Chapeau
142 III 239
33. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X. Co. contre Z. Limited (recours en matière civile)
4A_84/2015 du 18 février 2016
Regeste
Arbitrage international; convention d'arbitrage; compétence du tribunal arbitral (
art. 178 et 190 al. 2 let. b LDIP).
Principe de l'autonomie de la convention d'arbitrage par rapport au contrat principal (consid. 3.2.1). Situation exceptionnelle dans laquelle, en application de ce principe, une clause compromissoire a été jugée valable du fait qu'elle était revêtue de la forme requise et correspondait à la volonté réelle et commune des parties, et ce indépendamment du point de savoir si le contrat-cadre dans lequel elle figurait était venu ou non à chef (consid. 5 et 6). Les parties peuvent-elles convenir de soumettre la clause compromissoire à l'exigence d'une forme plus stricte que celle prévue par l'art. 178 al. 1 LDIP? Question laissée ouverte (consid. 3.3.1).
Faits à partir de page 240
A.a X. Co. (ci-après: X.) est une société de droit iranien active dans la production de différents types de produits en acier.
Z. Limited (ci-après: Z.) est une société chypriote spécialisée dans le courtage, l'achat, la vente, le transport et la distribution du fer et de l'acier, notamment.
A.b Au printemps 2012, les deux sociétés, qui n'avaient entretenu aucun rapport jusque-là, ont engagé des négociations en vue de la vente par la société chypriote à la société iranienne de produits en acier.
Le 16 mai 2012, les parties ont signé le Sales Contract For Payment by Draft (ci-après: le contrat de vente) dont l'objet était la vente par Z. à X. de 5'000 tonnes métriques de produits en acier au prix de 2'618'000 euros. Selon ce contrat, X. acceptait de payer d'avance, à titre de garantie, dix pour cent du prix de vente, soit 261'800 euros, somme qui a été acquittée aussitôt.
A.c Le 16 mai 2012, soit le jour même de la signature du contrat de vente, Mme A., de Z., a adressé à M. B., de X., un courrier électronique, intitulé
FRAME CONTRACT, auquel était joint un contrat-cadre, établi sous l'en-tête de Z., qui comprenait diverses clauses relatives aux modalités d'exécution des ventes de produits en acier dans le cadre d'une relation commerciale à long terme alors envisagée par les parties. Dans son courriel, elle précisait que le contrat-cadre devait être "
duly signed from your side".
A son art. 13, le contrat-cadre contenait une clause compromissoire énonçant ce qui suit (sic):
"Any dispute, controversy or claim arising out of or in relation to this Contract, including the validity, invalidity, breach or termination thereof shall be settled by amicable negotiations and friendly discussions between both parties. In case no settlement can be reached, such dispute shall be resolved by arbitration in accordance with the Swiss Rules of International Arbitration of the Swiss Chambers of Commerce in force when the Notice of Arbitration is submitted in accordance with these Rules.
The numbers of arbitrators shall be one or three. The seat of the arbitration shall be
Lugano. The arbitral proceedings shall be conducted in English.
BGE 142 III 239 S. 241
This Contract is governed, constructed, interpreted in accordance with the laws of Switzerland in every respect without regard to the conflict of law rules. The United Nations Convention on Contracts for International Sale of Goods of April 11, 1980 does not apply."
[termes en italique mis en évidence par le Tribunal fédéral]
Son courriel étant demeuré sans réponse, Mme A. a relancé M. B. en date du 30 août 2012 en l'invitant à lui retourner le plus tôt possible le contrat-cadre signé.
Sur quoi, le 2 septembre 2012, M. C., de X., lui a adressé une version du contrat-cadre comprenant diverses modifications proposées par le département juridique de la société iranienne ainsi que des commentaires. S'agissant plus particulièrement de la clause compromissoire, les termes mis en évidence ci-dessus dans les deux premiers paragraphes de la version initiale de celle-ci étaient remplacés, respectivement, par ICC France et Paris, tandis que l'adverbe Why? était ajouté, entre parenthèses, à la fin du troisième paragraphe.
Le 4 septembre 2012, Mme A. a répondu à M. C. en lui transmettant une nouvelle version du contrat-cadre. Elle lui a fait savoir que Z. ne pouvait accepter le changement de siège de l'arbitrage, lequel devait rester à Lugano. La clause compromissoire, figurant désormais à l'art. 14 de cette version révisée, comportait le même texte que la clause originelle, sauf à dire qu'il n'y était plus fait référence, à la fin du troisième paragraphe, à la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises. Le courriel en question se terminait ainsi: "Awaiting your acceptance and a copy of the signed contract".
En date du 8 septembre 2012, M. B. a adressé à M. D., de Z., un courriel auquel il a joint une quatrième version du contrat-cadre, qualifiée par lui de counter proposal, qui contenait un certain nombre de modifications faites par X., mais qui laissait inchangée la clause compromissoire figurant à son art. 14.
Par courriel du 10 septembre 2012, Mme A. a expliqué à M. B. que Z. avait encore modifié le contrat-cadre, tout en acceptant certaines des modifications proposées par X. Elle déclarait espérer que la version annexée à son courriel puisse être acceptée comme version finale et rester dans l'attente d'une copie signée par la société iranienne. Cette cinquième version du contrat-cadre laissait la clause compromissoire intacte.
BGE 142 III 239 S. 242
Aucune autre version du contrat-cadre n'a été échangée par les parties après le 10 septembre 2012. Le lendemain, M. B. a répondu au courriel précité en indiquant à M. D. que la dernière version du contrat-cadre avait été soumise au département juridique de X. pour vérification et approbation.
