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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1C_68/2019  
 
 
Arrêt du 18 octobre 2019  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Président, 
Fonjallaz et Kneubühler. 
Greffière : Mme Tornay Schaller. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représentée par Me Serge Patek, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Département du territoire du canton de 
Genève, Office du patrimoine et des sites, case postale 22, 1211 Genève 8. 
 
Objet 
Protection du patrimoine, mise à l'inventaire d'un immeuble, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative, du 18 décembre 2018 (ATA/1354/2018 - A/2231/2017-AMENAG). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________ est propriétaire d'un bloc de bâtiments situés sur les parcelles n os 1372, 1373 et 1374 de la commune de Genève, section Plainpalais. Il s'agit d'un immeuble d'habitation à plusieurs logements sis 1, 3 et 5, rue des Ronzades et 14, rue Gustave-Revilliod.  
Ce bloc de bâtiments a été construit en 1956-1957 par les architectes Pierre Bussat et Jean-Marc Lamunière. Ce dernier figure parmi les architectes dotés d'une certaine renommée dans le paysage architectural suisse de cette époque. L'immeuble d'habitation de la rue des Ronzades est référencé dans plusieurs ouvrages consacrés à l'architecture du XXème siècle. Il témoigne des grandes tendances internationales de l'époque et est caractérisé par une solution structurelle originale et des propositions typologiques totalement nouvelles. L'immeuble a pour spécificité une alternance d'appartements de deux ou de trois pièces traversants, et de quatre pièces en duplex desservis par des coursives. 
Le 28 octobre 2003, la Commission cantonale des monuments, de la nature et des sites (ci-après: CMNS) a validé une proposition d'un groupe de travail composé de spécialistes de la protection du patrimoine en son sein d'inscrire l'immeuble à l'inventaire architectural genevois parmi une liste de plusieurs objets d'architecture. 
Le 11 novembre 2005, le Département cantonal alors en charge de la protection du patrimoine (devenu le Département du territoire), par l'intermédiaire du Service des monuments et des sites, a ouvert une procédure d'inscription à l'inventaire de l'immeuble. Le 21 février 2007, le Conseil administratif de la Ville de Genève a émis un préavis favorable à l'inscription de l'immeuble à l'inventaire. Le 21 décembre 2011, la CMNS a dressé un bilan de l'état d'avancement des procédures de mise sous protection des bâtiments dont elle avait proposé la préservation le 28 octobre 2003. Elle souhaitait que les procédures d'inscription à l'inventaire des bâtiments figurant sur la liste des objets à protéger soient menées à terme, sauf pour certains objets autres que l'immeuble en question. 
Lors de l'établissement du recensement architectural du secteur Praille-Acacias-Vernets, dans une fiche motivée datée du 9 avril 2014, la valeur "intéressant" a été attribuée à l'immeuble d'habitation de la rue des Ronzades. Cette valeur a été validée par la CMNS, le 28 mai 2014. Le 5 décembre 2016, l'Office du patrimoine et des sites a informé A.________ que la procédure d'inscription à l'inventaire concernant l'immeuble d'habitation de la rue des Ronzades se poursuivrait et l'a invitée à lui communiquer ses observations au 30 janvier 2017. La propriétaire n'ayant pas fait d'observations, le Département du territoire a inscrit à l'inventaire l'immeuble d'habitation de la rue des Ronzades, par arrêté du 4 avril 2017. 
A.________ a interjeté recours auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après : la Cour de justice) contre l'arrêté du 4 avril 2017. Celle-ci a procédé à une inspection locale le 18 mai 2018. Par arrêt du 18 décembre 2018, elle a rejeté le recours. 
 
