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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
8C_327/2019  
 
 
Arrêt du 5 mai 2020  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président, 
Viscione et Abrecht. 
Greffier : M. Cretton. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Thierry Sticher, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Caisse de chômage du canton de Berne, 
Lagerhausweg 10, 3018 Berne, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-chômage (libération des conditions pour la période de cotisation; incapacité de travail), 
 
recours contre le jugement du Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, du 1er avril 2019 (200.2018.196.AC). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________, né en 1964, a travaillé à plein temps pour le compte de B.________ SA à partir du 1 er mai 2014. Il exerçait la fonction de directeur. Il a été licencié le 29 octobre 2015 pour le 29 février 2016. La fin des rapports de travail a toutefois été reportée au 31 août 2016 en raison d'un arrêt maladie. La capacité de travail médicalement attestée était nulle entre les 15 janvier 2016 et 31 juillet 2017; elle a ensuite été de 20 % jusqu'au 30 septembre 2017 puis de 50 % jusqu'au 31 décembre 2017.  
L'assuré s'est inscrit auprès de l'Office régional de placement du Jura bernois (ORP) le 27 septembre 2017. Il a déposé une demande d'indemnité de chômage le 30 octobre 2017, requérant le versement de cette indemnité depuis le 1 er septembre 2017.  
Par décision du 1 er décembre 2017, confirmée sur opposition le 2 février 2018, la Caisse de chômage du canton de Berne (ci-après: la caisse) a nié le droit de l'intéressé à l'indemnité de chômage au motif qu'il ne remplissait ni les conditions relatives à la période de cotisation ni celles pour en être libéré.  
 
B.   
Saisie d'un recours d'A.________, la Cour des affaires de langue française du Tribunal administratif du canton de Berne l'a rejeté par jugement du 1 er avril 2019.  
 
C.   
L'assuré a formé un recours en matière de droit public contre ce jugement. Il en sollicite l'annulation et conclut à la reconnaissance de son droit à des indemnités dès la date de son inscription au chômage dans la mesure où il remplissait les conditions pour être libéré de la période de cotisation. 
La juridiction cantonale a présenté des observations sur l'évolution de la capacité de travail de l'intéressé et a renvoyé à son jugement pour le surplus. La caisse et le Secrétariat d'Etat à l'économie ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let d. LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.   
Le recours en matière de droit public peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), que le Tribunal fédéral applique d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Eu égard toutefois à l'exigence de motivation que pose l'art. 42 al. 2 LTF sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine d'ordinaire que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 144 V 173 consid. 1.2 p. 175 et les références). Le recourant peut critiquer la constatation des faits qui ont une incidence sur le sort du litige seulement s'ils ont été établis en violation du droit ou de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF), c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 143 I 310 consid. 2.2 p. 313). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l'autorité n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, si elle ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision ou lorsqu'elle tire des constatations insoutenables des éléments recueillis (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62). 
 
3.  
 
3.1. Le litige porte sur le droit du recourant à des indemnités de chômage, singulièrement, compte tenu des motifs et des conclusions du recours (art. 107 al. 1 LTF), sur le point de savoir si l'assuré doit être libéré des conditions relatives à la période de cotisation eu égard à l'évolution de sa capacité de travail. L'assuré conteste céans le jugement cantonal uniquement en tant qu'il nie la réalisation des conditions de l'art. 14 al. 1 let. b LACI.  
 
3.2. Selon l'art. 8 al. 1 let. e LACI, l'assuré a droit à l'indemnité de chômage s'il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré (art. 13 et 14 LACI). Aux termes de l'art. 13 al. 1 LACI, celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3 LACI), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation. Selon l'art. 14 al. 1 let. c LACI, sont libérés des conditions relatives à la période de cotisation les personnes qui, dans les limites du délai-cadre (art. 9 al. 3 LACI) et pendant plus de douze mois au total, n'étaient pas parties à un rapport de travail et, partant, n'ont pu remplir les conditions relatives à la période de cotisation en raison notamment d'une maladie (art. 3 LPGA). Selon la jurisprudence, il doit exister un lien de causalité entre le motif de libération invoqué et l'absence de période de cotisation. Par ailleurs, l'empêchement doit avoir duré plus de douze mois. En effet, en cas d'empêchement de plus courte durée, il reste assez de temps à la personne assurée, pendant le délai-cadre de deux ans, pour exercer une activité d'une durée de cotisation suffisante. Comme la période de cotisation des personnes occupées à plein temps (art. 11 al. 4, première phrase, OACI), la causalité requise n'est de plus donnée que si, pour l'un des motifs énumérés à l'art. 14 al. 1 let. a-c LACI, il n'était ni possible, ni exigible de la part de la personne assurée, d'exercer une activité à temps partiel (ATF 141 V 625 consid. 2 p. 627; 141 V 674 consid. 4.3.1 p. 678 s.; 139 V 37 consid. 5.1 p. 38 s.).  
 
