Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_520/2023
Arrêt du 13 septembre 2024
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président, von Werdt, Bovey, Hartmann et De Rossa.
Greffière : Mme Achtari.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Albert Rey-Mermet, avocat,
recourant,
contre
Yoko Ono Lennon,
représentée par Mes Michèle Wassmer et Vincent Guignet, avocats,
intimée.
Objet
acquisition d'une chose mobilière, bonne foi,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile, du 7 juin 2023
(C/29658/2018 ACJC/727/2023).
Faits :
A.
A.a. Courant 1980, Yoko Ono Lennon, veuve de feu John Lennon, de nationalité japonaise et domiciliée à New York (USA), a acquis une montre de marque Patek Philippe, modèle xxx, or jaune 18 Carats, numéro de mouvement yyy, numéro de boîtier zzz, auprès de B.________ à New York (ci-après: la Montre).
Yoko Ono Lennon y a fait graver au dos l'inscription "
(Just like) Starting Over Love Yoko 10.9.1980 N.Y.C " en référence à la première chanson "
Starting Over " de l'album "Double Fantasy" que le couple avait composée en commun après une période de séparation.
Yoko Ono Lennon a offert cette montre à feu John Lennon le 9 octobre 1980 pour son 40ème anniversaire.
Le 8 décembre 1980, soit deux mois plus tard, feu John Lennon a été assassiné devant son domicile à New York.
L'ensemble des biens de feu John Lennon a fait l'objet d'un inventaire de près de mille pages, établi par C.________ et relié en deux volumes datés de janvier 1982. Le texte introductif de cet inventaire précise que les biens ont été réunis dans des cartons et sacs, scellés et numérotés, dont le contenu a été répertorié en 1981. La Montre a été répertoriée sous numéro 23 de l'inventaire, comprenant une autre montre en or et divers bijoux, et a été placée par le notaire dans une boîte à code. Le texte introductif précise, en outre, qu'un mois après que l'inventaire a été dressé, Yoko Ono Lennon a souhaité récupérer la Montre, laquelle lui a été remise, cet objet étant le seul dont elle a autorisé le retrait. Suite à la liquidation de la masse successorale de feu John Lennon, la montre est devenue propriété de Yoko Ono Lennon.
Yoko Ono Lennon est propriétaire de deux appartements (n° (...) et (...)) dans le Dakota Building à New York, ainsi que d'un bureau situé au rez-de-chaussée de cet immeuble. Elle vit dans l'appartement n° (...), où se trouve une chambre fermée à clef avec ses objets personnels et provenant de la succession de feu John Lennon. Les journaux intimes et les montres sont, soit dans des armoires verrouillées, soit sur des étagères ouvertes dans cette pièce verrouillée. Les affaires de feu John Lennon ayant moins de valeur se trouvent dans le bureau.
La plupart des employés de Yoko Ono Lennon avaient accès au bureau au rez-de-chaussée. Seuls deux ou trois employés avaient, en revanche, accès à l'appartement, dont seule Yoko Ono Lennon avait les clefs.
A.b. D.________, de nationalité turque, a été le chauffeur privé de Yoko Ono Lennon de 1995 à 2006. Une relation de confiance existait entre eux et il avait accès aux pièces de l'appartement.
Courant 2006, D.________ a menacé de divulguer une prétendue relation amoureuse avec Yoko Ono Lennon, si elle ne lui versait pas de l'argent. Suite à cela, il a été condamné aux Etats-Unis pour extorsion, puis expulsé vers la Turquie, compte tenu de l'expiration de son visa.
A.c. En 2010, D.________ a remis la Montre à un certain E.________, de nationalité turque également. Il lui a remis de même 86 objets ayant appartenu à feu John Lennon.
A.d. En août 2013, E.________ s'est adressé à la maison de vente aux enchères F.________ AG (précédemment G.________ AG, ci-après: G.________) à Berlin (Allemagne), pour la mise en vente de la Montre.
G.________ a estimé la valeur de la Montre à EUR (...), précisant toutefois que sa provenance ainsi que la gravure, promettaient une valeur potentiellement extrêmement élevée car ces caractéristiques en faisaient une pièce unique qui pouvait attirer des amateurs en dehors des seuls collectionneurs de montres. Sa valeur devait croître en conséquence de manière significative.
Le 21 octobre 2013, à la demande de G.________, D.________ a signé, devant un notaire de Berlin, une attestation selon laquelle il avait reçu la Montre de Yoko Ono Lennon au mois de novembre 2005, ce dont H.________ (son épouse) pouvait témoigner. Il précisait avoir vendu et remis la montre à E.________ en mai 2010 en Turquie.
Par la suite, devant un notaire le 23 janvier 2017, D.________ a fait une déclaration " sous serment " dans laquelle il disait avoir pris possession des 86 objets confiés à G.________ en 2006, avec le consentement de Yoko Ono Lennon, soutenant qu'elle lui avait demandé de les mettre en sécurité. Il avait dû ensuite quitter les Etats-Unis et avait alors emmené les objets avec lui. Il a précisé qu'à aucun moment Yoko Ono Lennon ou qui que ce soit d'autre ne lui avait demandé de restituer ces objets. Il en avait conclu qu'il pouvait les conserver et qu'il en était le propriétaire.
A.e. Le 14 novembre 2013, E.________ a signé avec G.________ un contrat de consignation, attestant de la remise de la Montre. Le prix d'achat initial était évalué à EUR (...) et le prix de vente "limite" était arrêté à EUR (...).
Le même jour, E.________ a signé avec G.________ un contrat intitulé
Side Letter et accord de garantie. Aux termes de ce contrat, les parties prévoyaient que, dans le cas où Yoko Ono Lennon ou un tiers titulaire de droits faisait valoir des prétentions, G.________ procéderait au paiement soit du prix d'estimation dans le cas où la vente était annulée, soit du prix de vente, déduction faite de la commission.
Lors de la remise de la montre à G.________, l'avocat de E.________ avait précisé, par courrier du 4 novembre 2013, que celui-ci ne pouvait donner de garantie d'un droit de propriété avec droit de disposition illimité, précisant que "les détails sont connus". G.________ et E.________ ont convenu alors dans leur contrat du 14 novembre 2013, que E.________ confirmait son droit de disposer sur la base des déclarations faite par D.________ devant notaire le 21 octobre 2013. Ledit contrat prévoyait toutefois expressément la possibilité d'une revendication de la propriété par Yoko Ono Lennon.
Le 22 novembre 2013, G.________ a obtenu de la maison Patek Philippe une attestation relative à l'authenticité de la Montre.
A.f. Par lettre d'intention datée du 29 décembre 2013 et signée le 25 janvier 2014, G.________ s'est engagée à vendre la Montre au prix de EUR (...) à A.________, collectionneur de montres et professionnel de longue date du secteur, se qualifiant d'" autorité mondiale dans le domaine des garde-temps ", de nationalité italienne et domicilié à Hong Kong.
La lettre d'intention précise que " la vente est soumise à l'acceptation écrite du propriétaire actuel. Une fois que cette acceptation aura été reçue, un contrat de vente formel et une facture seront préparés. Le contrat de vente sera signé par G.________ et l'acheteur et contiendra des informations plus détaillées sur la transaction et la montre elle-même, spécifiquement sur le fait que Yoko Ono Lennon n'a pas confirmé la provenance de la montre, fait connu de toutes les parties impliquées dans cette transaction " (ch. 2).
" Une fois que la vente de la Montre aura été conclue, l'acheteur remettra à G.________ sa collection privée d'au moins 40 différentes montres anciennes I.________ en vue d'une vente spéciale auprès de G.________ " (ch. 3).
" Une fois que la vente de la montre aura été conclue, G.________ prendra contact avec Yoko Ono Lennon pour obtenir une confirmation qu'elle a offert cette montre à John Lennon. Lorsque cette confirmation aura été reçue par écrit, la montre sera remise par l'acheteur à G.________ pour être vendue dans le cadre d'une future vente aux enchères de montres avec un prix de réserve net de EUR (...) et une commission totale du vendeur de 10 % " (ch. 4).
Le 2 mars 2014, A.________ a acquis la Montre auprès de G.________ au prix de EUR (...).
A.g. Le 26 juin 2014, A.________ a remis la Montre à J.________ SA à Genève afin d'en faire estimer la valeur.