En définitive, le contrat-cadre n'a pas été signé et Z., qui n'avait pas reçu le prix des marchandises formant l'objet du contrat de vente, n'a jamais expédié celles-ci à X.
B.a Le 9 août 2013, Z., se basant sur l'art. 14 de la dernière version du contrat-cadre, a adressé une notification d'arbitrage à la Cour de la Chambre de commerce et d'industrie du Tessin aux fins d'obtenir réparation de son prétendu dommage.
Dans sa réponse du 12 octobre 2013, X. a soulevé une exception d'incompétence.
Le 27 janvier 2014, la Cour a désigné un avocat genevois en qualité d'arbitre unique (ci-après: l'arbitre). Celui-ci a indiqué aux parties qu'il rendrait une sentence sur compétence.
B.b Par sentence sur compétence (
Award on Jurisdiction) du 2 janvier 2015, l'arbitre a écarté l'exception d'incompétence et s'est déclaré compétent pour connaître du différend opposant les parties. Les motifs qui l'ont conduit à admettre sa compétence peuvent être résumés comme il suit:
L'
art. 178 al. 3 LDIP rappelle le principe cardinal de l'autonomie de la convention d'arbitrage par rapport au contrat principal. La nullité et même l'inexistence de celui-ci n'affectent donc pas nécessairement la clause compromissoire. En pareille hypothèse, il convient, bien plutôt, de rechercher si les parties ont manifesté valablement, réciproquement et de manière concordante leur volonté en ce qui concerne ladite clause, un accord sur ce point étant susceptible de se former même avant la conclusion du contrat principal, voire indépendamment de celle-ci. Tel pourra être le cas, selon certains auteurs, lorsque, dans le cadre de l'échange successif de plusieurs projets amendés du contrat principal, la clause compromissoire subit diverses modifications à la demande des parties, puis demeure inchangée, dans sa version finale modifiée, à l'occasion d'un ou de plusieurs échanges subséquents de projets du contrat principal. C'est précisément ce qui s'est passé en l'espèce.
BGE 142 III 239 S. 243
La clause compromissoire figurant à l'art. 14 de la dernière version du contrat-cadre satisfait à l'exigence de forme fixée par l'art. 178 al. 1 LDIP.
Il reste à examiner la validité de la convention d'arbitrage quant au fond. Conformément à l'art. 178 al. 2 LDIP, cet examen se fera au regard du droit suisse, les parties n'ayant pas choisi un autre droit pour résoudre cette question. En l'occurrence, la clause figurant à l'art. 14 du contrat-cadre contient tous les essentialia negotii d'une convention d'arbitrage. La correspondance et les projets échangés par les parties fournissent une preuve claire de leur volonté mutuelle d'écarter le recours à la justice étatique au profit de l'arbitrage, c'est-à-dire en faveur de la méthode de règlement des conflits usuelle dans le commerce international dont les deux parties sont des opérateurs expérimentés. De fait, le département juridique de la recourante a soigneusement examiné le contenu de l'art. 14 du contrat-cadre en suggérant d'y apporter des modifications, puis en s'accommodant du rejet de celles-ci par l'intimée, si bien que l'accord des parties relativement à l'arbitrage est devenu parfait, au sens de l'art. 1er CO, à la date du 8 septembre 2012, sans égard au sort réservé au contrat principal. Du reste, le comportement subséquent des parties ne remet pas en cause cette conclusion. D'où il suit que la clause compromissoire figurant à l'art. 14 du contrat-cadre est valable quant au fond en ce qu'elle exprime la volonté réelle et commune des parties de soumettre leurs éventuels différends à un arbitrage selon les Swiss Rules of International Arbitration of the Swiss Chambers of Commerce (SRIA; ci-après: RSAI, acronyme du Règlement suisse d'arbitrage international du 1er juin 2012), avec siège à Lugano.
Comme la recourante n'a pas fait valoir que ce différend ne tomberait pas sous le coup de la clause compromissoire, rien ne s'oppose, dès lors, à ce que l'arbitre admette sa compétence ratione materiae et poursuive l'instruction de la cause avant de statuer sur le bien-fondé des prétentions élevées par l'intimée.
C. Le 2 février 2015, X. (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile, assorti d'une requête d'effet suspensif. Se plaignant d'une violation de l'
art. 190 al. 2 let. b LDIP, elle y invite le Tribunal fédéral à annuler la sentence du 2 janvier 2015 et à constater l'incompétence de l'arbitre.
Z. (ci-après: l'intimée) et l'arbitre concluent au rejet du recours.
(résumé)
BGE 142 III 239 S. 244
Extrait des considérants:
3. Invoquant l'
art. 190 al. 2 let. b LDIP (RS 291), la recourante soutient que l'arbitre s'est déclaré à tort compétent pour connaître de la demande qui lui était soumise.
