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[AZA 0/2] 
 
4C.136/2000 
 
Ie COUR CIVILE 
**************************** 
 
30 mars 2001 
 
Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu, 
M. Corboz, Mme Klett, juges, et M. Aubert, juge suppléant. 
Greffier: M. Carruzzo. 
 
____________ 
 
Dans la cause civile pendante 
entre 
La Résidence Z.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par Me Nicolas Saviaux, avocat à Lausanne, 
 
et 
dame B.________, demanderesse et intimée, représentée par Me Thierry Thonney, avocat à Lausanne; 
(contrat de travail; obligation de discrétion du travailleur; résiliation immédiate) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- La Résidence Z.________ S.A. (ci-après: la Résidence) a occupé dame B.________ comme veilleuse de nuit du début de septembre 1987 au 24 février 1998. Dame B.________ a effectué en moyenne environ neuf veilles par mois. 
 
La Résidence a été l'objet de critiques de la part de patients et des services administratifs cantonaux. Dame B.________ était elle-même mécontente de la gestion de la Résidence. 
 
En 1997 et 1998, des enquêtes administratives furent conduites contre la Résidence à la suite de plaintes émises par l'Association pour le bien-être des résidents en EMS. Un compte rendu du 28 novembre 1997 relevait divers manquements reprochés à la direction. Cette dernière a répondu le 19 décembre 1997. Une visite surprise a été effectuée le 20 février 1998 à 6 heures du matin par les représentants de l'administration, au cours de laquelle de nouvelles constatations ont été faites. 
 
Dans les jours qui ont précédé le 24 février 1998, durant la nuit, à l'insu de son employeur, dame B.________ a tourné un film à l'intérieur de l'établissement; à cette occasion, elle a procédé à une mise en scène faisant apparaître une ceinture de contention sur une chaise; elle a filmé une patiente dormant dans son lit, sans l'autorisation de l'intéressée; elle a admis que ce film avait été tourné pour être remis à la Télévision suisse romande. De plus, elle a photocopié une fiche de soins concernant une patiente. 
 
Le 23 février 1998, le Syndicat suisse des services publics (ci-après: le SSP), dont dame B.________ est membre depuis le 1er novembre 1997, a adressé au Service de la santé publique un dossier contenant des accusations de mauvais traitements envers les pensionnaires. 
 
L'ouverture d'une procédure de retrait de l'autorisation d'exploiter a été notifiée à la direction de l'établissement le 24 février 1998; un délai au 3 mars 1998 lui a été imparti pour se déterminer sur les griefs formulés contre elle. 
 
En accord avec des employées de la Résidence, le SSP a décidé d'alerter la presse. 
 
Le 24 février 1998, entre 10 heures et 10 heures 30 environ, le SSP a organisé une manifestation devant la Résidence afin, notamment, de dénoncer les conditions de travail imposées aux employés de celle-ci. Dame B.________ a participé activement à cette manifestation. 
 
Les manifestants, qui étaient munis de banderoles, de cloches et de porte-voix, ont pénétré dans la propriété louée par la Résidence et ont scandé divers slogans. Certains d'entre eux ont tenté de pénétrer dans les bâtiments, mais n'y sont pas parvenus, les portes d'accès ayant été fermées à clef par d'autres employés de la Résidence. 
 
Certains manifestants se sont ensuite rendus à X.________ pour y distribuer, notamment aux commerçants, ou placer sur les pare-brise de voitures en stationnement, des tracts dans lesquels sont reprochés à la Résidence de nombreux comportements illicites, en particulier dans les rapports de travail. 
 
Afin de produire un effet de surprise, ni le SSP ni dame B.________ n'avaient annoncé la manifestation à la Résidence. 
 
Le soir même, sur la chaîne de la Télévision suisse romande, le téléjournal de 19 heures 30 diffusait un reportage sur l'établissement, comportant une interview de la demanderesse et reprenant les critiques contenues dans le dossier du syndicat. 
 
Lorsqu'elle a voulu reprendre son service le 24 février 1998 vers 20 heures 45, après la manifestation, dame B.________ a été informée par la directrice de la Résidence qu'elle était licenciée avec effet immédiat. 
 
Le 12 mars 1998, le chef du Département de l'intérieur et de la santé publique a refusé de renouveler l'autorisation d'exploiter l'EMS, arrivée à échéance à la fin de décembre 1997; cette décision a été déférée par la Résidence au Tribunal administratif, qui a octroyé un effet suspensif au recours. 
 
