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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_522/2019  
 
 
Arrêt du 7 avril 2020  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mme la juge Kiss, Présidente de la Cour. 
Greffier : M. Thélin. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Jean Louis Scenini, avocat, défenderesse et recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représentée par Mes Felix Mathis et Rinon Memeti, demanderesse et intimée. 
 
Objet 
procédure civile; cumul d'actions 
 
recours contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2019 par la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève 
(C/2949/2018-5, CAPH/155/2019) 
 
 
Considérant en fait et en droit :  
 
1.  
B.________ a semble-t-il travaillé au service de la société A.________ SA contre laquelle elle a ouvert action le 6 juillet 2018 devant le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève. Selon ses conclusions, la défenderesse doit être condamnée à payer 538'157 fr. en capital, dont 21'285 fr. à titre d'indemnité réclamée sur la base de la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes (loi sur l'égalité). 
La défenderesse a conclu au rejet de l'action. 
Elle a plus tard soulevé une exception d'irrecevabilité de la demande. Elle faisait valoir qu'à teneur de l'art. 243 al. 2 let. a CPC, la procédure civile simplifiée est applicable indépendamment de la valeur litigieuse aux litiges relevant de la loi sur l'égalité. La demande cumulait une action ainsi soumise à la procédure simplifiée, à hauteur de 21'285 fr., à une autre action soumise, elle, à la procédure ordinaire, or un pareil cumul est prohibé selon le libellé de l'art. 90 let. b CPC
Par un jugement incident du 25 février 2019, le tribunal a rejeté cette exception et admis le cumul d'actions. 
La Chambre des prud'hommes de la Cour de justice a statué le 19 septembre 2019 sur l'appel de la défenderesse; elle a confirmé le jugement. 
 
2.  
Agissant par la voie du recours en matière civile, la défenderesse requiert le Tribunal fédéral de déclarer irrecevable la demande en justice introduite le 6 juillet 2018. 
 
3.  
Selon l'art. 90 LTF, le recours au Tribunal fédéral n'est en principe recevable que contre les décisions qui mettent fin à la procédure, dites décisions finales; un recours séparé contre des décisions préjudicielles ou incidentes, hormis celles portant sur la compétence ou la récusation visées par l'art. 92 LTF, n'est recevable qu'aux conditions spécifiques prévues par l'art. 93 LTF
Le jugement du 25 février 2019 n'a pas terminé l'instance introduite devant le Tribunal des prud'hommes; ce prononcé est au contraire incident aux termes de l'art. 93 al. 1 LTF. L'arrêt de la Cour de justice a terminé l'instance introduite devant cette autorité; néanmoins, parce que le recours à l'origine de ce prononcé était dirigé contre une décision incidente, l'arrêt revêt lui aussi le caractère d'une décision incidente selon l'art. 93 al. 1 LTF (ATF 142 III 653 consid. 1.1 p. 654/655; 137 III 380 consid. 1.1 p. 381/382). 
L'art. 93 al. 1 let. b LTF autorise le recours séparé contre une décision incidente lorsque le succès du recours peut conduire immédiatement à une décision finale et éviter ainsi une procédure probatoire longue et coûteuse. Selon la jurisprudence, et si cela n'est pas manifeste, il incombe à la partie recourante d'établir qu'une décision finale immédiate permettrait d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse; cette partie doit indiquer de manière détaillée, en particulier, quelles questions de fait sont encore litigieuses, et quelles preuves, déjà offertes ou requises, doivent encore être administrées, et en quoi celles-ci entraîneraient une procédure probatoire longue et coûteuse (ATF 133 III 629 consid. 2.4.2 p. 633; voir aussi ATF 142 V 26 consid. 1 p. 28; 138 III 46 consid. 1.2 p. 47). 
 
