126 V 265
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Chapeau
126 V 265
45. Arrêt du 7 juin 2000 dans la cause ASSURA, Assurance maladie et accident contre B. et Tribunal des assurances du canton de Vaud
Regeste
Art. 3 al. 1 et art. 7 LAMal ; art. 9 al. 4 OAMal: Exclusion d'un assuré.
- L'obligation d'assurance a pour corollaire que l'exclusion d'un assuré, en particulier pour défaut de paiement des cotisations, n'est pas admissible.
- Une exception à ce principe est prévue à l'art. 9 al. 4 OAMal selon lequel l'assureur peut, sous certaines conditions, mettre fin au rapport d'assurance dans le cas d'assurés non soumis à la législation suisse sur l'aide sociale. Cette disposition de l'ordonnance est-elle conforme à la loi ? Question laissée indécise.
A.- B. a été affilié à ASSURA, Assurance maladie et accident depuis le 1er juillet 1994, d'abord pour l'assurance dite de base des soins médicaux, pharmaceutiques et hospitaliers selon la LAMA puis, dès le 1er janvier 1996, pour l'assurance obligatoire des soins au sens de la LAMal. Dès le début de son affiliation, l'assuré ne s'est pas acquitté régulièrement de ses cotisations. Plusieurs poursuites, engagées par l'assureur, ont abouti à la délivrance d'actes de défaut de biens pour un montant total de 3'205 fr. 45.
Le canton de Vaud, dans lequel est domicilié l'assuré, n'a pas accordé à celui-ci la réduction de primes prévue pour les assurés de condition économique modeste. Les pouvoirs publics cantonaux ont également refusé de prendre en charge les arriérés de primes dus par l'assuré. Dans une lettre à ASSURA du 30 octobre 1996, l'Organe cantonal vaudois de contrôle de l'assurance-maladie et accidents a motivé ce refus par le fait que l'assuré est membre de l'Eglise Z qui, en tant que communauté religieuse, doit pourvoir au paiement des dépenses de santé de ses membres.
Par lettre du 30 mai 1997, ASSURA a informé B. que son droit aux prestations serait suspendu jusqu'à ce que les primes arriérées (elle s'élevaient alors à 4'246 francs.) fussent remboursées, y compris les intérêts moratoires.
Par la suite, elle a rendu une décision, le 6 octobre 1997, par laquelle elle a signifié à l'assuré que sa "police d'assurance" serait résiliée avec effet au 31 août 1997. Elle a confirmé sa position par une nouvelle décision, du 17 novembre 1997, rendue sur opposition de l'assuré.
Statuant le 18 juin 1999, celui-ci a admis le recours et il a réformé la décision litigieuse "dans le sens des considérants". Il a retenu, en bref, que l'assureur n'avait pas le droit d'exclure l'assuré du rôle de ses membres tant et aussi longtemps qu'il resterait soumis à l'assurance-maladie obligatoire.
C.- ASSURA interjette un recours de droit administratif dans lequel elle conclut à l'annulation du jugement cantonal et demande au Tribunal fédéral des assurances de "confirmer que la police d'assurance de B. a été résiliée, à juste titre, le 31 août 1997".
B. n'a pas fait usage de la faculté qui lui a été donnée de répondre au recours. Quant à l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), il ne s'est pas déterminé à son sujet.
Considérant en droit:
1. Bien que la recourante ait utilisé dans sa décision le terme de "résiliation", il ne fait pas de doute qu'il s'agit en l'occurrence d'une décision d'exclusion prononcée par l'assureur pour défaut de paiement de primes d'assurance-maladie. Il s'agit donc de savoir si la caisse était ou non en droit de prendre une telle mesure à l'encontre de l'assuré.
En ce qui concerne, d'autre part, la question de la suspension du droit aux prestations, signifiée par la recourante dans sa lettre 30 mai 1997, elle n'est pas litigieuse et n'a donc pas à être examinée dans le cadre de la présente procédure.