B.- Le 3 avril 1998, dame B.________ a ouvert action contre la Résidence devant le Président du Tribunal civil du district de X.________, en réclamant le paiement de 6849 fr.90 représentant trois mois de salaire brut, soit le délai de congé légal avec une indemnité de vacances et de jours fériés (intérêts en sus), ainsi que 12 789 fr. pour licenciement injustifié, correspondant à six mois de salaire (intérêts en sus). 
 
La défenderesse a conclu au rejet de la demande et, reconventionnellement, au remboursement, par la demanderesse, de 446 fr.85, somme correspondant à deux veilles du mois de février 1998 déjà payées, mais que la demanderesse n'avait pas pu exécuter du fait de la résiliation abrupte de son contrat. 
 
Le 19 mai 1999, la Résidence s'est prévalue, pour justifier le licenciement immédiat, de faits qui lui étaient inconnus lors du prononcé du congé (notamment le tournage du film par la demanderesse). 
 
Le 4 juin 1999, la demanderesse a réduit ses prétentions de salaire à 6394 fr.50 et a conclu à la libération de la conclusion reconventionnelle de la défenderesse. 
 
Par jugement du 15 juin 1999, le Président du Tribunal civil du district de X.________ a rejeté les conclusions de la demanderesse et la conclusion reconventionnelle de la défenderesse. 
 
Saisie par la demanderesse, la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud a réformé ce jugement et condamné la défenderesse à payer à la demanderesse 6394 fr.50, intérêts en sus, à titre de salaire et 8526 fr., intérêts en sus, à titre d'indemnité pour licenciement immédiat injustifié. 
 
C.- Parallèlement à un recours de droit public, la défenderesse interjette un recours en réforme en concluant à ce que le Tribunal fédéral rejette la demande. 
 
La demanderesse propose le rejet de ce recours. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- Aux termes de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle générale à l'arrêt sur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours de droit public. La jurisprudence déroge toutefois à cet ordre de priorité dans des situations particulières, qui justifient l'examen préalable du recours en réforme. Il en va ainsi lorsque la décision sur le recours de droit public n'a aucune incidence sur le recours en réforme, notamment parce que le recours en réforme paraît devoir être admis même sur la base des constatations de fait retenues par l'autorité cantonale et critiquées dans le recours de droit public (ATF 122 I 81 consid. 1, 120 Ia 377 consid. 1). 
 
 
Cette hypothèse est réalisée en l'espèce, si bien qu'il y a lieu de statuer d'abord sur le recours en réforme. 
 
2.- a) La défenderesse a motivé le licenciement immédiat, notifié le 24 février 1998, en invoquant la participation de la demanderesse à la manifestation du même jour; l'employée a été inculpée de diffamation. 
 
Le 19 mai 1999, la défenderesse s'est prévalue d'autres circonstances antérieures au 24 février 1998, mais ignorées d'elle au moment du renvoi. Ces circonstances (scènes tournées dans les locaux de la résidence, mise en scène, patiente filmée dans son lit) ont conduit à l'inculpation complémentaire de la demanderesse pour violation du secret de fonction et soustraction de données personnelles. La demanderesse a admis que le film avait été tourné afin d'être présenté à la télévision. 
 
La cour cantonale a nié que la défenderesse ait eu de justes motifs de licencier la demanderesse avec effet immédiat. 
Le fait que cette dernière avait participé à la manifestation du 24 février 1998 et qu'elle avait tourné un film à l'intérieur de la résidence, à l'insu de son employeur, pouvait certainement ébranler les relations de confiance entre les parties. Toutefois, la manifestation critiquée n'avait pas dégénéré. Au demeurant, selon les sévères observations du Chef du Département de l'intérieur et de la santé publique, l'employeur avait commis de graves manquements en matière de soins médicaux, infirmiers et pharmaceutiques propres à mettre en danger la santé des pensionnaires. Placés dans une situation que l'on pouvait qualifier d'état de nécessité (par analogie avec l'art. 34 CP), certains employés, et particulièrement dame B.________, ont alors pu se sentir obligés de réagir en dénonçant publiquement les dysfonctionnements constatés afin de préserver les pensionnaires des dangers potentiels encourus. Une telle réaction, a priori critiquable, apparaissait légitime et admissible au vu des circonstances. Sous peine de commettre un abus de droit, l'employeur ne pouvait donc invoquer de bonne foi ces dénonciations pour justifier le licenciement immédiat de la demanderesse. 
De même, les infractions reprochées à celle-ci, qui n'est encore qu'inculpée, ne suffisaient pas davantage à fonder une telle mesure. 
 
