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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal               
 
 
2C_148/2020  
 
 
Arrêt du 19 janvier 2021  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux 
Seiler, Président, Aubry Girardin, Donzallaz, 
Hänni et Beusch. 
Greffière : Mme Vuadens. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Maîtres Fouad Sayegh 
et Yacine Rezki, avocats, 
recourante, 
 
contre  
 
Administration fiscale cantonale du canton de Genève, 
rue du Stand 26, case postale 3937, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
Impôt cantonal et communal et impôt fédéral direct de la période fiscale 2011; donation ou revenu imposable, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 4ème section, du 20 décembre 2019 
(ATA/1848/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.   
 
A.a. A.________ est domiciliée à B.________, dans le canton de Genève. Elle était mariée avec C.________, qui est décédé des suites de ses blessures survenues lors d'un attentat dirigé contre la personnalité politique libanaise AE.________.  
AE.________ avait fondé en 1978 D.________ Ltd (ci-après: la Société), une société commerciale saoudienne qui a été active jusqu'en juillet 2017, notamment dans le domaine de la construction immobilière. La Société est propriété de la famille E.________ depuis sa fondation. BE.________, fils de AE.________, en était le président du Conseil d'administration. 
 
A.b. Dans sa déclaration fiscale pour l'année 2011, A.________ a fait état d'une fortune brute de 6'367'041 fr. et d'un revenu brut de 244'882 francs. Ce revenu était composé d'une indemnité de 31'941 fr., payée par le Ministère des finances de l'Etat libanais, et d'une "rente de veuve" de 212'941 fr., versée par la Société.  
Par courrier du 30 mai 2013, rappelé le 4 octobre 2013 avec menace de taxation d'office et d'amende, l'Administration fiscale du canton de Genève (ci-après: l'Administration cantonale) a requis de la contribuable qu'elle produise des justificatifs concernant les rentes qu'elle avait perçues en 2011. 
 
A.c. Par bordereaux du 3 décembre 2013, l'Administration cantonale a taxé d'office A.________ pour la période fiscale 2011, tant s'agissant de l'impôt cantonal et communal que de l'impôt fédéral direct. Elle a notamment estimé le montant des rentes perçues à respectivement 35'000 fr. et 270'000 fr. (art. 105 al. 2 LTF; rectification d'office de l'arrêt attaqué qui retient par erreur en page 3 ch. 5 que l'Administration cantonale a ajouté d'office 270'000 fr. aux revenus déclarés). L'impôt cantonal et communal s'élevait à 134'797 fr. 95 et l'impôt fédéral direct à 32'620 fr. 80.  
 
A.d. Le 28 janvier 2014, A.________ a formé une réclamation contre les bordereaux de taxation d'office du 3 décembre 2013, en se référant aux renseignements qu'elle avait adressés le même jour à l'Administration cantonale et en demandant à être imposée conformément aux éléments qui ressortaient de sa déclaration fiscale. S'agissant de la rente perçue de la Société, elle s'est référée à l'attestation du 29 novembre 2013 qu'elle avait adressée à l'Administration cantonale le 3 décembre 2013. La Société y attestait avoir versé en 2011 à A.________ une rente de soutien de 240'000 USD, ainsi qu'une somme de 500'000 USD, qui représentait l'acompte d'une donation dont le montant total était encore à déterminer.  
Le 26 janvier 2015, l'Administration cantonale a notamment demandé à la contribuable qu'elle lui fournisse des renseignements au sujet de la donation de 5'386'860 fr. (recte: USD; art. 105 al. 2 LTF) qu'elle avait reçue en 2007. En réponse à cette demande, l'intéressée lui a transmis, le 20 février 2015, une attestation établie par BE.________ le 29 janvier 2015. BE.________ y indiquait avoir décidé d'effectuer régulièrement une donation à A.________, conformément au droit coutumier. Les circonstances de l'assassinat de C.________ n'avaient pas permis de fixer le montant global qui lui était dévolu avant l'année 2014. BE.________ attestait avoir versé à l'intéressée, sur ses propres deniers, les sommes de 5'386'860 USD en 2007, de 350'000 USD en 2014 et de 350'000 USD en 2015, ajoutant que, dès 2016, une donation de 7'000'000 USD lui serait allouée en vingt versements annuels de 350'000 USD et que d'autres donations ultérieures n'étaient pas exclues. 
Le 15 février 2016, A.________ a produit des documents bancaires comprenant des indications relatives aux versements qu'elle avait reçus en 2011. Elle a expliqué que la somme perçue en 2011 de la famille E.________ (l'arrêt attaqué n'en précise pas pas le montant, mais il s'agit très vraisemblablement de la somme de 440'000 USD citée en page 4 consid. 15 de l'arrêt attaqué et mentionnée ci-après sous consid. A.e) représentait une donation faite en application du droit coutumier. Il s'agissait d'une donation conforme à une règle traditionnelle et à l'objectif poursuivi de lui assurer un confort nécessaire pour l'aider à surmonter l'épreuve de la disparition de son mari. L'octroi de donations n'était pas garanti pour l'avenir. Les promesses qui lui étaient faites représentaient des obligations morales qui ne valaient pas reconnaissances de dettes, dans la mesure où elles étaient dépourvues de base légale. Il s'agissait de prestations sans contre-prestations provenant d'une famille donatrice établie à l'étranger, qui agissait selon les coutumes de son pays et un statut économique propre. 
 