En septembre 2014, K.________, avocat de Yoko Ono Lennon, a été informé par J.________ de ce que la Montre se trouvait dans ses locaux. Par courrier du 8 septembre 2014, K.________ a informé J.________ que la Montre était mentionnée dans l'inventaire des biens de feu John Lennon dressé après son décès et était restée en la possession de Yoko Ono Lennon. Cette dernière n'avait pas eu conscience du fait que la Montre n'était plus en sa possession jusqu'à ce que L.________, employé de J.________ à New York, prenne contact avec K.________. Il lui avait indiqué que la Montre avait été acquise par A.________ d'une personne qui l'avait acquise elle-même de D.________, qui affirmait que Yoko Ono Lennon la lui avait offerte. Or, à aucun moment Yoko Ono Lennon n'avait fait don de cette Montre. Celle-ci était un objet particulier, l'un des derniers cadeaux qu'elle avait offert à John Lennon. Elle ne l'aurait, en aucun cas, donnée à un tiers. Dès lors, dans la mesure où cette Montre avait été soustraite à l'insu de Yoko Ono Lennon, elle en requérait la restitution.
A.h. Après avoir entrepris d'infructueuses démarches aux Etats-Unis, Yoko Ono Lennon, par l'entremise de son conseil genevois, a revendiqué, le 23 octobre 2015, auprès de A.________, la propriété de la Montre, exposant que celle-ci lui avait été volée.
Le 16 octobre 2015, A.________ a contesté toutes prétentions de Yoko Ono Lennon sur la Montre.
En date du 17 décembre 2015, les parties et J.________ ont conclu une convention de consignation-séquestre aux termes de laquelle la Montre serait consignée auprès de Me Albert Rey-Mermet, conseil de A.________, jusqu'à accord ou droit jugé sur sa propriété, Me Rey-Mermet ne pouvant disposer de la Montre " qu'en mains du propriétaire désigné par le jugement du tribunal étatique compétent ".
Parallèlement, D.________ et E.________ avaient remis à G.________, en octobre 2014, 86 objets ayant appartenu à feu John Lennon.
A.i. Suite à la faillite de G.________ en 2017 à Berlin et à la découverte des objets personnels ayant appartenu à feu John Lennon, consignés par E.________ auprès d'elle, des poursuites pénales pour fraude et recel ont été engagées en Allemagne à l'encontre de D.________ et de E.________.
Au cours de la procédure allemande, Yoko Ono Lennon, entendue comme témoin, a déclaré qu'elle n'avait pas donné la Montre à D.________. En effet, celle-ci revêtait une signification particulière pour elle. Elle a précisé que, suite au décès de feu John Lennon, elle avait souhaité donner quelque chose lui appartenant à ceux qui avaient travaillé de manière très fidèle pour elle. Ainsi, elle avait dit à D.________ de prendre une montre. Elle possédait, en effet, beaucoup de montres. D.________ avait donc pris une montre mais ce n'était en aucun cas la Montre offerte à feu John Lennon, objet du litige. Il avait pris quelque chose qui n'était pas important pour elle.
Dans leur "rapport final provisoire", les enquêteurs allemands ont précisé qu'au cours de l'enquête, E.________ avait jugé possible que la Montre ait été le fruit d'un vol et l'avait accepté. Il avait d'ailleurs tenté de la vendre, en premier lieu, à un restaurateur, qui l'avait mis en contact avec G.________.
En août 2017, la Montre a été enregistrée au Registre international des biens volés sur requête de la police berlinoise.
Des négociations étaient en cours, parallèlement, entre les parties auxquelles le conseil de A.________ a mis un terme en date du 20 décembre 2018.
En date du 27 février 2019, le Tribunal de district de Tiergarten à Berlin a reconnu E.________ coupable de recel et l'a condamné à une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis, retenant qu'il avait pris la décision de céder à G.________ 86 objets différents issus de la succession de feu John Lennon obtenus par D.________ via un vol ou un détournement commis dans l'appartement de Yoko Ono Lennon à New York, dans le but de les vendre aux enchères et d'avoir déclaré à G.________ que D.________ les avait reçus en sa qualité d'ancien chauffeur de la part de Yoko Ono Lennon, alors qu'il savait que cela ne correspondait pas à la réalité.
S'agissant de D.________, il était en fuite. Le Parquet de Berlin avait émis un mandat d'arrêt à son encontre le 20 novembre 2017. Un mandat d'arrêt EUROPOL avait, en outre, été émis à son encontre le 13 septembre 2019, notamment pour des faits relatifs au vol de la Montre.
B.
B.a.
B.a.a. Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance du canton de Genève (ci-après: tribunal) le 20 décembre 2018, déclaré non concilié et introduit le 5 juin 2019, A.________ a formé une action visant à ce qu'il soit constaté qu'il est le seul et unique propriétaire de la Montre et que Yoko Ono Lennon n'est pas propriétaire et ne dispose d'aucun droit sur cette Montre.
Il a exposé que Yoko Ono Lennon n'avait jamais fait état d'un vol de cette Montre et n'avait jamais entrepris de démarches à ce propos.
Par réponse du 29 novembre 2019, Yoko Ono Lennon s'est opposée à la demande et a conclu, reconventionnellement, à ce que le tribunal constate qu'elle est la seule et unique propriétaire de la Montre.
Elle a soutenu que la Montre lui avait été volée par D.________, ce que la procédure pénale, diligentée en Allemagne, avait permis d'établir. Ce dernier n'avait donc pas pu en acquérir la propriété. De même, E.________, qui ne pouvait ignorer l'origine de la Montre, n'avait pas pu en devenir propriétaire. De ce fait, A.________ n'avait également pas pu en devenir propriétaire.
Suite à la requête de sûretés de A.________, le tribunal a condamné, le 18 mai 2020, Yoko Ono Lennon à fournir des sûretés en garantie des dépens à hauteur de 67'970 fr.
Par réponse à la demande reconventionnelle du 4 septembre 2020, A.________ a persisté dans ses conclusions.
Il a contesté que la procédure pénale avait permis d'établir que la Montre avait été dérobée, et a soutenu que Yoko Ono Lennon en avait fait donation à D.________, se fondant notamment sur la déclaration de ce dernier devant notaire et sur la déclaration de Yoko Ono Lennon devant la police, selon laquelle elle admettait avoir donné une montre à D.________. Enfin, il a produit diverses pièces relatives à la vente de montres Patek Philippe identiques par J.________ dont le prix se situe entre (...) fr. et (...) fr.
Dans sa réplique sur réponse à la demande reconventionnelle du 7 décembre 2020, Yoko Ono Lennon a persisté dans ses conclusions, relevant que la Montre présentait un caractère exceptionnel et avait été évaluée entre USD (...) et USD (...) par M.________.
Dans sa duplique sur la demande reconventionnelle du 8 février 2021, A.________ a également persisté dans ses conclusions. Lors de l'audience du 16 mars 2022, le tribunal a procédé à l'audition du témoin K.________, lequel a confirmé qu'en 2014, il avait été approché par un certain L.________, responsable du département haute-horlogerie de J.________ à New York, pour l'informer qu'un individu s'était présenté avec la Montre chez J.________ et souhaitait en connaître la valeur. Lorsqu'il avait informé Yoko Ono Lennon que sa Montre était à Genève, elle lui avait répondu que la Montre devait être toujours chez elle car elle l'avait mise dans une pièce sous clé. Dans cette pièce spéciale, il y avait beaucoup d'objets qui étaient placés dans des armoires. Elle avait vérifié, et s'était aperçue que la Montre avait disparu. Cette montre était le dernier cadeau que Yoko Ono Lennon avait fait à John Lennon avant son assassinat. Jusqu'au contact avec J.________, il ne savait pas, ni Yoko Ono Lennon, que la Montre avait été volée. Dès qu'il l'avait su, il avait pris contact avec le Ministère public de New York, qui lui avait dit que du moment où la Montre n'était plus aux Etats-Unis, il n'y avait pas de sens de déposer une plainte pénale dans ce pays.
B.a.b. Par jugement du 17 août 2022, le tribunal a débouté A.________ de toutes ses conclusions (ch. 1 du dispositif), constaté que Yoko Ono Lennon était la seule et unique propriétaire de la montre Patek Philippe P xxx Series IV, Movement number yyy, Number zzz (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 85'360 fr., compensés avec les avances fournies par les parties et mis à la charge de A.________, celui-ci étant condamné en conséquence à verser 51'500 fr. à Yoko Ono Lennon et à verser 3'660 fr. à l'Etat de Genève (ch. 3), condamné en outre A.________ à verser 67'970 fr. à Yoko Ono Lennon à titre de dépens (ch. 4), ordonné la restitution à Yoko Ono Lennon par les Services financiers du Pouvoir judiciaire des sûretés de 67'970 fr. versées en garantie des dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions.
B.b.
B.b.a. Contre ce jugement, A.________ a interjeté appel par acte déposé au greffe de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: cour de justice) le 15 septembre 2022, concluant à son annulation et à ce qu'il soit en conséquence constaté qu'il est le seul et unique propriétaire de la Montre, les conclusions reconventionnelles de Yoko Ono Lennon devant être déclarées irrecevables, sous suite de frais et dépens.