4.  
La défenderesse affirme qu'en l'espèce, une correcte application de l'art. 90 let. b CPC doit entraîner l'irrecevabilité de la demande en justice et ainsi mettre fin au procès. 
Un jugement d'irrecevabilité complète de la demande en justice, en cas de cumul d'actions contraire à l'art. 90 let. a ou b CPC, est certes préconisé dans trois contributions doctrinales; les auteurs n'expliquent cependant pas pourquoi une solution éventuellement moins rigoureuse devrait être exclue (Florian Mohs, in Myriam Gehri et al., ZPO Kommentar, 2e éd., n° 1d ad art. 90 CPC; Francesco Trezzini, in Commentario pratico al Codice di diritto processuale civile svizzero, 2e éd., n° 6 ad art. 90 CPC; Alexander Zürcher, in Thomas Sutter-Somm et al., Kommentar zur schweizerischen Zivilprozessordnung, 3e éd., n° 77 ad art. 59 CPC). Selon les autres contributions qui abordent le sujet, plus nombreuses, un cumul d'actions contraire aux conditions de l'art. 90 CPC n'entraîne qu'une irrecevabilité partielle de la demande en justice, limitée aux conclusions qui ne ressortissent pas au tribunal saisi (Laurent Grobéty, Le cumul objectif d'actions en procédure civile suisse, 2018, nos 495 et 496; Balthasar Bessenich et Lukas Bopp, in Thomas Sutter-Somm et al., op. cit., n° 10 ad art. 90 CPC; Samuel Klaus, in Commentaire bâlois, 3e éd., n° 35 ad art. 90 CPC; Alexander Markus, in Commentaire bernois, 2012, n° 9 ad art. 90 CPC; François Bohnet, in Commentaire romand, 2e éd., n° 11 ad art. 90 CPC). Il est par ailleurs enseigné que le tribunal saisi peut même d'office ordonner une disjonction de causes selon l'art. 125 let b CPC lorsque le cumul d'action répond certes aux conditions de l'art. 90 CPC, mais se révèle inopportun du point de vue d'une conduite rapide et efficace du procès (Grobéty, op. cit., n° 510; Markus, op. cit., n° 3 ad art. 90 CPC; Bohnet, ibid.; Trezzini, op. cit., n° 4 ad art. 90 CPC). 
Un formalisme excessif, contraire à l'art. 29 al. 1 Cst., peut se manifester dans la règle de comportement qui est imposée au plaideur, ou dans la sanction qui est attachée à cette règle (ATF 132 I 249, ibid.; 125 I 166 consid. 3a p. 170; 121 I 177 consid. 2b/aa p. 179). 
Dans le canton de Genève, les litiges à résoudre selon les règles du contrat de travail ou de la loi sur l'égalité ressortissent indistinctement au Tribunal des prud'hommes (art. 1 al. 1 let. a et h de la loi sur le Tribunal des prud'hommes, du 11 février 2010; art. 11 de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile, du 11 octobre 2012). Ce tribunal est donc compétent pour connaître des deux actions dont le cumul est présentement litigieux. A supposer que ce cumul doive être jugé contraire à l'art. 90 let. b CPC, une disjonction de ces actions serait à première vue une solution adéquate, propre à remédier à l'irrégularité, et exempte de formalisme excessif. Aucune des contributions doctrinales ci-rapportées n'explique pourquoi cette solution devrait être exclue. On ne discerne pas, et la défenderesse n'expose pas en quoi il serait nécessaire d'adopter une mesure plus rigoureuse, consistant dans un jugement d'irrecevabilité même seulement partielle de la demande en justice. A plus forte raison, un jugement d'irrecevabilité totale consacrerait de toute évidence un formalisme excessif. 
Dans ces conditions, la défenderesse affirme à tort qu'une correcte application de l'art. 90 let. b CPC doit entraîner l'irrecevabilité de la demande en justice et ainsi mettre fin au procès. Au contraire, le recours en matière civile est inapte à provoquer une décision finale; pour ce motif déjà, il est irrecevable au regard de l'art. 93 al. 1 let. b LTF
 
5.  
A titre de partie qui succombe, la défenderesse doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral. 
 
 
Par ces motifs, vu l'art. 108 al. 1 let. a LTF, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
La défenderesse acquittera un émolument judiciaire de 1'000 francs. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 7 avril 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La présidente : Kiss 
 
Le greffier : Thélin