121 V 97
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Chapeau
121 V 97
16. Arrêt du 16 août 1995 dans la cause Fondation LPP du Groupe P. contre C. et Tribunal administratif du canton de Genève
Regeste
Sont en principe déterminantes pour fixer le montant des prestations d'invalidité les dispositions réglementaires en vigueur au moment de la naissance du droit aux prestations et non celles qui étaient applicables au moment où a débuté l'incapacité de travail qui a entraîné l'invalidité.
A.- C., né en 1929, travaillait depuis le 1er octobre 1970 au service de P.S.A. Il a cessé son activité professionnelle le 24 avril 1991, pour raison de maladie. Il était alors affilié à la "Caisse de pensions de la SA. ancienne fabrique P". Dès 1992, la dénomination de cette caisse de pensions a été changée en "Fondation de prévoyance en faveur du personnel du groupe P." (ci-après: la Fondation).
Dans sa version valable jusqu'au 31 décembre 1991, le règlement de la Fondation (entré en vigueur le 1er janvier 1990) contenait notamment les dispositions suivantes relativement à l'invalidité:
Art. 32
1 L'assuré qui, ensuite de maladie ou d'accident, est reconnu invalide à raison de 50% au moins par l'assurance invalidité fédérale (ci-après: "AI"),
BGE 121 V 97 S. 98
est également reconnu invalide par la Caisse, avec effet à la même date, pour autant qu'il ait été affilié à la Caisse lorsqu'est survenue l'incapacité de gain dont la cause est à l'origine de l'invalidité. L'article 38 est réservé.Art. 33
1 Le droit à la rente d'invalidité de la Caisse prend naissance le jour de l'ouverture du droit à la rente AI.
2 La rente d'invalidité de la Caisse n'est toutefois pas servie aussi longtemps que l'assuré touche son salaire.
Le montant annuel de la rente "complète" d'invalidité était égal au montant annuel de la rente de retraite que l'assuré aurait touchée dès le jour de la retraite réglementaire s'il était resté en service jusqu'à cette date en conservant son dernier salaire assuré (art. 35 al. 2). Le montant annuel de la rente de retraite correspondait à 1,5 pour cent de la somme des salaires assurés acquise au jour de la retraite réglementaire (art. 29 al. 1).
B.- Le 1er janvier 1992 est entré en vigueur un nouveau règlement de la Fondation, qui prévoit, en matière de rentes d'invalidité notamment, des prestations plus étendues que précédemment. C'est ainsi que le montant de la rente d'invalidité, pour une invalidité "complète", correspond à 60 pour cent du salaire assuré jusqu'à l'âge réglementaire de la retraite (art. 30).
Pour le premier trimestre de l'année 1992, C. a versé des cotisations supplémentaires, calculées sur la base du nouveau règlement. La Fondation lui a en outre délivré, en novembre 1992, une attestation d'assurance, selon laquelle la rente annuelle d'invalidité, calculée d'après ce même règlement, s'élevait, pour une invalidité de 100 pour cent, à 25'524 fr. au 1er janvier 1992.
C.- C. a perçu l'intégralité de son salaire jusqu'au 31 décembre 1991 (4'200 fr. par mois). Du 1er janvier 1992 au 30 septembre 1992, il a reçu des indemnités journalières correspondant à 80 pour cent de son salaire, versées par la Winterthur, Société suisse d'assurances, en vertu d'un contrat d'assurance collective d'une indemnité journalière conclu entre cette société et l'employeur. Ce dernier a avancé les indemnités au salarié avant de se les faire rembourser par la Winterthur.
Par décision du 7 août 1992, la Caisse de compensation de l'industrie horlogère a alloué à C. une rente entière de l'assurance-invalidité à partir du 1er avril 1992.
Par lettre du 15 février 1993, la Fondation a informé son assuré qu'il avait droit, dès le 1er avril 1992, à une rente d'invalidité de 13'910 fr.
