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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
5P.361/2005 /frs 
 
Arrêt du 19 janvier 2006 
IIe Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges Raselli, Président, 
Escher, Meyer, Hohl et Marazzi. 
Greffier: M. Braconi. 
 
Parties 
Dame X.________, 
recourante, représentée par Me Malek Buffat Reymond, avocate, 
 
contre 
 
X.________, 
intimé, représenté par Me Jacques Micheli, avocat, 
Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne, Palais de Justice de Montbenon, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
art. 9 Cst. (mesures provisoires dans le procès en divorce), 
 
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne du 26 août 2005. 
 
Faits: 
 
A. 
X.________, né le 14 avril 1953, et dame X.________, née le 6 janvier 1956, se sont mariés le 3 juin 1978. Trois filles, actuellement majeures, sont issues de cette union: A.________, née le 1er mars 1979, B.________, née le 5 septembre 1980, et C.________, née le 12 août 1985. 
 
B. 
B.a Dans le cadre de la procédure en divorce opposant les conjoints, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne a, par ordonnance de mesures provisoires du 10 mai 2004, astreint le mari à verser à sa femme une contribution d'entretien de 3'000 fr. par mois, dès et y compris le 1er mars 2004. Le 29 décembre 2004, le Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne a partiellement admis l'appel du mari, rejeté celui de la femme et fixé la pension à 800 fr. du 1er mars au 30 juin 2004 et à 1'750 fr. dès le 1er juillet 2004. 
B.b Le 14 juin 2005, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne a pris une nouvelle ordonnance de mesures provisoires, qui confirme, en particulier, les pensions décidées par l'arrêt sur appel du 29 décembre 2004. Statuant le 26 août suivant sur l'appel interjeté par le mari, le Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne a fixé à 900 fr. par mois la contribution à l'entretien de l'épouse. 
 
C. 
Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral pour violation de l'art. 9 Cst., dame X.________ conclut à l'annulation de cette décision; elle sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale. 
 
L'intimé propose l'irrecevabilité, subsidiairement le rejet, du recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 131 I 153 consid. 1 p. 156; 131 II 571 consid. 1 p. 573 et les arrêts cités). 
 
1.1 Les décisions sur mesures provisoires rendues en application de l'art. 137 CC ne sont pas finales au sens de l'art. 48 al. 1 OJ, de sorte qu'elles ne sont pas susceptibles de recours en réforme; en revanche, elles peuvent faire l'objet d'un recours de droit public pour violation de l'art. 9 Cst. (ATF 126 III 261 consid. 1 p. 263). Le présent recours est, dès lors, ouvert de ce chef. 
 
1.2 La recourante se plaint d'arbitraire dans l'application du droit civil fédéral, et non dans l'appréciation des preuves; la décision querellée a donc été prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ; arrêt 5P.150/2005 du 13 septembre 2005, consid. 1.2 et les références; en général: ATF 126 I 257). 
 
1.3 La recourante conclut à l'annulation de l'«arrêt sur appel rendu le 26 août 2005 par le Tribunal d'arrondissement de Lausanne» (art. 90 al. 1 let. a OJ). Il ressort, cependant, de son argumentation juridique (cf. arrêt 1P. 348/1992 du 28 juillet 1992, consid. 1a) qu'elle s'en prend uniquement au montant de la pension (ch. III nouveau), étant précisé que la cassation éventuelle engloberait aussi les frais et dépens de la procédure d'appel cantonale (ch. IV et V). 
 
2. 
En l'espèce, le Tribunal d'arrondissement a fixé à 5'270 fr. le minimum vital (élargi) du débiteur (= 1'100 fr. [base mensuelle] + 1'500 fr. [loyer hypothétique] + 400 fr. [frais de déplacement] + 270 fr. [cotisations d'assurance-maladie] + 2'000 fr. [participation aux frais d'entretien de ses filles B.________ et C.________]); compte tenu d'un gain hypothétique mensuel net de 6'500 fr., l'intéressé dispose ainsi de 1'230 fr. par mois. Quant à la femme, elle réalise un revenu global de 3'142 fr. par mois, alors que ses charges se montent à 3'712 fr., en sorte que son budget accuse un déficit de 570 fr. par mois. La moitié du montant correspondant à la différence entre cette dernière somme et le surplus du mari, à savoir 330 fr. (1'230 - 570 : 2), doit être attribuée à la femme, en plus de son découvert. La pension doit donc être arrêtée à 900 fr. par mois. 
 
La recourante fait valoir, en bref, que la prise en considération dans le minimum vital de l'intimé des frais d'entretien de ses filles majeures est arbitraire; cette inclusion influe sur le résultat de la décision, puisque, si la charge contestée était supprimée, la contribution d'entretien serait de 1'900 fr. par mois. 
 
2.1 D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 131 I 57 consid. 2 p. 61; 128 I 273 consid. 2.1 p. 275); il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 126 III 438 consid. 3 p. 440); pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219). 
 
2.2 Nonobstant l'opinion de la recourante, la fixation de la contribution d'entretien pendant la procédure en divorce (art. 137 al. 2 CC) n'obéit pas à l'art. 125 CC «par analogie», mais bien à l'art. 163 CC (ATF 130 III 537 consid. 3.2 p. 541; Gloor, in Basler Kommentar, 2e éd., n. 10 ad art. 137 CC). S'il y a effectivement lieu d'apprécier la situation d'un couple séparé totalement désuni en s'inspirant des principes régissant le divorce, c'est cette dernière disposition qui constitue le fondement de l'obligation d'entretien (arrêt 5P.352/2003 du 28 novembre 2003, consid. 2.3, in FamPra.ch 2004 p. 403). Cette inexactitude est dénuée de conséquence sur l'issue du présent recours. 
 
