116 IV 143
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Chapeau
116 IV 143
26. Arrêt de la Cour de cassation du 31 août 1990 dans la cause X. contre Y. (pourvoi en nullité)
Regeste
Ne se rend pas coupable de dommages à la propriété celui qui croit s'en prendre à un animal sauvage vivant en liberté, lequel est une chose sans maître (consid. 2).
A.- Le 20 octobre 1989, X. chassait à Puidoux avec l'aide d'un autour, oiseau rapace voisin de l'épervier. Selon Y., l'autour est entré dans son étable, en poursuivant une poule; comme il craignait que l'oiseau n'affole les vaches qui auraient pu le bousculer, Y. admet avoir frappé l'oiseau, qu'il prenait pour un épervier, avec une fourche. Par la suite, il a encore frappé l'autour à l'extérieur de l'étable, dans l'idée de l'achever, mais il a cessé dès l'intervention de X.
L'autour ayant été blessé d'une manière qui le rend impropre à la chasse, X. a déposé plainte pour dommages à la propriété, estimant avoir subi un préjudice de 3'000 francs.
B.- Le 21 mai 1990, le Juge informateur de l'arrondissement de Vevey-Lavaux rendit une ordonnance de non-lieu sur la plainte en dommages à la propriété déposée par X. à l'encontre de Y.
Statuant sur recours le 20 juillet 1990, le Tribunal d'accusation du canton de Vaud a estimé qu'il n'y avait pas "d'indices suffisants que le prévenu ait intentionnellement porté atteinte au bien d'autrui"; d'autre part, il a relevé "que des infractions à la législation sur la chasse ou la protection des animaux, également invoquées par le plaignant, ne sont pas non plus caractérisées".
En conséquence, il a rejeté le recours.
C.- X. a déposé, le 31 juillet 1990, une déclaration de pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal d'accusation, qui lui fut notifié le 23 juillet 1990. Il motiva son pourvoi par mémoire déposé le 13 août 1990. Concluant, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision attaquée, il soutient que "prétendre
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qu'on peut endommager librement des biens qui donneraient l'apparence d'être choses sans maître est une absurdité"; d'autre part il estime qu'il y a eu infraction à la loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages du 20 juin 1986, tout en reconnaissant qu'il s'agit d'une infraction qui est poursuivie d'office et qu'il ne peut invoquer ce moyen dans le cadre d'un pourvoi en nullité à la Cour de cassation du Tribunal fédéral.Le Tribunal d'accusation a renoncé à formuler des observations.
Considérants:
1. a) Le pourvoi en nullité à la Cour de cassation du Tribunal fédéral est ouvert contre une ordonnance de non-lieu rendue en dernière instance (art. 268 ch. 2 PPF).
b) Le plaignant a qualité pour recourir en ce qui concerne les infractions qui ne sont poursuivies que sur plainte du lésé (art. 270 al. 1 PPF).
c) Annoncé et motivé en temps utile ( art. 272 al. 1 et 2 PPF ), dans les formes requises (art. 273 al. 1 PPF), le pourvoi est recevable.
d) Le pourvoi, qui a un caractère cassatoire (art. 277ter al. 1 PPF), ne peut être formé que pour violation du droit fédéral (art. 269 al. 1 PPF). La Cour de cassation n'est pas liée par les motifs invoqués, mais elle ne peut aller au-delà des conclusions du recourant; en revanche, elle est liée par les constatations de fait de l'autorité cantonale, sous réserve de la rectification d'une inadvertance manifeste (art. 277bis PPF).
2. a) Dans la mesure où le recourant invoque la réalisation d'une infraction punissable d'office, il ne peut être entré en matière, puisque le plaignant n'a qualité pour se pourvoir en nullité qu'en ce qui concerne les infractions qui ne sont poursuivies que sur plainte (art. 270 al. 1 PPF; ATF 115 IV 153 consid. 3, ATF 84 IV 129).
b) La seule question qui se pose est donc de savoir si le non-lieu sur l'accusation de dommages à la propriété (art. 145 al. 1 CP) viole ou non le droit fédéral.
Selon l'art. 145 al. 1 CP, celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d'usage une chose appartenant à autrui sera, sur plainte, puni de l'emprisonnement ou de l'amende.
S'il est vrai qu'un animal constitue une chose au sens de l'art. 145 CP (ATF 78 IV 83, ATF 77 IV 194), il faut encore, selon le texte clair de la disposition légale, que cette chose appartienne à
BGE 116 IV 143 S. 145
autrui. S'agissant d'une infraction contre la propriété, elle ne peut être réalisée à l'encontre d'une chose sans maître (ATF 85 IV 190; STRATENWERTH, Bes. Teil, I, 3e éd., p. 221 No 4; REHBERG, Strafrecht III, 5e éd., p. 113), notamment un animal sauvage vivant en liberté (RSJ 53 (1957), p. 138, No 68, RSJ 51 (1955), p. 244, No 131).D'autre part, l'infraction n'est réalisée que si elle a été commise intentionnellement, ce qui signifie que l'auteur doit avoir eu conscience, au moins sous la forme du dol éventuel, de s'en prendre à une chose appartenant à autrui (LOGOZ, Commentaire CPS, partie spéciale I, p. 142).
c) Dans le cas d'espèce, l'autorité cantonale a estimé qu'il n'y avait pas d'indices suffisants pour se convaincre que l'auteur avait eu la volonté de s'en prendre au bien d'autrui. Un autour peut facilement être confondu avec un épervier; ces rapaces vivent le plus souvent à l'état sauvage en liberté; il n'y a aucune raison de ne pas croire Y. lorsqu'il affirme qu'il pensait, au moment de frapper l'animal, que celui-ci n'appartenait à personne. Un tel raisonnement relève de l'appréciation des preuves et échappe au contrôle de la Cour de cassation dans le cadre d'un pourvoi en nullité (ATF 113 IV 22, 108 IV 10 consid. 4, ATF 106 IV 100 consid. 2b, 143 consid. 3, 238 consid. 2a, 266 consid. 2, 318 consid. 2b).
La Cour cantonale a ainsi déterminé quelles étaient les représentations subjectives de l'auteur: il croyait qu'il s'agissait d'un oiseau vivant à l'état sauvage en liberté. Ce que l'auteur sait, veut ou envisage relève du fait, de sorte que cette constatation lie la Cour de cassation (ATF 110 IV 76 consid. 1b, ATF 100 IV 221 consid. 2, 237 consid. 4).
Ainsi, Y. croyait, au moment où il frappait l'animal, que celui-ci vivait à l'état sauvage en liberté. Il a donc agi sous l'influence d'une appréciation erronée des faits et il doit être jugé d'après cette appréciation si elle lui est favorable (art. 19 al. 1 CP). L'application de l'art. 19 al. 2 CP est d'emblée exclue, puisque la loi ne réprime pas les dommages à la propriété commis par négligence. Selon sa représentation des faits, Y. pensait que l'oiseau était une chose sans maître, de sorte que, en raison de son erreur sur les faits, il n'a pas eu la volonté de s'en prendre à la propriété d'autrui. En conséquence, l'infraction prévue et punie par l'art. 145 CP n'est pas réalisée et c'est à juste titre que le non-lieu a été prononcé. Partant, le pourvoi doit être rejeté.