2. Le litige portant sur la qualité d'affilié à un assureur-maladie ne concerne pas l'octroi ou le refus de prestations d'assurance au sens de l'art. 132 OJ. Le Tribunal fédéral des assurances doit dès lors se borner à examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ ; ATF 124 V 120 consid. 1a et les références citées).
3. a) Sous le régime de la LAMA, les caisses-maladie étaient en droit, moyennant un avertissement écrit, de prendre des sanctions à l'encontre de l'assuré qui était en retard dans le paiement de ses cotisations ou de participations. Cependant, sauf motifs particuliers, elles n'étaient pas autorisées à exclure un membre pour cette raison; elles étaient libres, en revanche, de prononcer une mesure moins grave, comme la suspension du droit aux prestations d'assurance, laquelle pouvait être maintenue tant que subsistaient des arriérés de cotisations ou de participations. Seules des circonstances aggravantes pouvaient justifier une exclusion, tel, par exemple, le comportement abusif de l'assuré qui obligeait la caisse à recourir de manière répétée à des procédures de recouvrement (ATF 118 V 267 consid. 3a et les références, ATF 111 V 321 consid. 4). Ces principes s'appliquaient aussi aux assurances complémentaires (RAMA 1986 no K 682 p. 241; BORELLA, L'affiliation à l'assurance-maladie sociale suisse, thèse Lausanne 1993, p. 298 ch. 491). En tout état de cause, les sanctions ne pouvaient être prononcées contre l'assuré qu'en vertu d'une base statutaire ou réglementaire explicite (ATF 118 V 267 consid. 3a; RAMA 1990 no K 842 p. 173 consid. 4b).
b) Un des buts principaux de la LAMal est de rendre l'assurance-maladie obligatoire pour l'ensemble de la population en Suisse (ATF 125 V 271 consid. 5b). Aussi bien l'art. 3 al. 1 LAMal pose-t-il le principe de l'obligation d'assurance pour toute personne domiciliée en Suisse. Il n'y a cependant pas d'affiliation ex lege, au contraire d'autres assurances sociales (p.ex. l'AVS/AI, la LPP ou l'assurance-accidents obligatoire). C'est aux cantons qu'il incombe de veiller au respect de cette obligation et, s'il y a lieu, de procéder conformément à l'art. 6 LAMal à une affiliation d'office d'une personne tenue de s'assurer qui n'a pas donné suite à cette obligation en temps utile (sur ces questions, voir SPIRA, Les compétences des cantons en matière d'assurance obligatoire des soins, in: LAMal-KVG: Recueil de travaux en l'honneur de la Société suisse de droit des assurances, Lausanne 1997, p. 66; PIERRE-YVES GREBER, Quelques questions relatives à la nouvelle loi fédérale sur l'assurance-maladie, in: RDAF 1996, p. 241, ch. 4.2).
L'obligation d'assurance - même si elle n'est pas automatique - a pour corollaire que l'exclusion d'un assuré, en particulier pour défaut de paiement des cotisations, n'est plus admissible sous le régime de la LAMal. Peu importe que les dispositions internes (règlements, statuts) de l'assureur le prévoient et que la mesure apparaisse compatible avec le principe de proportionnalité (MAURER, Das neue Krankenversicherungsrecht, Bâle/Francfort-sur-le-Main 1996, p. 41, ad ch. 3; GEBHARD EUGSTER, Krankenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, p. 11, note de bas de page no 43; BORELLA, op.cit., p. 349 ch. 573, à propos de l'assurance obligatoire dans les cantons du temps de la LAMA). Les cas de changements obligés d'assureur sont d'ailleurs énumérés à l'art. 7 LAMA (changement de résidence ou d'emploi, retrait de l'autorisation de pratiquer conformément à l'art. 13 LAMal ou quand l'assureur cesse, volontairement ou par décision administrative, de pratiquer l'assurance-maladie sociale). L'éventualité d'un changement forcé en raison du non-paiement de cotisations (par l'assuré ou par l'aide sociale) n'est pas prévue (cf. GREBER, loc.cit., p. 246 ad ch. 24).