3.1 Saisi du grief d'incompétence, le Tribunal fédéral examine librement les questions de droit, y compris les questions préalables, qui déterminent la compétence ou l'incompétence du tribunal arbitral. Il n'en devient pas pour autant une cour d'appel. Aussi ne lui incombe-t-il pas de rechercher lui-même, dans la sentence attaquée, les arguments juridiques qui pourraient justifier l'admission du grief fondé sur l'
art. 190 al. 2 let. b LDIP. C'est bien plutôt à la partie recourante qu'il appartient d'attirer son attention sur eux, pour se conformer aux exigences de l'
art. 77 al. 3 LTF (
ATF 134 III 565 consid. 3.1 et les arrêts cités). Sous cette réserve, le Tribunal fédéral, dans le cadre de son libre examen de tous les aspects juridiques entrant en ligne de compte (
jura novit curia), sera amené, le cas échéant, à rejeter le grief en question sur la base d'un autre motif que celui qui est indiqué dans la sentence entreprise, pour peu que les faits retenus par le tribunal arbitral suffisent à justifier cette substitution de motif (arrêt 4A_392/2008 du 22 décembre 2008 consid. 3.2). Inversement et sous la même réserve, il pourra admettre le grief d'incompétence sur la base d'une nouvelle argumentation juridique développée devant lui par le recourant à partir de faits constatés dans la sentence attaquée.
Cependant, le Tribunal fédéral ne revoit l'état de fait à la base de la sentence attaquée - même s'il s'agit de la question de la compétence - que si l'un des griefs mentionnés à l'
art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux (cf.
art. 99 al. 1 LTF) sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (cf.
ATF 129 III 727 consid. 5.2.2;
ATF 128 III 50 consid. 2a et les arrêts cités).
3.2.1 En vertu de l'
art. 178 al. 3 LDIP, la validité d'une convention d'arbitrage ne peut pas être contestée pour le motif que le contrat principal ne serait pas valable. Cette disposition, qui codifie le principe de l'autonomie de la convention d'arbitrage par rapport au contrat principal (en anglais:
separability ou
severability) - lequel principe a été consacré de longue date par la jurisprudence (
ATF 59 I 177; voir
BGE 142 III 239 S. 245
aussi
ATF 140 III 134 consid. 3.3.2 i.f. et les arrêts cités) - n'est pas suffisamment précise à un double titre: d'une part, dans la mesure où son texte, trop restrictif, ne traite que de la validité du contrat principal, alors que la question de l'autonomie de la clause arbitrale peut se poser même en cas d'inexistence du contrat principal (MARCO STACHER, Einführung in die internationale Schiedsgerichtsbarkeit der Schweiz, 2015, n. 65; POUDRET/BESSON, Comparative Law of International Arbitration, 2
e éd. 2007, n. 169 p. 137), ainsi que le fait ressortir, par exemple, l'art. 21 al. 2 RSAI ("Le tribunal arbitral a compétence pour se prononcer sur l'existence ou la validité du contrat dont la clause compromissoire fait partie."); d'autre part, en ce que le texte, cette fois-ci trop large, de la disposition citée donne à entendre, à tort, que l'invalidité du contrat principal ne pourrait jamais influer sur la validité de la clause arbitrale (LALIVE/POUDRET/REYMOND, Le droit de l'arbitrage interne et international en Suisse, 1989, n° 23 ad
art. 178 LDIP). Il existe, en effet, un certain nombre de situations dans lesquelles la clause compromissoire partage le destin du contrat principal (
ATF 121 III 495 consid. 6a et l'arrêt cité; KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, International Arbitration - Law and Practice in Switzerland, 2015, n. 3.08). Des situations de ce genre, que la doctrine de langue allemande désigne sous le nom de
Fehleridentität (en anglais:
identity of defect), se rencontrent, notamment, lorsqu'une partie n'a pas la capacité de contracter ou le pouvoir de représenter celle qui entend contracter, voire lorsqu'elle a conclu le contrat principal sous l'empire d'une crainte fondée (BERGER/KELLERHALS, International and Domestic Arbitration in Switzerland, 3
e éd. 2015, n. 683).
Il découle du principe de l'autonomie de la convention d'arbitrage que la simple allégation de l'inexistence du contrat principal ne suffit pas à faire disparaître la compétence de l'arbitre. Cependant, si celui-ci constate que le contrat principal est inexistant et que la cause de cette inexistence affecte aussi la convention d'arbitrage, il devra se déclarer incompétent (FOUCHARD/GAILLARD/GOLDMAN, Traité de l'arbitrage commercial international, 1996, n. 411 p. 226). Un auteur français voit dans l'absence de consentement de l'une des parties l'hypothèse la plus incontestable de non-séparation (PIERRE MAYER, Les limites de la séparabilité de la clause compromissoire, Revue de l'arbitrage 1998 p. 359 ss, 364 n. 8; dans le même sens, BERGER/KELLERHALS, op. cit., n. 683, 4
e tiret, et note de pied 39). Selon lui, si le comportement du destinataire de l'offre de contracter n'équivaut
BGE 142 III 239 S. 246
