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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_663/2020  
 
 
Arrêt du 11 août 2021  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Bechaalany, Juge suppléante. 
Greffier : M. Bleicker. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Alexandre Lehmann, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, 
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité (rente d'invalidité), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 17 septembre 2020 (AI 54/20 - 319/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Titulaire d'un certificat fédéral de capacité (CFC) d'employée de commerce et d'un certificat d'assistante en gestion du personnel, A.________, née en janvier 1956, a travaillé comme gestionnaire de dossiers à 100 % auprès de l'hôpital B.________ depuis le 1 er septembre 1983. Après plusieurs arrêts de travail, notamment à 100 % depuis le 11 janvier 2017, elle a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité le 25 juillet 2017.  
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) a recueilli notamment l'avis des docteurs C.________, spécialiste en médecine interne générale et médecin traitant (du 27 octobre 2017), D.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie (du 23 octobre 2017 et du 25 septembre 2018), et E.________, spécialiste en médecine du travail (du 21 septembre et du 14 novembre 2017), puis mis en oeuvre une expertise auprès du Centre d'expertise médicale de Nyon (CEMed), complétée d'un examen neuropsychologique. Lors de l'évaluation consensuelle du 24 mars 2019, les docteurs F.________, spécialiste en neurologie, et G.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, ont diagnostiqué des troubles dépressifs récurrents (épisode actuel léger sans syndrome somatique), des troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation d'alcool (syndrome de dépendance, utilisation continue), une agoraphobie avec trouble panique, une personnalité évitante, une polyneuropathie sensitive des membres inférieurs, un éthylisme chronique, une hypertension artérielle, un emphysème et des lombalgies sans sciatalgies associées (mises en relation avec la présence d'une hernie discale). Selon les médecins, l'assurée présentait une capacité de travail nulle d'un point de vue psychique depuis le 11 janvier 2017; à compter du 26 septembre 2018, elle disposait d'une capacité de travail de 100 % dans son activité habituelle, avec la mise en place d'une aide au placement (rapport du 27 mars 2019). Par décision du 20 janvier 2020, l'office AI a octroyé à l'assurée une rente entière de l'assurance-invalidité du 1 er janvier 2018 au 31 décembre 2018.  
 
B.  
Statuant le 17 septembre 2020, le Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, a rejeté le recours formé par l'assurée et confirmé la décision rendue le 20 janvier 2020. 
 
C.  
A.________ forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont elle demande la réforme en ce sens qu'elle a droit à une rente entière de l'assurance-invalidité depuis le 1er janvier 2018. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour complément d'instruction. 
L'office AI conclut en substance au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales renonce à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière de droit public peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), que le Tribunal fédéral applique d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte (c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.; ATF 144 II 246 consid. 6.7; 143 I 310 consid. 2.2) ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente entière d'invalidité au-delà du 31 décembre 2018, étant rappelé que l'office AI l'a mise au bénéfice d'une telle rente du 1er janvier au 31 décembre 2018. A cet égard, l'arrêt entrepris expose de manière complète les normes et la jurisprudence nécessaires à la résolution du litige, en particulier celles concernant la notion d'invalidité (art. 4 al. 1 LAI) et son évaluation (art. 16 LPGA et art. 28a LAI). Il rappelle également la jurisprudence relative à l'évaluation de l'invalidité d'un assuré proche de l'âge de la retraite (ATF 138 V 457 consid. 3). Il suffit d'y renvoyer.  
 
2.2. On ajoutera aux considérations cantonales que le bien-fondé d'une décision d'octroi, à titre rétroactif, d'une rente limitée dans le temps doit être examiné à la lumière des conditions de révision du droit à la rente (cf. ATF 125 V 413 consid. 2d et les références). Aux termes de l'art. 17 al. 1 LPGA, si le taux d'invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d'office ou sur demande, révisée pour l'avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée.  
 
3.  
 