Par réponse du 21 novembre 2022, Yoko Ono Lennon a conclu au rejet de l'appel et au déboutement de l'appelant de toutes ses conclusions, sous suite de frais et dépens. Elle a conclu préalablement à ce que la conclusion de l'appelant en irrecevabilité de sa demande reconventionnelle soit déclarée irrecevable. En substance, s'agissant de ce dernier point, elle considère que cette conclusion n'ayant pas été prise en première instance, elle ne pouvait l'être en appel, les conditions à la recevabilité d'une conclusion nouvelle n'étant pas réalisées.
B.b.b. Par arrêt du 7 juin 2023, expédié le 12 suivant, la cour de justice a confirmé le jugement attaqué, débouté les parties de toutes autres conclusions, mis les frais d'appel, arrêtés à 27'000 fr. à la charge de A.________ et condamné celui-ci à payer à Yoko Ono Lennon la somme de 30'000 fr. à titre de dépens d'appel.
C.
Par acte posté le 10 juillet 2023, A.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 7 juin 2023. Il conclut principalement, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à sa réforme dans le sens de ses conclusions d'appel. Subsidiairement, il sollicite le renvoi de la cause à la cour de justice pour nouvel arrêt dans le sens des considérants. Le 12 juillet 2023, A.________ a complété la motivation de son recours, confirmant pour le surplus les conclusions de son acte du 10 juillet 2023. En substance, il se plaint d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'établissement des faits et dans l'application du droit étranger, de la violation de l'art. 29 Cst. (déni de justice et violation de son droit d'être entendu), ainsi que des art. 55 al. 1, 59 al. 2 let. a, 60, 88, 317 al. 1 CPC.
D.
Par ordonnance du 25 mars 2024, la demande de sûretés en garantie des dépens déposée par l'intimée après avoir été invitée à déposer des observations a été admise et le recourant a été invité à verser, jusqu'au 29 avril 2024, à la Caisse du Tribunal fédéral, le montant de 12'000 fr. Le versement est intervenu dans le délai imparti.
E.
Par écritures du 26 avril 2024, l'intimée a conclu au rejet du recours. Les parties ont persisté dans leurs conclusions lors des échanges d'écritures suivants. L'autorité cantonale s'est pour sa part référée aux considérants de son arrêt.
Considérant en droit :
1.
Le litige porte sur une action en constatation d'un droit de propriété. Il s'agit d'une contestation civile de nature pécuniaire (art. 72 al. 1 LTF; arrêt 5A_279/2008 du 16 septembre 2008 consid. 1.1), dont la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF). Le recours, dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF), émane de la partie qui a succombé dans ses conclusions en instance cantonale (art. 76 al. 1 LTF) et a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF). Il en va de même du complément expédié le 12 juillet 2023. Partant, le recours est en principe recevable au regard des dispositions qui précèdent.
2.
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l' art. 42 al. 1 et 2 LTF , sous peine d'irrecevabilité, il n'examine en principe que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 140 III 86 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). Le recourant doit par conséquent discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée ("principe d'allégation", art. 106 al. 2 LTF; ATF 148 I 127 consid. 4.3; 147 IV 453 consid. 1; 146 IV 114 consid. 2.1).
Dans les affaires pécuniaires, le Tribunal fédéral peut uniquement contrôler si l'application du droit étranger est empreinte d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 143 III 51 consid. 2.3; 138 III 489 consid. 4.3). L'arbitraire proscrit par l'art. 9 Cst. ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait concevable, voire préférable. Est arbitraire la décision qui, par son résultat, est manifestement insoutenable, se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. La violation de la loi doit être reconnaissable d'emblée (cf. entre autres: ATF 148 IV 409 consid. 2.2).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Le recourant qui entend invoquer que les faits ont été établis de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 148 IV 39 consid. 2.3.5; 147 I 73 consid. 2.2; 144 II 246 consid. 6.7), doit, sous peine d'irrecevabilité, satisfaire au principe d'allégation susmentionné (art. 106 al. 2 LTF; cf.
supra consid. 2.1). Il ne peut pas se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (ATF 148 V 366 consid. 3.3; 147 IV 73 consid. 4.1.2; 145 IV 154 consid. 1.1).
En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (cf.
supra consid. 2.1; art. 106 al. 2 LTF; ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2).
3.
3.1. L'autorité cantonale s'est prononcée en premier lieu sur la recevabilité des conclusions reconventionnelles prises par l'intimée en constatation de sa propriété sur la Montre. Elle a alors retenu que les parties étaient convenues dans leur accord de consignation et séquestre du 17 décembre 2015 (art. 4 "engagements de Me Rey-Mermet" (4.5)) que Me Rey-Mermet ne pourrait " disposer de la montre qu'en mains du propriétaire désigné par le tribunal étatique compétent ", de sorte qu'une conclusion condamnatoire en restitution dans la procédure était parfaitement superflue à l'exécution de leur accord. La seule conclusion qui devait être prise par l'intimée dans la procédure était celle, effectivement prise, visant à la constatation de sa propriété sur la chose.
L'autorité cantonale a aussi précisé dans une seconde motivation que le recourant avait au demeurant procédé durant toute la procédure de première instance sans jamais se prévaloir de l'irrecevabilité, invoquée en appel pour la première fois.
3.2. Le recourant se plaint d'une violation de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.), de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), ainsi que des art. 59 al. 2 let. a, 60 et 88 CPC. Il fait grief à l'autorité cantonale de n'avoir pas statué sur son exception d'irrecevabilité en établissant de manière insoutenable la volonté des parties ressortant de la convention de consignation et séquestre. En substance, il allègue qu'il ressort de ce contrat que les parties ont expressément voulu qu'aucune d'elles ne puisse se prévaloir de la consignation de la Montre pour fonder des prétentions élevées contre l'autre. En conséquence, c'est à tort que l'autorité cantonale a considéré que l'exception qu'il soulevait n'avait aucun sens.
En lien avec la seconde motivation de l'autorité cantonale, le recourant soutient que celle-ci devait examiner d'office (art. 60 CPC) son exception d'irrecevabilité et qu'il n'avait pas à " préalablement attirer l'attention de sa partie adverse sur une exception qu'[il] entend soulever avant d'être en mesure de pouvoir s'en prévaloir devant le juge, cela à peine de voir son exception ne pas être examinée ".
3.3. Pour les motifs qui suivent, il n'y a pas lieu de s'étendre sur l'examen du droit applicable à la question de savoir si l'intimée dispose effectivement d'un intérêt à la constatation de son droit (cf. à ce sujet: arrêt 5A_88/2011 du 23 septembre 2011 consid. 4 et les références, publié
in RNRF 2014 (35) p. 328).
3.3.1. Le principe de la bonne foi en procédure (art. 52 CPC) interdit les comportements contradictoires dans le procès et, notamment, aux parties de garder des moyens de défense en réserve en vue de les soulever en appel si le jugement se révèle défavorable (ATF 142 I 155 consid. 4.4.4; arrêt 5A_75/2018 du 18 décembre 2018 consid. 2.3). Ainsi, lorsqu'une partie renonce tacitement à contester la recevabilité de conclusions en première instance, elle ne peut pas soutenir ensuite que les conditions de recevabilité devaient être vérifiées d'office conformément à l'art. 60 CPC (arrêt 4A_622/2018 du 5 avril 2019 consid. 4).
3.3.2. En l'espèce, le recourant ne pouvait, au stade de l'appel, se prévaloir de l'irrecevabilité des conclusions reconventionnelles en constatation de l'intimée, compte tenu de l'absence de contestation desdites conclusions devant le premier juge. Par son comportement en première instance, le recourant a tacitement renoncé à contester la recevabilité des conclusions litigieuses. La seconde motivation de l'arrêt attaqué est donc confirmée et permet de sceller le sort de la critique, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le bien-fondé de la première.
Il suit de là que les griefs du recourant doivent être rejetés, dans la mesure de leur recevabilité.
4.
Le recourant a introduit devant les tribunaux genevois (art. 98 al. 2 LDIP) une action tendant à faire constater son droit de propriété sur la Montre acquis en application du droit allemand, soit du § 929 Bürgerliches Gesetzbuch (ci-après: BGB), en vertu du contrat de vente conclu à Berlin le 2 mars 2014 avec E.________, par l'intermédiaire de G.________. Pour sa part, l'intimée a formé une demande reconventionnelle visant à faire constater son droit de propriété sur la Montre, qu'elle avait auparavant offerte à son époux John Lennon, par voie de succession ouverte à New York, suite au partage ayant eu lieu le 31 mai 1997, puis qui lui avait été volée.