3.3. Les premiers juges ont d'abord considéré que le recourant n'avait pas droit à l'indemnité de chômage dans la mesure où il ne remplissait pas les conditions relatives à la période de cotisation (exercice durant cette période d'une activité soumise à cotisation pendant douze mois au moins), ce qui n'était du reste pas contesté. Sur ce point, elle a en particulier exclu que les informations transmises par l'ORP à l'assuré (en relation avec le classement de sa première demande d'inscription au chômage en raison de son incapacité de travail ainsi qu'avec les répercussions de la date d'inscription au chômage sur la période de cotisation et le droit aux prestations) soient constitutives d'une violation du devoir de renseigner ou du principe de la bonne foi justifiant malgré tout l'attribution de l'indemnité requise, ce qui n'est pas contesté devant le Tribunal fédéral. Elle a enfin considéré que le recourant ne pouvait pas prétendre à l'indemnité de chômage sur la base d'une libération des conditions relatives à la période de cotisation dès lors que le recouvrement d'une capacité résiduelle de travail de 20 % à partir du 1 er août 2017 avait empêché la réalisation de la condition de l'absence de rapports de travail pour raisons médicales pendant plus de douze mois durant le délai-cadre de cotisation.  
 
4.  
 
4.1. Le recourant considère d'abord comme manifestement erronée la constatation du tribunal cantonal selon laquelle sa capacité de travail était de 20 % du 1 er août au 30 septembre 2017. Il soutient que cette constatation ne serait pas conforme à la réalité dès lors qu'il avait produit en instance cantonale des certificats médicaux attestant qu'il avait recouvré une capacité de travail de 50 % dès le 1 er octobre 2017 puis de 100 % dès le 1 er décembre 2017. Il est d'avis que la rectification de l'état de fait dans le sens requis serait de nature à influer sur le sort de la cause dans la mesure où l'évolution de sa capacité de travail serait utile à l'appréciation concrète de sa capacité à cotiser.  
 
4.2. Ce grief est infondé. On ne saurait partager le point de vue du recourant quant à l'influence de la rectification réclamée sur l'issue du litige. En effet, le raisonnement de la juridiction cantonale a consisté à nier le lien de causalité entre l'absence de cotisation durant plus de douze mois pendant le délai-cadre de cotisation et l'incapacité de travail due à la maladie, en raison du recouvrement d'une capacité de travail de 20 % avant que la période de douze mois d'incapacité totale de travail se soit écoulée. Il ressort du jugement entrepris que les premiers juges étaient conscients de l'amélioration progressive de la capacité de travail de l'assuré à partir du 1 er août 2017. Il n'ont cependant pas jugé nécessaire d'établir précisément cette progression dès lors qu'une capacité de travail de 20 % suffisait déjà à rendre exigible la reprise à temps partiel d'une activité soumise à cotisation. La constatation d'une augmentation rapide de la capacité de travail à 50 % puis à 100 % ne peut donc rien changer quant à l'exigibilité de la reprise mentionnée depuis le 1 er août 2017 et, partant, quant à la négation de la libération des conditions relatives à la période de cotisation.  
 
5.  
 
5.1. Le recourant reproche ensuite au tribunal cantonal d'avoir constaté qu'un assuré disposant d'une capacité de travail de 20 % était apte à cotiser à l'assurance-chômage et sortait ainsi du cadre de l'art. 14 LACI. Il soutient que cette approche serait trop schématique et qu'il conviendrait de procéder à un examen concret qui consisterait à déterminer sans se référer à un taux limite de capacité de travail s'il est possible et raisonnable d'exiger d'une personne qui dispose d'une capacité de travail très partielle qu'elle exerce une activité soumise à cotisation. Il prétend que, dans son cas particulier, il ne lui était pas possible d'exploiter sa capacité résiduelle de travail de 20 % dans une activité soumise à cotisation dès lors que cette capacité n'était valable que pour une courte période de deux mois, inscrite de surcroît dans un processus de reprise du travail à temps complet, qu'aucun employeur n'aurait accepté de l'engager pour une si brève période à un taux si bas, qu'une telle activité n'aurait pas pu être qualifiée de convenable au sens de l'art. 16 al. 2 let. b à d LACI et que d'autres circonstances étaient susceptibles de restreindre les possibilités d'embauche.  
 