3.1. En se fondant sur les conclusions de l'expertise du CEMed, auxquelles elle a accordé pleine valeur probante, la juridiction cantonale a retenu que les troubles diagnostiqués n'avaient eu que des répercussions temporaires sur la capacité de travail de la recourante et qu'ils s'étaient amendés sous traitement. La recourante était par conséquent dotée d'une capacité de travail entière dans son activité habituelle d'employée de commerce à compter du 26 septembre 2018. La recourante ne remettait par ailleurs pas sérieusement en question l'adéquation de son activité habituelle, sédentaire et légère, à son état de santé. Les premiers juges ont considéré qu'il ne s'agissait dès lors pas de déterminer si elle avait des chances de retrouver un emploi adapté à son handicap, puisqu'elle bénéficiait d'une capacité de travail entière adaptée dans son activité habituelle. Dès lors, il n'y avait pas lieu d'examiner son cas à l'aune de la jurisprudence relative aux assurés proches de l'âge de la retraite. Au demeurant, les premiers juges ont relevé que la recourante était titulaire d'un CFC d'employée de commerce depuis 1975 et qu'elle avait été en mesure de décrocher un certificat d'assistante en gestion du personnel en 2010, ce qui démontrait assurément des ressources professionnelles et une faculté d'adaptation à de nouvelles exigences. Le domaine d'activités concerné était par ailleurs un secteur où les postes de travail étaient particulièrement nombreux, y compris sous contrats de durée déterminée, notamment par le biais d'agences de travail intérimaire, en vue par exemple de procéder à des remplacements de courte durée. Vu ce contexte, l'âge de la recourante ne l'empêchait pas de bénéficier des opportunités professionnelles qui s'offraient à elle jusqu'à l'âge légal de la retraite (64 ans).  
 
3.2. Invoquant une constatation des faits manifestement inexacte, ainsi qu'une violation du droit fédéral, la recourante soutient qu'elle n'était plus en mesure d'exercer une activité lucrative à plein temps depuis septembre 2018. Au moment de l'expertise du CEMed, elle était par ailleurs âgée de 63 ans et deux mois. Elle fait valoir qu'il était dès lors illusoire et même choquant de penser qu'elle aurait retrouvé une activité professionnelle similaire à celle exercée pendant 35 ans dans une autre structure à quelques mois de la retraite. Dans leur évaluation consensuelle du 27 mars 2019, les experts avaient du reste reconnu qu'elle ne pourrait pas se confronter seule au marché de l'emploi vu sa fragilité psychique en lien avec son trouble de la personnalité. Subsidiairement, elle demande la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire indépendante car les conclusions des experts du CEMed ne seraient pas conformes à la réalité et en totale contradiction avec les conclusions des docteurs D.________, C.________ et E.________.  
 
4.  
 
4.1. Avant de réduire ou de supprimer une rente d'invalidité, l'administration doit examiner si la capacité de travail que la personne assurée a recouvrée sur le plan médico-théorique se traduit pratiquement par une amélioration de la capacité de gain et, partant, une diminution du degré d'invalidité ou si, le cas échéant, il est nécessaire de mettre préalablement en oeuvre une mesure d'observation professionnelle (afin d'établir l'aptitude au travail, la résistance à l'effort, etc.), voire des mesures de réadaptation au sens de la loi (arrêt 9C_92/2016 du 29 juin 2016 consid. 5.1 et les références). Selon la jurisprudence, l'âge de la personne assurée constitue de manière générale un facteur étranger à l'invalidité qui n'entre pas en considération pour l'octroi de prestations. S'il est vrai que ce facteur - comme celui du manque de formation ou les difficultés linguistiques - joue un rôle non négligeable pour déterminer dans un cas concret les activités que l'on peut encore raisonnablement exiger d'un assuré, il ne constitue pas, en règle générale, une circonstance supplémentaire qui, mis à part le caractère raisonnablement exigible d'une activité, est susceptible d'influencer l'étendue de l'invalidité, même s'il rend parfois difficile, voire impossible la recherche d'une place et, partant, l'utilisation de la capacité de travail résiduelle (arrêt 9C_899/2015 du 4 mars 2016 consid. 4.3.1).  
La jurisprudence considère qu'il existe cependant des situations dans lesquelles il convient d'admettre que des mesures d'ordre professionnel sont nécessaires, malgré l'existence d'une capacité de travail médico-théorique. Il s'agit des cas dans lesquels la réduction ou la suppression, par révision (art. 17 al. 1 LPGA) ou reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA), du droit à la rente concerne une personne assurée qui est âgée de 55 ans ou qui a bénéficié d'une rente pendant quinze ans au moins. Cela ne signifie pas que la personne assurée peut se prévaloir d'un droit acquis dans une procédure de révision ou de reconsidération; il est seulement admis qu'une réadaptation par soi-même ne peut, sauf exception, être exigée d'elle en raison de son âge ou de la durée du versement de la rente. Dans de telles situations, l'office de l'assurance-invalidité doit vérifier dans quelle mesure l'assuré a besoin de la mise en oeuvre de mesures d'ordre professionnel, même si ce dernier a recouvré une capacité de travail et indépendamment du taux d'invalidité qui subsiste (arrêt 9C_517/2016 du 7 mars 2017 consid. 5.2 et les références). Dans l'ATF 145 V 209, le Tribunal fédéral a précisé qu'en cas de réduction ou de suppression de la rente d'invalidité d'un assuré âgé de plus de 55 ans, il y a lieu, en principe, de mettre en oeuvre des mesures de réadaptation également lorsque l'on statue sur la limitation et/ou l'échelonnement en même temps que sur l'octroi de la rente. 
 