4. a) L'exécution des obligations financières de l'assuré (paiement des primes selon les art. 61 ss LAMal et des participations selon l'art. 64 LAMal), de même que les conséquences de la non-exécution de ces obligations, par des mesures spécifiques au droit de l'assurance-maladie, ne sont réglées ni par la LAMal ni dans une norme de délégation qui serait contenue dans cette loi et qui chargerait
BGE 126 V 265 S. 269
le Conseil fédéral de réglementer ces questions. Aussi bien les assureurs doivent-ils faire valoir leurs prétentions par la voie de l'exécution forcée selon la LP ou par celle de la compensation (message du Conseil fédéral concernant la révision de l'assurance-maladie du 6 novembre 1991, FF 1992 I 124 ad art. 4). L'art. 88 al. 2 LAMal prévoit ainsi que les décisions et décisions sur opposition au sens de l'art. 88 al. 1 LAMal qui portent condamnation à payer une somme d'argent ou à fournir des sûretés sont assimilées aux jugements exécutoires selon l'art. 80 LP (cf. aussi ATF 125 V 273 consid. 6c).b) Sous la note marginale "Demeure de l'assuré", le Conseil fédéral a toutefois adopté, en application de l'art. 96 LAMal, la réglementation suivante à l'art. 9 OAMal:
1 Si, malgré sommation, l'assuré ne paie pas des primes ou participations aux coûts échues, l'assureur doit engager une procédure de poursuite. Si cette procédure aboutit à un acte de défaut de biens, l'assureur en informe l'autorité compétente d'aide sociale. Sont réservées les dispositions cantonales qui prévoient une annonce préalable à l'autorité chargée de la réduction des primes.
2 Après avoir reçu un acte de défaut de biens et informé l'autorité d'aide sociale, l'assureur peut suspendre la prise en charge des prestations jusqu'à ce que les primes ou participations aux coûts arriérées soient entièrement payées. Il devra prendre en charge les prestations pour la période de suspension dès qu'il aura reçu ces paiements.
3 Lorsque l'assuré en demeure entend changer d'assureur, son assureur actuel ne peut mettre fin au rapport d'assurance que si les primes ou participations aux coûts arriérées ont été entièrement payées.
4 Lorsqu'une procédure de poursuite ne peut pas être engagée contre un assuré qui n'est pas soumis à la législation suisse sur l'aide sociale ou qu'elle n'aboutit pas au paiement des primes ou participations aux coûts, l'assureur peut mettre fin au rapport d'assurance, après une sommation écrite dans laquelle il avertit l'assuré des conséquences de son omission.
Récemment, le Tribunal fédéral des assurances a eu l'occasion de se prononcer sur la portée de l'alinéa 3 de cette disposition, qu'il a jugé contraire à la loi. L'OAMal est une ordonnance fondée sur l'art. 96 LAMal, qui charge le Conseil fédéral d'édicter des dispositions aux fins d'exécution de la loi. Une ordonnance d'exécution de la loi a pour fonction de concrétiser les dispositions légales et, le cas échéant, de combler des lacunes d'importance secondaire, dans la mesure où l'exécution de la loi l'exige; les normes d'exécution doivent cependant s'en tenir au cadre légal et ne peuvent en particulier contenir des règles nouvelles qui limiteraient les droits des administrés ou leur imposeraient de nouveaux devoirs, même si ces art. 7 al. 1 et 2 LAMal , dépasse le cadre d'une norme d'exécution.