pas à une acceptation de l'offre, le contrat principal n'est pas conclu et la clause compromissoire contenue dans l'offre ne vient pas plus à chef que les autres clauses, faute d'un échange particulier de consentements à son sujet (ibid.). Une partie de la doctrine, dont l'arbitre invoque l'autorité, enseigne pourtant que, dans des circonstances exceptionnelles, une convention d'arbitrage peut naître avant la conclusion du contrat principal dans lequel elle devra figurer, et ce même si ledit contrat ne voyait finalement pas le jour. Certes, le seul échange de projets de contrat, dans le cadre des pourparlers menés par les cocontractants potentiels, ne permettra pas, d'ordinaire, de déduire, selon le principe de la confiance, la volonté juridique des intéressés de se lier, relativement à une clause individuelle du futur contrat, avant même que celui-ci ait été conclu. Il n'est du reste pas non plus usuel, dans les relations commerciales, de passer une convention d'arbitrage via l'échange de projets de contrat non obligatoires du point de vue matériel. Toutefois, l'existence, dans une situation donnée, de circonstances additionnelles qualifiées permettra, le cas échéant, d'admettre le contraire, à titre exceptionnel, et de fonder la compétence du tribunal arbitral pour connaître d'une demande du chef de la
culpa in contrahendo à partir de l'échange de projets de contrat. Il pourrait en aller ainsi, par exemple, lorsque, par le passé, les parties ont déjà conclu plusieurs contrats comprenant chaque fois la même clause compromissoire, quand elles ont un intérêt objectivement compréhensible et reconnaissable à se soumettre à une juridiction arbitrale, indépendamment du point de savoir si le contrat principal a été conclu ou non (neutralité du for, choix d'une langue internationale, confidentialité, etc.), ou encore si les textes des projets qu'elles ont échangés révèlent leur volonté commune de conclure une convention d'arbitrage sans égard à l'issue des pourparlers en cours relatifs au contrat principal; ce pourrait être le cas, s'agissant de cette dernière hypothèse, lorsque, dans le cadre de l'échange successif de plusieurs projets amendés du contrat principal, les parties apportent diverses modifications à la clause compromissoire et que la version finale modifiée de celle-ci demeure ensuite inchangée à l'occasion d'un ou de plusieurs échanges subséquents de projets du contrat principal (GABRIEL/WICKI, Vorvertragliche Schiedszuständigkeit, Bulletin ASA 2009 p. 236 ss, 252-254; voir aussi: DIETER GRÄNICHER, in Commentaire bâlois, Internationales Privatrecht, 2
e éd. 2013, n° 90 ad
art. 178 LDIP p. 1784; STEFANIE PFISTERER, in Commentaire bernois, Schweizerische Zivilprozessordnung, vol. III, 2014, n° 63 ad
BGE 142 III 239 S. 247
art. 357 CPC; FELIX DASSER, in Schweizerische Zivilprozessordnung [ZPO], Kurzkommentar, 2
e éd. 2014, n° 33 ad
art. 357 CPC;
plus réservés: TARKAN GÖKSU, Schiedsgerichtsbarkeit, 2014, n. 438; LUKAS WYSS, Aktuelle Zuständigkeitsfragen im Zusammenhang mit internationalen kommerziellen Schiedsgerichten mit Sitz in der Schweiz, Jusletter 25 juin 2012 n. 8 et 9).
3.2.2 La recourante soutient que la sentence attaquée a "déjà décidé" que le contrat-cadre est "non existant". L'arbitre conteste l'avoir fait, en se référant au n. 75 de ladite sentence où il écrit que ses conclusions au sujet de la convention d'arbitrage "
are without prejudice as to the merits of the case, in particular as to the extent the Parties are bound by and can rely on the various contractual documents they exchanged". Vrai est-il que cette affirmation paraît difficilement conciliable avec celle figurant, en ces termes, au n. 115(v) de la même sentence: "
...the Parties were both aware that the final approval and signature of the Frame Contract had remained outstanding on the Respondent's side".
Quoi qu'il en soit, ce qui est déterminant, en l'espèce, c'est le fait que l'arbitre a raisonné en partant de la prémisse selon laquelle le contrat-cadre litigieux pourrait ne pas avoir été conclu. Aussi est-ce sur la base de ce présupposé qu'il conviendra d'examiner ci-après, en application du principe de l'autonomie de la convention d'arbitrage et sur le vu des enseignements de la doctrine précitée, si, comme l'a retenu l'arbitre, les parties ont conclu une convention d'arbitrage qui les lie, nonobstant l'inexistence éventuelle du contrat-cadre.
Il y a lieu, dès lors, de rechercher si les conditions de forme et de fond auxquelles l'
art. 178 al. 1 et 2 LDIP subordonne la validité d'une convention d'arbitrage sont réalisées en l'espèce.
3.3.1 La convention d'arbitrage est un accord par lequel deux ou plusieurs parties déterminées ou déterminables s'entendent pour confier à un tribunal arbitral ou à un arbitre unique, en lieu et place du tribunal étatique qui serait compétent, la mission de rendre une sentence à caractère contraignant sur un ou des litige(s) existant(s) (compromis arbitral) ou futur(s) (clause compromissoire) résultant d'un rapport de droit déterminé (arrêt 4A_676/2014 du 3 juin 2015 consid. 3.2.2). Il importe que la volonté des parties d'exclure la juridiction étatique normalement compétente au profit de la juridiction privée que constitue un tribunal arbitral y apparaisse. Quant au tribunal
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arbitral appelé à connaître du litige, il doit être déterminé ou, à tout le moins, déterminable (
ATF 138 III 29 consid. 2.2.3 p. 35).
Du point de vue formel, la convention d'arbitrage est valable si elle est passée par écrit, télégramme, télex, télécopieur ou tout autre moyen de communication qui permet d'en établir la preuve par un texte (art. 178 al. 1 LDIP). La forme particulière prescrite par cette disposition est une condition de validité de la convention d'arbitrage. Elle vise à éviter toute incertitude au sujet du choix des parties d'opter pour ce type de justice à caractère privé et toute renonciation faite à la légère au juge naturel et aux moyens de recours qui existent dans une procédure judiciaire étatique (PIERRE-YVES TSCHANZ, in Commentaire romand, Loi sur le droit international privé, Convention de Lugano, 2011, nos 25 et 26 ad art. 178 LDIP).
