Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_13/2021  
 
 
Arrêt du 6 septembre 2021  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Maillard, Président, Heine, Wirthlin, Viscione et Abrecht. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
Mutuel Assurances SA, 
Service juridique, rue des Cèdres 5, 1920 Martigny, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
représenté par Me François Roux, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-accidents (lésion corporelle assimilée à un accident; lien de causalité), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 10 novembre 2020 (AA 17/20 - 173/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________ est employé par B.________ en qualité d'enseignant en éducation physique. Il est à ce titre assuré obligatoirement contre le risque d'accident auprès de Mutuel Assurances SA (ci-après: Mutuel). Le 4 mai 2019, il a ressenti une violente douleur derrière le pied droit, alors qu'il présentait un exercice dans le cadre d'un stage d'entraînement de gardiens de but de football, qui se déroulait à C.________. Il s'est rendu aux urgences de l'hôpital D.________, où le diagnostic de rupture du tendon d'Achille droit a été posé. Dans un rapport du 8 mai 2019, le docteur E.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, a fait état d'une rupture complète du tendon d'Achille droit, confirmée par une IRM (imagerie par résonance magnétique) effectuée le 10 mai 2019. Le même jour, l'intéressé a subi un examen par ultrasons, qui a mis en évidence une rupture subtotale du tendon d'Achille droit. Ensuite de l'événement du 4 mai 2019, il s'est trouvé en incapacité totale de travail. Le docteur F.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et médecin-conseil de Mutuel, a relevé dans un formulaire rempli le 30 juillet 2019 que l'assuré souffrait d'une déchirure partielle du tendon d'Achille sur fond dégénératif.  
 
A.b. Par décision du 9 août 2019, Mutuel a refusé d'allouer des prestations à l'assuré, au motif que l'événement du 4 mai 2019 ne pouvait pas être qualifié d'accident et qu'il n'avait pas occasionné une lésion corporelle assimilée à un accident. Saisie d'une opposition, Mutuel a sollicité un avis médical du docteur F.________, lequel a rendu son rapport le 23 novembre 2019. Par décision sur opposition du 20 janvier 2020, l'assureur a confirmé sa décision du 9 août 2019. Se fondant sur le rapport précité du docteur F.________, il a considéré que la rupture du tendon d'Achille présentée par l'assuré s'inscrivait, au degré de la vraisemblance prépondérante, dans un processus dégénératif prépondérant.  
 
B.  
Par arrêt du 10 novembre 2020, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud a admis le recours formé contre la décision sur opposition, a annulé celle-ci et a renvoyé la cause à Mutuel pour qu'elle prenne en charge les suites de la déchirure du tendon d'Achille survenue le 4 mai 2019. Dans le cadre de la procédure de recours ayant conduit à cet arrêt, l'assuré a produit un rapport du docteur E.________ du 21 février 2020, et Mutuel un rapport complémentaire du docteur F.________ du 18 avril 2020. 
 
C.  
Mutuel interjette un recours en matière de droit public contre l'arrêt du 10 novembre 2020, en concluant à sa réforme dans le sens de la confirmation de sa décision sur opposition du 20 janvier 2020. 
L'intimé conclut au rejet du recours. La cour cantonale et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Bien que le dispositif de l'arrêt entrepris renvoie la cause à la recourante, il ne s'agit pas d'une décision incidente au sens de l'art. 93 LTF, car l'autorité précédente a statué définitivement sur les points contestés et la recourante ne dispose plus d'aucune marge de manoeuvre (cf. ATF 144 V 280 consid. 1.2; 140 V 321 consid. 3.2). Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF), le recours est dès lors recevable.  
 
1.2. Le litige porte sur le point de savoir si la juridiction cantonale a violé le droit fédéral en reconnaissant le droit de l'intimé à des prestations de la recourante pour les suites de l'événement du 4 mai 2019.  
Les prestations en question pouvant être en espèces (cf. art. 15 ss LAA) et en nature (cf. art. 10 ss LAA), le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (cf. art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF) en ce qui concerne les faits communs aux deux types de prestations (cf. arrêt 8C_416/2019 du 15 juillet 2020 consid. 2 et les références). 
 