B.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 18 décembre 2018 et l'arrêté du 4 avril 2017. Elle conclut subsidiairement au renvoi de la cause à l'instance précédente pour qu'elle se détermine sur le fond de la cause et ordonne une expertise de la valeur architecturale du bâtiment. 
La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Le Département du territoire conclut à l'irrecevabilité de la conclusion en annulation de l'arrêté du 4 avril 2017 et à la confirmation de l'arrêt du 18 décembre 2018. La recourante a répliqué par courrier du 21 juin 2019. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public de la protection des monuments et des sites (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante a pris part à la procédure de recours devant la Cour de justice. En tant que propriétaire de l'immeuble concerné par la mesure de protection litigieuse, elle est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué et peut ainsi se prévaloir d'un intérêt personnel et digne de protection à l'annulation de l'arrêt attaqué. Elle a dès lors qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
Dans la mesure où la recourante s'en prend aussi à l'arrêté du 4 avril 2017, ses conclusions sont irrecevables en raison de l'effet dévolutif complet des actes déposés auprès de la dernière instance cantonale (art. 67 de la loi cantonale du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative [LPA/GE; RS/GE E 5 10]; ATF 136 II 101 consid. 1.2 p. 104). Pour le surplus, les conditions de recevabilité sont en revanche remplies si bien qu'il convient d'entrer en matière. 
 
2.   
La recourante reproche d'abord à la cour cantonale d'avoir refusé d'ordonner une expertise judiciaire de la valeur architecturale et patrimoniale de l'immeuble litigieux. Elle se plaint d'une violation du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.). 
 
2.1. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour le justiciable de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. Cette garantie constitutionnelle n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 299 et les références citées).  
 
2.2. En l'espèce, la Cour de justice a considéré que le dossier contenait plusieurs documents descriptifs de l'immeuble et des écrits détaillant la valeur architecturale des constructions de l'architecte Lamunière; les sources provenaient de différents auteurs, ce qui tendait à confirmer l'intérêt de l'immeuble en cause. La cour cantonale a ajouté que le transport sur place avait permis de constater les spécificités de l'immeuble ainsi que sa valeur architecturale; dans ce cadre, le représentant de la CMNS avait donné des précisions sur l'immeuble, en qualité de membre de la commission; il n'avait pas été mandaté pour établir une expertise privée ou judiciaire, de sorte que ses propos n'avaient pas la portée d'une expertise mais celle d'une autorité de préavis.  
 
2.3. La recourante soutient que le dossier ne contient aucun document relatif à la prétendue valeur architecturale de l'immeuble, qu'il n'y a que des documents décrivant l'immeuble et exposant la valeur architecturale des travaux de l'architecte qui l'a construit. Cette critique peut être écartée puisque les spécificités architecturales de l'immeuble ressortent de la documentation produite, ont été constatées sur place et commentées par les spécialistes en matière de protection du patrimoine présents lors de l'inspection locale. Il a notamment été relevé que ce bloc de bâtiments se distinguait particulièrement des immeubles alentour, par sa façade orientée sud-ouest, très caractéristique, dont les grands cadres en béton en porte-à-faux laissaient deviner l'existence d'appartements en "duplex", typologie rarement utilisée à cette époque dans un immeuble de logements, inspirée notamment du modèle de l'immeuble "Clarté" de Le Corbusier, édifié en 1932 et figurant parmi les monuments classés; la façade nord-est était, pour sa part, marquée par des coursives distribuant les étages, ce qui constituait également une solution structurelle très originale et peu observée dans les autres immeubles; de même, la forme organique et très sculpturale des ponts de béton armé et des piliers du rez-de-chaussée rendait cette partie de l'immeuble tout à fait innovante par rapport aux rez-de-chaussée des immeubles "communs" dont elle se distinguait nettement; s'y ajoutait la complexité typologique des balcons de hauteurs différentes qui constituait une richesse et une originalité.  
La recourante ne peut rien tirer non plus de l'arrêt 1C_52/2016 puisque dans cette affaire l'expertise ne portait pas sur l'existence ou non de la valeur architecturale mais sur le montant des travaux nécessaires à la restauration des bâtiments concernés. 
La recourante affirme brièvement ensuite qu'une expertise indépendante se justifiait d'autant plus que les avis émis provenaient de la CMNS et d'un élève et stagiaire de l'architecte Lamunière, membre de la CMNS. Elle n'explique cependant pas en quoi l'avis de la CMNS, commission officielle dont les membres désignés par le Conseil d'Etat sont des spécialistes en matière d'architecture, d'urbanisme et de conservation du patrimoine, et d'un architecte membre de cette commission ne constituerait pas une source d'information objective et pertinente. 
La recourante reproche enfin à l'instance précédente de ne pas avoir donné suite à sa demande d'expertise portant sur la valeur patrimoniale de l'immeuble, afin de pouvoir "estimer la perte de valeur probable que subira le bien à protéger". Dans son recours au Tribunal fédéral, la recourante semble vouloir donner une signification nuancée des termes "valeur patrimoniale" par rapport à celle retenue dans la procédure cantonale. Elle a requis, il est vrai, à plusieurs reprises une expertise sur la valeur architecturale et/ou patrimoniale de l'immeuble, requêtes présentées toutefois en lien avec l'intérêt architectural scientifique ou historique de l'immeuble et non avec la valeur économique de l'immeuble. Il est ainsi douteux que la recourante ait formulé clairement sa requête d'évaluation de la valeur vénale de l'immeuble lors de la procédure cantonale. Peu importe cependant puisque la cour cantonale a jugé que l'inscription à l'inventaire de l'immeuble assurerait à la recourante un rendement acceptable, comparable à celui dont elle bénéficie aujourd'hui: elle a implicitement renoncé à une telle expertise, pour ce motif. La recourante n'avance de surcroît aucun élément susceptible de démontrer que le rendement de l'immeuble pourrait être altéré par la mesure de protection. 
Dans ces circonstances, l'instance précédente pouvait, sans arbitraire et sans violer le droit d'être entendue de la recourante, renoncer à l'expertise judiciaire de la valeur architecturale et patrimoniale de l'immeuble litigieux. Entièrement mal fondé, ce grief doit être écarté. 
 