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par an, conformément aux dispositions du règlement en vigueur "au moment de la réalisation du risque assuré", soit au début de son incapacité de travail (24 avril 1991). La Fondation précisait que les prestations versées par l'employeur pour les mois d'avril à septembre 1992 seraient compensées par les arriérés de rentes et les rentes futures.
D.- Par écriture du 4 janvier 1994, C. a assigné la Fondation en paiement d'une rente d'invalidité calculée selon "le règlement en vigueur au moment de la naissance du droit, soit aux prestations telles que prévues par le règlement en vigueur dès le 1er janvier 1992".
La défenderesse a conclu au rejet de la demande. Elle a notamment fait valoir que l'attestation d'assurance remise à l'assuré en novembre 1992 était erronée et que c'était à tort qu'elle avait perçu un supplément de cotisations pour les mois de janvier à mars 1992.
Par jugement du 1er novembre 1994, le Tribunal administratif du canton de Genève a condamné la défenderesse à verser au demandeur, conformément aux conclusions de la demande, une rente d'invalidité calculée en application du règlement de la Fondation entré en vigueur le 1er janvier 1992.
Le droit à la rente devait prendre naissance le 1er avril 1992. La Fondation était toutefois en droit de déduire un montant de 21'024 fr. représentant les avances (80 pour cent du salaire) consenties par l'employeur du 1er avril au 30 septembre 1992.
E.- La Fondation interjette recours de droit administratif contre ce jugement. Elle demande au tribunal, principalement, de fixer les prestations litigieuses conformément aux dispositions réglementaires qui étaient en vigueur en 1991. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouveau jugement.
C. conclut au rejet du recours.
Quant à l'Office fédéral des assurances sociales, il renonce à se déterminer.
Considérant en droit:
1. Selon la recourante, il convient d'appliquer en l'espèce les dispositions réglementaires en vigueur au moment où a débuté l'incapacité de travail qui a entraîné l'invalidité de l'intimé (avril 1991) et non, comme l'ont retenu les premiers juges, celles en vigueur au moment de la naissance du droit aux prestations (avril 1992).
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a) Selon les principes généraux, auxquels se sont référés les premiers juges, l'on applique, en cas de changement de règles de droit, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATF 119 Ib 110; ATF 119 V 4 consid. 2a; MOOR, Droit administratif, vol. I, 2e éd., p. 170). Ces principes valent également en cas de changement de dispositions réglementaires ou statutaires des institutions de prévoyance (SVR 1994, BVG no 12, p. 31 consid. 4a). Leur application ne soulève pas de difficultés en présence d'un événement unique, qui peut être facilement isolé dans le temps. S'agissant par exemple des prestations de survivants, l'on applique les règles en vigueur au moment du décès de l'assuré (SVR 1994, BVG no 12, p. 31), c'est-à-dire la date à laquelle naît le droit aux prestations du bénéficiaire (ATF 119 V 279 consid. 2).
En présence d'un état de choses durable, non encore révolu lors du changement de législation, le nouveau droit est en règle générale applicable, sauf disposition transitoire contraire (rétroactivité impropre). Il n'y a pas, dans ce cas, de rétroactivité proprement dite, en principe inadmissible (MOOR, op.cit., p. 173; G. MÜLLER, in: Commentaire de la Constitution fédérale, art. 4 no 74; GRISEL, Traité de droit administratif, p. 149 sv.; IMBODEN/RHINOW, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, 5e éd., vol. I no 16 B III; KÖLZ, Intertemporales Verwaltungsrecht, RDS 1983 II, p. 167 sv.).
b) En matière d'assurances sociales, le Tribunal fédéral des assurances a par exemple jugé que l'art. 17 OPC - AVS/AI, lorsqu'il sert à évaluer la fortune dont un assuré s'est dessaisi, s'applique aussi aux éléments constitutifs du dessaisissement qui se sont réalisés avant l'entrée en vigueur de cette norme, le 1er janvier 1992 (ATF 120 V 182; cf. également ATF 114 V 150). De même, pour déterminer si une atteinte à la santé a été causée exclusivement ou d'une manière nettement prépondérante par l'activité professionnelle, la jurisprudence prend en considération l'ensemble de l'activité professionnelle et donc aussi celle exercée avant le 1er janvier 1984, date de l'entrée en vigueur de la LAA (ATF 119 V 200). Enfin, dans ce même ordre d'idées toujours, il a été jugé qu'une nouvelle réglementation sur l'échelonnement des rentes de l'AVS, valable depuis le 1er janvier 1979, était aussi applicable aux cas dans lesquels, lors de son entrée en vigueur, le droit à la rente existait déjà (ATF ATF 108 V 113).
