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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
2C_580/2014  
 
{T 0/2}  
   
   
 
 
 
Arrêt du 13 février 2015  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Zünd, Président, 
Donzallaz et Stadelmann. 
Greffière : Mme Jolidon. 
 
Participants à la procédure 
X.________, recourante, 
 
contre  
 
Service cantonal des automobiles et de la navigation, 
Département de la gestion du territoire, Service des automobiles et de la navigation. 
 
Objet 
Taxe automobile, montant de l'avance de frais, 
 
recours contre la décision du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 13 mai 2014. 
 
 
Considérant en fait et en droit :  
 
1.   
X.________, domiciliée dans le canton de Neuchâtel, a reçu en janvier 2014 du Service cantonal des automobiles et de la navigation de la République et canton de Neuchâtel (ci-après: le Service des automobiles) la taxe automobile pour l'année 2014. Cette taxe (dont elle ne précise pas le montant) avait subi une augmentation de 40%, à la suite de la modification de la loi neuchâteloise du 6 octobre 1992 sur les taxes des véhicules automobiles, des remorques et des bateaux (LTVRB; RS/NE 761.20), ce à quoi l'intéressée s'est opposée. Elle s'est acquittée uniquement du montant de la taxe 2013, soit 578 fr. 30. 
 
Par décision du 11 mars 2014, le Service des automobiles a rejeté la réclamation de X.________. 
 
L'intéressée a recouru devant le Département du développement territorial et de l'environnement de la République et canton de Neuchâtel, lequel lui a alors réclamé, le 23 avril 2014, 660 fr. au titre de garantie des frais présumés de procédure. 
 
X.________ a porté cette décision incidente devant le Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel (ci-après: le Tribunal cantonal), estimant le montant requis prohibitif. A son tour, le 13 mai 2014, le Tribunal cantonal a requis une avance de frais de 770 fr. 
 
Formant un "recours de droit public", X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cette décision incidente ou, à tout le moins, de fixer une avance de frais qui soit inférieure et en relation avec l'objet du litige. 
 
Le Service des automobiles et le Tribunal cantonal ont renoncé à déposer des observations. 
 
2.  
Les décisions incidentes notifiées séparément qui ne portent pas sur la compétence ou sur une demande de récusation peuvent faire l'objet d'un recours en matière de droit public si elles peuvent causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF). 
 
La décision impartissant un délai pour s'acquitter d'une avance de frais constitue une décision incidente dès lors qu'elle ne met pas fin à la procédure au fond. Elle est également susceptible de causer un préjudice irréparable puisque, à défaut de paiement, le recours est déclaré irrecevable (ATF 133 V 402 consid. 1.2 p. 403; 77 I 42 consid. 2 p. 46). Ainsi, la voie du recours en matière de droit public est ouverte. 
 
A cet égard, la voie de recours erronée indiquée par la recourante ne saurait lui nuire si son recours remplit les exigences légales de la voie de recours en matière public (cf. ATF 138 I 367 consid. 1.1 p. 369; 134 III 379 consid. 1.2 p. 382). Tel est le cas en l'espèce, le recours remplissant les conditions des art. 42 et 82 ss LTF, étant précisé que le fond de la cause relève du droit public (cf. ATF 137 III 261 consid. 1.4 p. 264). 
 
3.   
La recouran te invoque les principes de la couverture des frais et de l'équivalence, ainsi que celui de la proportionnalité. Elle juge disproportionnée l'avance de frais de 770 fr. pour un litige de 193 fr. (montant de l'augmentation de la taxe automobile entre 2013 et 2014), puisqu'elle s'élève à presque quatre fois celui-ci. Le critère de l'intérêt du litige, soit en l'espèce un intérêt "faible", devrait être pris en considération pour fixer l'avance de frais; ce d'autant plus que le principe de la couverture des frais réels serait devenu obsolète avec le temps, ceux-ci ne pouvant plus être couverts. La recourante mentionne le droit cantonal applicable et relève que le tarif minimum aurait été adéquat dans son cas. Le principe de l'égalité n'aurait pas non plus été respecté, les citoyens bénéficiant de revenus élevés se voyant favorisés puisque l'avance de frais représenterait un sacrifice moins important pour eux. 
 