b) A suivre la défenderesse, la cour cantonale a violé le droit fédéral en admettant que le licenciement immédiat de la demanderesse était injustifié. En effet, cette dernière l'avait diffamée; elle avait violé le secret de fonction et soustrait des données personnelles; elle avait participé à une tentative de violation de domicile, dans le cadre d'une manifestation non autorisée. Selon la défenderesse, il appartient au Tribunal administratif de se prononcer sur les accusations portées contre l'établissement. Si elle s'estimait fondée à agir contre son employeur, la demanderesse aurait dû utiliser des moyens licites. 
 
3.- L'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat de travail en tout temps pour de justes motifs (art. 337 al. 1 CO). Sont notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (art. 337 al. 2 CO). 
 
Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs doit être admise de manière restrictive (Brunner/Bühler/Waeber, Commentaire du contrat de travail, 2e éd., n. 1 ad art. 337c CO; Streiff/von Kaenel, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 5e éd., n. 3 ad art. 337 CO et les références). 
D'après la jurisprudence, seul un manquement particulièrement grave de l'autre partie justifie une résiliation avec effet immédiat (ATF 121 III 467 consid. 4d p. 472; 117 II 72 consid. 3, 560 consid. 3; 116 II 145 consid. 6a p. 150). Si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (ATF 121 III 467 consid. 4d p. 472; 117 II 560 consid. 3; 116 II 145 consid. 6a p. 150). Par manquement du travailleur, on entend la violation d'une obligation découlant du contrat, par exemple l'obligation de loyauté ou de discrétion (art. 321a al. 1 et 4 CO). 
 
 
Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO). Il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). A cet effet, il prendra en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position et la responsabilité du travailleur, la nature et la durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l'importance des manquements (ATF 111 II 245 consid. 3). Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décision d'équité prise en dernière instance cantonale. Il intervient lorsque celle-ci s'écarte sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient jouer aucun rôle, ou encore lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; il sanctionnera en outre les décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 119 II 157 consid. 2a in fine, 116 II 145 consid. 6a). 
 
4.- a) Les justes motifs allégués par la défenderesse consistent non seulement dans la participation de la demanderesse à la manifestation du 24 février 1998, mais aussi dans le tournage d'un film à l'intérieur de l'entreprise; ce film, tourné à l'insu de l'employeur, était destiné par la demanderesse à la télévision. Ces faits n'étaient pas connus de la défenderesse lors de la résiliation du contrat avec effet immédiat. 
 
Selon la jurisprudence, sous certaines conditions restrictives, l'employeur peut, pour justifier un licenciement immédiat, se prévaloir d'une circonstance qui existait au moment de la déclaration de licenciement, mais qu'il ne connaissait pas et ne pouvait pas connaître. Il faut se demander, dans un tel cas, si les circonstances antérieures, non invoquées au moment du licenciement immédiat, auraient pu conduire l'employeur, s'il les avait connues, à admettre que le rapport de confiance était rompu et à résilier le contrat de travail avec effet immédiat. Cependant, des faits postérieurs au licenciement immédiat ne sauraient être pris en considération (ATF 124 III 25 consid. 3c; 121 III 467 consid. 5a et b). 
 
 
La cour cantonale a elle-même admis que le tournage du film dans les locaux de l'entreprise (mise en scène, patiente filmée sur son lit) était de même nature que les faits invoqués dans la lettre de licenciement. En outre, elle a jugé que, s'il avait été connu de l'employeur au moment du licenciement, ce tournage aurait certainement déterminé celui-ci à résilier le contrat de travail avec effet immédiat. La cour cantonale a donc accepté de prendre en considération, dans sa décision, ces faits antérieurs au licenciement immédiat, mais non connus de l'employeur lors de la notification du congé. 
 
L'on ne peut que souscrire à la décision cantonale sur ce point, puisqu'elle se conforme strictement à la jurisprudence. 
 
b) A suivre la demanderesse, la défenderesse serait déchue de son droit d'invoquer des motifs antérieurs au licenciement immédiat, mais inconnus d'elle au moment de ce dernier, car elle ne les aurait pas fait valoir, dans la procédure cantonale, aussitôt après en avoir eu connaissance. 
 
