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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
6B_1131/2018  
 
 
Arrêt du 21 janvier 2019  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, 
Jacquemoud-Rossari et Oberholzer. 
Greffier : M. Graa. 
 
Participants à la procédure 
X.________, 
représenté par Me Philippe Rossy, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, 
intimé. 
 
Objet 
LCR; notion de voie publique; erreur sur les faits, 
 
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 27 août 2018 (n° 253 AM17.010149-GALN/VFE). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par jugement du 27 février 2018, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a condamné X.________, pour conduite d'un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l'interdiction de l'usage du permis (art. 95 al. 1 let. b LCR), à une peine privative de liberté de 90 jours. 
 
B.   
Par jugement du 27 août 2018, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a partiellement admis l'appel formé par le prénommé contre ce jugement et a réformé celui-ci en ce sens que X.________ est condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à 30 fr. le jour. 
 
La cour cantonale a retenu les faits suivants. 
 
B.a. Né en 1973, ressortissant italien, X.________ travaille comme commerçant indépendant sur les marchés. Il tient en particulier un stand de service traiteur et de vente de fromages sur la place A.________ à B.________, durant les jours de marché. Il bénéficie d'une autorisation de circuler sur cette place.  
 
Son casier judiciaire fait état d'une condamnation, en 2011, pour lésions corporelles simples, d'une condamnation, en 2012, pour violation grave des règles de la circulation routière, d'une condamnation, en 2013, pour conduite d'un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l'interdiction de l'usage du permis, ainsi que d'une condamnation, en 2014, pour violation simple des règles de la circulation routière et conduite d'un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l'interdiction de l'usage du permis. 
 
Le fichier ADMAS de X.________ fait état de sept retraits du permis de conduire, prononcés entre 2002 et 2014, le dernier pour une durée indéterminée. 
 
B.b. Le 10 mai 2017, X.________ s'est rendu au marché A.________ afin de tenir son stand. Plus tard dans la journée, à 15 h, son activité terminée, il a pris le volant de son véhicule automobile, qui tractait une remorque, avant d'être interpellé tandis qu'il circulait sur la place A.________. Il était alors sous le coup d'une mesure de retrait du permis de conduire.  
 
C.   
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 27 août 2018, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu'il est acquitté et qu'une indemnité à titre de l'art. 429 CPP lui est allouée. Subsidiairement, il conclut à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir considéré que les règles de la LCR trouvaient application sur la place A.________. 
 
1.1. Selon l'article premier LCR, cette loi régit la circulation sur la voie publique ainsi que la responsabilité civile et l'assurance pour les dommages causés par des véhicules automobiles, des cycles ou des engins assimilés à des véhicules (al. 1). Les conducteurs de véhicules automobiles et les cyclistes sont soumis aux règles de la circulation sur toutes les routes servant à la circulation publique; les autres usagers de la route ne sont soumis à ces règles que sur les routes ouvertes entièrement ou partiellement aux véhicules automobiles ou aux cycles (al. 2). L'art. 1 al. 2 de l'ordonnance sur les règles de la circulation routière (OCR; RS 741.11) précise que sont publiques les routes qui ne servent pas exclusivement à l'usage privé.  
 
Selon la jurisprudence, il y a lieu de retenir une conception large de la notion de route publique. Ainsi, les places, les ponts, les tunnels, etc. sont à considérer comme routes au sens de la LCR (ATF 86 IV 29 consid. 2 p. 31). Le facteur déterminant n'est pas de savoir si la surface de la route est en propriété privée ou publique, mais si elle est utilisée pour la circulation générale et si son usage est possible pour un groupe indéterminé de personnes, même si son utilisation est limitée (ATF 104 IV 105 consid. 3 p. 108; 101 IV 173 p. 175; arrêt 6B_1219/2016 du 9 novembre 2017 consid. 1.2). 
 
Pour déterminer si une voie doit être qualifiée de publique au sens de la LCR - et par conséquent si cette loi y trouve application -, il convient de tenir compte de son utilisation effective. La voie est publique dès qu'elle peut être parcourue par un cercle indéterminé de personnes, cela même si son utilisation est réservée à certains buts déterminés - par exemple l'accès à une école ou à une église - puisque, même dans un tel cas, le cercle d'usagers reste indéterminé (cf. ATF 86 IV 29 consid. 2 p. 30 s.). Doit ainsi être qualifié de voie publique le parking d'un immeuble comprenant des places pour visiteurs, dès lors que celui-ci est accessible à un nombre indéterminé de personnes (cf. arrêts 6B_507/2012 du 1er novembre 2012 consid. 2.1; 6S.286/2003 du 26 septembre 2003 consid. 3.2), de même qu'une route qui, par sa situation, ne serait fréquentée que par des chasseurs, des promeneurs, des employés communaux ou des propriétaires privés, ceux-ci constituant également un cercle indéterminé de personnes (cf. arrêt 6B_847/2011 du 21 août 2012 consid. 2.5). En revanche, une voie interdite à la circulation et dont l'utilisation est subordonnée à l'obtention d'une autorisation écrite ne saurait être qualifiée de publique, dès lors qu'elle n'est accessible qu'à un cercle déterminé de personnes (cf. arrêt 6S.411/2005 du 21 mars 2006 consid. 2). 
 