4.2. Au moment où la question de la mise en valeur de sa capacité de travail devait être examinée (à ce sujet, voir ATF 138 V 457 consid. 3.3), A.________, née en janvier 1956, se trouvait à moins d'une année de l'âge ouvrant le droit, pour les femmes, à une rente de vieillesse de l'AVS (art. 21 al. 1 let. b LAVS). Elle appartenait donc à la catégorie d'assurés dont il convient de présumer en raison de leur âge qu'ils ne peuvent en principe pas entreprendre de leur propre chef tout ce que l'on peut raisonnablement attendre d'eux pour tirer profit de leur capacité de travail établie sur un plan médico-théorique. Les experts du CEMed ont de plus retenu qu'elle présentait notamment une agoraphobie avec trouble panique, des troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation d'alcool (avec des signes d'imprégnation éthylique chronique), un syndrome de dépendance, un état général médiocre, un ballonnement abdominal avec réseau veineux suggérant une ascite et une trophicité musculaire globalement médiocre, sans amyotrophie focalisée. Ils ont conclu que si la recourante avait recouvert une pleine capacité de travail dans son activité habituelle, elle ne pouvait en revanche pas se confronter seule au marché de l'emploi.  
Aussi, à l'inverse de ce que soutient la juridiction cantonale, il n'est pas concevable que la recourante puisse, compte tenu de sa fragilité psychique et de son âge, reprendre seule et du jour au lendemain son activité habituelle auprès d'un autre employeur que celui pour lequel elle a travaillé pendant plus de 30 ans. Dans sa prise de position du 15 mai 2019, le médecin du SMR a d'ailleurs suivi les conclusions des experts et conseillé la mise en place d'une aide au placement (au sens de l'art. 8 al. 3 let. c LAI). On peut douter qu'une telle mesure soit suffisante. Quoi qu'il en soit, il convient de constater que les organes de l'assurance-invalidité se sont écartés des recommandations médicales et n'ont pas pris en considération des mesures d'ordre professionnel, y compris une aide au placement. En relevant que la recourante est titulaire d'un CFC d'employée de commerce (depuis 1975) et d'un certificat d'assistante en gestion de personnel (depuis 2010), la juridiction cantonale ne fait enfin pas état de circonstances qui permettraient de renoncer à la mise en place de mesures d'ordre professionnel. Les ressources professionnelles et la faculté d'adaptation à de nouvelles exigences mises en avant par la juridiction cantonale reposent en effet sur des faits antérieurs à la décompensation psychique de la recourante de 2016 et ne permettent pas de remettre en cause les conclusions de l'expertise, soit que la recourante ne pouvait pas se confronter seule au marché de l'emploi (expertise du CEMed, p. 7 ch. 4.1). 
 
4.3. Ensuite des éléments qui précèdent, il conviendrait en principe de renvoyer la cause à l'office AI pour qu'il examine puis mette en oeuvre les mesures nécessaires de réintégration sur le marché du travail. Ce ne serait là, toutefois, qu'une vaine formalité, qui retarderait la liquidation de l'affaire, car la recourante peut prétendre aujourd'hui déjà une rente de vieillesse de l'AVS. Il convient dès lors d'admettre que la recourante n'était pas en mesure de mettre en valeur sa capacité de travail sur le marché du travail, en dépit de l'amélioration de son état de santé attestée sur un plan médico-théorique. Elle a dès lors droit au maintien de sa rente entière de l'assurance-invalidité au-delà du 31 décembre 2018 jusqu'au 31 janvier 2020 (date à partir de laquelle elle a pu prétendre une rente de vieillesse de l'AVS; art. 30 LAI en relation avec l'art. 21 al. 1 let. b et al. 2 LAVS).  
 
5.  
Bien fondé, le recours doit être admis. Les frais afférents à la présente procédure seront supportés par l'office AI (art. 66 al. 1 LTF). La recourante a droit à une indemnité de dépens (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 17 septembre 2020 est réformé en ce sens que la recourante a droit à une rente entière de l'assurance-invalidité du 1 er janvier 2018 au 31 janvier 2020.  
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
L'intimé versera à la recourante la somme de 2800 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure antérieure. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 11 août 2021 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Bleicker