Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_374/2021
Arrêt du 3 mai 2022
IIe Cour de droit social
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Moser-Szeless.
Greffier : M. Bleicker.
Participants à la procédure
A.________, représentée par Me Michel Chavanne, avocat,
recourante,
contre
B.________, représentée par Me Emma Lombardini, avocate,
intimée,
CPEG Caisse de prévoyance de l'Etat de Genève, Boulevard de Saint-Georges 38, 1205 Genève.
Objet
Prévoyance professionnelle,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 19 mai 2021 (A/2402/2020 ATAS/477/2021).
Faits :
A.
A.________ a travaillé pour la B.________ dès le 1er mars 2019. A ce titre, elle était affiliée auprès de la Caisse de prévoyance de l'Etat de Genève (CPEG).
Le 6 février 2020, A.________ et B.________ ont signé un acte dans lequel elles convenaient de mettre fin aux rapports de travail de la prénommée avec effet au 29 février 2020, d'entente entre elles et d'un commun accord. L'employée était libérée de son obligation de travailler jusqu'à la fin des rapports de travail, le 29 février 2020. B.________ s'engageait à payer à A.________ le 1er avril 2020 un montant total de 182'272 fr. brut, dont à déduire les charges sociales et légales usuelles. Ce montant brut correspondait au préavis de congé de six mois (102'528 fr. brut), au 13ème salaire pro rata temporis calculé sur huit mois (11'392 fr. brut) et à une indemnité équivalente à quatre mois du salaire mensuel brut, à bien plaire, par gain de paix, et sans aucune reconnaissance de responsabilité (68'352 fr. brut).
A la demande de A.________, B.________ lui a indiqué le 17 mars 2020 que l'indemnité de départ ne sera pas soumise aux cotisations de prévoyance professionnelle, dont le paiement avait pris fin au 29 février 2020.
B.
Par demande du 14 août 2020, A.________ a ouvert action devant la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève contre B.________. Elle a conclu à ce que celle-ci soit condamnée à verser à la Caisse de prévoyance de l'État de Genève (CPEG) la somme de 30'758 fr. 40, plus intérêts à 5 % l'an dès le 1
er avril 2020. Ce montant correspondait selon elle aux cotisations de prévoyance professionnelle (parts employé et employeur) sur la somme de 113'920 fr. (102'528 fr. + 11'392 fr.). La Cour de justice a appelé en cause la CPEG. De même que B.________, celle-ci a conclu à ce que la demanderesse soit déboutée de ses conclusions. Statuant le 19 mai 2021, la Cour de justice a rejeté la demande.
C.
A.________ forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont elle demande la réforme en ce sens que B.________ est condamnée à verser à la CPEG la somme de 30'758 fr. 40, plus intérêts à 5 % l'an dès le 1er avril 2020 au titre de cotisations LPP. Subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière de droit public peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), que le Tribunal fédéral applique d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte (c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.; ATF 144 II 246 consid. 6.7) ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).
2.
Le litige porte sur le point de savoir si la part de l'indemnité versée par B.________ à la recourante le 1er avril 2020 correspondant au préavis de congé de six mois (102'528 fr.) et au treizième salaire (11'392 fr.) est soumise aux cotisations LPP.
3.
L'assurance obligatoire LPP commence en même temps que les rapports de travail et cesse, entre autres éventualités, à leur dissolution (art. 10 al. 2 let. b LPP et 331a CO; ATF 120 V 20 consid. 2a). En matière de prévoyance plus étendue, la dissolution des rapports de travail est également un motif qui met fin à l'assurance (ATF 121 V 277 consid. 2b et la référence). En l'occurrence, l'art. 14 al. 3 de la loi genevoise du 14 septembre 2012 instituant la Caisse de prévoyance de l'État de Genève (LCPEG/GE; rs/GE B 5 22) reprend ce principe. Le moment de la dissolution des rapports de travail est celui où, juridiquement, les rapports de travail ont pris fin, conformément aux règles des art. 334 ss CO, c'est-à-dire en principe à l'expiration du délai légal ou contractuel de congé. Peu importe la date à laquelle le travailleur, effectivement, a quitté l'entreprise (ATF 121 V 277 consid. 2b et les références).
4.
4.1. La juridiction cantonale a retenu qu'il résultait sans aucun doute possible de la convention du 6 février 2020 que le contrat de travail de A.________ avait pris fin le 29 février 2020. Au vu de la doctrine et de la jurisprudence, notamment de l'arrêt B 55/99 du 8 novembre 2001, l'affiliation de l'intéressée à la CPEG avait donc pris fin ce jour-là. Les sommes qui lui ont été versées le 1er avril 2020 et qui concernaient une période postérieure à la validité du contrat n'étaient dès lors pas soumises aux cotisations LPP. Les premiers juges ont rappelé que l'indemnité de départ ne fait pour le surplus pas partie des éléments de salaire soumis à cotisations.
