Chapeau
122 IV 265
40. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 27 septembre 1996 dans la cause Ministère public du canton de Vaud contre M. et Z. (pourvoi en nullité)
Regeste
Art. 19 ch. 2 LStup;
art. 63 CP; infraction grave à la LStup, fixation de la peine.
Lorsqu'une circonstance aggravante est réalisée, il est superflu de se demander si l'infraction ne pourrait pas également être qualifiée de grave pour un autre motif (consid. 2c; confirmation de jurisprudence).
Conséquence sur la fixation de la peine de l'association de deux accusés mariés l'un à l'autre (consid. 2d).
Faits à partir de page 265
A.- Statuant le 6 novembre 1995 sur recours des condamnés, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois, réformant un jugement rendu le 24 mai 1995 par le Tribunal correctionnel du district de Lausanne, a condamné:
- M., pour lésions corporelles graves, lésions corporelles simples qualifiées, dommages à la propriété, infraction grave et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, à la peine de 4 ans et demi de réclusion, prononçant son expulsion du territoire suisse pour une durée de 10 ans (avec sursis pendant 5 ans) et
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- Z., pour infraction grave et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants, à la peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis pendant 5 ans; la Cour de cassation pénale a par ailleurs statué sur l'imputation de la détention préventive et sur les frais de la procédure, confirmant le jugement attaqué pour le surplus.
Le jugement de première instance avait retenu "la circonstance aggravante de l'art. 19 ch. 2 let. b LStup", considérant que les accusés avaient agi en bande dans le trafic de stupéfiants, parce que tant M. que son épouse avaient la volonté de s'associer et qu'ils s'étaient entraidés, même si le mari dirigeait les opérations.
Dans son arrêt, la cour cantonale a rappelé la jurisprudence selon laquelle deux personnes suffisent à constituer une bande; elle a cependant relevé que cette question était controversée en doctrine et qu'elle avait été laissée indécise dans la jurisprudence la plus récente. Se référant à l'
ATF 120 IV 330, elle conclut qu'il suffit qu'il y ait une seule circonstance aggravante pour que le cas soit grave. Or, la cour cantonale a admis qu'elle se trouvait, pour chacun des accusés, en présence de l'hypothèse visée par l'
art. 19 ch. 2 let. a LStup, le trafic de M. ayant porté sur 114,6 g environ d'héroïne pure et celui de Z. sur 88,95 g environ d'héroïne pure. Dans les deux cas, la cour cantonale a déclaré qu'elle se référait aux éléments à charge et à décharge que les premiers juges ont pris en considération. S'agissant de Z., la cour cantonale a ajouté: "la cour de céans retiendra toutefois, dans le cadre de l'application de l'
art. 63 CP, que Z. n'a pas agi comme affiliée à une bande". Les raisons de cette conclusion sont inconnues.
B.- Contre cet arrêt, le Ministère public du canton de Vaud s'est pourvu en nullité à la Cour de cassation du Tribunal fédéral. Invoquant une violation de l'
art. 19 ch. 2 let. b LStup, il fait valoir que la jurisprudence selon laquelle deux personnes suffisent à constituer une bande n'a jamais été renversée; il soutient que la cour cantonale a violé le droit fédéral en ne faisant pas application de l'
art. 19 ch. 2 let. b LStup et que cette circonstance aggravante supplémentaire devrait conduire à une peine supérieure. Il conclut à l'annulation de la décision attaquée.
Considérant en droit:
2. a) Le recourant reproche exclusivement à la cour cantonale de ne pas avoir appliqué l'
art. 19 ch. 2 let. b LStup (RS 812.121), faisant valoir
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qu'il en serait résulté, par voie de conséquence, des peines plus élevées.
L'art. 19 ch. 2 let. b LStup prévoit que le cas est grave notamment lorsque l'auteur "agit comme affilié à une bande formée pour se livrer au trafic illicite des stupéfiants".
b) Selon la jurisprudence, il y a bande lorsque deux ou plusieurs auteurs manifestent expressément ou par acte concluant la volonté de s'associer en vue de commettre ensemble plusieurs (plus de deux) infractions indépendantes, même s'ils n'ont pas de plan et que les infractions futures ne sont pas encore déterminées (
ATF 100 IV 219 consid. 1 et 2 et les références citées); du point de vue subjectif, il suffit que l'auteur sache et veuille les circonstances de fait qui correspondent à la définition de la bande (
ATF 105 IV 181 consid. 4b).
Dans un arrêt récent, la Cour de cassation a constaté que certains auteurs citent la jurisprudence sans la critiquer, tandis que d'autres se sont demandés s'il ne fallait pas exiger un minimum de trois participants pour constituer une bande; elle a cependant constaté, dans le cas d'espèce qui lui était soumis, que la question pouvait demeurer indécise (
ATF 120 IV 317 consid. 2a). Dans une affaire de stupéfiants, la question a été de nouveau laissée ouverte, parce que le cas était grave de toute manière pour un autre motif et qu'il n'était donc pas nécessaire de trancher (
ATF 120 IV 330 consid. 1c/bb p. 333).
Il est donc exact de dire, comme le fait le Ministère public, que la jurisprudence selon laquelle deux personnes suffisent à constituer une bande n'a jamais été renversée.
c) Il ressort cependant aussi bien de l'arrêt attaqué que du mémoire de recours que les autorités cantonales ont une conception de l'art. 19 ch. 2 let. b LStup qui n'est pas satisfaisante.
En effet, la question n'est pas vraiment de savoir s'il faut appliquer ou ne pas appliquer l'art. 19 ch. 2 let. b LStup. Cette disposition ne prévoit pas une infraction spéciale qui s'intitulerait "trafic en bande"; il ne s'agit pas non plus d'une circonstance aggravante indépendante qui devrait être appliquée pour elle-même; l'art. 19 ch. 2 let. b LStup se borne à citer l'une des hypothèses permettant de conclure à l'existence d'un cas grave au sens de l'art. 19 ch. 1 in fine LStup.
