Chapeau
148 I 295
20. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause A. contre Ministère public central du canton de Vaud (recours en matière pénale)
6B_1403/2021 du 9 juin 2022
Regeste
Art. 6 par. 3 let. d CEDH,
art. 29 al. 2 et art. 32 al. 2 Cst.; confrontation impossible avec le témoin à charge; témoignages indirects; garanties accrues permettant de rétablir l'équilibre du procès.
Situation où la victime décédée n'a pas pu être entendue en contradictoire. Ses déclarations à charge ont été recueillies au travers de témoignages indirects, faute d'avoir pu être verbalisées dans le cadre d'une procédure officielle. En pareil cas, la présence de garanties accrues permettant de rétablir l'équilibre d'un procès équitable est indispensable (consid. 2).
Faits à partir de page 296
A. Par jugement du 29 mars 2021, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a libéré A. des chefs de prévention de contrainte sexuelle et abus de la détresse, a constaté qu'il s'était rendu coupable d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, l'a condamné à une peine privative de liberté de six mois, a ordonné l'interdiction de A. de pratiquer dans le domaine des soins pour une durée de quatre ans, a mis les frais de procédure, par 5'548 fr. 95, y compris l'indemnité allouée à son défenseur d'office, arrêtée à 2'409 fr. 15, à la charge de A., et a dit que dite indemnité ne sera exigible que lorsque sa situation financière le lui permettra.
B. Par jugement du 25 août 2021, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l'appel formé par A.
En substance, il en ressort les éléments suivants.
B.a A. est né le [...] 1976 à U., V. Arrivé en Suisse en janvier 2013, il a obtenu l'asile en janvier 2016 et est actuellement au bénéfice d'un permis de séjour B. Il est célibataire et vit avec une amie. Il a expliqué avoir eu sept enfants, que les plus âgés vivaient à V., qu'un de ses enfants majeurs vivait en Suisse, et qu'il avait reconnu en 2020 une petite fille de six ou sept ans vivant avec sa mère à Y. et pour qui il déclare verser une centaine de francs par mois. Il travaille comme auxiliaire de santé pour un centre de soins à domicile et perçoit un salaire horaire de 22 fr. 90 avec un taux d'activité minimum garanti de 30 %.
B.b L'extrait du casier judiciaire suisse de A. ne comportait aucune inscription. Une procédure était toutefois pendante auprès du Tribunal fédéral relative à des faits survenus entre la fin de l'année 2016 et avril 2017 et pour lesquels A. avait été condamné pour
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représentation de la violence, contrainte sexuelle et pornographie à une peine privative de liberté de 24 mois, dont six à titre ferme et 18 avec sursis pendant quatre ans (cf. jugement du Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne du 24 février 2020, confirmé par la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois le 17 novembre 2020).
B.c A W., au chemin X., le 7 septembre 2018, dans le cadre de soins à domicile dispensés à feu B., à son domicile, A., auxiliaire de santé, a palpé les seins de cette dernière à même la peau et après avoir enlevé ses gants de protection, de manière insistante et sans nécessité, alors qu'il devait lui appliquer ou qu'il appliquait de la crème hydratante.
B.d Feu B. s'est plainte de ce comportement à C., auxiliaire de santé venue la doucher le 10 septembre 2018, qui a transmis l'information à l'infirmière référente de cette patiente, D. Celle-ci a rencontré B. le 12 septembre 2018. La patiente lui a confirmé qu'après s'être présenté en donnant son prénom, A. lui avait dit qu'elle était une très belle femme, lui avait fait prendre sa douche, puis, qu'au moment d'appliquer la crème hydratante, il avait retiré ses gants alors qu'il fallait les garder (la patiente étant sous chimiothérapie) et lui avait palpé avec insistance la poitrine, de manière volontaire. La patiente a ensuite indiqué que le but du prénommé était "de lui donner du plaisir et que ce n'était vraiment pas un geste involontaire de sa part". Le mari de la patiente, qui était absent lors du soin, mais présent lors de la rencontre du 12 septembre 2018, a confirmé qu'il avait trouvé son épouse "totalement perturbée" à son retour à la maison.
B.e La Direction générale de la santé a dénoncé les faits le 13 juin 2019.
C. A. forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 25 août 2021. Il conclut avec suite de frais et dépens, principalement, à la réforme du jugement en ce sens qu'il est libéré de toute infraction, de toute peine et de toute mesure. Les frais de première instance et d'appel, y compris les indemnités allouées au conseil d'office sont intégralement laissés à la charge de l'Etat.