2.3 La loi ne dit rien au sujet d'une éventuelle priorité de la pension du conjoint sur celle des enfants mineurs, ou inversement. La doctrine est divisée (cf. sur l'ensemble de la question: Hausheer/Spycher, Handbuch des Unterhaltsrechts, n. 08.28 ss et les références); le Tribunal fédéral a d'abord admis l'absence de hiérarchie (ATF 123 III 1 consid. 5 p. 8), puis a laissé ce point indécis (ATF 128 III 411 consid. 3.2.2 p. 415 et la jurisprudence citée). 
 
S'agissant des enfants majeurs (art. 277 al. 2 CC), le Tribunal fédéral a posé le principe qu'on ne peut exiger d'un parent qu'il subvienne à leur entretien que si, après versement de cette contribution, le débiteur dispose encore d'un revenu dépassant d'environ 20% son minimum vital au sens large (ATF 118 II 97 consid. 4b/aa p. 99/100; 127 I 202 consid. 3e p. 207). Comme les père et mère doivent être traités d'une manière égale quant à l'estimation de leur capacité financière, la règle du minimum vital élargi et augmenté vaut aussi pour l'autre parent. Si les parents vivent ensemble, leurs besoins respectifs seront calculés d'une façon identique; s'ils sont séparés ou divorcés, la contribution due entre époux devra être prise en considération dans les charges du débirentier. L'obligation d'entretien du conjoint l'emporte ainsi sur celle de l'enfant majeur. Il s'ensuit que, dans la mesure où les prétentions de celui-ci ne peuvent être satisfaites, il devra rechercher directement l'autre parent - à savoir l'époux crédirentier -, autant que ce dernier dispose d'une capacité contributive suffisante (arrêt 5P.384/2002 du 17 décembre 2002, consid. 2.1). La doctrine partage également cette solution (Hausheer/Spycher, op. cit., n. 08.31; Geiser, PJA 1993 p. 910; Gloor/Spycher, in Basler Kommentar, n. 16 ad art. 125 CC; Schwenzer, in FamKom Scheidung, 2e éd., n. 28 ad art. 125 CC); quoi qu'en dise le dernier auteur cité - dont se réclame l'intimé -, Steinauer (RFJ 1992 p. 11) ne défend pas l'avis contraire, mais se place dans l'optique de la contribution due à l'enfant mineur. 
 
Vu ce qui précède, l'inclusion dans le minimum vital élargi de l'intimé de la «participation à l'entretien» de ses deux filles majeures constitue une violation manifeste, partant arbitraire, de la loi. 
 
2.4 A titre subsidiaire, l'intimé fait valoir que, même en admettant que l'entretien des deux filles majeures n'aurait pas dû être englobé dans son minimum vital, la décision attaquée pourrait être maintenue pour un autre motif: il suffirait de répartir le solde disponible (3'230 fr.), non par moitié, «mais de façon à [lui] permettre, sans entamer son propre minimum vital, de faire face à la dépense que représente l'entretien de ses deux filles». 
 
Cette argumentation ne saurait être accueillie. Lorsque - comme dans le cas particulier - la contribution d'entretien a été fixée, non pas ex aequo et bono, mais sur la base d'une méthode de calcul précise - en l'occurrence, le partage par moitié de l'excédent après la déduction du minimum vital des époux (cf. à ce sujet: ATF 126 III 8 consid. 3c p. 9 et les références citées) -, l'erreur touchant l'un des postes du budget entraîne la cassation, même si le montant octroyé demeure dans les limites du pouvoir d'appréciation (arrêt 5P.192/2004 du 20 juillet 2004, consid. 3.1 et la jurisprudence citée); c'est dès lors en vain que l'intimé soutient que, de toute manière, la décision querellée ne consacre pas un «résultat choquant», car les revenus de la recourante (4'042 fr. = 3'142 fr. [gain professionnel] + 900 fr. [pension]) dépassent de près de 10% son minimum vital (3'712 fr.). Au demeurant, il ne suffit certes pas que la contribution d'entretien couvre simplement le minimum vital du crédirentier pour répondre aux critères légaux (par exemple: ATF 119 II 314 consid. 4b p. 317 ss; 118 II 376 consid. 20b p. 378). En outre, l'intimé n'expose pas les raisons qui justifieraient de s'écarter ici d'un partage par moitié de l'excédent (cf. sur cette question: ATF 119 II 314 consid. 4b p. 317 ss; 126 III 8 consid. 3c p. 9/10), ni ne présente une autre clé de répartition, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur ces points (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 128 IIII 4 consid. 4c/aa p. 7 et la jurisprudence citée). 
 
3. 
En conclusion, il convient d'admettre le recours et d'annuler la décision attaquée, avec suite de frais et dépens à la charge de l'intimé (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). Cela étant, la demande d'assistance judiciaire de la recourante devient sans objet (ATF 131 II 72 consid. 4 p. 80; 109 Ia 5 consid. 5 p. 11). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis et la décision attaquée est annulée. 
 
2. 
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est sans objet. 
 
3. 
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge de l'intimé. 
 
4. 
L'intimé versera à la recourante une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens. 
 
5. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne. 
Lausanne, le 19 janvier 2006 
Au nom de la IIe Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: