Urteilskopf
145 III 160
21. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A. contre B. (recours en matière civile)
5A_740/2018 du 1er avril 2019
Regeste
Art. 82 SchKG;
Art. 254 Abs. 1 ZPO; provisorische Rechtsöffnung; Beweismittel des Betreibenden.
Den Nachweis, dass eine Schuldanerkennung zu seinen Gunsten besteht, der die Qualität eines provisorischen Rechtsöffnungstitels zukommt, kann der Betreibende mit keinem anderen Beweismittel als der die Schuldanerkennung enthaltenden Urkunde selbst erbringen (E. 5).
A.a Par contrat hypothécaire cadre n° a, signé le 26 février 2013, B. SA (ci-après: B.) a octroyé à A. un prêt hypothécaire de 4'300'000 fr., divisé en deux tranches à taux fixe de 2'000'000 fr. et 2'300'000 fr. (...). Il était précisé dans la convention de produit annexée au contrat relative à la tranche de 2'300'000 fr. que, pour cette tranche, il s'agissait d'un transfert d'un prêt accordé précédemment.
Le contrat hypothécaire cadre prévoyait que la créancière détenait ou acquérait la propriété d'une cédule hypothécaire au porteur de 1
er rang datée du 12 juillet 2011 de 2'000'000 fr., d'une cédule hypothécaire
BGE 145 III 160 S. 161
au porteur de 2
e rang datée du 12 février 2007 de 1'540'000 fr. et d'une cédule hypothécaire au porteur en 2
e et parité de rang datée du 19 avril 2011 de 760'000 fr. Ces cédules grevaient la parcelle 2382 n
os 11 et 39 de la Commune de U., à savoir un appartement en PPE sis route C. à U., propriété de A. (...)
A.b.a (...) B. a intenté à l'encontre de A. une poursuite en réalisation d'un gage immobilier portant sur la somme de 72'410 fr. plus intérêts.
Le commandement de payer mentionnait comme titre de mainlevée les cédules hypothécaires au porteur de 2'000'000 fr. du 12 juillet 2011 en 1er rang, de 1'540'000 fr. du 12 février 2007 en 2e rang et parité de rang, et de 760'000 fr. du 19 avril 2011 en 2e rang et parité de rang, grevant les feuillets 2382-11 et 2382-39 de la Commune de U., section V.
A.b.b A. n'a pas fait opposition au commandement de payer précité, qui lui a été notifié le 21 novembre 2016. (...)
A.c.b Sur réquisition de B., l'office a notifié le 29 août 2017 à A. un commandement de payer, poursuite en réalisation d'un gage immobilier n° b, portant sur les montants suivants (6 postes), augmentés de l'intérêt moratoire à 5 % dès le 10 juin 2017:
- 4'300'000 fr. à titre de "Capital des cédules hypothécaires au porteur de CHF 2'000'000.- du 12.07.2011 en 1er rang, de CHF 1'540'000.-du 12.02.2007 en 2e rang et parité de rang et CHF 760'000.-du19.04.2011 en 2e rang et parité de rang grevant la parcelle 2382 feuillets 2382-11 et 2382-39 de la commune de U., Section V." (poste 1);
- [...].
A. a formé opposition audit commandement de payer.
B.a.a Par acte expédié le 21 décembre 2017 au Tribunal de première instance de Genève (ci-après: tribunal), B. a requis la mainlevée provisoire de l'opposition au commandement de payer précité.
Elle a produit les cédules hypothécaires suivantes:
- une cédule hypothécaire au porteur n° 2011/002983 de 2'000'000 fr. établie le 12 juillet 2011;
BGE 145 III 160 S. 162
- une cédule hypothécaire au porteur n° 2013-2979 de 760'000 fr., établie le 26 février 2013, remplaçant une cédule n° 2010-4856; et
- une cédule hypothécaire au porteur n° 2013-2980 de 1'540'000 fr. établie le 26 février 2013, remplaçant une cédule n° 2007-171.
Les trois cédules susmentionnées indiquent que le créancier, lors de la délivrance, est le porteur et qu'un droit de gage collectif sur les immeubles PPE 2382-11 et PPE 2389-39 de la commune de U.-V. est constitué en garantie du capital et des intérêts, conformément aux dispositions du code civil (art. 818 CC).
B.a.b Lors de l'audience du 5 mars 2018, A. a fait valoir notamment que le numéro des trois cédules hypothécaires produites ne figurait pas dans le commandement de payer. B. a alors exposé qu'à l'origine, A. avait contracté deux prêts hypothécaires auprès d'elle avec différentes cédules hypothécaires. Pour l'un, l'objet du gage immobilier était l'appartement de la route C. et pour l'autre, un appartement sis à la rue (
recte: avenue) D. A. avait souhaité vendre ce second logement rapidement. Pour lui éviter des pénalités importantes, elle avait accepté que les cédules hypothécaires en lien avec le second appartement soient reportées sur le premier prêt. Ainsi, le second immeuble en question avait été dégrevé des anciennes cédules et le deuxième prêt avait été reporté sur l'appartement de la route C.
A. n'a pas contesté les déclarations de B. au sujet du dégrèvement et de l'extension des cédules hypothécaires de 1'540'000 fr. et de 760'000 fr.
B.a.c Par jugement du 20 mars 2018, le tribunal a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée par A. au commandement de payer, poursuite en réalisation d'un gage immobilier n° b, qui lui avait été notifié le 29 août 2017.
B.b.b Par arrêt du 19 juin 2017 (
recte: 2018), expédié le 6 juillet 2018, la cour a partiellement admis le recours de A. et annulé le jugement attaqué dans la mesure où il prononçait la mainlevée provisoire à concurrence de la somme de 572'909 fr. avec intérêts à 5 % dès le 10 juin 2017 (poste n° 2 du commandement de payer portant sur une pénalité en raison de la résiliation anticipée).
(...)
Par arrêt du 1er avril 2019, le Tribunal fédéral a rejeté le recours en matière civile interjeté par A. contre cette décision.
(extrait)
BGE 145 III 160 S. 163
Extrait des considérants:
5. La première question qui se pose est celle des moyens de preuve sur lesquels le juge de la mainlevée peut se fonder pour établir si le poursuivant est au bénéfice d'un titre de mainlevée provisoire.
5.1 En vertu de l'
art. 82 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (al. 1); le juge la prononce si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (al. 2).
La procédure de mainlevée provisoire est une procédure sur pièces (
Urkundenprozess), dont le but n'est pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire. Le juge de la mainlevée examine uniquement la force probante du titre produit par le poursuivant, sa nature formelle, et lui attribue force exécutoire si le poursuivi ne rend pas immédiatement vraisemblables ses moyens libératoires (
ATF 142 III 720 consid. 4.1).
La procédure de mainlevée provisoire n'a un caractère sommaire au sens propre (sur cette notion:
ATF 138 III 636 consid. 4.3.2 et les références) qu'en ce qui concerne les objections, que le débiteur a seulement à rendre vraisemblables, en principe par titre (
art. 254 al. 1 CPC;
ATF 145 III 20 consid. 4.1.2;
ATF 142 III 720 consid. 4.1), d'autres moyens de preuves immédiatement disponibles n'étant pas exclus (
ATF 132 III 140 consid 4.1.2). Il est inhérent à l'objet de la procédure de mainlevée que les moyens de preuve que le créancier peut faire valoir pour obtenir la mainlevée sont limités à certains titres définis par la loi (art. 80 al. 1 et 82 al. 1 LP; STOFFEL/CHABLOZ, Voies d'exécution, 3
e éd. 2016, § 4 n. 85). Ce n'est que pour les moyens libératoires du débiteur que d'autres moyens de preuve que le titre ne sont pas exclus, la nature même du moyen libératoire invoqué pouvant toutefois exiger la preuve par titre (arrêt 5A_467/2015 du 25 août 2016 consid. 4.5.3, in SJ 2016 I p. 481 et RtiD 2017 I p. 733 [objection de compensation]). Le poursuivant ne peut donc pas convaincre le juge qu'il bénéficie d'une reconnaissance de dette valant titre de mainlevée en offrant d'autres preuves que ce titre lui-même, notamment son interrogatoire ou un témoignage.
5.2 En l'espèce, en tant que l'autorité cantonale s'est fondée sur les déclarations de l'intimée en audience devant le premier juge en relation avec les dates des cédules hypothécaires (cf. supra let. B.a.b)
BGE 145 III 160 S. 164
et sur le fait que le recourant n'avait pas fait opposition au commandement de payer qui lui avait été notifié le 21 novembre 2016 concernant les intérêts hypothécaires et moratoires pour retenir que l'intimée est au bénéfice d'un titre de mainlevée provisoire, elle a violé l'
art. 82 LP. De tels moyens de preuve ne peuvent pas pallier l'absence d'une reconnaissance de dette revêtant les caractéristiques d'un titre de mainlevée, qui doit obligatoirement être produit pour obtenir la mainlevée de l'opposition.
Il reste toutefois à déterminer si l'autorité cantonale pouvait parvenir à ce même résultat sur la base des seuls documents produits par l'intimée devant le premier juge, étant précisé que le recourant conteste l'existence d'un tel titre en raison du défaut d'identité entre les cédules produites à l'appui de la requête de mainlevée et celles mentionnées dans le commandement de payer.