Subsidiairement, il conclut à l'annulation du jugement et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle instruction et nouvelle décision, dans le sens des considérants.
BGE 148 I 295 S. 298
En outre, il sollicite l'assistance judiciaire et la désignation de Me Arnaud Thièry en qualité de conseil d'office.
Extrait des considérants:
2. Invoquant les
art. 6 par. 3 let. d CEDH, 29 al. 2 et 32 al. 2 Cst., le recourant se plaint d'une violation du procès équitable du fait qu'il a été condamné sans que feu B. ne soit entendue en contradictoire et sans que des garanties supplémentaires rétablissant l'équilibre du procès ne lui soient octroyées.
2.1 Selon l'
art. 6 par. 3 let. d CEDH, tout accusé a le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d'obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. Cette disposition exclut qu'un jugement pénal soit fondé sur les déclarations de témoins sans qu'une occasion appropriée et suffisante soit au moins une fois offerte au prévenu de mettre ces témoignages en doute et d'interroger les témoins, à quelque stade de la procédure que ce soit (
ATF 140 IV 172 consid. 1.3;
ATF 133 I 33 consid. 3.1;
ATF 131 I 476 consid. 2.2; arrêts 6B_1028/2020 du 1
er avril 2021 consid. 1.2.1; 6B_238/2020 du 14 décembre 2020 consid. 3.1; 6B_383/2019 / 6B_394/2019 du 8 novembre 2019 consid. 8.1.2, non publié in
ATF 145 IV 470). Il s'agit de l'un des aspects du droit à un procès équitable institué à l'
art. 6 par. 1 CEDH. En tant qu'elle concrétise le droit d'être entendu (
art. 29 al. 2 Cst.), cette exigence est également garantie par l'
art. 32 al. 2 Cst. (
ATF 144 II 427 consid. 3.1.2;
ATF 131 I 476 consid. 2.2).
2.2 Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, il ne peut être renoncé à une confrontation de l'accusé avec le témoin à charge ou à un interrogatoire complémentaire que dans des circonstances particulières. La CourEDH a admis que la déposition recueillie en cours d'enquête puisse être prise en considération sans audition contradictoire lorsque le témoin était décédé (arrêt de la CourEDH
Ferrantelli contre Italie du 7 août 1996,
Recueil CourEDH 1996-III p. 937), qu'il restait introuvable malgré des recherches (arrêt de la CourEDH
Artner contre Autriche du 28 août 1992, Série A vol. 242 A, également in EuGRZ 1992 p. 476; arrêt de la CourEDH
Doorson contre Pays-Bas du 26 mars 1996, requête n° 20524/92,
Recueil CourEDH 1996-II p. 446) ou encore qu'il invoquait à juste titre son droit de refuser de déposer (arrêt de la CourEDH
Asch contre Autriche du 26 avril 1991, requête n° 12398/86,
BGE 148 I 295 S. 299
Série A vol. 203, également in EuGRZ 1992 p. 474; arrêt de la CourEDH
Unterpertinger contre Autriche du 24 novembre 1986, requête n° 9120/80, Série A vol. 110). Dans ces cas, il était toutefois nécessaire que la déposition soit soumise à un examen attentif, que le prévenu puisse prendre position à son sujet et que le verdict de culpabilité ne soit pas fondé sur cette seule preuve (
ATF 131 I 476 consid. 2.2 avec de nombreuses références aux arrêts de la CourEDH). Les autorités ne devraient pas non plus être elles-mêmes responsables du fait que l'accusé n'ait pas pu exercer ses droits (en temps utile) (
ATF 131 I 476 consid. 2.3.4; cf. aussi arrêts 6B_249/ 2021 du 13 septembre 2021 consid. 2.1; 6B_1028/2020 précité consid. 1.2.1; 6B_1314/2015 du 10 octobre 2016 consid. 2.1 et arrêt cité).
Dans l'arrêt rendu dans l'affaire Al-Khawaja et Tahery contre Royaume-Uni, la CourEDH a relativisé sa jurisprudence antérieure dans la mesure où elle a admis que, dans certaines circonstances, même un témoignage contesté d'importance décisive ("preuve unique ou déterminante") pouvait être pris en considération sans audition contradictoire s'il existait des éléments suffisamment compensateurs pour garantir le droit de l'accusé à un procès équitable et la fiabilité des preuves (arrêt de la CourEDH Al-Khawaja et Tahery contre Royaume-Uni du 15 décembre 2011[requêtes nos 26766/05 et 22228/06], § 147).