Le 27 juillet 2016, l'Administration cantonale a demandé à la contribuable si les versements qu'elle recevait chaque année de la Société étaient aussi liés à l'exécution d'un devoir moral découlant du respect d'une coutume. L'intéressée a confirmé cette interprétation et précisé que la Société appartenait à la famille E.________. 
 
A.e. Le 11 novembre 2016, l'Administration cantonale a informé A.________ de son intention de réformer in pejus les décisions de taxation du 3 décembre 2013 pour la période fiscale 2011, en incluant dans ses revenus imposables tous les montants qu'elle avait reçus de la Société en 2011, soit un total de 740'000 USD, ainsi que la somme de 440'000 USD qu'elle avait reçue de la famille E.________. Converties en francs suisses, ces sommes représentaient un total de 1'046'962 francs. Dans ses déterminations, la contribuable a conclu à l'exonération de ces montants, au titre de donations ou de versements opérés en exécution d'une obligation d'assistance fondée sur le droit de la famille.  
 
B.   
Par décision sur réclamation du 23 février 2018, l'Administration cantonale a rectifié les bordereaux de taxation d'office du 3 décembre 2013 en défaveur de la contribuable dans le sens annoncé le 11 novembre 2016. L'impôt cantonal et communal 2011 s'élevait désormais à 354'105 fr. 85 et l'impôt fédéral direct 2011 à 129'377 fr. 10. 
Le 27 mars 2018, A.________ a recouru contre cette décision sur réclamation auprès du Tribunal administratif de première instance du canton de Genève, concluant à l'exonération des sommes de 212'941 fr. (240'000 USD), 443'628 fr. (500'000 USD) et 390'393 fr. (440'000 USD) qu'elle avait reçues en 2011 de la famille E.________. Le Tribunal administratif a rejeté le recours par jugement du 3 décembre 2018. 
Par arrêt du 20 décembre 2019, la Cour de justice, Chambre administrative, du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le recours formé par A.________ contre le jugement du 3 décembre 2018 du Tribunal administratif. La contribuable ne pouvait pas avoir reçu de donations de la part d'une entité qui poursuivait des buts économiques. Au surplus, quand bien même les prestations se fondaient, comme l'alléguait la contribuable, sur une obligation coutumière ou naturelle, elles ne seraient pas exonérées non plus. La recourante n'avait finalement pas démontré avoir de liens familiaux avec la famille E.________, de sorte que l'on ne pouvait pas être en présence de prestations versées en exécution d'une obligation fondée sur le droit de la famille. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, principalement, de réformer l'arrêt du 20 décembre 2019 de la Cour de justice dans le sens des considérants; subsidiairement, de renvoyer la cause à la Cour de justice pour nouvelle instruction et réforme de son arrêt. 
La Cour de justice s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'Administration cantonale conclut au rejet du recours. L'Administration fédérale des contributions se rallie à l'arrêt attaqué et conclut au rejet du recours. 
Dans son courrier d'accompagnement, la recourante a par ailleurs prié le Tribunal fédéral qu'il caviarde de l'arrêt accessible au public tous les faits qui permettraient d'identifier ses liens et ceux de feu son mari avec AE.________ et sa famille, ainsi qu'avec les juridictions concernées. 
 
 
Considérant en droit :  
 
 
I.       Recevabilité et points de procédure  
 
 
1.   
 