4.2. La recourante ne conteste pas que l'indemnité de départ ne fait pas partie des éléments de salaire soumis à cotisations LPP. Invoquant une violation de l'art. 341 CO, en lien avec les art. 331a CO et 10 LPP, elle soutient en revanche qu'une indemnité portant sur des créances salariales (salaires correspondant au délai de résiliation, heures supplémentaires, solde de vacances) versée dans un délai raisonnable après le délai de protection d'un mois de l'art. 341 CO est soumise à cotisations LPP. A ce défaut, l'on viderait selon elle une partie de la substance des assurances sociales et créerait une sérieuse insécurité sur le plan juridique. Elle relève qu'une partie de la doctrine critique par ailleurs l'arrêt B 55/99 du 8 novembre 2001 et demande la prise en compte "des lacunes de cotisations LPP (...) dans le montant de l'indemnité" en cas de résiliation immédiate injustifiée des rapports de travail (au sens de l'art. 337c CO).
5.
5.1. Selon l'art. 341 al. 1 CO, le travailleur ne peut pas renoncer, pendant la durée du contrat et durant le mois qui suit la fin de celui-ci, aux créances résultant de dispositions impératives de la loi ou d'une convention collective. Cette règle prend en considération que le travailleur se trouve dans une situation de dépendance aiguë et que celle-ci peut l'entraîner à accepter une réduction de ses prétentions, en particulier s'il redoute de perdre son emploi. Elle n'introduit pas un simple délai de réflexion; elle s'applique pendant toute la durée du contrat et encore pendant un mois au-delà. Les remises de dette et les renonciations unilatérales sont seules privées de validité, à l'exclusion de celles que l'employeur obtient moyennant une contrepartie adéquate lors d'une transaction. La validité d'une transaction entre les parties est subordonnée à une équivalence appropriée de leurs concessions réciproques (ATF 136 III 467 consid. 4.5 et les références; cf. aussi 144 III 235 consid. 2.2.1). L'art. 341 al. 1 CO est de droit relativement impératif, en ce sens qu'il est impossible d'y déroger au détriment de l'employé (art. 362 al. 1 CO).
5.2. L'art. 341 al. 1 CO n'interdit pas aux parties de mettre fin en tout temps le contrat de travail d'un commun accord pour une date précise, pour autant qu'elles ne cherchent pas à détourner par ce biais une disposition impérative de la loi (ATF 119 II 449 consid. 2a; arrêt 4A_364/2016 du 31 octobre 2016 consid. 3.1). Une convention de résiliation vise à empêcher la naissance de nouvelles prétentions; elle exclut la protection des art. 336 ss CO (arrêt 4A_13/2018 et 4A_17/2018 du 23 octobre 2018 consid. 4.1.3 et 4.2.1).
5.3. En l'espèce, la convention du 6 février 2020 exprime sans équivoque la volonté des parties de mettre fin au contrat de travail de la recourante avec effet au 29 février 2020. Le rapport de prévoyance a donc pris fin en même temps que la dissolution des rapports de travail, conformément à l'art. 10 al. 2 let. b LPP (respectivement l'art. 14 al. 3 LCPEG/GE en ce qui concerne la prévoyance plus étendue). Il est par ailleurs exclu de prolonger la durée du rapport de prévoyance pour le simple fait que la recourante a perçu, après la fin de son contrat de travail, des indemnités conventionnelles. A cet égard, le Tribunal fédéral a jugé notamment que le paiement d'indemnités de vacances non prises après la fin du contrat de travail ne prolonge pas le rapport de prévoyance (ATF 120 V 15 consid. 2). De même, le devoir de l'employeur de verser le salaire en cas de maladie ou la poursuite du versement du salaire par le biais d'une assurance ne prolongent pas les rapports de prévoyance (arrêt 9C_663/2008 du 19 décembre 2008 consid. 3).
C'est en vain ensuite que la recourante fait référence aux critiques de la doctrine concernant l'arrêt B 55/99 du 8 novembre 2001, rés. in PJA 2002 583, selon lequel l'indemnité en cas de congé immédiat injustifié au sens de l'art. 337c CO n'est pas soumise aux cotisations LPP. A ce sujet, une partie de la doctrine préconise d'admettre une prolongation du rapport de prévoyance jusqu'à l'échéance ordinaire du contrat de travail en cas de congé immédiat injustifié (pour un aperçu de ces critiques, voir arrêt 4A_458/2018 du 29 janvier 2020 consid. 6.2.1; BRECHBÜHL/GECKELER HUNZIKER, Commentaire LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n° 19 ad art. 10 LPP). En l'occurrence, à l'inverse de la situation d'une personne faisant l'objet d'un congé immédiat injustifié, la recourante a librement convenu avec son employeur de la date de la dissolution de ses rapports de travail et de l'équivalence appropriée des concessions réciproques. La convention du 6 février 2020 exclut par conséquent l'application des art. 336 ss CO. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner les critiques de la doctrine concernant une situation différente de celle ici en cause.
6.
Mal fondé, le recours doit être rejeté.
7.
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à se déterminer. La CPEG n'a par ailleurs pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la CPEG, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 3 mai 2022
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
Le Greffier : Bleicker