Selon la jurisprudence, l'employeur doit notifier le licenciement immédiat dès qu'il a connu le juste motif dont il entend se prévaloir ou, au plus tard, après un bref délai de réflexion; s'il tarde à réagir, il est présumé avoir renoncé au licenciement immédiat; à tout le moins, il donne à penser que la continuation des rapports de travail est possible jusqu'à la fin du délai de congé (ATF 99 II 308 consid. 5a; 97 II 142 consid. 2a p. 146; 93 II 18). 
 
 
La jurisprudence n'accorde qu'un court délai de réflexion à l'employeur parce que, s'il attend trop longuement, ce dernier donne à penser au salarié qu'il pardonne le comportement reproché ou que, même en l'absence de pardon, la continuation des rapports de travail est possible. 
 
Cependant, une fois le licenciement immédiat notifié, le salarié ne peut plus éprouver aucun doute quant à la volonté de l'employeur de mettre fin immédiatement aux rapports de travail. Les parties sont dès lors libres de faire valoir leurs moyens selon les règles de la procédure cantonale, sous réserve de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 CC). 
 
 
En l'occurrence, il n'apparaît pas que les règles de la procédure cantonale auraient été violées; d'ailleurs, si tel avait été le cas, le grief n'aurait pas été recevable dans le cadre d'un recours en réforme (art. 55 al. 1 let. c OJ). En outre, il ne ressort de l'arrêt cantonal aucun fait démontrant que la défenderesse aurait adopté un comportement contraire aux règles de la bonne foi. En effet, elle a attendu le résultat d'une enquête pénale pour se prévaloir des faits antérieurs au congé immédiat et inconnus d'elle lors de ce dernier. Une telle manière de faire ne saurait être critiquée. 
 
5.- a) Selon l'art. 321a CO, le travailleur sauvegarde fidèlement les intérêts légitimes de l'employeur (al. 
1); en outre, pendant la durée du contrat, il ne doit pas utiliser ni révéler des faits destinés à rester confidentiels, tels que les secrets de fabrication et d'affaires dont il a pris connaissance au service de l'employeur; il est tenu de garder le secret même après la fin du contrat en tant que l'exige la sauvegarde des intérêts légitimes de l'employeur (al. 4). 
 
L'obligation de discrétion s'étend non seulement aux faits que l'employeur a expressément qualifiés de secrets, mais aussi à tous ceux dont il apparaît, selon les circonstances, que l'employeur veut interdire la divulgation; l'intérêt légitime au maintien du secret est présumé (Staehelin, Commentaire zurichois, n. 54-56 ad art. 321a CO; Rehbinder, Commentaire bernois, n. 13-14 ad art. 321a CO; Duc/ Subilia, Commentaire du contrat individuel de travail, n. 22 ad art. 321a CO, p. 114; Vischer, Der Arbeitsvertrag, in Schweizerisches Privatrecht, VII/1, III, p. 70 s.; Streiff/ von Kaenel, op. cit. , n. 12 ad art. 321a CO; Brühwiler, Kommentar zum Einzelarbeitsvertrag, 2e éd., n. 6-10 ad art. 321a CO; Geiser, Die Treuepflicht des Arbeitnehmers und ihre Schranken, Berne 1983, p. 243 ss). 
Le salarié doit aussi garder le secret sur des infractions pénales ou administratives commises par l'employeur, à moins qu'un intérêt supérieur ne s'y oppose (Rehbinder, op. cit. , n. 13 in fine ad art. 321a CO; Brühwiler, op. cit. , n. 6 ad art. 321a CO; Geiser, op. cit. , p. 267 s.; plus restrictifs: Streiff/von Kaenel, op. cit. , n. 14 ad art. 321a CO; Staehelin, op. cit. , n. 28 et 56 ad art. 321a CO). 
 
 
Lorsque l'activité de l'employeur cause ou risque de causer illicitement un dommage à autrui, le salarié ne peut faire valoir un intérêt supérieur à rompre le secret que s'il respecte lui-même le principe de la proportionnalité. Il doit d'abord interpeller son employeur, puis saisir l'autorité compétente (Staehelin, op. cit. , n. 56 ad art. 321a CO; Rehbinder, op. cit. , n. 3 ad art. 321a CO, p. 128 en bas et 129 en haut); en effet, cette dernière peut agir sans porter atteinte à la réputation de l'employeur; ce n'est que si l'autorité demeure inactive que le salarié peut, lorsque les circonstances le justifient, saisir l'opinion publique (Rehbinder, ibidem). 
 