1.1. Le recours est dirigé contre une décision rendue dans une cause de droit public (cf. art. 82 let. a LTF), par une autorité judiciaire cantonale supérieure de dernière instance (cf. art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) sans qu'aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF ne soit réalisée, de sorte que la voie du recours en matière de droit public est en principe ouverte (cf. également l'art. 146 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct [LIFD; RS 642.11 pour cet impôt], ainsi que l'art. 73 al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes [LHID; RS 642.14] pour ce qui concerne l'impôt cantonal et communal).  
 
1.2. Les mémoires doivent indiquer les conclusions (art. 42 al. 1 LTF). Celles-ci doivent être claires, mentionner sur quels points la décision est attaquée et quelles sont les modifications demandées, pour que le Tribunal fédéral puisse déterminer ce qui est encore litigieux devant lui. Le principe d'interdiction du formalisme excessif commande toutefois d'admettre la recevabilité de conclusions si, à la lecture du mémoire, on comprend clairement ce que veut le recourant (arrêts 2C_477/2020 du 17 juillet 2020 consid. 1.2; 2C_821/2017 du 23 mars 2018 consid. 4.3 et les références; FLORENCE AUBRY GIRARDIN, in Commentaire de la LTF, 2 e éd. 2014, n° 14 s. ad art. 42 LTF). Bien que représentée par deux mandataires professionnels, la recourante ne prend pas de conclusions claires, puisqu'elle se limite à demander la réforme de l'arrêt attaqué "dans le sens des considérants", sans indiquer dans quelle mesure elle le conteste. On comprend toutefois de la motivation du mémoire que la recourante fait valoir que les montants de 240'000 USD, 500'000 USD et 440'000 USD qu'elle a reçus en 2011, et qui correspondent à un total de 1'046'962 fr., devraient être exonérés de l'impôt sur le revenu. Il y a partant lieu d'admettre la recevabilité des conclusions.  
 
1.3. Lorsque la décision attaquée comporte plusieurs motivations indépendantes, alternatives ou subsidiaires, toutes suffisantes pour sceller le sort de la cause, la partie recourante doit, sous peine d'irrecevabilité, démontrer que chacune d'elles est contraire au droit (ATF 138 I 97 consid. 4.1.4 p. 100; 133 IV 119 consid. 6.3 p. 120 s.). En l'espèce, la recourante s'est conformée à cette exigence, de sorte que le recours est recevable sous cet angle.  
 
1.4. Le recours remplit les autres conditions de l'art. 42 LTF et a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par la destinataire de l'arrêt attaqué, qui a qualité pour recourir (cf. art. 89 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière.  
 
2.   
 
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Selon l'art. 106 al. 2 LTF toutefois, il n'examine la violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant, c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de façon claire et détaillée (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368; 141 I 36 consid. 1.3 p. 41). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (cf. ATF 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375; 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral examine en principe librement la conformité du droit cantonal harmonisé et de sa mise en pratique par les instances cantonales aux dispositions de la LHID, à moins que les dispositions de cette loi fédérale ne laissent une marge de manoeuvre aux cantons, auquel cas le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral se limite aux griefs constitutionnels, en particulier à l'arbitraire, pour autant qu'ils aient été invoqués et motivés de manière conforme aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 144 II 313 consid. 5.3 p. 319; 134 II 207 consid. 2 p. 209 s.).  
 
3.   
Pour statuer, le Tribunal fédéral se fonde sur les faits établis par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF). Selon l'art. 97 al. 1 LTF, le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 142 II 355 consid. 6 p. 358; 139 II 373 consid. 1.6 p. 377). 
 
4.   
Sans formuler de conclusion expresse à cet égard dans son recours, la recourante a demandé au Tribunal fédéral qu'outre l'anonymisation de son nom, il soit procédé au caviardage d'éléments de faits qui permettraient de l'identifier dans l'arrêt qui sera rendu accessible au public, "compte tenu du caractère particulièrement sensible de l'état de fait". 
 
4.1. Conformément à l'art. 27 LTF, le Tribunal fédéral informe le public sur sa jurisprudence (al. 1); les arrêts sont en principe publiés sous une forme anonyme (al. 2). L'art. 59 du règlement du Tribunal fédéral du 20 novembre 2006 (RTF; RS 173.110.131), auquel renvoie l'art. 27 al. 3 LTF, instaure l'obligation de publier tous les arrêts rendus par le Tribunal fédéral sur Internet (al. 1); le président de la cour concernée prend les mesures appropriées pour la protection de la personnalité des parties (al. 2).  
L'anonymisation des arrêts vise en principe les noms des particuliers, à l'exclusion de la désignation de leurs mandataires, des instances précédentes, des autorités et collectivités ou des localités (cf. arrêt 2E_2/2013 du 30 octobre 2014 consid. 3.2.1 et les références). Au-delà de la suppression des noms, il est parfois nécessaire de masquer certains détails qui permettraient sinon de savoir très facilement de qui il s'agit ou d'avoir accès à des secrets d'affaires (arrêt 4P.74/2006 du 19 juin 2006 consid. 8.4.2). Il y a lieu d'être particulièrement vigilant lorsqu'il existe un intérêt élevé à la protection de la personnalité, par exemple pour les victimes d'infractions d'ordre sexuel ou les jeunes. L'arrêt doit toutefois rester intelligible, même s'il n'est pas exclu qu'une personne déjà au fait des détails de l'affaire puisse reconnaître le nom d'une partie, car il en va ainsi de tous les arrêts que le Tribunal fédéral rend publics (ATF 133 I 106 consid. 8.3 p. 109; arrêt 2C_506/2020 du 6 août 2020 consid. 7.2 et les références). Il incombe aux parties qui estiment que le principe de la publicité de la justice entre en conflit avec la protection de leur personnalité et de leur sphère privée de formuler une demande formelle et motivée tendant à ce que leurs droits soient préservés (arrêt 2C_201/2016 du 3 novembre 2017 consid. 3.2, non publié in ATF 144 II 130 mais in Pra 2018/126 p. 1163). 
 
4.2. En l'occurrence, la Cour de céans a déjà limité sa présentation de l'état de faits aux seuls éléments nécessaires à la compréhension de l'arrêt. La recourante ne fait par ailleurs valoir aucun élément concret qui justifierait de procéder à des caviardages supplémentaires dans la version anonymisée de l'arrêt qui sera rendue accessible au public. Dans ces circonstances, il ne sera pas donné suite à la requête d'anonymisation.  
 
II.       Objet du litige  
 
5.   
Le litige porte sur le traitement fiscal, au plan de l'impôt sur le revenu, des montants que la recourante a reçus en 2011 à hauteur de 1'046'962 francs. La Cour de justice est d'avis qu'il s'agit de revenus imposables, alors que la recourante soutient qu'il s'agit de donations exonérées. 
 
III.       Impôt fédéral direct  
 
6.   
Selon l'art. 16 al. 1 LIFD, l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques. Cette disposition exprime la théorie de l'accroissement du patrimoine, respectivement du principe de l'imposition du revenu global net, selon lesquels tous les montants qui accroissent le patrimoine d'une personne sont inclus dans son revenu imposable, à moins d'être expressément exonérés (ATF 146 II 6 consid. 4.1 p. 9; 143 II 402 consid. 5.1 p. 404). Dans la LIFD, les revenus exonérés sont les gains en capitaux privés (art. 16 al. 3 LIFD) et les revenus énumérés dans la liste exhaustive figurant à l'art. 24 LIFD (ATF 143 II 402 consid. 5.1 p. 404). Dans un système caractérisé par une imposition générale des revenus, ces exceptions à l'imposition doivent être interprétées de manière restrictive (ATF 146 II 6 consid. 4.1 p. 9 s.; 143 II 402 consid. 5.3 p. 404 s. et les références). 
 
7.   
En l'occurrence, la recourante fait valoir que les montants qu'elle a perçus en 2011 sont des donations exonérées en vertu de l'art. 24 let. a LIFD
 
7.1. Selon cette disposition, les dévolutions de fortune ensuite d'une donation sont exonérées de l'impôt sur le revenu. La notion de donation est d'abord une notion qui ressortit au droit civil. Elle est définie à l'art. 239 al. 1 CO comme une disposition entre vifs par laquelle une personne cède tout ou partie de ses biens à une autre, sans contre-prestation correspondante. Selon la jurisprudence, la notion fiscale de donation ne se recoupe pas forcément entièrement avec celle du droit civil et peut comporter des particularités, en raison du but de la loi ou pour des motifs pratiques (ATF 146 II 6 consid. 7.1 p. 12 s.; 118 Ia 497 consid. 2b/aa p. 500). Les critères de l'acte d'attribution entre vifs, de la gratuité et de l'animus donandi (volonté de donner) sont toutefois communs (ATF 146 II 61 consid. 7.1 p. 12 s. 118 Ia 497 consid. 2b/aa p. 500; arrêt 2C_32/2020 du 8 juin 2020 consid. 3.3). Il y a donc donation au sens de l'art. 24 let. a LIFD si trois conditions sont remplies: 1) un versement est effectué entre vifs, 2) à titre gratuit et 3) dans l'intention de faire une donation (animus donandi) (arrêts 2C_379/2019 du 1er mai 2020 consid. 2.1 et les références; 2C_703/2017 du 15 mars 2019 consid. 3.3.1, in StE 2019 B 22.2 Nr. 35; 2A.668/2004 du 22 avril 2005 consid. 3.3, in Archives 76 p. 675; ANDREA OPEL, in Erbschafts- und Schenkungssteuerrrecht, 2020, § 7 p. 43 n° 12; RICHNER/FREI/KAUFMNANN/MEUTER, Handkommentar zum DBG, 3e éd. 2016, n° 16 ad art. 24 DBG).  
L'impôt sur les donations et l'impôt sur le revenu sont donc exclusifs l'un de l'autre (YVES NOËL, in Impôt fédéral direct, Commentaire romand, 2e éd. 2017, n° 8 ad art. 24 LIFD). Peu importe en revanche que la donation ait été effectivement soumise à un impôt sur les donations ou qu'elle en ait été exonérée (par exemple, parce que son montant n'atteint pas le seuil imposable). Le prélèvement effectif d'un impôt sur les donations ne constitue en d'autres termes pas une condition à l'exonération d'une donation en vertu de l'art. 24 let. a LIFD (cf. OPEL, in op. cit., § 7 p. 41 n° 4). 
 
7.2. L'acte d'attribution entre vifs ne consiste pas nécessairement en une prestation unique. Le fait que l'on soit en présence de prestations périodiques n'exclut pas que l'on soit en présence de donations (ATF 146 II 6 consid. 7.1 p. 13 et les références).  
 
7.3. La condition, objective, de la gratuité de l'attribution est réalisée lorsque le donataire ne fournit pas, pour le don, de contre-prestation en faveur du donateur (ATF 146 II 6 consid. 7.1 p. 13).  
 