L'autorité cantonale a constaté qu'il n'était pas contesté que l'intimée était devenue l'unique propriétaire de la Montre dans le cadre de la succession de feu John Lennon ouverte à New York, ni que, par la suite, la Montre était entrée en possession de D.________, toujours à New York, puis de E.________ en Turquie, et enfin du recourant en Allemagne. Elle a relevé à cet égard que le recourant semblait parfois remettre en cause le lieu d'entrée en possession de E.________, mais sans rien en tirer.
Elle a retenu que le recourant faisait grief au tribunal " d'avoir raisonné à l'envers dans le cadre de la détermination du droit applicable en cas de conflit de loi mobile, soutenant, à bien le comprendre, qu'il s'agirait de partir de la prémisse qu'il est présumé propriétaire (selon le droit suisse ?) de la montre du fait qu'elle est en sa possession ". Toutefois, elle a considéré que dans le cadre de l'application des règles de conflit mobile, du fait du déplacement de la chose d'un pays à l'autre, le raisonnement du premier juge fondé sur la chronologie des transferts pour déterminer quel droit s'appliquait à quel transfert, était le seul qui permette de déterminer si le possesseur final pouvait se prévaloir (sur la base des règles relatives à la présomption du fait de la possession ou non) de la propriété de la chose.
Suivant ce schéma, l'autorité cantonale a alors jugé que l'examen de l'entrée en possession de la Montre par D.________ relevait du droit de l'Etat de New York, lieu de situation de la chose au moment du transfert. Exposant le contenu de ce droit, elle a rejeté l'argument du recourant selon lequel la montre que l'intimée avait admise avoir donnée à D.________ ne pouvait être que la Montre étant donné que l'inventaire n'en aurait pas contenu d'autre. En effet, elle a constaté que le chiffre 23 de l'inventaire des biens de la succession, selon extrait produit à la procédure, comportait à tout le moins une autre montre que celle faisant l'objet de la procédure. Pour le surplus, elle a considéré qu'il n'appartenait pas à celui dont on soutenait qu'il avait donné de prouver qu'il ne l'avait pas fait, mais à celui qui prétendait avoir reçu en donation de démontrer l'intention de donner du donateur. Or, rien de tel ne ressortait du dossier. Il en découlait que, la Montre n'ayant pas été donnée à D.________, celui-ci se l'était appropriée sans droit, de sorte que sa possession était illégitime
ab initio.
Enfin, l'autorité cantonale a examiné si E.________ pouvait être considéré comme un acquéreur ou un possesseur de bonne foi en application du droit allemand. Elle a alors retenu que la présomption du § 1006 BGB ne pouvait entrer en ligne de compte que pour autant que l'acquéreur eût été de bonne foi au moment de l'acquisition. Or, dans le cas présent, il ressortait du dossier, et en particulier des déclarations de E.________ lui-même devant la police de Berlin, qu'il avait un doute quant à la provenance de la Montre, mais n'avait rien entrepris pour le dissiper. En outre, le fait qu'il eût tenté de vendre la Montre par le biais d'un "tenancier d'établissement public", comme cela ressort de l'enquête pénale allemande, et qu'il eût été condamné en Allemagne pour recel des 86 autres objets ayant appartenu à feu John Lennon dérobés par D.________ à l'intimée, confortaient cette appréciation. En conséquence, E.________ n'était pas devenu propriétaire de la Montre et le recourant ne pouvait pas se prévaloir de la protection de l'acquéreur de bonne foi du § 932 ch. 1 BGB, dans la mesure où il avait été retenu que la Montre avait été volée et que, dès lors, le § 935 ch. 1 BGB faisait obstacle à la protection du tiers de bonne foi dans ces cas. Il n'y avait donc pas besoin de résoudre la question de savoir si le recourant était lui-même de bonne foi au moment où il avait acquis la Montre.
5.
5.1. La
lex fori, soit en principe la loi fédérale sur le droit international privé (LDIP, RS 291), détermine si le droit suisse ou étranger est applicable et, le cas échéant, quel droit étranger est applicable. Les règles de conflit de lois doivent être appliquées d'office, et ce également par le Tribunal fédéral (cf. ATF 137 III 481 consid. 2.1; 108 II 18 consid. 1). S'il est établi qu'un droit étranger déterminé s'applique en vertu des règles suisses de conflit de lois, son contenu doit être constaté d'office conformément à l'art. 16 al. 1 LDIP. Pour ce faire, la collaboration des parties peut être exigée ou, en cas de prétentions patrimoniales, la preuve peut être mise à la charge des parties (ATF 128 III 346 consid. 3.2). Le tribunal doit déterminer le contenu du droit étranger sur la base de la législation, de la jurisprudence et éventuellement de la doctrine pertinentes (ATF 140 III 456 consid. 2.3; arrêt 4A_454/2018 du 5 juin 2019 consid. 2.1 et les autres références).
5.2.
5.2.1. L'art. 98 LDIP détermine les tribunaux compétents pour connaître des actions réelles mobilières. Conformément à l'alinéa 2 de cette disposition, si le défendeur n'a ni domicile ni résidence habituelle en Suisse, les tribunaux suisses du lieu de situation des biens sont compétents pour connaître d'un litige relatif à ceux-ci. Pour savoir si l'on se trouve en présence d'une action réelle au sens de cette disposition, il faut se baser sur la nature juridique de la prétention litigieuse, nature qui résulte du contenu de la demande, des conclusions prises et des motifs qui les justifient (ATF 103 Ia 462 consid. 2
in initio; arrêt 5A_70/2008 du 18 juillet 2008 consid. 6.1 et l'autre référence citée).
5.2.2. En l'occurrence, la compétence des tribunaux suisses n'est à juste titre pas remise en cause par les parties, qui ont chacune conclu à la constatation de leur doit de propriété sur la Montre.
5.3.
5.3.1. Selon l'art. 100 al. 1 LDIP, l'acquisition et la perte de droits réels mobiliers sont régies par le droit du lieu de situation du meuble au moment des faits sur lesquels se fonde l'acquisition ou la perte. L'alinéa 2 de cette disposition prévoit que le contenu et l'exercice de droits réels mobiliers sont régis par le droit du lieu de situation du meuble.
Aux termes de l'art. 102 al. 1 LDIP, lorsqu'un bien meuble est transporté de l'étranger en Suisse et que l'acquisition ou la perte de droits réels n'est pas encore intervenue à l'étranger, les faits survenus à l'étranger sont réputés s'être réalisés en Suisse.
5.3.2. Le sort des biens mobiliers qui ne sont que de passage dans un lieu, soit ceux qui, sans qu'il existe d'intention de l'ayant droit de les y faire demeurer en permanence, ne sont déplacés que temporairement dans un autre ordre juridique, est en principe régi par le droit du lieu de situation habituel du bien mobilier en cause (FISCH/FISCH,
in Basler Kommentar IPRG, 4ème éd., 2021, n° 3 ad art. 100 LDIP et n° 56 ss ad art. 102 LDIP).
En l'occurrence, les faits de la cause ne permettent pas de déterminer si la Montre n'est que temporairement en Suisse et aucune des parties ne s'est prévalue de cette hypothèse, de sorte qu'il y a lieu de déterminer le droit applicable selon les art. 100 ss LDIP.
5.3.3. Le principe érigé à l'art. 100 LDIP vaut pour l'acquisition et la perte des droits réels mais aussi pour celles de la possession (ATF 139 III 305 consid. 4.1 et les références; FISCH/FISCH,
op. cit., n° 12 ad art. 100 LDIP; MÜLLER-CHEN,
in Zürcher Kommentar zum IPRG, tome I, Art. 1-108, 3ème éd., 2018, n° 16 ad art. 100 LDIP).
En revanche, le statut réel ne s'applique pas au contrat en tant que titre d'acquisition nécessaire au transfert de propriété, celui-ci étant soumis à son propre statut contractuel (FISCH/FISCH,
op. cit., n° 23 s. ad Vor 97-108 IPRG; KREN KOSTKIEWICZ, OFK IPRG/LügÜ Kommentar, 2ème éd., 2019, n° 7 ad art. 100 LDIP; MÜLLER-CHEN,
op. cit., n° 18 ad art. 100 LDIP).
La
lex causae (art. 13 LDIP) régit notamment le droit à la preuve et le fardeau de la preuve. En revanche, l'administration des preuves et leur appréciation relèvent de la
lex fori (ATF 125 III 443 consid. 3c; arrêt 4A_60/2022 du 21 mars 2023 consid. 2).
5.3.4.