BGE 126 V 265 S. 270
règles sont compatibles avec le but de la loi (ATF 125 V 266, plus spécialement p. 272 consid. 6; voir aussi, à propos de l'art. 126 OAMal: ATF 126 III 36). Or, l'art. 9 al. 3 OAMal, qui restreint le droit de changer d'assureur prévu à l'c) La recourante invoque l'art. 9 al. 4 OAMal. Elle fait valoir que, dans la mesure où la jurisprudence a rendu inopérant l'art. 9 al. 3 OAMal, l'assuré en demeure peut normalement quitter son assureur-maladie pour s'affilier auprès d'un autre assureur. De cette manière, il échappe à une suspension de son droit aux prestations selon l'art. 9 al. 2 OAMal. Il suffit que l'assuré, devenu malade, change d'assureur pour le plus prochain terme pour se voir rembourser le coût de son traitement. Compte tenu de la jurisprudence découlant de l'arrêt ATF 125 V 266 (précité), il n'existe plus de mesure à caractère dissuasif en ce qui concerne l'encaissement des primes. La seule possibilité qui s'offre à l'assureur pour éviter des abus, en exerçant une certaine pression sur l'assuré, est la résiliation de l'assurance, conformément à l'art. 9 al. 4 OAMal.
Comme cela ressort du texte et de la systématique de l'art. 9 OAMal, l'alinéa 4 de cette disposition vise uniquement les assurés qui ne sont pas soumis à la législation suisse sur l'aide sociale. Il s'agit principalement de personnes qui ont un domicile à l'étranger et qui sont néanmoins assujetties à l'assurance obligatoire des soins selon la LAMal, par exemple les travailleurs frontaliers ou les travailleurs détachés à l'étranger ( art. 3 et 4 OAMal ; EUGSTER, op.cit., p. 11, note de bas de page no 43; voir aussi MAURER, op.cit., p. 41 ad ch. 3, qui mentionne les membres des missions diplomatiques ayant demandé à être soumis à l'assurance suisse conformément à l'art. 6 al. 1 OAMal). Certains auteurs, d'ailleurs, ont mis en doute la légalité de cette disposition, en faisant notamment remarquer que, dans la mesure où la loi n'a pas prévu d'institution supplétive ni de sortie obligée pour non-paiement de cotisations, l'assureur-maladie ne peut pas mettre fin au rapport d'assurance aussi longtemps que l'assuré reste soumis à l'assurance obligatoire des soins (GREBER, loc.cit., p. 246 sv.; voir aussi MAURER, op.cit., p. 41, note de bas de page no 95).
Quoiqu'il en soit, il n'y a pas lieu de se prononcer sur cette question, dans la mesure où la disposition incriminée ne vise pas le cas de l'intimé, qui est domicilié en Suisse et qui est en principe soumis à la législation cantonale sur l'aide sociale. Que, dans le cas particulier, les autorités cantonales compétentes aient refusé de prendre
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en charge l'arriéré de cotisations de l'intimé - pour des motifs qui n'ont pas à être examinés ici - n'y saurait rien changer. On se contentera de noter au passage que l'art. 23 de la loi d'application vaudoise de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 25 juin 1996 (LAVAMal; RSV 5.19 A) subordonne cette prise en charge aux "cas dignes d'intérêt"; il est probable que l'autorité cantonale ait estimé que cette condition n'était pas réalisée dans le cas particulier.
5. En conséquence, comme l'ont retenu avec raison les premiers juges, la recourante n'était pas en droit d'exclure l'intimé pour défaut de paiement de cotisations (cf. infra consid. 3b). Le fait que le Tribunal fédéral des assurances a jugé contraire à la loi l'art. 9 al. 3 OAMal ne saurait justifier la solution préconisée par la recourante, qui ne serait pas davantage conforme au droit. On remarquera, au demeurant, que cette solution favoriserait le passage d'un assureur à l'autre de certains assurés insolvables ou peu scrupuleux quant à leur obligation de régler leurs primes d'assurance. Une bonne exécution de la loi, si elle requiert que les assurés s'acquittent ponctuellement de leurs obligations, ne serait pas mieux garantie. Si le législateur a voulu favoriser le changement d'assureur ( art. 7 al. 1 et 2 LAMal ), c'est dans un but de concurrence entre assureurs (message précité, FF 1992 I 124), mais non dans l'intérêt d'un assureur à faire supporter à un autre assureur le risque lié au recouvrement des cotisations (voir aussi MAURER, op.cit., p. 41, note en bas de page no 95).