7.4. La condition, subjective, de l'animus donandi signifie que le donateur doit avoir la conscience et la volonté d'effectuer une attribution à titre gratuit en faveur du donataire (ATF 146 II 6 consid. 7.1 p. 13 et les références; 118 Ia 497 consid. 2b/aa p. 500; arrêt 2C_32/2020 du 8 juin 2020 consid. 3.3; SIEBER/OEHRLI, in Erbschafts- und Schenkungssteuerrrecht, 2020, § 14 p. 156 n° 52).  
Selon la jurisprudence, il n'y a pas d'animus donandi lorsque la prestation n'est pas effectuée librement, mais en vertu d'une obligation juridique (ATF 146 II 6 consid. 7.1 p. 13; arrêts 2C_703/2017 du 15 mars 2019 consid. 3.3.2; 2P.296/2005 du 29 août 2006, traduit in RDAF 2006 II 501; 2A.668/2004 du 22 avril 2005 consid. 3.4.3). Cette obligation juridique peut être légale, statutaire ou contractuelle (SIEBER OEHRLI, in op. cit., § 14 p. 157 n° 54). La donation doit donc avoir un caractère discrétionnaire : un donateur donne ce qu'il veut, à qui il veut et quand il le veut (SIEBER/OEHRLI, in op. cit., § 14 p. 157 n° 55). 
En se référant à l'art. 239 al. 3 CO, qui dispose que l'accomplissement d'un devoir moral ne constitue pas une donation, la doctrine nie aussi l'existence d'un animus donandi lorsqu'une personne effectue une prestation en accomplissement d'un devoir moral (RICHNER/FREI/KAUFMNANN/MEUTER, op. cit., n° 19 ad art. 24 DBG; SIEBER/ OEHRLI, in op. cit., p. 157 n° 54; RICHNER/FREI, Kommentar zum Zürcher Erbschafts- und Schenkungssteuergesetz, 1996, p. 159 n° 84; MARKUS OEHRLI, Die gemischte Schenkung im Steuerrecht, 2000, p. 72 s.). Certains de ces auteurs précisent toutefois que l'existence d'un devoir moral ne doit pas être admise largement (RICHNER/FREI, op. cit., p. 159 s. n° 8). A titre d'exemples de versements effectués par devoir moral, RICHNER/FREI/KAUFMNANN/MEUTER mentionnent les montants versés à titre d'entretien d'un ancien concubin afin de lui éviter de dépendre de l'aide sociale, ou les montants versés à un enfant par un parent qui ne serait pas lié à son égard par une obligation légale d'entretien (RICHNER/FREI, op. cit., p. 159 n° 84 et les références). 
Le Tribunal fédéral n'a pas eu l'occasion de trancher la question de savoir si le fait qu'une attribution a été effectuée en exécution d'un devoir moral exclut ou non l'existence d'une donation au sens de l'art. 24 let. a LIFD. Les arrêts qui évoquent cette question le font en lien avec des dispositions cantonales concernant l'impôt sur les donations. Dans une affaire qui concernait l'ancien droit cantonal bernois relatif à l'impôt sur les donations, le Tribunal fédéral a seulement souligné que les motifs qui ont présidé à une donation, tels que la gratitude, la générosité ou l'existence d'un devoir moral, n'étaient pas pertinents pour l'assujettissement à l'impôt sur les donations, et que la disposition cantonale bernoise qui le précisait ("Die Gründe und Absichten, aus welchen die Schenkung erfolgte, üben auf die Steuerpflicht keinen Einfluss aus") montrait seulement que la notion fiscale de donation pouvait être plus large que celle du droit civil (ATF 118 Ia 497 consid. 2b cc p. 502; cf. aussi SIEBER/OEHRLI, in op. cit., p. 156 n° 53). Dans un autre arrêt, qui concernait également l'impôt sur les donations bernois, le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir si l'existence d'un devoir moral pouvait être assimilée à une obligation juridique, ce qui ferait obstacle à la reconnaissance du caractère gratuit de l'attribution et partant à l'existence d'une donation (arrêt 2P.332/1999 du 4 avril 2000 consid. 3d; cf. aussi ATF 102 Ia 418 consid. 4c p. 424, en lien avec le droit cantonal zurichois, où le Tribunal fédéral a examiné si l'instance précédente était tombée dans l'arbitraire en considérant que les circonstances du cas d'espèce ne permettaient pas d'appliquer la jurisprudence cantonale zurichoise qui excluait l'existence d'une donation en cas de devoir moral). Il ressort de ces arrêts que la jurisprudence n'est pas univoque quant au point de savoir si l'existence d'un devoir moral exclut ou pas l'existence d'une donation sous l'angle fiscal. Il n'est toutefois pas nécessaire d'examiner plus avant cette question pour résoudre le cas d'espèce, étant donné les considérants qui suivent (cf. en particulier consid. 8.3.3). 
 
8.   
En l'espèce, les sommes que la recourante a reçues en 2011 pour un montant total de 1'046'962 fr. sont venues accroître son patrimoine et représentent de ce fait a priori des revenus imposables (art. 16 al. 1 LIFD). Devant les juges précédents, la recourante a allégué que ces montants devaient être qualifiés de donations et qu'ils étaient de ce fait exonérés de l'impôt en vertu de l'art. 24 let. a LIFD. Il s'agissait de prestations qui lui avaient été octroyées entre vifs, à titre gratuit et avec la volonté de donner (animus donandi). 
 
8.1. La Cour de justice a admis que les versements litigieux étaient intervenus à titre gratuit. Elle a en revanche estimé que la condition de l'animus donandi n'était pas remplie, sur la base d'une double motivation. A titre principal, elle a relevé que tous ces versements - y compris la somme de 440'000 USD, dont l'Administration cantonale avait admis à tort qu'elle émanait de la famille E.________ directement - provenaient de la Société. Or, eu égard à son but commercial, cette entité ne pouvait pas avoir d'animus donandi. A.________ n'avait en particulier pas prouvé ni même allégué qu'un impôt sur les donations avait été acquitté au Liban. A titre subsidiaire, même s'il fallait admettre que les prestations étaient fondées, comme la recourante l'avait allégué, sur une "obligation coutumière ou naturelle", elles ne pouvaient pas non plus être exonérées de l'impôt sur le revenu, la jurisprudence excluant l'animus donandi dans un tel cas.  
 