5.3.4.1. Il ressort de l'art. 100 LDIP que, pour l'acquisition et la perte de la propriété, le moment auquel le droit réel est acquis, perdu ou transféré est déterminant pour établir le droit du lieu de situation du meuble applicable, alors que le contenu et l'exercice des droits réels mobiliers valablement acquis à l'étranger sont régis par le droit du lieu de situation actuel du meuble. Ainsi, si un bien mobilier que le possesseur allègue avoir acquis à l'étranger se trouve en Suisse au moment de l'ouverture de l'instance, l'action en revendication ou l'action possessoire sont régies par le droit suisse, alors que l'examen préalable de l'acquisition et la perte du droit de propriété à l'étranger doit se faire à la lumière du droit applicable, dans les lieux de situation précédents, en fonction du cheminement des biens en litige (KNOEPFLER/SCHWEIZER/OTHENIN-GIRARD, Droit international privé suisse, 2005, n° 476).
5.3.4.2. En cas d'acquisition (ou de perte) du droit réel sur un bien mobilier, il faut distinguer le cas où le processus est entièrement achevé de celui où il ne l'est pas. Si un bien se trouve dans un seul Etat au moment de la réalisation du processus d'acquisition et que ce processus est entièrement réalisé selon le droit de cet Etat, la situation juridique créée se perpétue lorsque le bien change de lieu de situation. L'Etat de destination reconnaît en principe la position juridique acquise dans l'Etat d'origine, même s'il pose d'autres conditions à l'acquisition du droit réel. Si le droit de l'Etat d'origine ne produit pas d'effet juridique, le déplacement du bien dans un Etat qui reconnaîtrait un tel effet ne modifie pas cette conséquence juridique (FISCH/FISCH,
op. cit., n° 18 et 30 s. ad art. 100 LDIP; GÖKSU/OLANO,
in CHK Internationales Privatrecht, Art. 1-200 LDIP , 4
ème éd., 2024, n° 4 ad art. 100 LDIP; KREN KOSTKIEWICZ,
op. cit., n° 3 ss ad art. 100 LDIP; MÜLLER-CHEN,
op. cit., n° 25 ss ad art. 100 LDIP).
On doit considérer que le processus d'acquisition (ou de perte) du droit réel est entièrement terminé dans un certain ordre juridique lorsque ce processus n'a pas abouti parce qu'une condition juridique matérielle (et non temporelle) n'était pas réalisée. En conséquence, si le bien est ensuite transféré dans un autre ordre juridique, une acquisition (ou une perte) du droit réel ne peut pas y être admise, même si les conditions posées dans ce nouvel Etat de situation sont différentes de celles de l'Etat de provenance (FISCH/FISCH,
op. cit., n° 32 ad art. 100 LDIP; MÜLLER-CHEN,
op. cit., n° 27 ad art. 100 LDIP).
Si le processus d'acquisition du droit réel ne s'est que partiellement réalisé d'un point de vue temporel selon le droit de l'Etat d'origine et que le bien change de lieu de situation, le droit de ce nouveau lieu de situation s'applique en principe à l'entier du processus d'acquisition. En cas d'importation du bien en Suisse, l'art. 102 al. 1 LDIP s'applique (FISCH/FISCH,
op. cit., n° 21, 35 et 39 ad art. 100 LDIP; KREN KOSTKIEWICZ,
op. cit., n° 4 ad art. 100 LDIP; MÜLLER-CHEN,
op. cit., n° 29 ad art. 100 LDIP et n° 2 ad art. 102 LDIP). Cette norme de conflit unilatérale concrétise le principe du droit du lieu de situation pour les biens déplacés en Suisse, en ce sens que les faits qui se sont produits à l'étranger, pertinents pour le processus d'acquisition ou de perte d'un droit réel qui ne s'est pas entièrement réalisé, sont traités comme des faits survenus en Suisse (GAILLARD,
in Commentaire romand LDIP/CL, 2011, n° 2 ad art. 102 LDIP; KREN KOSTKIEWICZ,
op. cit., n° 1 ad art. 102 LDIP). Le contenu et l'exercice des droits réels restent soumis au droit du lieu de situation actuel selon l'art. 100 al. 2 LDIP (MÜLLER-CHEN,
op. cit., n° 3 ad art. 102 LDIP).
5.3.5. L'acquisition par un aliénateur dépourvu du pouvoir de disposer du bien mobilier suit les mêmes principes que ceux valant pour l'acquisition et la perte du droit réel, tels qu'exposés ci-dessus.
Lorsqu'une chose a été volée ou retirée de toute autre manière contre la volonté de son propriétaire, le droit déterminant est celui de l'Etat dans lequel se trouvait la chose au moment de l'opération par laquelle la personne dépourvue du pouvoir de disposer a entendu conférer à l'acquéreur le droit réel ou la possession (FISCH/FISCH,
op. cit., n° 41 ad art. 100 LDIP; MÜLLER-CHEN,
op. cit., n° 32 ad art. 100 LDIP). C'est ainsi le droit du lieu où se trouve la chose à ce moment qui détermine si et à quelles conditions une acquisition de bonne foi d'un meuble perdu ou volé est possible (FISCH/FISCH,
op. cit.,
loc. cit.). Les délais dans lesquels l'ancien propriétaire peut revendiquer la chose sont en revanche régis par le droit du lieu de situation du bien au moment de l'introduction de l'action possessoire, conformément à l'art. 100 al. 2 LDIP (MÜLLER-CHEN,
op. cit., n° 33 ad art. 100 LDIP).
Comme pour l'acquisition des droits réels, il faut distinguer les cas où le processus d'acquisition (ou de perte) est terminé, qui tombent dans le champ d'application de l'art. 100 al. 1 LDIP, de ceux où il ne l'est pas, qui sont régis par l'art. 102 al. 1 LDIP si le meuble est transporté en Suisse. Dans ce dernier cas, cette norme ne permet pas de tenir compte d'éléments constitutifs qui, du point de vue matériel, ne se sont pas réalisés sous l'empire de la loi de l'Etat d'origine. Elle tient uniquement compte des éléments constitutifs qui, du point de vue temporel, ont précédé le changement de statut (GÖKSU/OLANO,
op. cit., n° 4 ad art. 102 LDIP). Ainsi, lorsqu'un tiers a acquis un bien, de bonne foi, d'une personne qui n'avait pas le droit d'en disposer, dans un Etat étranger qui ne protège pas ce mode d'acquisition de la propriété, une telle protection ne peut pas être acquise en Suisse du seul fait de l'entrée du bien sur le territoire suisse (FISCH/FISCH,
op. cit., n° 44 ad art. 100 LDIP; MÜLLER-CHEN,
op. cit., n° 35 ad art. 100 LDIP).
Quant à la prescription acquisitive, si celle-ci n'est pas encore survenue dans un Etat qui admet ce mode d'acquisition de la propriété et que le bien est transféré en Suisse, les faits survenus dans l'Etat d'origine sont appréciés selon le droit suisse, en tant que droit du lieu de situation actuel du bien. Il en va ainsi de l'écoulement du délai, à moins que celui-ci ne courrait pas selon le droit de l'ancien lieu de situation (ATF 94 II 297 consid. 5b et 5c), de la suspension ainsi que de l'interruption du délai (FISCH/FISCH,
op. cit., n° 25 ad art. 100 LDIP). Est en revanche controversée la question de savoir si, face à des délais de prescription acquisitive différents en Suisse et dans l'Etat d'origine, le déplacement de la chose a pour effet de raccourcir le délai correspondant fixé par le droit de l'Etat d'origine (avant l'entrée en vigueur de la LDIP: cf. ATF 94 II 297 consid. 5a qui a appliqué le droit suisse en tant que droit du nouveau lieu de situation;
pro : FISCH/FISCH,
op. cit., n° 25 ad art. 100 LDIP; MÜLLER-CHEN,
op. cit., n° 8 ad art. 102 LDIP; DUTOIT/BONOMI, Droit international privé suisse, Commentaire, 6ème éd., 2022, n° 2 ad art. 102 LDIP qui considèrent toutefois que la prescription acquisitive est possible une fois le bien en Suisse même si l'Etat étranger ne connaît pas ce mode d'acquisition;
contra : GAILLARD,
op. cit., n° 6 ad art. 102 LDIP).
5.3.6. S'agissant du contenu et de l'exercice du droit réel mobilier, le droit de l'Etat du nouveau lieu de situation du bien s'applique (
lex rei sitae; art. 100 al. 2 LDIP). En effet, le statut d'un droit réel se modifie avec le changement du lieu de situation (FISCH/FISCH,
op. cit., n° 90 ad art. 100 LDIP; MÜLLER-CHEN,
op. cit., n° 63 ad art. 100 LDIP).
Le contenu des droits réels concerne notamment les droits de défense ainsi que les pouvoirs et les présomptions légales découlant de la possession (ATF 139 III 305 consid. 3.1; ATF 135 III 474 consid. 3.2.1; FISCH/FISCH,
op. cit., n° 92 ad art. 100 LDIP; MÜLLER-CHEN,
op. cit., n° 61 ad art. 100 LDIP).