Le texte doit contenir les éléments essentiels de la convention d'arbitrage que sont l'identité des parties, la volonté de celles-ci de recourir à l'arbitrage et l'objet sur lequel devra porter la procédure arbitrale (
ATF 138 III 29 consid. 2.2.3 et les arrêts cités; KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, op. cit., n. 3.58).
L'art. 178 al. 1 LDIP se contente d'une forme écrite simplifiée. Contrairement à l'art. 13 CO applicable aux contrats pour lesquels la loi impose la forme écrite, il n'exige pas que la convention d'arbitrage soit signée. Ainsi, une clause d'arbitrage passée par courrier électronique (courriel, e-mail) est valable en la forme (KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, op. cit., n. 3.67; TSCHANZ, op. cit., n° 28 ad art. 178 LDIP; GRÄNICHER, op. cit., nos 13 et 15 ad art. 178 LDIP).
Comme l'
art. 177 al. 1 LDIP relatif à l'arbitrabilité, l'
art. 178 al. 1 LDIP pose une règle matérielle de droit international privé. Aussi, lorsque les parties fixent le siège de l'arbitrage en Suisse, la validité formelle de la convention d'arbitrage est-elle impérativement réglée par cette disposition légale. Les parties ne peuvent donc pas la soumettre à un autre droit que le droit suisse (KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, op. cit., n. 3.60 et 3.61; GRÄNICHER, op. cit., n° 6 ad
art. 178 LDIP), et ce même si, usant de la faculté que leur offre l'
art. 182 al. 1 LDIP, elles choisissent une loi de procédure étrangère pour régir la procédure arbitrale qui les concerne (BERGER/KELLERHALS, op. cit., n. 420). Pareille interdiction d'élire un droit étranger quant à la forme de la convention d'arbitrage leur est faite, au demeurant, sans qu'il importe que le droit étranger envisagé soit moins strict ou plus sévère que l'
art. 178 al. 1 LDIP. Dès lors, se pose, dans le même contexte,
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la question, plus générale, du caractère impératif ou non de cette disposition en tant que telle. Sans doute n'est-il pas envisageable d'assouplir les conditions de forme posées par celle-ci et de se contenter, par exemple, d'une convention d'arbitrage résultant d'une conversation téléphonique entre les parties, quand bien même celles-ci s'accorderaient pour qu'il en aille ainsi, sauf à méconnaître le texte même de cette règle de droit et le but protecteur assigné à cette dernière. Plus délicat, en revanche, est le point de savoir si et, le cas échéant, à quelle(s) condition(s) les parties peuvent convenir d'appliquer des exigences accrues pour ce qui est de la forme de la convention d'arbitrage, notamment en subordonnant la validité de cet accord au respect de la forme écrite stricte, avec signature manuscrite, à l'instar de ce qu'autorise l'
art. 16 CO, en liaison avec les
art. 13 et 14 CO, pour les contrats de droit suisse non soumis à une forme spéciale (problématique de la forme réservée). L'arbitre est d'avis que la nature impérative de l'
art. 178 al. 1 LDIP commande de répondre par la négative à cette question. Cependant, au sein de la doctrine, plusieurs auteurs ne partagent pas cet avis. Pour eux, la disposition citée n'empêche pas les parties de convenir d'une forme plus contraignante et de s'accorder, par exemple, pour que leur convention d'arbitrage ne soit valable qu'une fois signée par toutes les parties (TSCHANZ, op. cit., n° 113 ad
art. 178 LDIP; GRÄNICHER, op. cit., n° 15 ad
art. 178 LDIP; STACHER, op. cit., n. 68; BERGER/KELLERHALS, op. cit., n. 423). Autre problème, étroitement lié au précédent: si le contrat principal prévoit qu'il ne sera conclu que lorsque les parties l'auront signé, cette forme réservée vaut-elle aussi pour la convention d'arbitrage contenue dans le contrat à conclure? Selon TSCHANZ (op. cit., n° 114 ad
art. 178 LDIP), qui pose la question, il n'y a pas de raison a priori, eu égard au principe de l'autonomie de la convention d'arbitrage, pour que les parties aient voulu soustraire au tribunal arbitral la compétence de statuer sur l'existence du contrat principal, voire sur une responsabilité précontractuelle, notamment en relation avec un problème de forme conventionnelle. C'est donc une question d'interprétation de la convention d'arbitrage (dans le même sens, cf. GRÄNICHER, ibid.; STACHER, ibid.). BERGER/KELLERHALS (op. cit., n. 437), en revanche, semblent vouloir présumer l'extension, même implicite, à la clause d'arbitrage de la réserve d'une forme spéciale convenue pour le contrat principal. Le fardeau de la preuve de l'adoption d'une forme écrite qualifiée pour la convention d'arbitrage appartient, en tout état de cause, à la partie défenderesse (STACHER, op. cit., n. 68 p. 34).
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L'idée que les parties puissent être autorisées à soumettre d'un commun accord leur convention d'arbitrage à l'exigence d'une forme plus stricte que celle prévue par l'art. 178 al. 1 LDIP ne semble pas devoir être écartée d'entrée de cause. Après tout, la convention d'arbitrage n'est qu'un contrat, même si sa nature est singulière, de sorte qu'il ne se justifie pas de restreindre la liberté des cocontractants plus qu'il ne faut. D'ailleurs, ce n'est pas aller contre l'esprit de la disposition en question que de permettre aux parties, si elles s'accordent sur ce point, de durcir les conditions formelles auxquelles elles consentiront à confier à un tribunal arbitral le soin de trancher les différends susceptibles de les opposer un jour au sujet du contrat qu'elles entendent conclure. Au contraire, le but de sécurité et de protection que remplit l'exigence de forme sera d'autant mieux atteint qu'il y aura le moins d'incertitude possible quant à l'existence d'un accord des parties de soumettre leurs éventuels différends à l'arbitrage. Point n'est, toutefois, besoin d'apporter ici une réponse définitive à la question soulevée pour les motifs indiqués ci-après.
