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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
8C_724/2021  
 
 
Arrêt du 8 juin 2022  
 
Ire Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Wirthlin, Président, Heine et Abrecht. 
Greffière : Mme Betschart. 
 
Participants à la procédure 
Helsana Accidents SA, 
avenue de Provence 15, 1007 Lausanne, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-accidents, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 27 septembre 2021 (A/205/2021 ATAS/1003/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1988, travaille comme Senior Trader pour B.________ SA depuis le 1er juin 2018 et est assuré à ce titre auprès de Helsana Accidents SA (ci-après: Helsana) contre le risque d'accidents. Le 13 août 2019, il a été victime d'un accident en se tordant le genou gauche lors d'un cours de jiu-jitsu. Le 19 août 2019, une imagerie par résonance magnétique (IRM) des deux genoux a été pratiquée, qui a révélé pour l'essentiel une fissuration profonde et irrégulière du cartilage de la facette rotulienne interne ainsi qu'une fissure profonde et focale du cartilage de la crête de la rotule, au genou gauche, tandis que le genou droit n'a montré qu'une érosion superficielle du cartilage de la facette rotulienne interne. Le 16 octobre 2019, Helsana a provisoirement refusé de garantir la prise en charge des coûts d'une hospitalisation (arthroscopie du genou). Le médecin traitant, le docteur C.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie, a attesté d'un trauma en valgus au genou gauche, nécessitant une réparation par arthroscopie qui aurait dû être effectuée le 29 octobre 2019.  
 
A.b. Le 17 octobre 2019, A.________ a informé Helsana que c'était le docteur C.________ qui avait réclamé l'IRM des deux genoux, mais que son genou droit n'avait pas besoin de soins et qu'il avait requis un second avis médical du docteur D.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur. Ce dernier a diagnostiqué une entorse du ligament collatéral médial (LCM = ligament latéral interne [LLI]) au genou gauche, nécessitant un traitement conservateur et a adressé l'assuré au docteur E.________, spécialiste en médecine physique et réadaptation. Dans son rapport du 20 janvier 2020, ce praticien a attesté d'une fracture chondrale de la rotule gauche, nécessitant de la physiothérapie.  
 
A.c. Le docteur F.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et médecin-conseil de l'assurance, a retenu dans son rapport du 21 octobre 2019 un diagnostic d'entorse du LLI à gauche en voie de guérison ainsi qu'un état antérieur, soit une chondropathie fémoro-patellaire des deux côtés; l'accident avait entraîné une aggravation passagère et le statu quo sine vel ante était atteint selon le rapport médical du docteur D.________. Le 25 août 2020, le docteur F.________ a répété son avis, retenant que la seule lésion traumatique était une entorse mineure sans déchirure significative du LCM, que, contrairement à l'avis du docteur E.________, il n'y avait jamais eu de fracture chondrale patellaire gauche mais un état antérieur d'arthrose relativement marquée fémoro-patellaire à gauche (et débutante à droite) et que le statu quo sine avait été atteint au plus tard au 20 janvier 2020 (date du rapport du docteur E.________).  
 
A.d. Par décision du 6 octobre 2020, confirmée sur opposition le 11 décembre 2020, Helsana a mis fin aux prestations avec effet au 20 janvier 2020, sans réclamer la restitution des prestations réglées à tort.  
 
B.  
A.________ a formé un recours contre cette décision sur opposition auprès de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève. Au cours de la procédure, la Cour cantonale a demandé des renseignements auprès des docteurs E.________ (avis du 14 avril 2021), C.________ (avis du 9 avril 2021) et D.________ (avis du 21 mai 2021). Le docteur F.________ s'est déterminé sur ces rapports le 14 juin 2021. Par arrêt du 27 septembre 2021, la Cour cantonale a admis le recours et a réformé la décision sur opposition en ce sens que Helsana devait prendre en charge les suites de l'accident du 13 août 2019, dans le sens des considérants. 
 
C.  
Helsana interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant principalement à sa réforme dans le sens de la confirmation de la décision sur opposition du 11 décembre 2020. A titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause au Tribunal cantonal ou à elle-même pour complément d'instruction. 
A.________ conclut au rejet du recours. Le Tribunal cantonal et l'Office fédéral de la santé publique ont renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable. 
 
2.  
 
2.1. Est litigieuse la question de savoir si la cour cantonale a violé le droit fédéral en obligeant la recourante à prendre en charge les troubles du genou gauche de l'intimé au-delà du 20 janvier 2020 au motif que ceux-ci étaient encore en relation de causalité naturelle avec l'évènement du 13 août 2019.  
 
2.2. Lorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF). Aussi, lorsque sont en jeu des prestations en espèces et en nature, comme c'est le cas ici, le Tribunal fédéral dispose-t-il d'un pouvoir d'examen étendu en ce qui concerne les faits communs aux deux types de prestations (arrêt 8C_490/2021 du 11 février 2022 consid. 2.2 et la référence).  
 