8.2. La recourante reproche d'abord aux juges précédents d'avoir violé l'art. 24 let. a LIFD en considérant que le prélèvement d'un impôt sur les donations était une condition de l'exonération au sens de cette disposition. Elle leur reproche ensuite d'avoir exclu de manière systématique qu'une société de capitaux puisse avoir un animus donandi. Cette conception reposerait sur une jurisprudence rendue sous l'empire de l'AIFD et serait dépassée depuis l'entrée en vigueur de la LIFD, comme l'attestait l'existence de l'art. 59 al. 1 let. c LIFD. L'absence d'animus donandi d'une personne morale poursuivant un but commercial ne serait qu'une présomption réfragable, en particulier lorsqu'il est établi que les versements effectués n'ont aucun lien avec ses buts économiques. Tel serait le cas en l'espèce, puisque la Société avait un but commercial. Les juges précédents avaient du reste reconnu à BE.________, organe de la Société, la volonté de faire des donations à la recourante, puisque c'était ainsi qu'avaient été désignés les montants qu'il lui avait alloués sur ses propres deniers en 2007, 2014 et 2015. Les versements provenant de la Société représentaient la continuité de cette même volonté.  
A titre subsidiaire, la recourante allègue que si l'animus donandi de la Société ne devait pas être retenu, les versements litigieux devraient être envisagés comme des prestations appréciables en argent faites par la Société à ses actionnaires (soit la famille E.________), suivies de donations de ces derniers à la recourante. L'intention de donner de la famille E.________ ressortirait de manière claire des circonstances et aurait été admise par les juges précédents. 
 
8.3.   
 
8.3.1. Comme le relève pertinemment la recourante, et contrairement à ce que soutient la Cour de justice, le point de savoir si un impôt sur les donations a été prélevé ou non n'est pas une condition d'application de l'art. 24 let. a LIFD (cf. supra consid. 7.1). Cette erreur est toutefois sans incidence sur l'issue du litige, étant donné ce qui suit.  
 
8.3.2. Selon la jurisprudence, les sociétés commerciales ne font en principe pas de donations, car elles allouent des montants pour des motifs économiques (ATF 146 II 6 consid. 7.1 p. 13). L'arrêt 2A.303/1994 du 23 décembre 1996 que les juges précédents invoquent dans l'arrêt attaqué ne dit pas autre chose (cf. son consid. 3d). Cet arrêt est du reste cité dans la jurisprudence récente (notamment arrêt 2C_379/2019 du 1er mai 2020 consid. 2.1; 2C_655/2018 du 22 août 2018 consid. 4.3) et publiée (ATF 146 II 6 consid. 7.1 p. 13) et n'est donc pas dépassé depuis l'entrée en vigueur de la LIFD, contrairement à ce qu'affirme la recourante.  
 
8.3.3. Savoir si, à titre exceptionnel, on pourrait admettre un animus donandi de la part d'une société commerciale, voire de son actionnaire, comme l'affirme la recourante, n'a pas à être examiné plus avant au vu des circonstances d'espèce. En effet, à titre subsidiaire, les juges précédents ont exclu l'existence d'un animus donandi, considérant que les versements litigieux procédaient d'une "obligation coutumière ou naturelle". Sur ce point, le raisonnement de l'arrêt attaqué ne prête pas le flanc à la critique. Il ressort des faits constatés que les montants que la recourante a reçus en 2011 tendent à compenser la perte de son mari lors de l'attentat qui a visé AE.________. Ces versements ne procèdent pas d'un choix libre et discrétionnaire de leurs auteurs, mais de l'application d'une obligation coutumière ou naturelle. Dans son attestation du 29 janvier 2015, BE.________ relève ainsi que les "donations" qu'il a faites l'ont été "conformément au droit coutumier". La recourante a évoqué, dans son courrier du 15 février 2016, une "donation en application du droit coutumier", faite "conforme à une règle traditionnelle et à l'objectif poursuivi de lui assurer un confort nécessaire et propice à surmonter l'épreuve de la disparition de son mari", évoquant aussi le fait que les donations étaient des "obligations morales dépourvues de bases légales". En outre, en réponse à une question de l'Administration cantonale, la recourante a confirmé que les versements opérés chaque année en sa faveur par la Société étaient liées à "l'exécution d'un devoir moral découlant du respect d'une coutume". Dans son courrier du 9 janvier 2017, elle a encore indiqué que les versements "étaient fondés sur le droit coutumier en vigueur au Liban, lequel commandait à la famille E.________ de compenser la perte de soutien financier subie à la suite du décès de feu son époux" et qu'il s'agissait là non pas d'un "devoir moral en soi, mais d'un devoir moral de respecter le droit coutumier". Dans ces circonstances, les juges précédents pouvaient retenir que les versements reposaient sur une obligation juridique et nier ainsi la réalisation de l'animus donandi. Ces circonstances excluent également l'hypothèse, envisagée par la recourante à titre subsidiaire, d'une prestation appréciable en argent de la Société à son actionnaire, suivie de donations faites par ce dernier (cf. supra consid. 7.4).  
 