3.3.2.1 Que la convention d'arbitrage censée résulter des courriels échangés par les parties entre le 16 mai et le 8 septembre 2012 (cf. let. A.c, ci-dessus) satisfasse à l'exigence de la forme écrite simplifiée au sens de l'
art. 178 al. 1 LDIP n'est pas contestable, ni vraiment contesté d'ailleurs. De même n'est-il pas douteux, sur le vu de la dernière mouture de son texte, que la clause compromissoire, valable en la forme, qui a été insérée dans le projet de contrat-cadre, embrasse tous les éléments essentiels caractérisant une convention d'arbitrage.
3.3.2.2 La recourante objecte, toutefois, que les parties étaient convenues d'une forme plus stricte que celle de l'
art. 178 al. 1 LDIP, autrement dit qu'elles s'étaient entendues pour exclure d'être liées par la convention d'arbitrage tant et aussi longtemps que le contrat-cadre contenant celle-ci ne serait pas lui-même revêtu de leurs deux signatures. A l'en croire, il ressortirait clairement des constatations de fait de l'arbitre "que l'exigence de signature, au sens de l'article 13 CO et par le truchement de l'article 16 al. 2 CO, était considérée par les parties comme une condition essentielle de la validité des obligations contractuelles souscrites par elles, et que cette condition était parfaitement convenue, notamment lorsqu'elles se sont engagées dans l'échange des projets de contrat-cadre". Selon la recourante, l'exigence de la signature convenue par les parties, en tant que
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condition de validité formelle du contrat-cadre et de ses autres clauses, y compris la clause arbitrale, était donc "au centre des débats devant le Tribunal arbitral", ce que démontreraient encore les extraits de deux de ses mémoires reproduits dans ses ultimes observations du 5 juin 2015.
La Cour de céans ne saurait suivre la recourante sur ce terrain-là. A cet égard, comme l'arbitre le souligne lui-même, l'argument tiré d'un accord des parties quant au choix d'une forme plus stricte que celle fixée à l'art. 178 al. 1 LDIP ne lui a pas été présenté au cours de l'arbitrage, "la recourante [s'étant] bornée à insister sur l'exigence de la signature pour la conclusion du [contrat-cadre] en tant quetel, sans indiquer en quoi cette exigence devait prendre le pas sur l'art. 178 (1) en ce qui concerne la convention d'arbitrage de l'art. 14[du contrat-cadre]". Certes, l'avis de l'arbitre sur la question n'est biensûr pas déterminant, puisque l'auteur de la sentence sur compétence a un intérêt à ce que celle-ci ne soit pas annulée. On voit mal, néanmoins, pour quelle raison il aurait passé sous silence pareil argument dans sa sentence, s'il lui avait été effectivement soumis par la recourante. Que cette dernière ne l'ait pas fait ressort d'ailleurs, a contrario, du principal passage de ses écritures sur lequel elle fonde son argumentation. Il s'agit du n. 23 de son mémoire du 12 octobre 2013, intitulé Answer to the Notice of Arbitration, où l'on peut lire ce qui suit:
"Article 13 of Swiss Code of Obligations (...) provides that a contract required by law to be in writing must be signed by all persons on whom it imposes obligations. In the case at hand, neither the proposed Frame Contract, nor the arbitration agreement is signed."
Cet extrait révèle, si besoin est, que la question d'une éventuelle forme conventionnelle réservée plus stricte que la forme écrite simplifiée prévue par l'art. 178 al. 1 LDIP n'a même pas effleuré le conseil iranien mandaté par la recourante, lequel est parti - à tort - de l'idée que cette disposition, en tant qu'elle exige que la convention d'arbitrage soit "passée par écrit", entraînerait ipso jure l'application de l'art. 13 CO et commanderait, partant, que la clause arbitrale soit signée par les personnes qu'elle vise.
Il sied de noter, au demeurant, l'absence symptomatique de toute référence à l'
art. 16 CO dans les passages de ses écritures que la recourante cite à l'appui de sa démonstration, en particulier dans ceux qu'elle a reproduits dans son dernier mémoire.
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Des considérations qui précèdent, il ressort que l'arbitre n'a pas constaté en fait, dans sa sentence, l'existence d'une quelconque volonté commune des parties d'écarter la forme écrite prévue par l'art. 178 al. 1 LDIP au profit d'une forme conventionnelle plus sévère par laquelle les cocontractantes auraient fait dépendre la validité de la convention d'arbitrage de la signature de celle-ci par elles ou, du moins, de leurs signatures à apposer au pied du contrat-cadre dont ladite convention était appelée à constituer l'une des clauses. Faute de cette prémisse de fait, le Tribunal fédéral ne peut, dès lors, pas entrer en matière sur la nouvelle argumentation juridique que la recourante développe devant lui afin qu'il constate la nullité de la convention d'arbitrage litigieuse pour cause de non-respect de la forme choisie par les parties (cf. consid. 3.1 ci-dessus).