Dans l'affaire
Schatschaschwili contre Allemagne, la CourEDH a transposé ces mêmes principes en les précisant. En bref, elle a jugé que l'utilisation de telles dépositions n'est admissible au regard de la Convention que moyennant des garanties supplémentaires rétablissant l'équilibre du procès. La question doit être examinée dans une appréciation globale de l'équité de la procédure, prenant en compte non seulement les droits de la défense mais aussi les intérêts du public et des victimes à ce que l'auteur de l'infraction soit poursuivi. Si l'
art. 6 par. 3 let. d CEDH exige, en principe, que tous les éléments à charge soient produits devant l'accusé en audience publique, en vue d'un débat contradictoire, cette norme n'exclut pas, à elle seule, l'utilisation de dépositions recueillies au cours de l'enquête ou de l'instruction. Les droits de la défense commandent toutefois de donner à l'accusé une possibilité adéquate et suffisante de contester les témoignages et d'interroger leur auteur. En soi, l'admission à titre de preuve d'une déposition faite avant procès par un témoin absent à celui-ci et constituant l'élément à charge unique ou déterminant n'emporte pas automatiquement violation de l'
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par. 1 CEDH mais, eu égard au risque inhérent à de telles dépositions, l'admission d'une preuve de ce type est un facteur très important à prendre en compte dans l'appréciation globale de l'équité de la procédure. Il convient donc d'adopter une démarche en trois étapes. La première consiste à rechercher s'il existait un motif sérieux justifiant la non-comparution. On doit ensuite se demander si cette déposition a constitué le fondement unique ou déterminant de la condamnation. Enfin, il faut examiner s'il existait des éléments compensateurs, notamment des garanties procédurales solides, suffisants pour contrebalancer les difficultés causées à la défense et assurer, de cette manière, l'équité de la procédure dans son ensemble (arrêt de la CourEDH
Schatschaschwili contre Allemagne du 15 décembre 2015[requête n° 9154/10], § 100 ss; cf. arrêts 6B_659/2014 du 22 décembre 2017 consid. 9.2; 6B_947/2015 du 29 juin 2017 consid. 5.5.1; 6B_1314/2015 du 10 octobre 2016 consid. 2.1; 6B_862/2015 / 6B_949/2015 du 7 novembre 2016 consid. 4.3.2 ss).
2.3 La CourEDH considère comme éléments susceptibles de rétablir l'équilibre du procès en permettant une appréciation correcte et équitable de la fiabilité de pareilles preuves, notamment, le fait que les juridictions internes se sont penchées avec prudence sur les déclarations non vérifiées d'un témoin absent, qu'elles aient montré avoir été conscientes de la valeur réduite de ces déclarations, soit qu'elles aient exposé en détail pourquoi elles considéraient que ces déclarations étaient fiables, tout en tenant compte des autres éléments de preuve disponibles. Cas échéant il faut se demander si des instructions ont été données au jury, soit aux membres non professionnels de la cour, quant à la façon d'aborder la déposition d'un témoin absent. Une autre compensation peut résider dans la diffusion en audience d'un enregistrement vidéo de l'interrogatoire au stade de l'enquête. La production au procès d'éléments de preuve venant corroborer la déposition non vérifiée constitue une autre garantie de grand poids, à l'instar de déclarations faites au procès par des personnes auxquelles le témoin absent a rapporté les événements immédiatement après leur survenue, la collecte d'autres preuves, notamment médico-légales ou des expertises relatives aux blessures ou à la crédibilité de la victime. La CourEDH considère aussi comme des facteurs importants la déposition d'un autre témoin rapportant, avec de grandes similitudes, une infraction similaire, pour autant qu'il n'y ait pas collusion et de surcroît si ce témoin a pu être entendu en audience et faire l'objet d'un contre-interrogatoire. De même, la
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possibilité de poser des questions par écrit au témoin absent et le fait d'avoir donné à l'accusé ou à son avocat la possibilité d'interroger le témoin au stade de l'enquête peuvent compenser le déséquilibre procédural. La défense doit se voir en outre offrir la possibilité de donner sa propre version des faits et de mettre en doute la crédibilité du témoin absent en soulignant toute incohérence ou contradiction avec les déclarations d'autres témoins. Le fait que la défense connaît l'identité du témoin constitue un élément supplémentaire susceptible d'améliorer la situation de la défense en la mettant en mesure d'identifier et d'analyser les motifs que le témoin peut avoir de mentir, et donc de contester la crédibilité de manière effective, même en son absence (arrêt de la CourEDH
Schatschaschwili contre Allemagne, précité, § 125 ss; arrêt 6B_862/2015 / 6B_949/2015 précité consid. 4.3.3).
