137 IV 118
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Chapeau
137 IV 118
17. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause A. contre Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois (recours en matière pénale)
1B_173/2011 du 17 mai 2011
Regeste
Détention provisoire; principe de célérité; délais des art. 219 al. 4 et 224 al. 2 CPP.
Le non-respect du délai de 24 heures de l'art. 219 al. 4 CPP et du délai de 48 heures de l'art. 224 al. 2 CPP ne rend pas nécessairement le maintien en détention illégal. Seul le temps écoulé entre l'arrestation et la décision du tribunal des mesures de contrainte sur la détention est déterminant. La détention devient illégale si cette décision n'intervient pas dans les 96 heures suivant l'arrestation (consid. 2.1).
Appréciation globale de la durée de la procédure. Absence de violation grave du principe de célérité justifiant la mise en liberté du prévenu. Réparation du non-respect des délais précités par la constatation d'une violation du principe de célérité, une admission partielle du recours sur ce point et la condamnation de l'Etat aux frais de justice (consid. 2.2).
A. A. a été arrêté le 13 février 2011, dans le cadre d'une enquête pénale ouverte pour infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup; RS 812.121). Il a été appréhendé à 11h00 par la police cantonale zurichoise, qui l'a entendu à 14h13. Il est arrivé dans le canton de Vaud le lendemain à 14h30 et le Procureur de l'arrondissement de l'Est vaudois (ci-après: le procureur) a procédé à l'audition d'arrestation le 15 février 2011 à 10h23. Le même jour à 16h41, le procureur a saisi le Tribunal des mesures de contrainte d'une demande de détention provisoire, en raison des risques de fuite et de collusion.
Par ordonnance du 17 février 2011, le Tribunal des mesures de contrainte a ordonné la détention provisoire en retenant les motifs invoqués par le procureur dans sa requête. A. a recouru contre cette décision auprès de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal (ci-après: le Tribunal cantonal), qui a rejeté le recours par arrêt du 4 mars 2011. Cette autorité a constaté que des délais prévus par les art. 219 al. 4 et 224 al. 2 du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP; RS 312.0) n'avaient pas été respectés, mais que cela ne conduisait pas à la mise en liberté du prévenu. Elle a en outre estimé que la détention était matériellement justifiée, notamment en raison de l'existence de risques de fuite et de collusion, et que le principe de la proportionnalité était respecté.
B. Le 11 avril 2011, A. a formé un recours en matière pénale, demandant au Tribunal fédéral de réformer cet arrêt en constatant qu'il aurait dû être libéré immédiatement. Il soutient en substance que la violation des art. 219 al. 4 et 224 al. 2 CPP aurait dû conduire à sa libération, que sa détention provisoire n'était pas régulière et que les principes de la proportionnalité et de la célérité ont été violés (...).
Le Tribunal fédéral a admis partiellement le recours.
Extrait des considérants:
2. Le recourant se plaint en premier lieu du non-respect des délais prévus aux art. 219 al. 4 et 224 al. 2 CPP, ce qui devait selon lui entraîner sa libération.
2.1 Aux termes de l'art. 219 al. 4 CPP, la personne arrêtée provisoirement est libérée ou amenée devant le ministère public au plus tard après 24 heures; si l'arrestation provisoire a fait suite à une appréhension, la durée de celle-ci est déduite de ces 24 heures. Quant à l'art. 224 al. 2 CPP, il prévoit que le ministère public doit saisir le tribunal des mesures de contrainte "sans retard mais au plus tard dans les 48 heures à compter de l'arrestation".