3.   
La recourante se plaint ensuite d'une application arbitraire du droit cantonal. 
 
3.1. Appelé à revoir l'interprétation d'une norme cantonale sous l'angle restreint de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - même préférable - paraît possible (ATF 141 I 172 consid. 4.3.1 p. 177 et les références citées). De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 140 III 16 consid. 2.1 p. 18).  
Le grief de violation du droit cantonal est soumis à des exigences de motivation accrue (art. 106 al. 2 LTF; cf. ATF 142 II 369 consid. 2.1 p. 372). 
Le Tribunal fédéral s'impose une certaine retenue lorsqu'il s'agit de trancher de pures questions d'appréciation ou de tenir compte de circonstances locales dont les autorités cantonales ont une meilleure connaissance que lui (ATF 135 I 176 consid. 6.1 p. 182; 132 II 408 consid. 4.3 p. 416 et les arrêts cités). 
 
3.2. La recourante fait d'abord valoir une violation arbitraire de l'art. 7 al. 4 LPMNS, au motif que la cour cantonale a omis de constater que l'autorité avait tardé à inscrire le bien litigieux à l'inventaire. Elle se plaint aussi à cet égard d'une violation de l'obligation de motiver (art. 29 al. 2 Cst.).  
 
3.2.1. L'art. 7 al. 1 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS; RSG L 4 05) prévoit qu'il est dressé un inventaire de tous les immeubles dignes d'être protégés au sens de l'art. 4 LPMNS. Le département doit rendre sa décision 18 mois au plus tard après l'ouverture de la procédure d'inscription à l'inventaire, qui doit être menée avec diligence. En cas de dépassement de ce délai, un recours pour déni de justice peut être déposé auprès de la chambre administrative de la Cour de justice par le propriétaire, la commune du lieu de situation du monument ou l'auteur de la demande de mise à l'inventaire (art. 7 al. 4 LPMNS).  
 