L'
art. 19 ch. 1 LStup décrit les comportements pénalement réprimés et prévoit, s'ils ont été adoptés intentionnellement, qu'ils sont passibles de l'emprisonnement ou de l'amende. De cette infraction de base, le législateur a tiré et distingué deux infractions moins sévèrement réprimées et une infraction plus sévèrement punie. Ainsi, sur la base d'un
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comportement décrit à l'
art. 19 ch. 1 LStup, l'auteur sera moins sévèrement puni s'il a agi par négligence (
art. 19 ch. 3 LStup) ou s'il a agi certes intentionnellement, mais dans le seul but d'assurer sa propre consommation (
art. 19a LStup), étant encore rappelé que les
art. 19b et 19c LStup répriment de manière spéciale certains actes liés à la consommation. D'un autre côté, il est prévu une infraction plus sévèrement réprimée: si l'auteur a agi intentionnellement et que le cas est grave, il est passible des peines prévues par l'art. 19 ch. 1 in fine LStup. Pour expliciter la notion de cas grave, l'
art. 19 ch. 2 LStup cite trois hypothèses dans lesquelles cette qualification doit être retenue, mais la liste n'est pas exhaustive (
ATF 120 IV 330 consid. 1c/aa;
ATF 117 IV 314 consid. 2h p. 324;
ATF 114 IV 164 consid. 2b). L'
art. 19 ch. 2 let. b LStup n'est donc rien d'autre qu'un exemple de cas grave.
Comme il n'est pas contesté en l'espèce que le cas doit déjà être qualifié de grave parce qu'il correspond à l'hypothèse citée par l'
art. 19 ch. 2 let. a LStup, il est superflu de se demander s'il pourrait également recevoir cette qualification pour un autre motif, notamment en raison de l'
art. 19 ch. 2 let. b LStup (
ATF 120 IV 330 consid. 1c/aa p. 333). Sur la base de l'
art. 19 ch. 2 let. a LStup, c'est manifestement à juste titre que la cour cantonale a qualifié l'infraction de cas grave au sens de l'art. 19 ch. 1 in fine LStup. Savoir si l'hypothèse de l'
art. 19 ch. 2 let. b LStup est ou non réalisée ne pourrait pas modifier la qualification de l'infraction, ni le cadre légal de la peine. La question litigieuse n'est donc pas de nature à modifier le dispositif de la décision attaquée dans la mesure où celui-ci constate qu'il s'agit d'un cas grave d'infraction à la Loi fédérale sur les stupéfiants. Au stade de la qualification de l'infraction, aucune autre précision n'est requise.
d) Il reste la question de la fixation de la peine, laquelle doit être mesurée en fonction de la gravité de la faute (
art. 63 CP;
ATF 121 IV 3 consid. 1a, 193 consid. 2a;
ATF 120 IV 136 consid. 3a p. 143 s.). Il semble qu'il y ait eu ici une divergence d'appréciation entre la cour cantonale et le juge de première instance. Selon le passage déjà cité de la page 41 de l'arrêt attaqué, la cour cantonale n'attache pas d'importance, au stade de la fixation de la peine, au fait que les époux se sont associés et entraidés. Les raisons de cette divergence d'appréciation, dans l'application de l'
art. 63 CP, sont obscures et l'on pourrait songer à faire application de l'
art. 277 PPF. On ne doit cependant pas oublier que l'on se trouve en présence d'accusés mariés l'un à l'autre, de sorte qu'il est plus ou moins naturel qu'ils soient ensemble; on ne discerne pas - et
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le recourant ne tente pas de le démontrer - qu'ils auraient développé in concreto une association qui rendrait plus lourde la faute de l'un ou de l'autre, voire des deux. Il faut rappeler ici que le juge ne doit citer que les éléments essentiels, à charge ou à décharge, qui dictent sa décision quant à la quotité de la peine (
ATF 121 IV 49 consid. 2a/aa p. 56;
ATF 118 IV 14 consid. 2 p. 16, 18 consid. 1c/aa, 119 consid. 2b, 337 consid. 2a;
ATF 117 IV 112 consid. 1, 139 consid. 4a p. 151); il peut passer sous silence les éléments qui, sans abus du pouvoir d'appréciation, lui paraissent non pertinents ou d'une importance mineure (
ATF 117 IV 112 consid. 1 p. 115, 139 consid. 4a p. 151;
ATF 116 IV 289 consid. 2c p. 291). En considérant que l'élément associatif n'était pas tel en l'espèce qu'il doive être retenu à la charge des accusés, on ne voit pas - sur la base des constatations cantonales qui lient la Cour de cassation (
art. 277bis al. 1 PPF) - que la cour cantonale ait abusé de son pouvoir d'appréciation. On ne discerne pas - et le recourant ne le soutient pas non plus - que les peines infligées violeraient pour une autre raison le droit fédéral, en particulier qu'elles seraient exagérément clémentes. En conséquence, les peines ont été fixées sans violer le droit fédéral.
L'argumentation du recourant ne pourrait donc pas conduire à modifier le dispositif de la décision attaquée, mais seulement sa motivation. Comme un pourvoi ne peut pas être admis seulement pour améliorer la motivation de la décision attaquée (
ATF 122 IV 145 consid. 2;
ATF 121 IV 94 consid. 1b;
ATF 119 IV 44 consid. 1a, 145 consid. 2c p. 152;
ATF 118 IV 233 consid. 2c p. 239), il n'y a pas lieu d'en discuter plus avant.
Partant, le pourvoi doit être rejeté.