3.  
 
3.1. L'arrêt entrepris expose correctement les dispositions légales régissant le droit aux prestations de l'assurance-accidents (art. 6 al. 1 LAA; art. 4 LPGA) ainsi que les principes jurisprudentiels relatifs à la notion de causalité (ATF 142 V 435 consid. 1; 129 V 177 consid. 3.1), à l'appréciation des preuves et à la valeur probante des rapports médicaux (ATF135 V 465 consid. 4; 134 V 231 consid. 5.1; 125 V 351 consid. 3). Il suffit d'y renvoyer.  
 
3.2. On rappellera toutefois que le juge ne peut pas écarter un rapport médical au seul motif qu'il est établi par le médecin interne d'un assureur social, respectivement par le médecin traitant (ou l'expert privé) de la personne assurée, sans examiner autrement sa valeur probante. Lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même minimes quant à la fiabilité et à la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en oeuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 139 V 225 consid. 5.2; 135 V 465 consid. 4.7).  
 
4.  
 
4.1. L'IRM du 19 août 2019 a objectivé une fissuration profonde et irrégulière du cartilage de la facette rotulienne interne, s'étendant jusqu'à l'os sous-chondral et décollant le cartilage sur toute son épaisseur sur une zone de 7.5 mm ainsi qu'une fissure profonde et focale du cartilage de la crête de la rotule s'étendant quasiment jusqu'à l'os sous-chondral.  
 
4.1.1. La cour cantonale a constaté que ces fissures avaient été qualifiées de lésion cartilagineuse par le docteur D.________, de fracture chondrale par le docteur E.________ et de lésion focale du cartilage ou de fracture chondrale par le docteur C.________. En se référant à des sites internet (www.larousse.fr et www.orthopedie-pediatrique.be), elle a considéré que la fracture était définie comme la rupture d'un os ou d'un cartilage dur ou une solution de la continuité des os ou des cartilages, de sorte que la notion de fracture retenue par les docteurs E.________ et C.________ correspondait à la description des lésions objectivées à l'IRM du 19 août 2019.  
 
4.1.2. Dans ce contexte, la recourante rappelle qu'il n'appartient pas au juge de remettre en cause le diagnostic retenu par un médecin et de poser de son propre chef des conclusions qui relèvent de la science et des tâches du corps médical (arrêt 9C_719/2016 du 1er mai 2017 consid. 5.2.1; cf. arrêt 8C_549/2021 du 7 janvier 2022 consid. 7.1). C'est donc à juste titre qu'elle reproche aux juges cantonaux de ne pas s'être basés sur l'avis d'un expert, mais sur des sites internet (sans en vérifier l'exactitude) pour départager les appréciations médicaux divergents et de s'être ainsi érigés en spécialistes médicaux. Il ne s'agit ainsi pas d'un élément propre à mettre en doute la valeur probante des avis du docteur F.________.  
 
4.2.  
 
4.2.1. La cour cantonale a ensuite considéré qu'il était établi que l'intimé avait présenté, ensuite de l'accident du 13 août 2019, une entorse du LCM au genou gauche, avec présence d'un oedème ainsi qu'une lésion cartilagineuse de la rotule gauche. Cependant, les rapports du docteur F.________, sur lequel la recourante s'était fondée, ne répondaient pas aux réquisits pour que l'on puisse leur reconnaître une valeur probante, car ce praticien ne retenait qu'un diagnostic d'entorse sans se prononcer sur les fissures du cartilage objectivées à l'IRM du 19 août 2019. Il semblait uniquement évoquer une arthrose fémoro-patellaire à gauche et débutante à droite, sans expliquer pour quel motif les fissurations du cartilage, nettement plus marquées à gauche, soit sur le genou traumatisé, ne relèveraient pas du traumatisme. Le docteur F.________ n'avait pas non plus expliqué pour quel motif il s'écartait de l'avis des médecins traitants de l'intimé, qui avaient tous estimé que celui-ci présentait une lésion cartilagineuse post-traumatique de la rotule gauche. Au demeurant, la présence d'une lésion cartilagineuse importante au genou gauche, à la suite d'un traumatisme, avec apparition subite de douleurs persistantes, de surcroit limitée à une zone de 7.5 mm, alors que le genou droit ne présentait qu'une atteinte dégénérative mineure, permettait de conclure, sur la base des avis des trois médecins traitants et au degré de la vraisemblance prépondérante, à une origine accidentelle de la lésion. Une investigation médicale complémentaire n'apparaissait pas nécessaire, les aspects médicaux du cas étant suffisamment étayés et l'analyse de la causalité suffisamment probante.  
 