2.4 On parle de témoin par ouï-dire ("vom Hörensagen"; témoignage indirect) lorsqu'un témoin fait part de ce qu'un tiers lui a relaté de ce qu'il avait lui-même constaté. En l'absence d'une norme prohibant expressément une telle démarche, le principe de la libre appréciation des preuves (
art. 10 al. 2 CPP) permet au juge de se fonder sur les déclarations d'un témoin rapportant les déclarations d'une autre personne. La seule prise en considération, au stade du jugement, de telles déclarations n'est pas en soi arbitraire (arrêts 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.2.2; 6B_862/2015 / 6B_949/2015 précité consid. 4.2; 6B_834/2013 du 14 juillet 2014 consid. 1.5). Le témoin par ouï-dire n'est toutefois témoin direct que de la communication que lui a faite le tiers; il n'est témoin qu'indirect des faits décrits, dont il ne peut rapporter que ce qui lui en a été dit mais non si cela était vrai (arrêts 6B_862/2015 / 6B_949/2015 précité consid. 4.2; 6B_905/2010 du 16 juin 2011 consid. 2.3.2). La jurisprudence en a conclu qu'un tel témoin, faute d'avoir pu constater par lui-même un élément constitutif de l'infraction, ne constitue pas à proprement parler un "témoin à charge" (arrêts 6B_862/2015 / 6B_949/2015 précité consid. 4.2; 6B_342/2015 du 15 octobre 2015 consid. 6.3).
2.5 La cour cantonale a retenu qu'en raison du décès de B., en novembre 2018, il n'était plus possible de procéder à une audition en contradictoire et qu'il s'agissait précisément d'une situation exceptionnelle envisagée par la jurisprudence qui admet que le juge peut prendre en considération la déposition faite au cours de l'enquête.
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2.6 Le recourant soutient que le fait de n'avoir pas pu interroger B. constituait déjà a priori une violation de l'
art. 6 par. 3 let. d CEDH. Or, la victime étant décédée, il s'agissait d'une circonstance particulière mentionnée par la jurisprudence de la CourEDH dans laquelle il pouvait être renoncé au droit à la confrontation. De plus, les autorités n'étaient nullement responsables du fait que le recourant n'ait pu exercer ses droits.
2.7 Le recourant affirme, en substance, que quand bien même la jurisprudence de la CourEDH et du Tribunal fédéral aurait permis de déroger à ce principe théoriquement absolu, la cour cantonale aurait méconnu la jurisprudence. Selon lui, la cour cantonale n'aurait pas tenu compte du fait que le témoignage de la victime n'avait jamais été recueilli par les autorités dans le cadre de l'instruction et que ce témoignage aurait constitué l'unique preuve à charge.
En l'espèce, la configuration de la présente cause a une particularité supplémentaire par rapport aux cas examinés ci-dessus par la CourEDH. Au moment des faits, les seules personnes présentes étaient le recourant et B. Cette dernière, en raison de son décès en novembre 2018, n'a jamais pu être entendue par les autorités de poursuites pénales, pas même par la police. Ce n'est que le 13 juin 2019 que les faits ont été dénoncés par la Direction générale de la santé à la justice pénale. Ainsi, les déclarations du seul témoin direct à charge n'ont jamais pu être recueillies dans le cadre d'une procédure officielle. Dans une telle situation, l'utilisation au stade du jugement, comme unique preuve de l'infraction, de déclarations à charge, recueillies au travers de témoignages indirects, suppose que les garanties accrues exigées par la jurisprudence européenne précitée soient particulièrement solides, faute de quoi la personne accusée sur une telle base se trouverait encore nettement défavorisée par rapport à celle accusée sur la base d'auditions dûment verbalisées en cours d'enquête (cf. arrêt 6B_862/2015 / 6B_949/2015 précité consid. 4.3.2).
