Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_662/2020
Arrêt du 16 septembre 2021
IIe Cour de droit social
Composition
M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président,
Moser-Szeless et Bechaalany, Juge suppléante.
Greffier : M. Cretton.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Alexandre Bernel, avocat,
recourante,
contre
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité (révision),
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du
canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 15 septembre 2020 (AI 307/18 & 86/20 - 313/20).
Faits :
A.
A.a. A.________, née en 1957, a requis des prestations de l'assurance-invalidité en raison de différents troubles somatiques et psychiques le 14 mai 2004. L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) lui a accordé une rente entière d'invalidité à partir du 1er octobre 2003 (décisions du 8 novembre 2005). Sa décision reposait sur une expertise psychiatrique du docteur B.________. L'expert avait fait état d'un trouble dépressif majeur et d'un trouble de la personnalité dépendante à l'origine d'une incapacité totale de travail à compter du mois d'août 2002 (rapport du 16 mars 2004).
A.b. L'office AI a entrepris une procédure de révision le 21 juillet 2006, à l'issue de laquelle il a supprimé la rente avec effet au 1er janvier 2010 (décision du 18 novembre 2009). Sa décision se fondait sur un examen clinique rhumato-psychiatrique des docteurs C.________ et D.________, médecins de son Service médical régional (SMR). Ces médecins avaient observé une amélioration de l'état de santé, avec un trouble dépressif en rémission complète ainsi qu'un trouble mixte non décompensé de la personnalité (avec des traits dépendants) autorisant la reprise à plein temps, depuis le 1er décembre 2005, d'une activité adaptée à des limitations fonctionnelles dues à des douleurs rachidiennes (rapport du 2 novembre 2007). La décision du 18 novembre 2009 est entrée en force après que le Tribunal cantonal vaudois a déclaré irrecevable le recours formé par l'assurée (arrêt du 13 octobre 2011, confirmé par arrêt 9C_893/2011 du Tribunal fédéral du 30 avril 2012).
A.c. L'intéressée a de nouveau sollicité des prestations le 3 septembre 2013. L'administration n'est pas entrée en matière sur cette requête (décision du 12 février 2015).
A.d. A.________ s'est à nouveau annoncée à l'assurance-invalidité le 21 juillet 2015. L'office AI est entré en matière sur la nouvelle demande de prestations et a fait réaliser une nouvelle expertise. Les experts E.________ et F.________, spécialistes en psychiatrie et psychothérapie, ont retenu un trouble de la personnalité paranoïaque totalement incapacitant dès 2002 mais autorisant la reprise à mi-temps d'une activité impliquant un minimum d'interactions sociales dès 2006 (rapport du 4 décembre 2017). Considérant cependant que les circonstances personnelles de l'intéressée rendaient inexploitable une quelconque capacité de travail depuis le mois de janvier 2016, l'administration a reconnu le droit de l'assurée à une rente entière d'invalidité depuis le 1er janvier 2017 (décision du 12 septembre 2018).
A.e. Le 12 octobre 2018, l'intéressée a sollicité de l'office AI la révision procédurale et/ou la reconsidération des décisions des 18 novembre 2009 et 12 février 2015. L'office AI n'est pas entré en matière sur la demande de reconsidération (courrier du 21 janvier 2019). Il a rejeté la demande de révision procédurale de la décision du 18 novembre 2009 (décision du 10 février 2020).
B.
Le 12 octobre 2018, A.________ a déféré la décision du 12 septembre 2018 (cause AI 307/2018) et, le 16 mars 2020, la décision du 10 février 2020 (cause AI 86/20) au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales.
Le tribunal cantonal a joint les causes. Il a rejeté le recours contre la décision du 10 février 2020 et admis partiellement celui contre la décision du 12 septembre 2018, qu'il a réformée en ce sens que la rente entière d'invalidité était octroyée à l'assurée dès le 1er janvier 2016 (arrêt du 15 septembre 2020).