3.2.2. Dans l'arrêt attaqué, l'instance précédente n'a pas consacré un chapitre particulier à l'application de l'art. 7 al. 4 LPMNS. Ce grief n'a cependant pas été ignoré par la cour cantonale puisqu'elle l'a relevé dans la partie "En fait" de son arrêt. En considérant toutefois que la décision d'inscription à l'inventaire était conforme à l'art. 7 LPMNS, la Cour de justice a implicitement écarté la critique relative au dépassement du délai de 18 mois. Cette motivation a d'ailleurs permis à la recourante d'attaquer ce grief en toute connaissance de cause, même si l'instance précédente n'a pas statué formellement sur la violation de l'art. 7 al. 4 LPMNS. Cela est suffisant, sous l'angle du droit d'être entendu, la motivation pouvant être implicite et résulter des différents considérants d'un arrêt (ATF 143 III 65 consid. 5.2 p. 70; 142 II 154 consid. 4.2 p. 157; 141 V 557 consid. 3.2.1 p. 565).  
Sur le fond, le délai de 18 mois prescrit par l'art. 7 al. 4 LPMNS est certes dépassé; cela ne rend cependant pas l'arrêt attaqué arbitraire dans son résultat. En effet, selon la jurisprudence cantonale et l'art. 7 al. 4 LPMNS, la seule conséquence d'un retard de l'autorité est la possibilité pour les parties intéressées de former un recours pour déni de justice formel, afin d'obtenir qu'une décision soit prise quant au sort de l'objet concerné. Le non-respect du délai ancré à l'art. 7 al. 4 LPMNS ne conduit pas à l'impossibilité de poursuivre la procédure d'inscription à l'inventaire. L'objectif de l'art. 7 al. 4 LPMNS a été atteint en l'espèce puisqu'une décision a été rendue. Mal fondé, le grief de l'application arbitraire de l'art. 7 al. 4 LPMNS doit être écarté. 
 
3.3. La recourante reproche ensuite à la Cour de justice d'avoir arbitrairement retenu qu'un préavis avait été donné par la CMNS conformément à l'art. 47 al. 1 LPMNS, alors qu'aucun préavis ne ressort du dossier.  
 
3.3.1. A teneur de l'art. 47 al. 1 LPMNS, la Commission des monuments, de la nature et des sites est consultative. Elle donne son préavis sur tous les objets qui, en raison de la matière, sont de son ressort. Elle se prononce en principe une seule fois sur chaque demande d'autorisation, les éventuels préavis complémentaires étant donnés par l'Office du patrimoine et des sites par délégation de la Commission.  
 
3.3.2. En l'espèce, la cour cantonale a retenu, de façon générale, l'importance du préavis de la CMNS. Elle a notamment rappelé que si la consultation de la CMNS était imposée par la loi, le préavis de cette commission avait un poids certain dans l'appréciation qu'était amenée à effectuer l'autorité de recours; en outre, la CMNS se composait pour une large part de spécialistes, dont notamment des membres d'associations d'importance cantonale, poursuivant par pur idéal des buts de protection du patrimoine.  
La Cour de justice a ensuite jugé qu'en l'espèce, la décision d'inscription à l'inventaire faisait suite à plusieurs interventions; la CMNS avait demandé à deux reprises l'inscription de l'immeuble de la rue des Ronzades à l'inventaire, la première fois en adoptant, le 28 octobre 2003, la liste d'objets d'architecture du XX ème siècle pour inscription à l'inventaire, et la deuxième fois en décidant, le 21 décembre 2011, de mener à terme les procédures d'inscription à l'inventaire des éléments figurant sur cette dernière liste; il ressortait par ailleurs du dossier que les spécialistes de la CMNS considéraient que l'immeuble en question présentait des qualités patrimoniales de valeur "intéressant", ce qui signifie digne d'être mis à l'inventaire selon les explications du directeur du Service des monuments et des sites lors du transport sur place. L'instance précédente a enfin ajouté que ces éléments avaient pu être confirmés lors du transport sur place, notamment par le représentant de la CMNS.  
 