2.  
 
2.1. Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Au termes de l'art. 6 al. 2 LAA (dans sa teneur en vigueur depuis le 1 er janvier 2017), l'assurance-accidents alloue aussi ses prestations pour certaines lésions corporelles, parmi lesquelles les déchirures de tendons (cf. let. f), pour autant qu'elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie.  
 
2.2. Selon la jurisprudence récente du Tribunal fédéral (ATF 146 V 51), lorsqu'une lésion corporelle comprise dans la liste énumérée à l'art. 6 al. 2 LAA est diagnostiquée, l'assureur-accidents est tenu à prestations aussi longtemps qu'il n'apporte pas la preuve libératoire que cette lésion est due de manière prépondérante, c'est-à-dire à plus de 50 % de tous les facteurs en cause, à l'usure ou à une maladie (cf. consid. 8.2.2.1 et 8.3). En effet, contrairement à ce qui prévalait en matière de lésions corporelles assimilées à un accident sous l'empire de l'ancien droit (cf. art. 6 al. 2 LAA et art. 9 al. 2 OLAA [RS 832.202] dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016), l'octroi de prestations sur la base de l'art. 6 al. 2 LAA (dans sa teneur en vigueur depuis le 1 er janvier 2017) ne suppose plus que les conditions constitutives de la notion d'accident (cf. art. 4 LPGA [RS 830.1]) soient réalisées, à la seule exception du caractère "extraordinaire" de la cause extérieure. Le seul fait que l'on soit en présence d'une lésion corporelle comprise dans la liste énumérée à l'art. 6 al. 2 LAA entraîne la présomption qu'il s'agit d'une lésion corporelle assimilée à un accident, qui doit être prise en charge par l'assureur-accidents. Celui-ci est dès lors tenu de prester aussi longtemps qu'il n'apporte pas la preuve, en s'appuyant sur des avis médicaux probants, que cette lésion est due de manière prépondérante à l'usure ou à la maladie (cf. consid. 8.6).  
 
3.  
 
3.1. En l'espèce, la cour cantonale a retenu que l'intimé avait fait le 4 mai 2019 la démonstration d'un exercice de sauts à la corde, suivi d'un démarrage en course, et qu'il avait ressenti une vive douleur au moment dudit démarrage. Cette lésion avait eu lieu dans un contexte sportif et aucune pièce au dossier ne faisait état d'un mouvement imprévu ou involontaire au moment de la survenance de la douleur, de sorte que l'on ne pouvait pas conclure à l'existence d'un accident au sens de l'art. 4 LPGA.  
Examinant si la recourante était tenue de prester en vertu de l'art. 6 al. 2 LAA (dans sa teneur en vigueur depuis le 1 er janvier 2017), les juges cantonaux ont constaté que la déchirure du tendon s'était produite ensuite d'un événement clairement identifiable, à savoir un démarrage soudain lors d'un entraînement de football. Le docteur F.________ avait attribué la déchirure tendineuse pour plus de 50 % à une tendinopathie chronique, en se fondant sur les résultats de l'IRM pratiquée le 9 mai 2019 (recte: 10 mai 2019) par le docteur G.________, spécialiste en radiologie, qui avait décrit une lésion subtotale du tendon d'Achille droit et un aspect remanié du reste du tendon "pouvant [...] évoquer une tendinopathie chronique préexistante". Constatant lui-même que l'IRM montrait un tendon épaissi de manière irrégulière, signe typique d'un contexte dégénératif, le docteur F.________ avait conclu à une déchirure partielle sur fond de dégénérescence. Ce médecin avait relevé que le cadre dégénératif était "prépondérant", sans toutefois motiver son appréciation. Après s'être référée à des extraits issus de la littérature médicale sur la tendinopathie chronique, l'instance précédente a retenu que le constat d'état remanié du tendon d'Achille, qui plaidait en faveur d'une atteinte relativement avancée dudit tendon, n'était pas remis en cause par l'avis du docteur E.________, qui avait déclaré ne pas pouvoir affirmer avec certitude que la rupture du tendon s'était produite sur une tendinopathie chronique. Cela étant, aucune pièce au dossier n'indiquait que l'intimé avait présenté des signes cliniques d'une telle affection avant l'événement du 4 mai 2019, de sorte que la qualification des atteintes préexistantes de tendinopathie chronique par le docteur F.________ paraissait excessive. A tout le moins, le fait que de telles atteintes aient pu favoriser une déchirure aiguë du tendon d'Achille ne suffisait pas à considérer qu'elles en avaient constitué la cause prépondérante. Par ailleurs, au vu de la littérature médicale relative à la déchirure aiguë du tendon d'Achille, les circonstances de l'événement du 4 mai 2019 (démarrage brusque avec changement de direction, contraction explosive du triceps sural évoquée par le docteur E.________, ainsi que douleur et claquement ressentis par l'intimé avec perte de fonction immédiate) étaient typiques d'une telle déchirure aiguë. Dans ce contexte, rien ne permettait de considérer que les facteurs dégénératifs préexistants ayant pu favoriser la lésion avaient, au degré de la vraisemblance prépondérante, joué un rôle causal prépondérant dans son apparition, par rapport au démarrage brusque effectué par l'intimé.  
 