3.1. D'une manière générale, et comme le relève à juste titre la recourante, les émoluments encaissés par les tribunaux n'arrivent pas, et de loin, à couvrir les dépenses encourues par ceux-ci. En l'occurrence, la demanderesse reconnaît que les émoluments perçus par le Tribunal cantonal ne couvrent pas lesdits frais, si bien qu'il ne saurait être question d'une violation du principe de la couverture des frais (cf. ATF 120 Ia 171 consid. 3).  
 
3.2. Selon le principe de l'équivalence, le montant de chaque émolument doit être en rapport avec la valeur objective de la prestation fournie et rester dans des limites raisonnables (ATF 118 Ib 349 consid. 5 p. 352 et les arrêts cités). La valeur de la prestation se mesure soit à son utilité pour le contribuable, soit à son coût par rapport à l'ensemble des dépenses de l'activité administrative en cause (ATF 118 Ib 349 consid. 5 p. 352; 109 Ib 308 consid. 5b p. 314). Pour que le principe de l'équivalence soit respecté, il faut que l'émolument soit raisonnablement proportionné à la prestation de l'administration, ce qui n'exclut cependant pas une certaine schématisation. Il n'est pas nécessaire que, dans chaque cas, l'émolument corresponde exactement au coût de l'opération administrative. L'autorité peut également tenir compte de l'intérêt du débiteur à l'acte officiel et, dans une certaine mesure, de sa situation économique pour fixer les émoluments, dans les affaires importantes, à un montant élevé qui compense les pertes subies dans les affaires mineures. Les émoluments doivent toutefois être établis selon des critères objectifs et s'abstenir de créer des différences que ne justifieraient pas des motifs pertinents. Le taux de l'émolument ne doit pas, en particulier, empêcher ou rendre difficile à l'excès l'utilisation de certaines institutions (ATF 120 Ia 171 consid. 2a p. 174 et la jurisprudence citée).  
 
La jurisprudence reconnaît à l'autorité cantonale de recours un large pouvoir d'appréciation dans la fixation et la répartition des frais et dépens de la procédure cantonale (ATF 111 V 48 consid. 4a p. 49) étant précisé qu'en présence d'un tarif ou d'une règle légale, elle ne doit motiver sa décision que si elle sort des limites fixées par ceux-ci ou si des circonstances extraordinaires sont invoquées par les parties (ATF 111 Ia 1 consid. 2a; 93 I 116 consid. 2 p. 120; arrêt 5D_45/2009 du 26 juin 2009, consid. 3.1). Le Tribunal fédéral n'intervient que si l'autorité a interprété ou appliqué de manière arbitraire le droit cantonal concerné ou si elle a abusé de son pouvoir d'appréciation, notamment si la décision ne peut se justifier par des raisons objectives (ATF 111 Ia 1 consid. 2a p. 1; 98 Ib 506 consid. 2 p. 509). 
 
3.3. L'art. 47 al. 1 de la loi neuchâteloise du 27 juin 1979 sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA; RS/NE 152.130) dispose que l'autorité de recours perçoit du recourant une avance de frais équivalente aux frais de procédure présumés; elle lui impartit pour le versement de cette avance un délai raisonnable en l'avertissant qu'à défaut, elle déclarera le recours irrecevable; en cas de motifs particuliers, elle peut renoncer à percevoir la totalité ou une partie de l'avance de frais, ou autoriser son versement par acomptes.  
 
Selon l'art. 6 du décret neuchâtelois du 6 novembre 2012 fixant le tarif des frais, des émoluments de chancellerie et des dépens en matière civile, pénale et administrative (TFrais; RS/NE 164.1), lorsque le tarif laisse une marge d'appréciation à l'autorité, celle-ci fixe les frais à raison de sa mise à contribution, de l'importance de la cause et de ses difficultés (al. 1); l'autorité tient compte notamment du fait qu'elle a dû ou non motiver sa décision par écrit (al. 2). Les frais peuvent être remis, en tout ou en partie, lorsque l'équité ou l'opportunité l'exige (art. 9 al. 1 TFrais). L'art. 44 TFrais prévoit que devant le Tribunal cantonal, le Conseil d'Etat et les autres autorités, l'émolument de décision n'excède pas 6'000 fr. (al. 1); il peut être porté jusqu'à 15'000 fr. dans les contestations de nature pécuniaire (al. 2). 
 