3.3.3. Aux yeux de la recourante, ni la validation faite par la CMNS le 28 octobre 2003 de la proposition d'inscrire l'immeuble en cause à l'inventaire architectural genevois, ni la décision de la CMNS du 21 décembre 2011 de mener à terme les procédures d'inscription à l'inventaire des éléments figurant sur cette liste ne sauraient être considérées comme étant un préavis de la CMNS au sens de l'art. 47 al. 1 LPMNS. L'intéressée soutient que le document du 28 octobre 2003 comporte uniquement la désignation des biens et ne présente pas de motivation individuelle; quant à la prise de position de 2011, elle se contente de réaffirmer abstraitement le souhait que des procédures soient menées à terme. La recourante fait enfin valoir que le fait qu'un représentant de la CMNS se soit prononcé sur les éléments qu'il estime suffisants pour justifier une mise à l'inventaire lors de l'inspection locale du 18 mai 2018 ne saurait valoir de préavis puisqu'il a eu lieu après la décision d'inscription à l'inventaire.  
Cette argumentation est toutefois insuffisante à démontrer l'arbitraire du raisonnement de l'instance précédente. En effet, ni la LPMNS ni son règlement d'exécution n'édicte de prescriptions concernant la forme et le contenu minimum des préavis ou propositions de la CMNS, dans le cadre de l'examen de l'opportunité d'une décision d'inscription à l'inventaire. La jurisprudence cantonale n'impose pas non plus d'exigences particulières quant à la forme que devraient prendre ces préavis ni quant à leur contenu. Dans ces circonstances, il n'est pas insoutenable de considérer que les prises de position émises par les spécialistes de la CMNS les 28 octobre 2003 et 21 décembre 2011 constituent des préavis au sens de la LPMNS. De plus, aucun élément du dossier ne permet de considérer que ces prises de position ne seraient pas suffisantes pour comprendre la volonté exprimée par la CMNS de voir l'immeuble en question bénéficier d'une mesure de protection au sens de la LPMNS. 
Mal fondé, le grief de l'application arbitraire de l'art. 47 al. 1 LPMNS doit être écarté. 
 
4.   
La recourante fait enfin valoir une violation de la garantie de la propriété ancrée à l'art. 26 Cst. 
Pour être admissible, une mesure d'inscription à l'inventaire doit reposer sur une base légale, être justifiée par un intérêt public et être proportionnée au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.). La recourante ne conteste pas que la mesure de protection litigieuse se fonde sur une base légale formelle, la LPMNS. Elle soutient cependant que la procédure prévue par la LPMNS n'a pas été respectée en l'espèce. Ce faisant, elle se réfère aux griefs examinés au considérant précédent (consid. 3) et qui viennent d'être rejetés. La critique d'absence de base légale est ainsi infondée. 
 
4.1. La recourante avance, en revanche, que l'inscription à l'inventaire du bâtiment en question ne reposerait sur aucun intérêt public.  
 
4.1.1. Les restrictions de la propriété ordonnées pour protéger les monuments et les sites naturels ou bâtis sont en principe d'intérêt public (ATF 126 I 219 consid. 2c p. 221; 119 Ia 305 consid. 4b p. 309 et les arrêts cités). Il appartient de façon prioritaire aux autorités des cantons de définir les objets méritant protection (cf. ATF 126 I 219 consid. 2c p. 222; 118 Ia 394 consid. 2b p. 397; cf. aussi ATF 129 I 337 consid. 4.1 p. 344). Tout objet ne méritant pas une protection, il faut procéder à un examen global, objectif et basé sur des critères scientifiques, qui prenne en compte le contexte culturel, historique, artistique et urbanistique du bâtiment concerné. Les constructions qui sont les témoins et l'expression d'une situation historique, sociale, économique et technique particulière, doivent être conservés. De plus, la mesure ne doit pas être destinée à satisfaire uniquement un cercle restreint de spécialistes; elle doit au contraire apparaître légitime aux yeux du public ou d'une grande partie de la population, pour avoir en quelque sorte une valeur générale (arrêt 1P.79/2005 du 3 septembre 2005 consid 4.2, in ZBl 2007 p. 83; ATF 120 Ia 270 consid. 4a p. 275; 118 Ia 384 consid. 5a p. 389).  
 