5.2. Cette argumentation n'est pas fondée. En effet, l'existence d'une capacité de travail de 20 % n'est pas contestée par les parties. Or le Tribunal fédéral a déjà statué dans une situation analogue. Il a en substance considéré que l'assuré qui disposait d'une telle capacité de travail durant le délai-cadre de cotisation pouvait être partie à un rapport de travail (et obtenir ainsi un salaire déterminant [soumis à cotisation] au sens de l'art. 5. LAVS) susceptible d'interrompre le lien de causalité entre l'absence de cotisation durant plus de douze mois et l'incapacité de travail due à la maladie et, par conséquent, d'empêcher l'application de l'art. 14 LACI (arrêt 8C_516/2012 du 28 février 2013 consid. 6.2 et les références), tout comme en l'occurrence. Contrairement à ce que soutient l'assuré, cette approche - sur laquelle s'est fondée la juridiction cantonale - n'est pas schématique mais concrète dans la mesure où elle a été élaborée dans un cas particulier. On ajoutera que, du moment que les médecins attestent une capacité de travail, cela signifie que la personne concernée peut concrètement la mettre en valeur sur le marché du travail (arrêt 8C_516/2012 précité consid. 6.2.2 in limine). On précisera encore qu'une capacité résiduelle de travail de 20 % n'est pas insignifiante dès lors qu'elle représente une journée complète de travail et qu'elle est de surcroît significative dans le cadre de la détermination de l'aptitude au placement (art. 5 OACI en relation avec les art. 8 al. 1 let. f et 15 al. 1 LACI; arrêt 8C_516/2012 précité consid. 6.2.2.1 in limine). Le fait que cette capacité corresponde à une brève période n'est d'aucune utilité au recourant dans la mesure où, justement, cette brève période s'inscrit dans un processus de reprise du travail à temps complet. Il ne s'agit effectivement pas d'une capacité passagère qui démontrerait une reprise infructueuse du travail en raison d'une appréciation erronée de l'incidence de la maladie sur la capacité de travail mais, selon les mots mêmes du recourant, "d'une courte phase sur le chemin d'une reprise du travail complète". Il n'y a par ailleurs pas lieu d'entrer en matière sur les autres arguments soulevés par l'assuré dès lors qu'il se borne à alléguer qu'aucun employeur n'aurait accepté de l'engager dans ces conditions, qu'un tel emploi n'aurait de toute façon pas été convenable au sens de l'art. 16 LACI et que d'autres circonstances étaient susceptibles d'entraver les possibilités d'embauche, sans invoquer le moindre élément concret qui établirait que tel aurait bien été le cas en l'occurrence. Le Tribunal fédéral n'a en effet pas à entrer en matière sur de tels arguments appellatoires (cf. ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 265 ss et les références).  
 
6.  
 
6.1. Le recourant soutient subsidiairement que si son argumentation principale ne devait pas être retenue, il faudrait fixer à plus de 20 % - et non à 20 % comme en l'espèce - le taux permettant d'exiger l'exercice à temps partiel d'une activité soumise à cotisation au sens des art. 13 et 14 LACI, conformément à ce que préconise un auteur (BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n° 25 ad art. 14 LACI).  
 
6.2. Cet argument n'est pas davantage fondé que le précédent. Les premiers juges ont pris position sur cette question en rappelant que, selon le Tribunal fédéral, un taux de 20 % ne pouvait pas être ignoré dans le contexte de l'art. 14 LACI (arrêt 8C_516/2012 du 28 février 2013 consid. 6.2.2) et que l'avis de Boris Rubin était isolé et exprimé de façon retenue. L'assuré n'avance aucun élément pertinent qui remettrait en cause ces considérations. Le seul fait que la jurisprudence fédérale citée ne soit pas publiée au recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral suisse ne change rien à la valeur de son contenu. On précisera au surplus que l'arrêt 8C_516/2012 mentionné établit un parallèle entre aptitude au placement et capacité de travail permettant d'exiger d'un assuré qu'il exerce à temps partiel une activité soumise à cotisation. Or une personne est apte au placement en particulier lorsqu'elle est en situation d'accepter un travail convenable à un taux d'occupation d'au moins 20 % ou, en d'autres termes, déjà lorsque sa capacité de travail est équivalente à 20 %.  
 
7.   
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté. Vu l'issue du litige, les frais judiciaires seront mis à la charge de l'assuré (art. 66 al. 1 LTF). La caisse intimée n'a pas droit à des dépens même si elle obtient gain de cause (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, et au Secrétariat d'Etat à l'économie. 
 
 
Lucerne, le 5 mai 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Maillard 
 
Le Greffier : Cretton