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'intéressée requiert principalement la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que la demande de révision procédurale de la décision du 18 novembre 2009 est admise et qu'une rente entière d'invalidité lui est allouée dès janvier 2010 (ch. I). Elle demande subsidiairement l'annulation de l'arrêt cantonal et conclut au renvoi de la demande de révision procédurale des décisions des 18 novembre 2009 et 12 février 2015 (subsidiairement de la décision du 18 novembre 2009 seulement) à la juridiction cantonale pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision (ch. II). Elle sollicite plus subsidiairement la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que la demande de révision procédurale de la décision du 12 février 2015 est admise et qu'une rente entière d'invalidité lui est octroyée dès février 2014 (ch. III). Elle requiert plus subsidiairement encore l'annulation de l'arrêt cantonal et conclut au renvoi de la demande de révision procédurale de la décision du 12 février 2015 aux premiers juges (subsidiairement à l'administration) pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision (ch. IV).
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière de droit public (au sens des art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF ). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue sur la base des faits établis par cette dernière (art. 105 al. 1 LTF). Cependant, il peut rectifier les faits ou les compléter d'office s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant ne peut critiquer les faits que s'ils ont été constatés de façon manifestement inexacte ou contraire au droit et si la correction d'un tel vice peut influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
2.
Le 12 octobre 2018, l'assurée a demandé la révision procédurale et/ou la reconsidération des décisions des 18 novembre 2009 (suppression de la rente allouée depuis le 1er octobre 2003) et 12 février 2015 (refus d'entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations déposée le 3 septembre 2013). Par courrier du 21 janvier 2019, l'office intimé a informé la recourante qu'il refusait d'entrer en matière sur sa demande de reconsidération des deux décisions évoquées. Par décision du 10 février 2020, il a rejeté la demande de révision procédurale de la décision du 18 novembre 2009. En instance cantonale, l'assurée a uniquement conclu à la réforme de la décision du 10 février 2020, ainsi que de celle du 12 septembre 2018. Elle ne s'est pas plainte de l'absence de décision relative à sa demande de révision procédurale de la décision du 12 février 2015. Les conclusions de la recourante en instance fédérale (cf. recours, ch. II [en partie], ch. III et ch. IV des conclusions, p. 15 et 16) sont donc nouvelles au sens de l'art. 99 al. 2 LTF et, partant, irrecevables (à cet égard, cf. ATF 136 V 363 consid. 3.4.2) en tant qu'elles portent sur la demande de révision procédurale de la décision du 12 février 2015. Il n'y a pas lieu non plus de prendre en compte l'argumentation qui s'y rapporte.
3.
Etant donné les motifs et les conclusions recevables du recours, selon lesquels seule la période de novembre 2009 à décembre 2015 est litigieuse sous l'angle de la révision procédurale de la décision du 18 novembre 2009, seule reste à trancher céans la question de savoir si la juridiction cantonale pouvait confirmer le rejet de cette demande.
4.
L'arrêt attaqué cite les dispositions légales et principes jurisprudentiels nécessaires à la résolution du litige (art. 53 al. 1 LPGA pour la révision procédurale; ATF 134 III 669 consid. 2.2; 127 V 353 consid. 5b pour la notion de faits ou de moyens de preuve nouveaux). Il suffit d'y renvoyer.
5.
Le tribunal cantonal a retenu que les conditions d'une révision procédurale au sens de l'art. 53 al. 1 LPGA n'étaient pas remplies en l'occurrence. Il a admis que les experts E.________ et F.________ avaient posé un nouveau diagnostic (trouble de la personnalité paranoïaque) mais considéré que ce diagnostic reposait sur une nouvelle appréciation d'un état de fait connu depuis la décision d'octroi de rente du 8 novembre 2005. Selon les premiers juges, la différence de qualification du trouble de la personnalité (paranoïaque en 2017 par rapport à dépendante en 2004 et 2007) se fondait essentiellement sur des symptômes (plus particulièrement sur les difficultés à gérer les relations interpersonnelles) décrits par le docteur G.________de l'Institut für Medizinisch-Psychiatrische Expertise dans son rapport du 18 août 2003, qui avait certes été écarté dans la mesure où il avait été jugé confus mais dont de larges extraits avaient été repris par le docteur B.________. Les premiers juges ont par ailleurs considéré sous l'angle de l'art. 17 al. 1 LPGA que les rapports produits par les médecins traitants et les experts établissaient au degré de la vraisemblance prépondérante une modification notable de l'état de santé de l'assurée (décompensation psychique) qui justifiait l'incapacité de travail constatée par les docteurs E.________ et F.________ à compter du mois de janvier 2015. Ils ont dès lors fixé la naissance du droit à la rente au 1er janvier 2016.
