissement de la dette hypothécaire, elle ne se réfère pas non plus à une pièce et ne donne aucune information sur le paiement effectif et régulier d'un quelconque montant, et, enfin, concernant les dettes de 807'084 fr., elle n'indique non seulement pas sur quelle pièce elle se fonde mais n'explique pas non plus l'objet de telles dettes. En outre, concernant ses frais de traitement à l'étranger et les frais de formation de son fils, elle n'attaque pas les constatations de l'arrêt attaqué selon lesquelles les premiers ne sont démontrés qu'à hauteur de 1'500 euros et les seconds sont sans fondement étant donné que le début effectif de la formation n'est pas démontré; elle ne critique pas non plus l'argumentation en droit des juges précédents selon laquelle l'intérêt des créanciers prime sur l'entretien d'un enfant majeur. Enfin, concernant les frais de 57'500 fr. relatif aux travaux d'aménagement de sa maison, force est de constater que la recourante affirme elle-même qu'il ne s'agit là que d'un devis, et non d'une dépense effective. 
A cela s'ajoute qu'il ressort des faits que le conjoint de la recourante réalise des revenus de 9'926 fr., ce qui correspond à 172% du salaire brut médian dans le canton du Jura, de 5'756 fr. (https://stat.jura.ch/fr/STATISTIQUES/3-Travail-et-remuneration-1/33-Salaires-et-revenus-du-travail.html), et que l'autorité cantonale a en outre précisé que ces revenus ont été arrêtés sans tenir compte ni d'éventuelles gratifications, ni de la part de l'employeur aux cotisations de l'assurance-maladie. 
 
Il suit de là que la recourante ne démontre nullement que l'autorité supérieure de surveillance aurait mésusé de son pouvoir d'appréciation en retenant que, dans la mesure où le solde disponible de la famille se monte à 5'088 fr. une fois le minimum vital de celle-ci couvert, et ce sans prendre en compte la fortune du couple en sus des revenus de l'époux avoisinant 172% du salaire médian jurassien, les règles sur l'abus de droit commandent de procéder à une saisie de 820 fr. par mois sur sa rente AI de 1'915 fr. Ses griefs (violation des art. 9 Cst. et 2 CC) doivent être rejetés, dans la faible mesure de leur recevabilité. 
 
5.  
En définitive, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Aucun   dépens ne sont dus (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Jura, Cour des poursuites et faillites, Autorité cantonale de surveillance. 
 
 
Lausanne, le 17 mai 2021 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : Achtari