4.1.2. En l'occurrence, la Cour de justice a procédé, de façon convaincante, à l'examen de l'intérêt public à la préservation de l'immeuble. Elle a relevé les différents avis des spécialistes de la CMNS et du Service monuments et sites, mettant en évidence les qualités architecturales du bâtiment en cause. Elle s'est aussi référée au recensement architectural du secteur Praille-Acacias-Vernets, validé par la CMNS le 28 mai 2014, attribuant la valeur "intéressant" à cet immeuble. La solution structurelle originale du bâtiment, ses propositions typologiques nouvelles et son expression architecturale témoignant d'une réelle intégration des grandes tendances internationales y ont notamment été mises en évidence. La structure du bâtiment qui est une combinaison de deux systèmes porteurs, soit, pour le rez-de-chaussée, la mise en place d'une structure de grande portée se développant dans le sens de la longueur, à laquelle se superpose une structure plus traditionnelle faite de piles disposées transversalement, adaptée aux travées des logements a aussi été signalée. Le principe distributif adopté, soit la coursive, qui engendre un traitement différencié des façades, provoquant des jeux d'ombre au nord y est indiqué ainsi que les grands cadres de béton au sud en porte-à-faux formant les loggias qui rappellent les principes et la plastique des Unités d'habitation de Le Corbusier. L'instance précédente a encore mentionné que ces qualités architecturales particulières à l'immeuble de la rue des Ronzades avaient par ailleurs été relevées dans plusieurs publications parues dans des revues ou des ouvrages d'architecture, aussi bien à l'époque de sa construction que par la suite. Elle a encore cité la fiche descriptive du Service monuments et sites établie en 2005 mentionnant les solutions structurelles originales, la typologie nouvelle et l'expression architecturale inspirée des grandes tendances internationales; s'ajoutaient enfin les explications du directeur du Service monuments et sites et du représentant de la CMNS lors du transport sur place de mai 2018.  
Face à ces explications, la recourante se borne à affirmer que les caractéristiques décrites par la cour cantonale ne seraient pas perceptibles aux yeux du public et que l'immeuble se contenterait de s'inspirer d'un courant architectural contemporain à sa construction. Cette simple assertion se borne à refléter l'opinion de la recourante et ne démontre aucunement l'absence d'intérêt public. En réalité, la recourante ne fait que substituer sa propre appréciation à celle de la juridiction cantonale, ce qui est impropre à remettre en cause l'argumentation de la Cour de justice. 
Dans ces circonstances, l'instance précédente n'a pas violé le droit fédéral en retenant que la mesure litigieuse poursuivait un intérêt public. 
 
4.2. La recourante ne soutient pas, à bon droit, que le principe de la proportionnalité serait violé. L'instance précédente a relevé à cet égard que la protection du bâtiment ne pouvait pas être assurée par un moyen moins incisif, l'inventaire constituant la mesure de protection individuelle la moins contraignante prévue par la LPMNS. Elle a ajouté que rien ne permettait de penser que l'inscription de l'immeuble de la recourante à l'inventaire ne lui assurerait pas un rendement acceptable, à tout le moins comparable à celui dont elle bénéficie aujourd'hui. Elle a précisé que la mise à l'inventaire n'empêchera en effet pas la recourante de poursuivre la location de ses appartements et de ses locaux commerciaux. Elle a estimé que si les futures rénovations de l'immeuble exigeront une autorisation de la CMNS et par conséquent une étape de procédure supplémentaire, ces désagréments ne sauraient être considérés comme excessivement contraignants et seront, au demeurant et si besoin, compensés à tout le moins en partie par l'aide financière accordée aux propriétaires de bâtiments inscrits à l'inventaire des immeubles protégés. Elle en a déduit qu'aucun sacrifice financier disproportionné ne pouvait ainsi être constaté. Dans ces circonstances, la Cour de justice a conclu, à juste titre, que la mesure litigieuse ne produisait pas des effets insupportables pour la recourante et ne constituait pas une restriction disproportionnée à la garantie de la propriété.  
 
4.3. Il s'ensuit que la cour cantonale n'a pas violé l'art. 26 Cst. en confirmant l'inscription à l'inventaire du bâtiment en question.  
 
5.   
Il s'ensuit que le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité, aux frais de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 francs, sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Département du territoire du canton de Genève et à la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 18 octobre 2019 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Chaix 
 
La Greffière : Tornay Schaller