L'on parvient à la même conclusion si l'on applique, par analogie, les règles relatives à l'état de nécessité. 
Le travailleur ne saurait se prévaloir de l'état de nécessité (ou de la légitime défense) que si l'intervention de l'autorité ne peut pas être obtenue en temps utile (avec une référence à l'art. 33 CP, cf. Geiser, op. cit. , p. 265 s.; sur le principe de la proportionnalité dans le cadre de l'art. 52 al. 2 CO, cf. Schnyder, Commentaire bâlois, 2e éd., n. 11 ad art. 52 CO avec d'autres références). 
 
En l'occurrence, il est constant que la demanderesse a violé son obligation de loyauté et de discrétion en tournant, de nuit, un film dans les locaux de la défenderesse, pour le remettre à la Télévision suisse romande, et en participant à une émission de cette dernière, qui avait pour but de stigmatiser l'employeur. Elle n'avait aucune raison de penser que la défenderesse l'autorisait à tourner ce film. De plus, elle a pris le risque de violer les droits de la personnalité d'une patiente, qu'elle a filmée dans son lit (art. 28 CC). 
 
 
A supposer que les intérêts défendus par la demanderesse aient justifié la dénonciation adressée à l'autorité administrative - question qui peut rester ouverte -, la chronologie des faits retenus par la cour cantonale n'en montre pas moins que, en approchant la télévision et en lui remettant le film litigieux, la demanderesse a agi de façon disproportionnée. 
En effet, elle a tourné le film destiné à la Télévision suisse romande avant même de déposer, le 23 février 1998, avec le SSP, une dénonciation au Service de la santé publique. Elle n'a pas même attendu vingt-quatre heures la réponse de cette autorité. Elle a préféré participer ellemême au procès de son employeur sur la place publique, en intervenant à la télévision le 24 février 1998 au soir, dans le cadre d'une émission où fut présenté le film tourné en violation évidente de ses obligations. La demanderesse n'a pas même prétendu que l'intervention de l'autorité ne pouvait pas être obtenue en temps utile. D'ailleurs, c'est avant l'émission de télévision du 24 février 1998, au soir, que l'autorité notifiait à l'employeur l'ouverture d'une procédure de retrait de l'autorisation d'exploiter. 
 
Dans de telles circonstances, la violation de l'obligation de discrétion, commise au moyen des médias, allait bien au-delà de ce qui était nécessaire pour protéger les intérêts auxquels la demanderesse entendait veiller. En ne s'interrogeant pas sur le point de savoir si la demanderesse avait respecté le principe de la proportionnalité, exigence admise par la doctrine unanime, la cour cantonale a perdu de vue un élément d'appréciation décisif. Partant, elle a méconnu la notion de juste motif selon l'art. 337 CO. Le grief est bien fondé. 
b) La cour cantonale estime que la défenderesse abuse de son droit en se prévalant de la violation de son obligation de discrétion par la demanderesse. 
 
Il est difficile de concevoir l'objection de l'abus de droit dans le cadre de l'art. 337 CO. En effet, comme il apprécie toutes les circonstances, le juge doit nécessairement tenir compte de celles qui feraient apparaître le comportement de l'employeur comme abusif. 
 
Certes, selon les circonstances, l'employeur ne saurait se prévaloir de l'obligation de discrétion à l'encontre du salarié qui le dénonce à l'autorité administrative. 
Toutefois, on ne voit pas en quoi la défenderesse abuserait de son droit en reprochant à la demanderesse d'avoir violé gravement son obligation de loyauté et de discrétion en la stigmatisant sur la place publique sans attendre la réaction de l'autorité saisie de sa dénonciation. 
 
6.- Cela étant, il y a lieu d'admettre le recours et de rejeter la demande. Bien qu'elle succombe, la demanderesse n'aura pas à supporter les frais de la procédure fédérale, laquelle est gratuite puisqu'elle a trait à un différend résultant du contrat de travail dont la valeur litigieuse ne dépasse pas 20 000 fr. (cf. art. 343 al. 3 CO). En revanche, elle devra payer à la défenderesse une indemnité à titre de dépens, conformément à l'art. 159 al. 1 OJ
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Admet le recours, annule l'arrêt attaqué et rejette la demande; 
 
2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais; 
 
3. Dit que l'intimée versera à la recourante une indemnité de 3000 fr. à titre de dépens; 
 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
___________ 
Lausanne, le 30 mars 2001 ECH 
 
Au nom de la Ie Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
Le Greffier,