3.2. La recourante reproche aux premiers juges d'avoir violé le droit fédéral en considérant qu'elle était tenue, sur la base de l'art. 6 al. 2 LAA, d'allouer des prestations à l'intimé pour la déchirure tendineuse subie le 4 mai 2019. Le docteur F.________ aurait fait état d'un tendon avec un aspect dégénératif préexistant prépondérant et aurait motivé son appréciation. Dans son rapport complémentaire du 18 avril 2020, il aurait répondu de manière convaincante aux arguments avancés par le docteur E.________. En outre, ses conclusions rejoindraient celles du docteur G.________ et aucun autre avis médical ne viendrait sérieusement les contredire. Son appréciation aurait ainsi une pleine valeur probante. Par ailleurs, la juridiction cantonale aurait procédé à tort à une analyse médicale, en se référant à une étude qui n'aurait jamais été mentionnée dans le cadre de la procédure cantonale. Ce faisant, elle se serait substituée au médecin, au lieu d'apprécier les seules pièces médicales au dossier. Si ces pièces ne leur permettaient pas de statuer, les juges cantonaux auraient dû ordonner une expertise médicale ou renvoyer la cause à la recourante en vue d'une telle expertise.  
 
3.3. Il n'est pas contesté que l'intimé a subi une déchirure du tendon, qui fait partie des lésions corporelles visées par l'art. 6 al. 2 LAA. Dans son rapport du 23 novembre 2019, le docteur F.________ s'est spécifiquement référé à cette disposition. Il a retenu que l'intimé avait subi une déchirure partielle du tendon d'Achille droit, qui s'intégrait dans un cadre dégénératif préexistant prépondérant sous la forme d'une tendinopathie achilléenne chronique. Il a motivé son appréciation en se référant aux clichés de l'IRM du 10 mai 2019, lesquels mettaient en évidence un petit hématome adjacent à la rupture intra-tendineuse et un reste de tendon pas uniquement hétérogène, mais épaissi de manière irrégulière. Ce tableau reflétait typiquement un contexte dégénératif et ne correspondait pas, "avec une certaine haute vraisemblance", à une "solution de continuité abrupte d'un tendon sur tendon sain". Le docteur F.________ mentionnait également les conclusions du docteur G.________, qui avait diagnostiqué une lésion subtotale du tendon et avait noté un aspect remanié du reste du tendon, qui pouvait évoquer une tendinopathie chronique préexistante.  
Le docteur E.________ a lui aussi diagnostiqué une rupture subtotale du tendon. Sans se référer à l'art. 6 al. 2 LAA, il a toutefois indiqué ne pas pouvoir affirmer avec certitude que la rupture aiguë du tendon s'était produite sur une tendinopathie chronique, sans pour autant exclure une telle pathologie. Il a expliqué que l'intimé n'avait jamais fait état de signes cliniques d'une tendinopathie chronique (douleur ou gêne du tendon) avant l'événement du 4 mai 2019, qu'une rupture aiguë montrait toujours une lacération du tendon et jamais une rupture nette (sauf en cas de section par objet contondant), et que l'IRM n'avait pas montré de calcification qui serait un signe clair et indiscutable de tendinopathie chronique. 
 