L'exercice des droits réels (et de la possession) concerne en particulier la question de savoir quels moyens de droit peuvent être utilisés pour faire valoir un droit et dans quels délais (arrêt 5A_88/2011 du 23 septembre 2011 consid. 4, publié
in RNRF 2014 (95) p. 328; MÜLLER-CHEN,
op. cit., n° 62 ad art. 100 LDIP). Le droit du lieu de situation du bien détermine si l'ancien possesseur dispose des actions selon les art. 934 et 936 CC (ATF 139 III 305 consid. 3.1, 3.2.1 et 4.1 et les références; arrêt 5A_797/2019 du 1er mai 2020 consid. 4.2; FISCH/FISCH,
op. cit., n° 94 ad art. 100 LDIP; GÖKSU/OLANO,
op. cit., n° 11 ad art. 100 LDIP).
Dès lors, si la chose est soustraite illicitement au propriétaire et transférée dans un autre ordre juridique, le propriétaire continue de déduire l'existence de la propriété du droit de l'Etat d'origine. En revanche, la restitution doit être régie par les normes du nouvel Etat de situation du bien. Notamment, l'action mobilière du droit suisse est un moyen lié à la possession, raison pour laquelle elle est à disposition de l'ancien possesseur lorsque le droit suisse s'applique en vertu de l'art. 100 al. 2 LDIP. Toutefois, la question de savoir si une acquisition de bonne foi est possible ou réalisée se juge en fonction du droit déterminé selon l'art. 100 al. 1 LDIP (ATF 139 III 305 consid. 4.1; FISCH/FISCH,
op. cit., n° 44 et 95 ad art. 100 LDIP; KREN KOSTKIEWICZ,
op. cit., n° 10 ad art. 100 LDIP).
6.
6.1. Aux termes de l'art. 930 CC, le possesseur d'une chose mobilière en est présumé propriétaire (al. 1). Les possesseurs antérieurs sont présumés avoir été propriétaires de la chose pendant la durée de leur possession (al. 2). Le droit de propriété se déduit donc de la possession et il appartient à la personne qui conteste le droit du possesseur d'établir que celui-ci n'est pas propriétaire. La présomption produit cet effet dès que le possesseur allègue son droit de propriété (STEINAUER, Les droits réels, tome I, 6
ème éd., 2019, n° 512 et les références [ci-après: tome I]). Le possesseur peut donc ouvrir une action en constatation de droit et se contenter, dans un premier temps, de faire état de la présomption de droit attachée à sa possession (STEINAUER, tome I, n° 589 et les références). L'art. 932 CC répète, dans l'hypothèse où le possesseur est défendeur au procès, que le possesseur d'une chose mobilière peut opposer à toute action dirigée contre lui la présomption qu'il est au bénéfice d'un droit préférable; demeurent réservées les dispositions concernant les actes d'usurpation ou de trouble (STEINAUER, tome I, n° 588 ss et les références).
Comme pour toute présomption réfragable, l'effet de l'art. 930 al. 1 CC peut être tenu en échec de deux façons: par une contre-preuve établissant que les conditions de la présomption ne sont pas remplies, par exemple que la possession est viciée, ou par la preuve du contraire, dont le thème est d'établir que le possesseur n'est pas le propriétaire. A défaut de présomption, celui qui se prétend propriétaire peut cependant faire la preuve directe de sa propriété (arrêt 5A_113/2018 du 12 septembre 2018 consid. 8.2.2, non publié aux ATF 144 III 541, mais
in Pra 2019 (98) p. 966).
Lorsque l'appréciation des preuves convainc le juge que le fait litigieux est établi, la répartition du fardeau de la preuve (art. 8 CC) n'a plus d'objet (ATF 141 III 241 consid. 3.2 et les références).
6.2. Selon l'art. 714 al. 2 CC, celui qui, étant de bonne foi, est mis à titre de propriétaire en possession d'un meuble en acquiert la propriété, même si l'auteur du transfert n'avait pas qualité pour l'opérer; la propriété lui est acquise dès qu'il est protégé selon les règles de la possession. Selon celles-ci, le possesseur auquel une chose mobilière a été volée ou qui l'a perdue, ou qui s'en trouve dessaisi de quelque autre manière sans sa volonté, peut la revendiquer pendant cinq ans (art. 934 al. 1 CC; ATF 121 IV 26 consid. 2b). Passé le délai de cinq ans, le (premier) possesseur de bonne foi du bien après l'écoulement du délai devient propriétaire (STEINAUER, tome I, n° 613; IDEM, Les droits réels, tome II, 5ème éd., 2020, n° 3057 [ci-après: tome II]). Le fondement de l'action est la possession antérieure et le dessaisissement involontaire. La partie défenderesse peut opposer à une telle action son meilleur droit, par exemple l'acquisition originaire de droits réels. De même, l'action en revendication (art. 641 CC) de la partie demanderesse peut être contrée si la partie défenderesse est devenue propriétaire de la chose (arrêt 5P.451/2001 du 11 février 2002 consid. 2b, publié
in recht 2002 p. 230).
Celui qui n'a pas acquis de bonne foi la possession d'une chose mobilière peut être contraint en tout temps de la restituer au possesseur antérieur (art. 936 al. 1 CC). La bonne ou la mauvaise foi qui importe se rapporte au pouvoir de l'aliénateur de disposer de la chose. Si ce pouvoir existe, le possesseur a acquis la chose d'une personne ayant le pouvoir d'en disposer et le point de savoir s'il connaissait ou aurait dû connaître le dessaisissement antérieur est - sous réserve de l'abus de droit - sans importance (ATF 139 III 305 consid. 4.2).
6.3.
6.3.1. Selon l'art. 728 al. 1 CC, celui qui de bonne foi, à titre de propriétaire, paisiblement et sans interruption, a possédé pendant cinq ans la chose d'autrui en devient propriétaire par prescription.
6.3.1.1. Pour certains auteurs, la prescription acquisitive entre en considération si la tradition a été effectuée sans cause valable, mais non en cas de défaut du pouvoir de disposer de l'aliénateur, l'art. 934 CC étant une
lex specialis (HAAB/SIMONIUS/SCHERRER/ZOBL,
in Zürcher Kommentar, Das Eigentum, Art. 641-729 ZGB, 2ème éd., 1977, n° 8 ad art. 728 CC; HITZ,
in Handkommentar zum Schweizer Privatrecht, 4ème éd., 2023, n° 2 ad art. 728 CC; PANNATIER KESSLER,
in Commentaire romand CC II, 2ème éd., 2016, n° 5 s. et 11 ad art. 728 CC). Pour d'autres, la prescription acquisitive n'est pas exclue dans ce dernier cas, mais, compte tenu du mode d'acquisition de bonne foi (art. 714 al. 2 CC et 933 ss CC), son champ d'application n'est pas très étendu (KÄHR,
in OFK ZGB Kommentar, 4ème éd., 2021, n° 2 ad art. 728 CC; RUSCH/SCHWANDER,
in Basler Kommentar ZGB II, 7ème éd., 2023, n° 1 s. ad art. 728 CC; SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, Sachenrecht, 6ème éd., 2022, n° 1134; STEINAUER, tome II, n° 3142 s.). Sans examiner exhaustivement la question, le Tribunal fédéral s'est rallié à ces derniers auteurs, compte tenu des autres dispositions permettant à l'acquéreur de bonne foi de devenir propriétaire (arrêt 6B_815/2018 du 23 octobre 2018 consid. 3.1).
6.3.1.2. La bonne foi, qui est présumée (art. 3 al. 1 CC), doit se poursuivre durant tout le délai de prescription. Si, durant ce délai, un tiers revendique un bien, le possesseur ne peut plus se prétendre de bonne foi s'il n'a pas pris les renseignements nécessaires pour clarifier la situation. Celui qui adopte une opinion erronée mais soutenable en présence de circonstances difficiles à apprécier peut toutefois se prévaloir de sa bonne foi (ATF 94 II 297 consid. 5e; HAAB/SIMONIUS/SCHERRER/ZOBL,
op. cit., n° 40 ad art. 728 CC; PANNATIER KESSLER,
op. cit., n° 23 s. ad art. 728 CC; STEINAUER, tome II, n° 3151).
La possession doit durer cinq ans à compter du moment où l'acquéreur a pris possession de la chose de bonne foi et à titre de propriétaire. Le possesseur qui est en droit de se prévaloir de la prescription a la faculté de joindre à sa possession celle de son auteur, si la prescription pouvait courir aussi en faveur de ce dernier (art. 941 CC; STEINAUER, tome II, n° 3154).