D'où il suit que la validité formelle de la clause compromissoire insérée dans le projet de contrat-cadre doit être admise.
(...)
5. En dernier lieu, la recourante conteste encore la validité matérielle de la clause compromissoire.
5.1 En vertu de l'
art. 178 al. 2 LDIP, la convention d'arbitrage est valable, s'agissant du fond, si elle répond aux conditions que pose soit le droit choisi par les parties, soit le droit régissant l'objet du litige et notamment le droit applicable au contrat principal, soit encore le droit suisse. La disposition citée consacre trois rattachements alternatifs
in favorem validitatis, sans aucune hiérarchie entre eux, à savoir le droit choisi par les parties, le droit régissant l'objet du litige (
lex causae) et le droit suisse en tant que droit du siège de l'arbitrage (
ATF 129 III 727 consid. 5.3.2 p. 736).
L'arbitre a examiné la validité matérielle de la clause compromissoire au regard du droit suisse. Aucune des parties ne lui en faisant grief, à juste titre d'ailleurs, les critiques formulées par la recourante dans ce chapitre seront analysées ci-après à la lumière de ce droit.
5.2 Le litige porte, en l'espèce, sur l'existence même de la convention d'arbitrage alléguée par l'intimée. Les parties disputent, en effet, du point de savoir si elles ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté de voir un arbitre trancher les différends susceptibles de les opposer (cf. art. 1
er al. 1 CO). C'est le conflit que la terminologie allemande appelle
Konsensstreit (GAUCH/SCHLUEP/SCHMID, Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, vol. I, 10
e éd. 2014, n. 309).
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5.2.1 En droit suisse, l'interprétation d'une convention d'arbitrage se fait selon les règles générales d'interprétation des contrats. A l'instar du juge, l'arbitre ou le tribunal arbitral s'attachera, tout d'abord, à mettre au jour la réelle et commune intention des parties (cf.
art. 18 al. 1 CO), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices, sans s'arrêter aux expressions et dénominations inexactes dont elles ont pu se servir. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu'il s'agisse des déclarations antérieures à la conclusion du contrat, des projets de contrat, de la correspondance échangée, voire de l'attitude des parties après la conclusion du contrat (cf. arrêt 4A_65/2012 du 21 mai 2012 consid. 10.2 et les références). Cette interprétation subjective repose sur l'appréciation des preuves. Si elle s'avère concluante, le résultat qui en est tiré, c'est-à-dire la constatation d'une commune et réelle intention des parties, relève du domaine des faits et lie, partant, le Tribunal fédéral (
ATF 132 III 626 consid. 3.1;
ATF 131 III 606 consid. 4.1 p. 611). Dans le cas contraire, celui qui procède à l'interprétation devra rechercher, en appliquant le principe de la confiance, le sens que les parties pouvaient et devaient donner, selon les règles de la bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques en fonction de l'ensemble des circonstances (
ATF 140 III 134 consid. 3.2;
ATF 135 III 295 consid. 5.2 p. 302 et les arrêts cités). Cette interprétation dite objective, qui relève du droit, s'effectuera non seulement d'après le texte et le contexte des déclarations, mais également sur le vu des circonstances qui les ont précédées et accompagnées (
ATF 131 III 377 consid. 4.2.1;
ATF 119 II 449 consid. 3a), à l'exclusion des circonstances postérieures (
ATF 132 III 626 consid. 3.1).
5.2.2 En l'espèce, il ressort clairement du passage de la sentence attaquée consacré à l'examen de la validité matérielle de la convention d'arbitrage (n. 146-154), tel qu'il a été résumé plus haut (cf. let. B.b, antépénultième par.), que l'arbitre, ainsi qu'il le confirme lui-même dans sa réponse au recours, a constaté la volonté réelle et commune des parties de recourir à l'arbitrage. Il en appert également que cette volonté-là, exprimée dans la dernière mouture de l'art. 14 du projet de contrat-cadre, portait sur tous les éléments essentiels d'une convention d'arbitrage. Les expressions suivantes, utilisées par l'arbitre dans le passage topique de sa sentence, attestent, du reste, que l'on a bien affaire ici à une interprétation subjective: "...
provides clear evidence of their mutual intent and agreement to arbitrate" (n. 148);
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"...
the Parties' agreement to arbitrate was 'perfected', within the meaning of Article 1 CO, by 8 September 2012, ..." (n. 150); "
[t]he Parties' subsequent conduct does not alter the Sole Arbitrator's finding as to their actual and mutual intent to arbitrate" (n. 152); "
[i]n sum, the Sole Arbitrator sees no elements in the file that can affect his finding as to the Parties' intent and agreement to arbitrate their disputes " (n. 153); "...
the sole Arbitrator holds that the arbitration agreement in Article 14 FC is valid as to its substance, in that it expresses the Parties' true and common intent to refer their disputes to arbitration under the SRIA with seat in Lugano " (n. 154).