Ces délais, qui concrétisent les garanties procédurales des art. 31 Cst. et 5 par. 3 CEDH, ne sont pas de simples délais d'ordre, dont l'intéressé ne pourrait pas se prévaloir. La détention ne devient toutefois pas nécessairement illégale si l'un de ces délais n'est pas respecté. En effet, dans un arrêt récent (ATF 137 IV 92 consid. 3.1 et 3.2 p. 96 ss), le Tribunal fédéral a relevé que seul le temps écoulé entre l'arrestation et la décision du tribunal des mesures de contrainte était déterminant pour le prévenu, les étapes de procédure précédant cette décision étant de moindre importance. Il en va notamment ainsi du délai de l'art. 224 al. 2 CPP, qui est adressé en premier lieu au ministère public et qui vise à donner suffisamment de temps au juge de la détention pour examiner la cause. Ce délai concerne donc en priorité l'organisation interne des autorités de poursuite pénale, même s'il intéresse aussi le prévenu. Le maintien en détention ne devient dès lors pas nécessairement illégal si le délai de 48 heures de l'art. 224 al. 2 CPP n'est pas respecté, mais seulement si la décision du tribunal des mesures de contrainte n'intervient pas dans les 96 heures suivant l'arrestation (ATF 137 IV 92 consid. 3.2.1 p. 97). Les considérations qui précèdent valent aussi pour le délai de 24 heures prévu à l'art. 219 al. 4 CPP. Il est certes dans l'intérêt du prévenu que la police respecte ce délai, afin que l'audition par un magistrat intervienne le plus rapidement possible, mais le non-respect dudit délai ne constitue pas nécessairement une violation du principe de célérité susceptible de remettre en cause la légalité de la détention. Ce n'est en effet le cas que si la violation est particulièrement grave et qu'elle laisse craindre que l'autorité de poursuite ne soit plus en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable (ATF 128 I 149 consid. 2.2.1 p. 151 s.; cf. ATF 137 IV 92 consid. 3.1 p. 96 et les références).
BGE 137 IV 118 S. 121
Il convient cependant d'insister sur le fait que le principe de célérité revêt une importance particulière en matière de détention provisoire, de sorte que les délais maximaux prévus par le CPP doivent en principe être respectés et qu'ils ne peuvent être épuisés que dans des cas exceptionnels et objectivement fondés (ATF 137 IV 92 consid. 3.2.1 in fine p. 97).
2.2 En l'occurrence, il s'est écoulé près de 48 heures entre l'arrestation du recourant le 13 février 2011 à 11h00 et son audition par le Ministère public le 15 février 2011 à 10h23, de sorte que le délai de 24 heures prévu par l'art. 219 al. 4 CPP n'a clairement pas été respecté. De plus, le Ministère public a saisi le Tribunal des mesures de contrainte le 15 février 2011 à 16h41, soit 5h41 après l'échéance du délai de 48 heures prévu par l'art. 224 al. 2 CPP. En revanche, le Tribunal des mesures de contrainte a statué dans les 48 heures, conformément à l'art. 226 al. 1 CPP. L'audience de ce tribunal s'est en effet tenue le 16 février à 14h30 et la décision est datée du 17 février. Il apparaît en outre que cette décision a été rendue dans les 96 heures suivant l'arrestation du recourant, ce dernier ne prétendant au demeurant pas le contraire. Par ailleurs, il ressort du dossier que le dépassement du premier délai est notamment dû à des difficultés liées au transfert du prévenu du canton de Zurich au canton de Vaud. Dans ces conditions, une appréciation globale de la procédure durant les premières 96 heures de détention ne permet pas de conclure à une violation grave du principe de la célérité, la décision sur la détention étant intervenue à temps. C'est dès lors à juste titre que le Tribunal cantonal a considéré que le non-respect des délais susmentionnés ne justifiait pas l'élargissement du recourant.
Cela étant, le Tribunal cantonal ne pouvait pas se limiter à renvoyer le recourant à déposer une demande de réparation pour détention illicite en application de l'art. 431 CPP. En effet, il découle de la jurisprudence susmentionnée (cf. supra consid. 2.1) que le non-respect des délais prévus aux art. 219 al. 4 et 224 al. 2 CPP ne suffit pas nécessairement à rendre la détention illicite, de sorte qu'il n'est pas certain que la seule violation de ces dispositions donne lieu à une réparation sur la base de l'art. 431 CPP. La violation des dispositions procédurales en question peut cependant être réparée d'emblée par le biais de la pratique confirmée dans l'arrêt précité (ATF 137 IV 92 consid. 3.2.3 p. 98), à savoir par la constatation d'une violation du principe de célérité, une admission partielle du recours sur ce point et la mise à la charge de l'Etat des frais de justice. Cette solution est
BGE 137 IV 118 S. 122
au demeurant conforme à la jurisprudence fédérale (cf. ATF 136 I 274 consid. 2.3 p. 278 et les références). Il y a donc lieu d'admettre partiellement le recours dans cette mesure et de réformer l'arrêt entrepris à cet égard.