4.2.2. La recourante soutient qu'en retenant que le docteur F.________ n'a pas expliqué pour quels raisons il s'écartait des avis des médecins traitants, les juges cantonaux auraient procédé à une constatation des faits incomplète voire erronée, en ne prenant en compte que très partiellement le rapport du docteur F.________ du 14 juin 2021.  
D'une part, celui-ci aurait bien expliqué la différence entre une fracture et les fentes cartilagineuses. En effet, le docteur E.________ avait, dans son rapport du 14 avril 2021, confirmé son diagnostic de fracture chondrale, en ajoutant qu'une fracture, par définition, était une solution de continuité dans le cartilage, qu'une fissure constituait une solution de continuité et qu'il utilisait personnellement le terme de fracture qui devait être connu du docteur F.________. A ce propos, le docteur F.________ a répondu, dans son avis du 14 juin 2021, que le terme de fracture comme l'utilisait le docteur E.________ ne voulait pas dire qu'il s'agissait d'une lésion traumatique, puisqu'il considérait toutes les fentes cartilagineuses comme une fracture dès le moment où il existait une solution de continuité dans le cartilage. Or, dans le cadre d'une arthrose par usure et délamination, il y avait aussi une solution de continuité. 
D'autre part, la recourante met en exergue que le docteur F.________ a retenu, dans ce même rapport, qu'une fracture, quelle qu'elle fût, impliquait une réaction inflammatoire aigüe environnante importante et souvent une atteinte en miroir, ce qui n'était pas le cas dans le dossier. On ne trouvait qu'une réaction modérée ostéo-sous-chondrale classique dans le cadre de la fissuration du cartilage qui atteignait l'os; c'était le liquide articulaire qui provoquait cette réaction et cela confirmait un problème chronique. Alors même que cette explication ne paraît a priori pas dénuée de pertinence, force est de constater avec la recourante que les premiers juges n'en ont pas tenu compte dans leur raisonnement et ne l'ont même pas mentionnée dans l'arrêt attaqué. L'établissement des faits par la cour cantonale s'avère par conséquent lacunaire. 
 
4.2.3. Toutefois, la recourante ne peut pas être suivie lorsqu'elle prétend que l'appréciation du docteur F.________ l'emporterait. Comme les éléments mentionnés ci-dessus (voire le manque d'inflammation aigüe, l'absence d'atteinte en miroir et la réaction modérée ostéo-sous-chondrale) n'ont été introduits qu'en instance cantonale et n'ont été soumis ni aux médecins traitants ni à un expert médical, on ne peut rien déduire du fait allégué par la recourante qu'aucun médecin traitant ne les aurait contestés. A cela s'ajoute que les deux genoux de l'intimé (qui avait 31 ans au moment de l'accident) se présentaient d'une manière nettement différente quelques jours seulement après l'accident. Au surplus, le docteur C.________ a relevé que l'on ne pouvait pas parler d'arthrose du genou gauche en présence d'une lésion focale limité à une zone de 7.5 mm seulement, cette notion de traumatisme étant en outre renforcée par le fait que l'intimé avait été asymptomatique avant l'accident et avait ressenti une douleur subite et importante au moment de celui-ci et qu'une telle lésion chondrale, avec notamment un décollement, pouvait effectivement survenir lors d'un traumatisme. Cette argumentation contient certes des éléments d'un raisonnement de type " post hoc ergo propter hoc " et ne permettrait dès lors pas, à elle seule, à conclure à un lien de causalité (ATF 119 V 335 consid. 2b/bb; cf. 8C_586/2021 du 5 mai 2022 consid. 5.2.2). Cependant, ce praticien énonce suffisamment d'aspects (notamment la délimitation locale de la lésion) qui sont aptes, en combinaison avec les autres éléments, à soulever des doutes, pour le moins minimes, sur l'avis du docteur F.________, ce qui aurait dû amener la juridiction cantonale à mandater un expert médical indépendant ou à renvoyer la cause à la recourante pour compléter l'instruction.  
 
4.3. Vu les avis contradictoires et impossibles à départager sans connaissances médicales spécialisées concernant l'origine traumatique ou dégénérative de la lésion cartilagineuse au genou gauche, force est de constater que l'instruction de la cause ne permet pas de statuer sur le droit de l'intimé à des prestations d'assurance au-delà du 20 janvier 2020. Dans ces circonstances, il se justifie de renvoyer la cause aux premiers juges, en admission partielle du recours, pour qu'ils ordonnent une expertise médicale.  
 
5.  
En ce qui concerne la répartition des frais judiciaires et des dépens, le renvoi de la cause pour nouvel examen et décision revient à obtenir gain de cause au sens des art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF, indépendamment du fait qu'une conclusion ait ou non été formulée à cet égard, à titre principal ou subsidiaire (ATF 137 V 210 consid. 7.1; arrêt 8C_465/2017 du 12 janvier 2018 consid. 5, non publié in ATF 144 V 42). L'intimé, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). La recourante n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis. L'arrêt de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 27 septembre 2021 est annulé et la cause lui est renvoyée pour nouvelle décision. Pour le surplus, le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
 
Lucerne, le 8 juin 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Wirthlin 
 
La Greffière : Betschart