8.4. Au vu de ce qui précède, on ne peut pas reprocher à la Cour de justice d'avoir violé l'art. 24 let. a LIFD en considérant que les versements litigieux ne pouvaient pas être qualifiés de donations. Le grief de violation de l'art. 24 let. a LIFD est partant rejeté.  
 
9.  
C'est à bon droit que la Cour de justice a aussi exclu que les versements litigieux puissent représenter des prestations faites en exécution d'une obligation fondée sur le droit de la famille (art. 24 let. e LIFD), comme l'alléguait aussi la recourante. L'application de cette disposition présuppose d'abord l'existence d'un lien de parenté entre le prestataire et le destinataire (cf. sur ce point CHRISTINE JAQUES, in Impôt fédéral direct, Commentaire romand, 2e éd. 2017, n° 30 ss ad art. 24 LIFD). Les juges précédents ont relevé que la recourante n'avait pas démontré l'existence de tels lien de parenté avec la famille E.________. Dans ces circonstances, l'exonération fondée sur cette disposition est d'emblée exclue. La recourante ne se prévaut du reste plus de ce motif d'exonération devant la Cour de céans. 
On relèvera encore que les montants litigieux ne peuvent pas non plus être exonérés en tant que subsides provenant de fonds privés, en vertu de l'art. 24 let. d LIFD. Cette disposition vise à exonérer l'aide aux personnes défavorisées ou nécessiteuses, qui est accordée en général par des fondations, des associations caritatives ou d'autres entités poursuivant des buts désintéressés de pure utilité publique (ATF 146 II 6 consid. 6.2 p. 12; 137 II 328 consid. 4.1 p. 330 s.). En l'occurrence, aucun élément ne permet de retenir que la recourante serait une personne défavorisée ou nécessiteuse. Elle ne l'a du reste jamais soutenu. Il n'y a donc pas lieu d'examiner plus avant les conditions de cette disposition. 
 
10.   
Enfin, à ce jour, aucune convention de double imposition n'est en vigueur entre la Suisse et l'Arabie saoudite ou entre la Suisse et le Liban, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se demander si le pouvoir d'imposer de la Suisse pourrait être limité en vertu d'une convention internationale. 
 
11.   
Il découle de ce qui précède que le recours est rejeté s'agissant de l'impôt fédéral direct. 
 
IV.       Impôt cantonal et communal  
 
12.   
La notion de revenu est harmonisée (cf. art. 7 al. 1 LHID) et doit être interprétée en droit cantonal de la même manière qu'en matière d'impôt fédéral direct (cf. arrêt 2C_44/2018 du 31 janvier 2020 consid. 10 non publié in ATF 146 II 6; arrêt 2C_703/2017 du 15 mars 2019 consid. 3.1). Les dispositions topiques du droit cantonal, soit les art. 17 et 27 let. d de la loi genevoise sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP; RS/GE D 3 08) ont un contenu similaire à celles de la LIFD et sont conformes à la LHID (cf. art. 7 al. 1 et 4 let. c LHID). 
Partant, les considérations relatives à l'impôt fédéral direct qui précèdent valent également pour l'impôt cantonal et communal, ce qui implique que le recours doit également être rejeté s'agissant de cet impôt. 
 
V.       Conclusion, frais et dépens  
 
13.   
Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté s'agissant de l'impôt fédéral direct. 
 
2.   
Le recours est rejeté s'agissant de l'impôt cantonal et communal. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante, à l'Administration fiscale cantonale du canton de Genève, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 4ème section, et à l'Administration fédérale des contributions. 
 
 
Lausanne, le 19 janvier 2021 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Seiler 
 
La Greffière : Vuadens