En ce qui concerne la prévoyance professionnelle, l'on applique les mêmes principes en cas de changement - même au détriment des assurés - des
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dispositions réglementaires d'une institution de prévoyance. Le Tribunal fédéral des assurances a par exemple jugé, à propos de l'ancien art. 331b CO (prévoyance plus étendue), qu'une fondation de prévoyance en faveur du personnel était en droit d'appliquer rétroactivement et en défaveur de l'assuré une modification de l'échelle de la prestation de libre passage, pour autant que la nouvelle réglementation fût conforme à la loi et ne portât pas atteinte aux droits acquis (ATF 117 V 221).c) En l'espèce, contrairement à l'avis de la recourante, l'état de fait dont découle le droit aux prestations n'est pas le début de l'incapacité de travail, considéré comme un événement isolé dans le temps, mais l'incapacité de travail comme telle, qui est un état de fait durable. La situation juridique qui donne lieu à une rente d'invalidité n'est donc pas ponctuelle. Elle perdure jusqu'au moment de la naissance du droit aux prestations, soit, dans le domaine de la prévoyance obligatoire et en règle ordinaire, à l'échéance de la période de carence d'une année selon l'art. 29 al. 1 let. b LAI (cf. art. 26 al. 1 LPP). En cas de modification réglementaire durant cette période et conformément aux principes susmentionnés, ce sont les nouvelles règles qui sont applicables, sauf disposition contraire. Les anciennes règles n'attachent aucune conséquence juridique particulière à la date de la survenance de l'incapacité de travail, tant et aussi longtemps que cette incapacité ne fonde pas un droit à des prestations d'invalidité.
2. a) La recourante invoque à tort l'art. 23 LPP et la jurisprudence fédérale dégagée de cette norme, pour en déduire que l'"événement déterminant" est l'incapacité de travail dont découle l'invalidité.
Selon l'art. 23 LPP, ont droit à des prestations d'invalidité les personnes qui sont invalides à raison de 50 pour cent au moins au sens de l'AI, et qui étaient assurées lorsqu'est survenue l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de l'invalidité. La jurisprudence a précisé, à ce propos, que les prestations d'invalidité sont dues par l'institution de prévoyance à laquelle l'intéressé est - ou était - affilié au moment de la survenance de l'événement assuré. Dans la prévoyance obligatoire, ce moment ne coïncide pas avec celui de la naissance du droit à une rente de l'assurance-invalidité selon l'art. 29 al. 1 let. b LAI, mais il correspond à la survenance de l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de l'invalidité. Sinon, il subsisterait, dans bien des cas, des lacunes dans la couverture d'assurance, notamment lorsque l'employeur, en raison
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justement de la maladie du travailleur, résilie les rapports de travail avant l'écoulement de la période de carence d'une année instituée par l'art. 29 al. 1 let. b LAI (ATF 120 V 116 consid. 2b, ATF 118 V 98 consid. 2b, 245 consid. 3c, 117 V 332 consid. 3).Outre ce but d'extension de la protection sociale, l'art. 23 LPP sert aussi à délimiter les responsabilités entre institutions de prévoyance. Une telle délimitation s'impose notamment lorsque le travailleur, déjà atteint dans sa santé dans une mesure propre à influer sur sa capacité de travail, entre au service d'un nouvel employeur (en changeant en même temps d'institution de prévoyance) et est mis au bénéfice, ultérieurement, d'une rente de l'assurance-invalidité (ATF 120 V 112; MOSER, Die Zweite Säule und ihre Tragfähigkeit, thèse Bâle 1992, p. 208) ou encore en cas d'augmentation du degré d'invalidité après la dissolution du rapport de prévoyance (ATF 118 V 45 consid. 5).