La possession est paisible si elle n'est troublée par aucune prétention d'un tiers durant cinq ans. Il y a contestation lorsque quelqu'un fait valoir avec succès en justice un meilleur droit à la possession durant ce délai (STEINAUER, tome II, n° 3152). Les démarches extrajudiciaires ne sont pas suffisantes pour troubler la possession (HITZ,
op. cit., n° 12 ad art. 728 CC; HAAB/SIMONIUS/SCHERRER/ZOBL,
op. cit., n° 58 ad art. 728 CC; PANNATIER KESSLER,
op. cit., n° 21 s. ad art. 728 CC).
6.3.2. Le droit allemand n'admet pas de mode d'acquisition de bonne foi d'une chose volée ou perdue équivalent à celui consacré à l'art. 714 al. 2 CC (§ 935 al. 1 BGB). En revanche, il connaît celui de la prescription acquisitive. Ainsi, lorsque l'acquéreur de bonne foi qui a possédé le bien de manière paisible pendant dix ans en devient propriétaire (§ 937 BGB). Cette norme s'applique aussi aux choses volées (
Bundesgerichtshof, 19.07.2019, V ZR 255/17, publié
in Neue Juristische Wochenschrift [NJW] 2019 p. 3147).
7.
En l'espèce, l'acquisition par voie successorale de la propriété de la Montre par l'intimée selon le droit de l'Etat de New York n'est pas contestée. Le recourant invoque en revanche que celle-ci l'a perdue en la transférant en exécution d'une donation à D.________ à une date indéterminée, mais au plus tard en 2006, dans l'Etat de New York, puis qu'il l'a lui-même acquise en dernier lieu en exécution d'une vente conclue avec E.________, par l'intermédiaire de G.________, le 2 mars 2014 en Allemagne. La Montre se trouve à Genève depuis le 26 juin 2014.
Pour résoudre le litige et déterminer les modes d'acquisition dont peut se prévaloir le recourant ainsi que le droit applicable à ceux-ci, il convient en premier lieu d'examiner si c'est à raison que l'autorité cantonale a constaté que la Montre avait été volée.
8.
Le recourant conteste le vol de la Montre.
8.1. Le recourant se plaint de la violation des art. 55 al. 1 et 317 al. 1 CPC en tant que l'autorité cantonale a retenu que l'inventaire de la succession de feu John Lennon comportait une autre montre que celle litigieuse, alors que l'intimée n'avait pas allégué ce fait.
Le recourant se plaint aussi d'arbitraire dans l'établissement des faits (art. 9 Cst.) à plusieurs égards. Il prétend que l'autorité cantonale a déduit manifestement à tort de l'existence d'une autre montre l'absence de donation de la Montre. Il affirme que l'arrêt présente des contradictions manifestes quant à l'accès à l'appartement, en particulier compte tenu du fait que seule l'intimée, et non D.________, en avait les clés. Il ajoute que l'autorité cantonale a passé sous silence que la Montre était conservée dans une boîte fermée par un code, placée dans un coffre-fort, lui-même situé dans une pièce verrouillée qui contenait plusieurs coffres-forts. Selon lui, l'autorité cantonale ne pouvait se priver d'examiner comment D.________ avait pu dérober à la Montre dans de telles circonstances.
Le recourant soutient enfin que la décision est constitutive de déni de justice formel (art. 29 al. 2 Cst.) car elle ne permet pas de comprendre ce qui a conduit l'autorité cantonale à retenir l'absence de donation et l'appropriation illégitime de la Montre.
8.2. Dans les procès soumis à la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC), il incombe aux parties, et non au juge, de rassembler les faits du procès. Les parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions (fardeau de l'allégation subjectif), produire les moyens de preuve qui s'y rapportent (fardeau de l'administration des preuves) et contester les faits allégués par la partie adverse (fardeau de la contestation), le juge ne devant administrer les moyens de preuve que sur les faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC). À cet égard, il importe peu que les faits aient été allégués par le demandeur ou par le défendeur puisqu'il suffit que les faits fassent partie du cadre du procès pour que le juge puisse en tenir compte (ATF 149 III 105 consid. 5.1 et les références).
Parallèlement à l'allégation des faits pertinents, les parties doivent, en vertu de l'art. 55 al. 1 CPC, proposer leurs moyens de preuve à l'appui de chacun des faits allégués (fardeau de l'administration des preuves;
Beweisführungslast). En ce domaine également, même si le tribunal dispose d'un certain pouvoir d'administration d'office (art. 153 al. 2, 181 al. 1 et 183 al. 1 CPC), il appartient aux parties, et non au juge, de déterminer les moyens de preuve qui doivent être administrés. Ici aussi, il importe peu de savoir quelle partie a offert un moyen de preuve puisque, pour que celui-ci fasse partie du cadre du procès et puisse être administré, il suffit qu'il ait été proposé au tribunal. Il n'en demeure pas moins que la partie qui supporte le fardeau de la preuve (art. 8 CC) a tout intérêt à faire en sorte que les moyens de preuve nécessaires soient présentés en procédure (arrêt 4A_31/2023 du 11 janvier 2024 consid. 4.1.3).
Selon la jurisprudence rendue en matière de droit à la preuve, autrement dit en ce qui concerne les conditions pour qu'une partie ait droit à l'administration d'un moyen de preuve qu'elle a offert, il faut qu'elle l'ait présenté régulièrement (
formgerecht) conformément à l'art. 152 al. 1 en relation avec l'art. 221 al. 1 let. e CPC, c'est-à-dire immédiatement après l'allégué, de telle sorte que l'offre de preuve se rapporte sans équivoque à l'allégué à prouver et inversement (ATF 144 III 67 consid. 2.1 et les références; arrêts 5A_578/2021 du 24 février 2022 consid. 2.1; 4A_574/2015 du 11 avril 2016 consid. 6.6.4; 4A_56/2013 du 4 juin 2013 consid. 4.4). Si le tribunal ne doit en principe pas avoir à interpeller la partie pour obtenir des éclaircissements sur les moyens de preuve à administrer (arrêts 4A_578/2021 du 24 février 2022 consid. 2.1; 4A_169/2021 du 18 janvier 2022 consid. 5.2.1.1 et les références), il ne saurait toutefois refuser d'administrer un moyen de preuve s'il voit clairement en relation avec quel allégué de fait il est offert (ATF 144 III 54 consid. 4.2.2; arrêt 4A_31/2023 précité
loc. cit.).
8.3. En l'espèce, non seulement le recourant se trompe sur le contenu des allégués formulés par l'intimée dans la procédure cantonale, mais il méconnaît la jurisprudence précitée sur la maxime des débats.
En effet, il ressort des écritures de l'intimée que celle-ci a allégué à maintes reprises l'existence de plusieurs montres ayant appartenu à feu John Lennon, dont elle est devenue propriétaire par voie de succession, et contesté la donation de la Montre à D.________ (cf. not. n° 35 de la réponse et demande reconventionnelle: "Les montres que Mme Yoko Ono avait offertes à John Lennon étaient soit dans des armoires fermées à clé, soit dans des armoires ouvertes situées dans la pièce fermée à clé"; ad 41 de la réplique: "Contesté qu'il puisse exister une quelconque confusion entre la Montre objet du litige et les autres montres issues de la succession, dans la mesure où l'histoire très spéciale de la Montre la rend unique aux yeux de Mme Yoko Ono [...]"; ad 43 de la même écriture; ad 48 de la même écriture: "Il n'est pas sérieux d'envisager que John Lennon n'ait possédé qu'une seule montre [...]"; ad 50 de la même écriture; n° 153 et 154 de la même écriture, "[...] les montres issues de la succession de John Lennon étaient conservées dans leur boîte d'origine").
Elle a en outre produit en pièce n° 16 un extrait de l'inventaire de la succession de feu John Lennon d'où il ressort, au numéro 23, l'existence de deux montres, dont la Montre litigieuse. Conformément à la jurisprudence précitée, les juges précédents étaient fondés à tenir compte du résultat de l'administration de cette preuve pour notamment retenir que la succession de feu John Lennon contenait plusieurs montres.