Pour établir l'existence de cette volonté réelle et commune des parties de soustraire leurs éventuels différends à la connaissance des tribunaux étatiques compétents au profit d'une juridiction privée, l'arbitre s'est tout d'abord fondé sur le texte même de la dernière version de l'art. 14 du projet de contrat-cadre et y a trouvé tous les éléments essentiels dont dépend la validité d'une convention d'arbitrage. L'examen du comportement des parties au cours des pourparlers contractuels et de l'échange des divers projets de contrat-cadre ayant précédé la venue à chef de ladite convention, le 8 septembre 2012, l'a conforté dans son analyse littérale, en faisant ressortir, notamment, que la recourante n'avait à aucun moment remis en cause le principe même du recours à l'arbitrage pour résoudre les différends pouvant l'opposer à l'intimée. Examinant enfin le comportement adopté par les parties postérieurement à la date précitée, l'arbitre n'y a rien vu de quoi remettre en question le bien-fondé de ses premières conclusions. En revanche, il n'a pas recherché comment les parties pouvaient et devaient comprendre de bonne foi les déclarations de volonté faites dans la clause compromissoire insérée à l'art. 14 du projet de contrat-cadre, ni le sens que la recourante avait pu attribuer de bonne foi au comportement adopté par l'intimée lors des pourparlers contractuels.
Cela étant, la recourante n'est pas recevable à soutenir, comme elle le fait notamment à la page 4 de sa réplique, qu'aucun des faits constatés par l'arbitre ne permettait à celui-ci d'établir la volonté réelle des parties d'être liées par la clause compromissoire figurant dans les projets de contrat-cadre qu'elles avaient échangés. Aussi bien, en argumentant de la sorte, elle s'en prend au résultat de l'interprétation subjective effectuée par l'arbitre, point qui, on l'a vu, échappe à la connaissance du Tribunal fédéral.
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5.2.3 L'arbitre relève, par ailleurs, que la recourante n'a pas soutenu que le litige qu'il est appelé à trancher ne serait pas couvert par la clause compromissoire, à la supposer valable. Aussi paraît-il douteux que l'intéressée soit recevable à remettre cette question sur le tapis devant le Tribunal fédéral, ainsi qu'elle cherche à le faire. Le serait-elle que son nouvel argument n'en devrait pas moins être écarté pour les motifs indiqués ci-après.
A suivre la recourante et si on la comprend bien, la clause arbitrale insérée dans le projet de contrat-cadre ne s'appliquerait qu'aux litiges ayant trait à l'inexistence ou à la nullité dudit contrat, voire à la responsabilité précontractuelle des parties. Dès lors, la clause compromissoire formant l'art. 14 du projet de contrat-cadre ne pourrait pas être invoquée par l'intimée puisque cette dernière demande à l'arbitre de trancher le différend lié au contrat de vente du 16 mai 2012, c'est-à-dire à un contrat distinct et bien antérieur aux projets de contrat-cadre. Aussi la compétence de l'arbitre eût-elle nécessité la conclusion d'un compromis arbitral ad hoc, aux dires de la recourante.
Il n'en est rien. En application de la théorie du groupe de contrats, lorsque plusieurs contrats se trouvent dans une relation de connexité matérielle, tels le contrat-cadre et les différents contrats qui s'y rattachent, mais qu'un seul d'entre eux contient une clause d'arbitrage, il y a lieu de présumer, à défaut d'une règle explicite stipulant le contraire, que les parties ont entendu soumettre également les autres contrats du même groupe à cette clause d'arbitrage (WYSS, op. cit., n. 117-119). Il ne saurait en aller autrement en l'espèce. Le contrat-cadre (
frameworkcontract) est un contrat général par lequel les parties déterminent les principales règles et conditions auxquelles seront soumis les contrats d'exécution (NICOLAS KUONEN, La responsabilité précontractuelle, 2007, n. 871). Considéré isolément, il n'aurait pas de raison d'être. En l'espèce, cette interdépendance entre le contrat-cadre et les contrats de vente dont il devait assurer la bonne exécution ressort déjà du texte de son art. 1.1, lequel énonce ce qui suit: "
Under the present Contract the Seller undertakes to sell and the Buyer to accept and to pay for steel products of nomenclature and quantity, stipulated in specifications hereto, being an integral part of the present Contract". Elle est au surplus indirectement confirmée par le fait que le contrat de vente conclu le 16 mai 2012, soit le jour même de l'établissement du premier projet de contrat-cadre, ne contient pas de clause compromissoire. Que celle du
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contrat-cadre dût s'appliquer à ce contrat de vente et aux contrats du même type qui devaient être conclus par la suite est donc une évidence.
6. Il ressort de toutes ces considérations que l'arbitre a fait une saine application du principe de l'autonomie de la convention d'arbitrage par rapport au contrat principal en admettant sa compétence de jugement sur la base d'une clause compromissoire formellement et matériellement valable liant les deux parties, et ce indépendamment du point de savoir si le contrat-cadre litigieux est venu à chef ou est resté à l'état de projet. Le caractère exceptionnel de la situation juridique propre à la cause en litige n'y change rien. Tout au plus peut-il être opposé à l'argument de la recourante selon lequel la solution retenue constituerait une véritable menace pour la sécurité juridique en ce sens qu'une partie pourrait se voir imposer la voie arbitrale pour avoir échangé de simples projets de contrat dans le cadre des négociations contractuelles. Au demeurant, pour écarter pareille menace, il eût suffi à la recourante de préciser, noir sur blanc, dans son premier courriel adressé à l'intimée, qu'elle ne s'estimerait en aucun cas liée par la clause compromissoire en discussion avant la signature, par les deux parties, du contrat-cadre contenant cette clause. De même aurait-elle pu biffer purement et simplement la clause arbitrale figurant dans le projet de contrat-cadre si, comme elle le soutient aujourd'hui, il n'était pas envisageable pour elle de se soumettre à un quelconque arbitrage.
Le grief tiré de la violation de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP tombe ainsi à faux, ce qui entraîne le rejet du recours. (...)