6.
L'assurée fait grief à la juridiction cantonale d'avoir fondé son arrêt sur des données incomplètes. Elle soutient à cet égard que les difficultés rencontrées dans son enfance décrites par les docteurs E.________ et F.________ sont des faits nouveaux justifiant le diagnostic de "trouble de la personnalité paranoïaque" et la reconnaissance d'une incapacité totale de travail ininterrompue depuis 2002. Elle prétend que ces faits étaient totalement ignorés du docteur B.________, qui avait lié l'incapacité totale de travail retenue avant tout à la problématique dépressive résultant du divorce conflictuel d'avec son premier mari, ainsi que des docteurs C.________ et D.________, qui avaient déduit de son remariage l'amendement de cette problématique et le recouvrement d'une pleine capacité de travail. Elle reproche au tribunal cantonal d'avoir arbitrairement écarté l'expertise probante des docteurs E.________ et F.________ en n'examinant pas avec objectivité la "portée rétroactive" de leurs conclusions. Elle soutient à cet égard que les premiers juges n'ont pas tenu compte de la reconnaissance par le docteur H.________, médecin du SMR (rapport du 20 décembre 2017), du caractère superficiel de l'anamnèse contenue dans le rapport des docteurs C.________ et D.________. Les juges cantonaux s'étaient interdits d'examiner la situation avant 2016 dans la mesure où ils n'entendaient pas remettre en question la décision de suppression de rente et leur approche du cas était faussée parce qu'ils avaient ignoré les faits nouveaux évoqués; la question à se poser ne serait pas de savoir si le trouble de la personnalité dépendante était décompensé ou non mais si le trouble de la personnalité paranoïaque était déjà incapacitant en 2002. Elle ajoute que la juridiction cantonale ne pouvait pas valablement appuyer son raisonnement sur les avis des médecins traitants, dès lors qu'ils n'avaient pas été jugés pertinents à l'époque, ni sur l'instauration d'une curatelle en 2014, dès lors qu'une telle mesure avait déjà été requise en 2010. Elle précise encore que les seuls documents d'époque disponibles étaient les rapports de son psychiatre traitant, le docteur I.________, qui avait attesté une incapacité de travail constante de 70 %.
7.
7.1. L'argumentation de la recourante est mal fondée. On relèvera d'abord que contrairement à ce qu'elle fait valoir, le tribunal cantonal ne s'est pas interdit d'examiner la situation antérieure à 2016 ou ne s'est pas trompé d'approche dans son analyse. En effet, il s'est dans un premier temps attaché à déterminer si le trouble de la personnalité paranoïaque diagnostiqué par les docteurs E.________ et F.________ en 2017 constituait un fait nouveau qui pouvait justifier la modification de la qualification de l'affection retenue dans la décision initiale du 8 novembre 2005 et si l'incapacité de travail engendrée par cette affection à partir de 2002 d'après les médecins cités pouvait justifier la révision procédurale de la décision de suppression de rente du 18 novembre 2009 (cf. arrêt attaqué, consid. 3 et 4, p. 6 à 8). Ce n'est que dans un second temps que les premiers juges ont restreint leur examen aux événements postérieurs à la dernière décision entrée en force du 12 février 2015 pour déterminer sous l'angle de l'art. 17 al. 1 LPGA et à la lumière des informations transmises par les docteurs E.________ et F.________ si l'état de santé de la recourante s'était éventuellement aggravé (cf. arrêt attaqué, consid. 5 et 6, p. 8 à 10).