1.2. Selon la cour cantonale, il est notoire que la place A.________ est une place publique, où la circulation est interdite sauf pour les véhicules dûment autorisés, s'agissant notamment des commerçants exerçant leur activité les jours de marché.  
 
1.3. Il n'est pas contesté que la place A.________ doive être qualifiée de "route" au sens de l'art. 1 al. 1 OCR. Une telle qualification est possible même s'agissant d'un espace destiné et réservé aux piétons (cf. BUSSY/RUSCONI/JEANNERET/KUHN/MIZEL/MÜLLER, Code suisse de la circulation routière, commentaire, 4e éd. 2015, n° 1 ad art. 1 OCR).  
 
Le recourant soutient que la place en question ne pourrait être qualifiée de route publique, à défaut d'être accessible à un cercle indéterminé d'usagers automobiles. La cour cantonale a certes considéré que la place A.________ était interdite à la circulation, sauf pour les usagers jouissant d'une autorisation. Il s'agit bien d'un cercle déterminé de personnes au sens de la jurisprudence (cf. consid. 1.1 supra). Cependant, le critère de l'utilisation effective de la route et du cercle d'usagers pouvant y circuler a été développé par la jurisprudence afin d'étendre la notion de "route publique", indépendamment du caractère public ou privé de l'espace concerné. Il n'a jamais visé à exclure l'application de la LCR sur des routes publiques interdites aux véhicules automobiles et ne saurait être invoqué pour parvenir à un résultat qui serait l'exact contraire du but visé. 
 
Seul l'art. 1 al. 2 OCR est à cet égard déterminant. Cette disposition énonce clairement que sont publiques toutes les routes, sauf celles servant exclusivement à l'usage privé. Cette norme doit conduire à considérer qu'une place publique, librement accessible aux piétons et dont l'usage n'est nullement privé, constitue une route publique au sens de la LCR, quand bien même seul un cercle déterminé d'usagers automobiles pourrait l'emprunter. Contrairement à ce qu'affirme le recourant, le fait que le règlement de police de la ville de B.________ évoque l'existence de zones qui ne seraient pas soumises à la LCR mais sur lesquelles pourraient circuler des véhicules autorisés ne change rien à cette acception de la "route publique" selon l'OCR. 
 
Partant, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en considérant que les règles de la LCR trouvaient application en l'espèce. 
 
2.   
Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir violé l'art. 13 CP en refusant d'admettre qu'il avait agi sous l'influence d'une erreur sur les faits. 
 
2.1. Aux termes de l'art. 13 al. 1 CP, quiconque agit sous l'influence d'une appréciation erronée des faits est jugé d'après cette appréciation si elle lui est favorable. Agit sous l'emprise d'une erreur sur les faits celui qui n'a pas connaissance ou qui se base sur une appréciation erronée d'un élément constitutif d'une infraction pénale. L'intention délictueuse fait défaut. L'auteur doit être jugé selon son appréciation erronée si celle-ci lui est favorable (ATF 129 IV 238 consid. 3.1 p. 240; arrêts 6B_1012/2017 du 23 mars 2018 consid. 2.1; 6B_996/2017 du 7 mars 2018 consid. 4.2).  
 
Déterminer ce qu'une personne a su, envisagé, voulu ou accepté relève des constatations de fait (ATF 142 IV 137 consid. 12 p. 152; 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375). 
 
2.2. La cour cantonale a exposé que la remorque du recourant devait être déplacée avant 14 h 30 et que l'intéressé avait déjà reçu des avertissements précédemment pour ne pas avoir respecté cette exigence. Or, en habitué de la place et de la conduite sans permis, le recourant ne pouvait que savoir qu'il n'avait pas le droit de prendre le volant pour déplacer ladite remorque. Cela ressortait de ses propres déclarations, puisqu'il avait indiqué avoir attendu sa mère, laquelle était en retard.  
 
2.3. Le recourant présente une argumentation appellatoire, par laquelle il conteste avoir su qu'il lui était interdit de conduire sur la place A.________, sans démontrer en quoi la cour cantonale aurait versé dans l'arbitraire en retenant le contraire (cf. art. 97 al. 1 LTF). Le fait que des agents de police eussent pu, au moment des faits, se trouver à proximité de son véhicule ne suffit en particulier pas à faire apparaître comme insoutenable la constatation selon laquelle l'intéressé, qui attendait - selon ses explications - sa mère afin de conduire le véhicule, savait qu'il ne pouvait, sans permis de conduire, déplacer celui-ci sur l'espace concerné. On ne voit d'ailleurs pas, dans ce cas, pourquoi le recourant aurait tout de même attendu une demi heure pour déplacer son véhicule, au lieu d'effectuer la manoeuvre qu'il envisageait dès 14 h 30. Le grief doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.  
 
3.   
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 21 janvier 2019 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
Le Greffier : Graa