3.4. Le Tribunal cantonal a fixé l'avance de frais à 770 fr. La cause portée devant lui était une décision incidente ayant trait à une avance de frais, soit celle de 660 fr. requise le 23 avril 2014 par le Département du développement territorial et de l'environnement de la République et canton de Neuchâtel au titre de garantie des frais présumés de procédure. Ainsi, contrairement à ce que semble penser la recourante, l'objet de la contestation devant le Tribunal cantonal ne consistait pas dans les 193 fr. de la taxe automobile auxquels elle s'oppose et qui constitue le fond du litige, mais dans la décision incidente relative à l'avance de frais de 660 fr.  
 
Ceci dit, le montant de l'avance de frais s'inscrit dans la fourchette légale ce qui dispensait le Tribunal cantonal de motiver sa décision. La prestation dudit tribunal devait consister à rendre un arrêt portant sur deux questions juridiques, soit la légalité et la proportionnalité de l'avance de frais fixée par ledit Département. Bien que l'affaire ne soit pas compliquée, il faut relever que tout dossier nécessite un travail minimum incompressible et, de ce fait, il serait faux de croire que parce que la somme en cause est faible, l'émolument de justice le sera également. De plus, si l'émolument doit rester dans des limites raisonnables, il doit aussi être en rapport avec la valeur objective de la prestation fournie qui, elle, n'est pas forcément en corrélation avec le montant objet de la contestation. Finalement, la mise en oeuvre de la justice génère une activité qui ne se limite pas à celle des seuls juges et du greffier, soit en l'espèce ceux de la Cour de droit public de la dernière instance cantonale, puisqu'elle nécessite également tout un travail administratif. Si l'avance requise peut être qualifiée de plutôt élevée, on ne saurait considérer qu'elle est disproportionnée au regard du large pouvoir d'appréciation des juges cantonaux en la matière. 
 
Quant à l'argument selon lequel les citoyens bénéficiant de revenus élevés seraient favorisés car l'avance de frais représente un sacrifice moins important pour eux, il tombe à faux. Certes, les personnes fortunées peuvent effectivement saisir, de ce point de vue, plus facilement la justice, cependant les dispositions légales en la matière n'imposent pas de fixer l'émolument en fonction de la capacité contributive des citoyens. La situation économique de ceux-ci est un critère dont l'autorité judiciaire peut tenir compte mais rien ne l'y oblige (consid. 3.2). 
 
Si la somme de 770 fr. représentait un "sacrifice important", comme le relève la recourante, elle aurait pu demander à l'autorité précédente de renoncer à percevoir une partie de l'avance de frais, ou d'autoriser un versement par acomptes, possibilité octroyée en cas de motifs particuliers (cf. art. 47 LPJA), ce que celle-ci ne prétend d'ailleurs pas avoir fait. 
 
En conclusion, le montant de l'avance de frais de 770 fr. ne viole pas le principe de l'équivalence. 
 
4.   
La recourante estime aussi que la somme de 770 fr. constitue une entrave à la justice et qu'elle tombe ainsi sous le coup de l'art. 6 CEDH
 
La décision en cause n'entre pas dans le champ d'application de l'art. 6 par. 1 CEDH puisqu'il s'agit ni d'une contestation sur les droits ou obligations de caractère civil d'une personne, ni sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale (ATF 137 I 128 consid. 4.4.2 p. 133). Partant, le grief est irrecevable. 
 
5.   
Compte tenu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
Succombant, la recourante supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
Si l'avance de frais n'a pas été acquittée pour la procédure devant le Tribunal cantonal, celui-ci fixera un nouveau délai à la recourante pour ce faire. 
 
 
par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Le Tribunal cantonal fixera un nouveau délai à la recourante pour s'acquitter de l'avance de frais de la procédure cantonale. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, au Service cantonal des automobiles et de la navigation, au Département de la gestion du territoire, Service des automobiles et de la navigation et au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel. 
 
 
Lausanne, le 13 février 2015 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Zünd 
 
La Greffière : Jolidon