On relèvera ensuite que conformément à ce qu'a retenu la juridiction cantonale, si le trouble diagnostiqué par les docteurs E.________ et F.________ est différent de celui retenu par les docteurs B.________ ou C.________ et D.________ auparavant, il résulte d'une appréciation divergente d'un même état de fait. Tous ont fait état d'un "trouble spécifique de la personnalité" (F 60 de la 10e révision de la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes établie par l'Organisation mondiale de la santé [CIM-10]). Seule la qualification de ce trouble diffère selon les médecins. Les docteurs B.________ ainsi que C.________ et D.________ ont considéré que l'assurée présentait une "personnalité dépendante" (F 60.7 CIM-10) tandis que les docteurs E.________ et F.________ qu'elle présentait une "personnalité paranoïaque" (F 60.0 CIM-10).
De plus, la qualification spécifique du trouble de la personnalité (F....0 ou F....7) dépend des symptômes observés concrètement. Or, à ce propos, le tribunal cantonal a à juste titre nié l'existence de faits nouveaux au motif que les docteurs E.________ et F.________ s'étaient fondés sur des éléments constatés par le docteur G.________ (notamment les difficultés à gérer les relations interpersonnelles) et connus du docteur B.________ pour qualifier rétrospectivement différemment le trouble de la personnalité unanimement admis. Le fait pour l'assurée d'affirmer péremptoirement que les docteurs B.________, C.________ et D.________ avaient totalement omis de tenir compte dans leur appréciation des difficultés qu'elle avait rencontrées dans son enfance, dans la mesure où ils avaient focalisé leur attention sur la problématique dépressive, ne remet pas valablement en cause l'arrêt cantonal et ne démontre pas la découverte de faits nouveaux. En effet, la recourante se contente ainsi d'alléguer l'existence de difficultés sans en préciser la nature. En tout état de cause, on constate à la lecture des rapports des docteurs B.________ (p. 2 à 6, p. 16 et 17), C.________ et D.________ (p. 2 et 3, p. 4 et 5) ainsi que E.________ et F.________ (p. 3 et 4) que les éléments anamnestiques concernant les difficultés rencontrées durant l'enfance sont décrites d'une manière foncièrement identique, ce qui relativise en outre la portée des propos du docteur H.________ quant à la superficialité de l'anamnèse du rapport des docteurs C.________ et D.________. L'argument y relatif tombe donc à faux. Il est aussi erroné de prétendre, comme le fait l'assurée, que l'attention des experts et médecins examinateurs avait initialement été concentrée sur la problématique dépressive. Le docteur B.________ décrivait effectivement le trouble dépressif comme étant en rémission partielle et de gravité actuelle mineure (cf. rapport d'expertise, p. 17). En revanche, il liait la reprise d'une activité lucrative avant tout à l'amendement du fort aspect dépendant du trouble de la personnalité (cf. rapport d'expertise, p. 18). Les docteurs C.________ et D.________ s'étaient certes exprimés sur la problématique dépressive (en rémission complète) mais avaient également déduit de leurs investigations que le trouble de la personnalité n'était pas décompensé (cf. rapport d'examen, p. 8 et 9).
7.2. Compte tenu de ce qui précède, il apparaît que le tribunal cantonal n'a pas fait preuve d'arbitraire (sur cette notion, cf. ATF 137 I 58 consid. 4.1.2) ni violé l'art. 53 al. 1 LPGA en concluant que les docteurs E.________ et F.________ avaient procédé rétrospectivement à une appréciation divergente d'un état de fait connu et n'avaient pas mis en évidence de faits nouveaux justifiant une appréciation différente de l'évolution de la capacité de travail de l'assurée depuis 2002.
Les autres éléments critiqués par la recourante (la référence des premiers juges à l'avis de ses médecins traitants et à l'instauration d'une curatelle en 2014) ne laissent pas non plus apparaître l'existence de tels faits.
Entièrement mal fondé, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
8.
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 16 septembre 2021
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
Le Greffier : Cretton