Mais l'art. 23 LPP ne revêt d'aucune manière le caractère d'une norme de droit intertemporel, susceptible de s'appliquer en cas de modification de l'ordre juridique (légal ou réglementaire). Il n'est donc d'aucun secours à la recourante.
b) Le Tribunal fédéral des assurances a certes jugé, par ailleurs, qu'un assuré ne pouvait prétendre des prestations du régime obligatoire selon la LPP si sa capacité de travail était déjà réduite, avant l'entrée en vigueur de cette loi, dans une mesure suffisamment importante pour fonder le droit à des prestations (ATF 118 V 99 consid. 2c; cf. également MEYER-BLASER, 1990-1994 : Die Rechtsprechung von Eidgenössischem Versicherungsgericht und Bundesgericht zum BVG, SZS 1995, p. 91). Mais cette solution découle du fait que, sauf exceptions expressément stipulées par la loi, toute rétroactivité de la LPP est exclue, même une rétroactivité impropre (BRÜHWILER, Die betriebliche Personalvorsorge in der Schweiz, p. 293 ss, plus particulièrement p. 300; RIEMER, Das Recht der beruflichen Vorsorge in der Schweiz, § 1 note 47, p. 41). En effet, l'allocation de prestations en vertu de la LPP suppose, par principe, la constitution d'un avoir de vieillesse qui n'a pu être accumulé qu'à partir du 1er janvier 1985 (ATF 117 V 333 consid. 5b; RIEMER, ibidem).
c) La recourante soutient aussi que la modification d'un règlement implique la conclusion d'un nouveau contrat de prévoyance. En l'espèce, ce nouveau contrat prévoit l'allocation de prestations qui vont au-delà de la prévoyance professionnelle obligatoire, en matière d'invalidité notamment. Or, dit la recourante, selon les règles sur le contrat d'assurance (art. 9
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LCA), le contrat est nul si, au moment où il a été conclu, le sinistre était déjà survenu. Dans le cas particulier, le risque était réalisé depuis le 24 avril 1991. La recourante invoque à ce propos l'arrêt ATF 118 V 158.Cette référence de jurisprudence n'est toutefois pas pertinente. Dans l'affaire qui a fait l'objet de l'arrêt invoqué, le Tribunal fédéral des assurances, appliquant par analogie l'art. 9 LCA (p. 169 consid. 5c), a jugé qu'un assuré entièrement invalide (et au bénéfice d'une rente entière de l'assurance-invalidité) dès le début déjà des rapports de travail, ne pouvait bénéficier de prestations du régime de la prévoyance plus étendue (ni d'ailleurs, mais pour d'autres motifs, de l'assurance obligatoire selon la LPP). Or, la situation est différente dans le cas présent: contrairement à ce que soutient la recourante, il n'y a pas eu conclusion d'un nouveau contrat de prévoyance dès le 1er janvier 1992, mais une modification unilatérale du règlement par la Fondation, conformément à l'art. 68 du règlement en vigueur depuis le 1er janvier 1990, qui lui réservait expressément cette faculté (cf. ATF 117 V 226 consid. 4 et les références citées). On doit ainsi admettre qu'il y a eu continuité d'un seul et même rapport de prévoyance.
C'est donc bien uniquement à la lumière des principes ci-dessus exposés, sur l'application dans le temps des règles juridiques, que doit être tranché le présent litige.
3. Ces principes conduisent à admettre l'applicabilité du règlement de 1992. Aucun droit à la rente en faveur de l'intimé n'a pris naissance sous l'empire du règlement de 1990. Le nouveau règlement, entré en vigueur le 1er janvier 1992, ne contient aucune disposition transitoire qui déclarerait applicables les anciennes dispositions en cas d'incapacité de travail survenue avant cette date. La rente à laquelle l'intimé peut prétendre doit ainsi être calculée conformément aux dispositions nouvelles, comme l'ont admis les premiers juges.
Il suit de là que le recours est mal fondé.