Il ressort du jugement cantonal que l'auxiliaire de santé, C., venue doucher B., le 10 septembre 2018, avait relayé les plaintes de celle-ci concernant le comportement du recourant à l'infirmière référente, D., parce qu'elle les avait tenues pour crédibles. D. avait spécialement rencontré la patiente à ce sujet, le 12 septembre 2018, entretien duquel elle avait pris des notes. Lors de cet entretien, la patiente lui avait confirmé qu'après s'être présenté en donnant son prénom, le recourant lui avait dit qu'elle était une très belle femme, lui avait fait
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prendre sa douche, puis qu'au moment d'appliquer la crème hydratante, il avait retiré ses gants alors qu'il fallait les garder et lui avait palpé avec insistance la poitrine, de manière volontaire. La patiente avait ensuite indiqué à l'infirmière que le but du recourant était "de lui donner du plaisir et que ce n'était vraiment pas un geste involontaire de sa part". Il figurait au dossier une retranscription des notes de D. enregistrée le 14 septembre 2018 dans le dossier informatique de la patiente de l'association E. (pièce 14;
art. 105 al. 2 LTF). La cour cantonale a estimé que le fait que l'infirmière s'était référée à ses notes devant le ministère public ne réduisait aucunement la force probante de sa déclaration. A cet égard, il sied de souligner que l'existence de telles notes est un élément précieux qui a permis aux autorités pénales de connaître en détail les accusations proférées par B., le contexte des événements et les expressions utilisées par celle-ci. En effet, il ressort des notes plusieurs expressions placées entre guillemets de sorte que les propos de la victime ont pu être restitués avec une grande précision (pièce 14;
art. 105 al. 2 LTF). On comprend que la cour cantonale a estimé que la retranscription des propos était fidèle puisqu'elle se réfère à plusieurs reprises à ces expressions. Certes, les déclarations de la victime n'ont pas été verbalisées en cours d'enquête, mais la cour cantonale disposait néanmoins d'une retranscription des propos enregistrée dans le dossier informatique de la patiente, quelques jours seulement après les faits par l'infirmière référente qui l'avait spécialement entendue à ce sujet. En outre, la victime avait rapporté les événements à son mari juste après leur survenance, de même qu'elle s'était entretenue avec l'infirmière référente peu de temps après les faits. Ainsi, les faits ont été rapportés à deux témoins distincts "immédiatement" après les faits (cf. supra consid. 2.3) et une retranscription écrite des plaintes de la victime figurait au dossier. On comprend également du jugement attaqué que les déclarations des deux témoins indirects étaient concordantes et crédibles. Les deux témoignages décrivent les mêmes faits, font mention d'expressions précises utilisées par la défunte, du contexte entourant les faits et de l'état dans lequel se trouvait la victime. Les prétendues contradictions entre les deux témoignages invoquées par le recourant sont sans fondement. Le recourant n'invoque d'ailleurs aucun élément pertinent pouvant mettre en doute la valeur probante de ces témoignages par ouï-dire.
La cour cantonale a examiné en détail la crédibilité de la victime et sa capacité de discernement. Elle a retenu que cette dernière n'avait
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pas de raison d'éprouver du ressentiment envers le recourant dont elle n'avait jamais eu à souffrir auparavant. La cour cantonale a retenu que la lucidité d'esprit de la victime ressortait également de l'audition de son époux, qui avait expliqué que cette dernière s'était questionnée sur les conséquences qu'une plainte pouvait entraîner pour le recourant, mais qu'elle avait finalement décidé de dénoncer son comportement, afin de l'empêcher de recommencer auprès d'autres patientes. La cour cantonale a retenu qu'il n'y avait aucune raison de douter de la véracité des plaintes. Son discours - tel que rapporté par son époux et l'infirmière référente - était précis et cohérent. Il ressort dès lors que la cour cantonale a examiné avec une attention particulière les propos reconstitués de la victime. De surcroît, le défenseur du recourant a été en mesure d'interroger les deux témoins indirects, D. et F., lors de leur audition, par-devant le ministère public (cf. PV d'audition du 3 décembre 2019, p. 1, PV d'audition du 13 janvier 2020, p. 1;
art. 105 al. 2 LTF). Le recourant a été en mesure de donner sa propre version des faits et de mettre en doute les déclarations rapportées de feu B.
Au vu de ce qui précède, il faut admettre que la procédure suivie par les autorités cantonales, appréciée globalement, offrait des compensations suffisantes pour rétablir l'équilibre d'un procès équitable. Le grief du recourant est rejeté dans la mesure où il est recevable.