Par ailleurs, la critique du recourant sur l'arbitraire dans l'établissement du vol, ou en tout cas d'un dessaisissement de la Montre contre la volonté de l'intimée par son ancien employé, ne convainc pas, pas plus que celle portant sur le défaut de motivation de la décision attaquée. En constatant qu'il n'y avait pas qu'une seule montre dans la succession et que le recourant n'avançait aucun autre moyen de preuve pour établir la donation et ne se prévalait d'aucun autre titre d'acquisition de propriété au bénéfice de D.________, l'autorité cantonale a jugé que la possession de ce dernier était illégitime et qu'il n'avait pas pu acquérir la propriété de la Montre. Or, dans son argumentation, le recourant se borne à répéter que la seule existence d'une autre montre ne permet pas d'exclure la donation et que l'intimée n'a pas démontré qu'elle possédait encore d'autres montres au moment où la prétendue donation a eu lieu. Il ne présente aucune critique permettant de retenir que l'autorité cantonale aurait omis de constater les faits qu'il aurait allégués, démontrant cette donation ou un autre titre d'acquisition de la Montre qui exclurait le vol. Il conteste que D.________ soit en fuite, alors qu'une instruction pénale a été ouverte à son encontre en Allemagne pour le vol de la Montre. Il n'a toutefois lui-même jamais demandé l'audition de cette personne bien que cette offre de preuve aurait été pertinente pour démontrer ses allégués sur la donation. A cela s'ajoute les réserves contenues dans le contrat du 14 novembre 2013 conclu entre E.________ et G.________, dont il ressort que les parties avaient envisagé une revendication de la Montre de la part de l'intimée. En d'autres termes, mêmes ces personnes envisageaient que D.________ puisse ne pas être le propriétaire légitime de la Montre. En outre, E.________ a été condamné en Allemagne pour le recel de 86 objets ayant appartenu à feu John Lennon, conservés par l'intimée à son domicile, qu'il avait obtenus de D.________ à la suite d'un vol ou d'un détournement commis dans l'appartement de l'intimée, ce qui démontre que D.________ avait déjà commis un vol envers l'intimée dans l'appartement de celle-ci. Enfin, l'arrêt n'est pas contradictoire sur la question de l'accès à l'appartement par D.________: la cour cantonale a seulement établi que ce dernier et d'autres employés bénéficiaient d'un tel accès, soit la possibilité de s'y rendre avec l'accord de l'intimée; elle n'a en revanche pas affirmé qu'il en possédait aussi les clés.
Au vu de ces faits, c'est sans arbitraire que l'autorité cantonale a retenu que l'intimée avait démontré le vol de la Montre et que, à l'inverse, aucun élément ne permettait de démontrer que l'intimée a eu l'intention de faire donation à son ancien employé d'une chose si particulière que la Montre, compte tenu de son illustre propriétaire et de sa fin tragique, des circonstances dans lesquelles l'intimée l'a offerte à son époux deux mois avant son décès et de l'inscription qui y figure.
Il suit de là que les griefs du recourant ( art. 55 al. 1 et 317 CPC , 9 et 29 al. 2 Cst.) doivent être rejetés dans la mesure de leur recevabilité.
9.
En application de l'art. 100 al. 2 LDIP, l'action des deux parties en constatation du droit de propriété sur la Montre est soumise au droit suisse (cf.
supra consid. 5.3.6). Quant au droit applicable à l'acquisition de cette propriété par le recourant, il faut distinguer entre les modes d'acquisition originaire qui peuvent entrer en considération en application des art. 100 al. 1 et 102 al. 1 LDIP (cf.
supra consid. 5.3.4), étant précisé que, le vol de la Montre ayant été établi sans arbitraire, la présomption de l'art. 930 CC ne s'applique pas (cf.
supra consid. 6.1).
Au vu du lieu de situation de la chose au moment où E.________ a voulu en transférer la propriété au recourant, le droit allemand s'applique à la question de savoir si le recourant a pu acquérir de bonne foi la Montre, retirée à l'intimée contre sa volonté (cf.
supra consid. 5.3.4.1). Or, le droit allemand exclut cette hypothèse (cf.
supra consid. 6.3.2). Le processus d'acquisition doit ainsi être considéré comme entièrement réalisé sous cet ordre juridique et les conséquences qui y sont attachées, soit l'exclusion de l'acquisition de la propriété par ce mode, reconnues en droit suisse, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'application de l'art. 714 al. 2 en lien avec les art. 934 et 936 CC (cf.
supra consid. 6.2). En effet, le transfert d'un bien d'un ordre juridique à un autre ne permet pas de pallier le défaut d'une condition de droit matériel prévue pour l'acquisition de la propriété, ni d'autoriser cette acquisition par un mode que le droit de l'Etat d'origine interdit (cf.
supra consid. 5.3.5).
Dans ces conditions, le seul mode d'acquisition originaire de la Montre qui entre en considération en droit allemand est celui de la prescription acquisitive. Le recourant ayant pris possession de la Montre à titre de propriétaire en Allemagne le 2 mars 2014, le processus d'acquisition n'était toutefois pas entièrement réalisé du point de vue temporel selon le droit applicable dans ce lieu de situation (cf.
supra consid. 5.3.4.2), le délai de prescription de dix ans prévu par le droit allemand n'étant pas complètement écoulé au moment du transfert de la Montre en Suisse (cf.
supra consid. 6.3.2). Le droit suisse, soit l'art. 728 CC, s'applique donc entièrement à ce processus d'acquisition de la propriété, au titre de droit du lieu de situation actuel de la Montre. Seul l'écoulement de temps déjà survenu en Allemagne doit être pris en compte dans l'application du droit suisse, en tant que fait survenu à l'étranger réputé s'être réalisé en Suisse (art. 102 al. 1 LDIP; cf.
supra consid. 5.3.5).
Toutefois, le recourant ne s'est jamais prévalu de ce mode d'acquisition au cours de la procédure cantonale et ne le fait toujours pas dans son recours fédéral. Il n'a allégué aucune des conditions prévues à l'art. 728 CC et,
a fortiori, n'a pas discuté l'application de ce mode d'acquisition à une chose volée (cf.
supra consid. 6.3.1.1). Il s'est borné à invoquer l'acquisition dérivée de la Montre suite à la vente en application du droit allemand, puis, dans son recours fédéral, l'application de l'art. 934 CC ainsi que la présomption de l'art. 930 CC. Il est ainsi exclu d'examiner l'application de l'art. 728 CC au stade du présent recours, faute pour le recourant d'avoir répondu à son obligation de motivation (art. 42 al. 2 LTF) et les faits ne ressortant dans tous les cas pas de l'arrêt attaqué. En effet, à moins d'une violation manifeste du droit matériel, qui n'est pas réalisée en l'occurrence, le Tribunal fédéral se limite à examiner les griefs soulevés (cf.
supra consid. 2.1; sur cette question, cf. HOHL, L'application du droit d'office par les juridictions civiles des différents degrés,
in Du Plaict aux plaideurs, Mélanges en l'honneur du Professeur Denis Tappy, 2024, p. 575 ss [583 ss]).
En conséquence, il est inutile d'examiner les autres griefs soulevés par le recourant, en lien notamment avec la bonne foi de E.________ et le droit applicable à l'acquisition de la Montre par celui-ci: que ce soit en droit turc (dont le contenu, tel qu'établi par le premier juge, notamment le délai de prescription de cinq ans [cf. jugement du 17 août 2022 consid. F], n'a pas été remis en cause par le recourant) ou en droit allemand (cf.
supra consid. 6.3.2), il n'a pas pu acquérir la Montre par prescription acquisitive faute d'écoulement des délais prévus par ces ordres juridiques (5 et 10 ans). Quant à l'acquisition de la propriété par le biais de celle, de bonne foi, de la possession, le droit allemand exclut une telle acquisition pour les choses volées (cf.
supra consid. 6.3.2). Pour ce qui est du droit turc, le recourant n'a nullement exposé les conditions posées par cet ordre juridique à ce mode d'acquisition, notamment la durée du délai de la possession acquise de bonne foi. Dans son appel (cf. p. 23 n° 9.4), il a soutenu que le lieu de la transaction importait peu puisque E.________ bénéficiait de la présomption de propriété et, dans le présent recours, il se borne à soutenir que l'état de fait ne permet pas de déterminer dans quel pays, Turquie ou Allemagne, le transfert de la Montre entre D.________ et E.________ a eu lieu et que ni le droit turc ni le droit allemand ne s'applique (cf. complément au recours en matière civile, p. 4). Or, le vol ayant été retenu (cf.
supra consid. 8.3), il lui incombait de démontrer que E.________ avait acquis la propriété de la Montre par un mode d'acquisition originaire. Enfin, il n'y a pas lieu non plus d'examiner si le recourant aurait pu cumuler sa possession supposément de bonne foi avec celle de E.________ (cf.
supra consid. 6.3.1.2), étant donné qu'il ne s'est pas prévalu de la prescription acquisitive en application du droit suisse.
10.
En définitive, le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il versera en outre à l'intimée une indemnité de 12'000 fr., à titre de dépens (art. 68 al. 1 LTF). Cette indemnité sera prélevée sur les sûretés fournies par le recourant.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 12'000 fr. à titre de dépens. Cette indemnité sera prélevée sur les sûretés déposées à la Caisse du Tribunal fédéral.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 13 septembre 2024
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
La Greffière : Achtari