3.4. Même en admettant, sur la base des avis médicaux du docteur F.________, que la déchirure aiguë du tendon d'Achille droit de l'intimé survenue le 4 mai 2019 lors de son brusque démarrage en course s'est produite sur fond de tendinopathie achilléenne chronique préexistante (asymptomatique), force est de constater que l'affirmation de ce médecin selon laquelle la lésion en cause serait due de manière prépondérante à un processus dégénératif n'est aucunement étayée sur le plan médical. Or c'est à la recourante qu'incombe le fardeau de la preuve libératoire que la lésion est due de manière prépondérante - soit à plus de 50 % de tous les autres facteurs en cause - à l'usure ou à la maladie. Dans cette optique, elle avait l'obligation d'instruire d'office les éléments médicaux déterminants pour la résolution du cas (art. 43 al. 1 LPGA) et ne pouvait pas se contenter des avis médicaux insuffisamment motivés de son médecin-conseil - qui ne sauraient constituer une preuve libératoire au sens de la jurisprudence - pour refuser la prise en charge de l'atteinte à la santé de l'intimé. L'avis succinct du docteur E.________, lequel n'a pas constaté mais n'a pas non plus exclu définitivement une tendinopathie chronique préexistante, ne permet pas à l'inverse d'exclure à lui seul une lésion causée de manière prépondérante par une telle affection.  
Les avis médicaux au dossier ne permettent donc pas de trancher le point de savoir si la déchirure du tendon d'Achille droit subie par l'intimé le 4 mai 2019 est due de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie, sous la forme d'une tendinopathie chronique préexistante. Dans ces conditions et malgré la présomption de l'art. 6 al. 2 LAA, la cour cantonale n'était pas fondée à imposer à la recourante la prise en charge des suites de cette affection sans ordonner une expertise indépendante et en procédant de surcroît elle-même à des constatations et des analyses d'ordre médical ne figurant pas dans les différents avis médicaux au dossier. 
Il s'impose donc de renvoyer la cause à la recourante pour qu'elle mette en oeuvre une expertise médicale au sens de l'art. 44 LPGA (cf. dans ce sens arrêts 8C_382/2020 du 3 décembre 2020 consid. 6.3 et 6.4; 8C_618/2019 du 18 février 2020 consid. 8.2; 8C_267/2019 du 30 octobre 2019 consid. 7.2.2). Si l'expert désigné n'arrive pas à la conclusion motivée et convaincante que la lésion de l'intimé est due de manière prépondérante à l'usure ou à la maladie, il appartiendra alors à la recourante de prendre en charge les suites de l'atteinte à la santé de l'intimé. 
 
4.  
Il s'ensuit que le recours doit être partiellement admis au sens des considérants, avec pour conséquence l'annulation de l'arrêt cantonal et de la décision sur opposition du 20 janvier 2020. La cause sera renvoyée à la recourante pour instruction complémentaire sous la forme d'une expertise médicale indépendante. Après quoi, la recourante rendra une nouvelle décision sur le droit de l'intimé à des prestations pour les suites de l'événement du 4 mai 2019. 
 
5.  
L'intimé, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). La cause sera renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure précédente (art. 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. L'arrêt de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 10 novembre 2020 et la décision sur opposition de Mutuel du 20 janvier 2020 sont annulés. La cause est renvoyée à Mutuel pour nouvelle décision. Pour le surplus, le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
La cause est renvoyée à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 6 septembre 2021 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Maillard 
 
Le Greffier : Ourny