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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
9C_799/2018  
 
 
Arrêt du 21 février 2019  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Pfiffner, Présidente, Meyer et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Berthoud. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Jean-Michel Duc, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Caisse AVS de la Fédération patronale vaudoise, route du Lac 2, 1094 Paudex, 
intimée. 
 
Objet 
Assurance-vieillesse et survivants, 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 2 octobre 2018 (AVS 34/17 - 44/2018). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1946, père de quatre enfants, a exercé la profession de médecin indépendant. A ce titre, il était affilié à la Caisse AVS de la Fédération patronale vaudoise (ci-après: la caisse).  
Le 7 septembre 2011, l'assuré a déposé une demande de rente de vieillesse de l'AVS, dont il a requis l'ajournement pour une durée de cinq ans. Le 29 novembre 2011, la caisse lui a confirmé l'ajournement de sa rente et l'a informé qu'il pouvait à tout moment en demander le versement. 
Le 23 septembre 2015, A.________ a présenté une demande de rente de survivant à la caisse à la suite du décès de son épouse survenu en 2014. Par décision du 23 novembre 2015, la caisse a alloué une rente d'orphelin de mère à B.________ d'un montant mensuel de 550 fr. pour la période courant du 1 er août au 31 décembre 2014, puis de 552 fr. du 1 er janvier au 31 août 2015.  
Par décision du 6 février 2017, la caisse a octroyé à A.________ une rente ordinaire mensuelle de vieillesse de 3'040 fr. à compter du 1 er octobre 2016, soit au terme de la période d'ajournement. Dans une seconde décision rendue le même jour, la caisse a alloué à B.________ une rente pour enfant liée à la rente du père, également à partir du 1 er octobre 2016; le montant mensuel de cette prestation, 1'134 fr., tenait compte du supplément pour ajournement ainsi que de la réduction pour plafonnement en cas de concours de rentes d'orphelin et de rentes pour enfant. A la suite de la suppression de la rente pour enfant, lequel avait atteint l'âge de 25 ans, la caisse a alloué à A.________ une rente ordinaire mensuelle de vieillesse de 3'316 fr. depuis le 1 er juin 2017, par décision du 5 mai 2017.  
 
A.b. Entretemps, le 10 avril 2017, A.________ a adressé à la caisse une demande en réparation du dommage. Il a soutenu que la caisse n'avait pas respecté son devoir d'information et de conseil à propos de l'incidence de l'ajournement de sa rente de vieillesse sur le versement des rentes pour ses quatre enfants encore à charge au 1 er octobre 2011.  
Par décision du 25 juillet 2017, la caisse a rejeté la demande. 
 
B.   
A.________ a déféré cette décision au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, qui l'a débouté par jugement du 2 octobre 2018. 
 
C.   
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation. A titre principal, il conclut à ce que la caisse soit condamnée à lui payer le montant correspondant aux rentes pour enfant dont il a été privé. A titre subsidiaire, il demande la suspension de la présente cause jusqu'à droit connu dans un litige qui l'oppose à la Caisse cantonale d'allocations familiales. Plus subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'instance précédente. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 141 II 113 consid. 1 p. 116; 141 III 395 consid. 2.1 p. 397). 
 
1.1. Le jugement entrepris concerne une demande de réparation au sens de l'art. 78 LPGA. Il a été rendu dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), de nature pécuniaire.  
Le recours en matière de droit public contre un jugement statuant sur la responsabilité d'une caisse de compensation fondée sur l'art. 78 LPGA n'est recevable que si la valeur litigieuse atteint la somme de 30'000 francs (art. 85 al. 1 let. a LTF; ATF 134 V 138), ou s'il existe une question juridique de principe (art. 85 al. 2 LTF). Le montant litigieux devant la dernière instance cantonale est déterminant (art. 51 al. 1 let. a LTF) et l'autorité cantonale de dernière instance doit le mentionner dans son arrêt (art. 112 al. 1 let. d LTF). Lorsque les conclusions ne tendent pas au paiement d'une somme d'argent déterminée, le Tribunal fédéral fixe la valeur litigieuse selon son appréciation (art. 51 al. 2 LTF). Ce contrôle d'office ne supplée toutefois pas au défaut d'indication de la valeur litigieuse: il n'appartient pas en effet au Tribunal fédéral de procéder lui-même à des investigations pour déterminer cette valeur, si elle ne résulte pas d'emblée des constatations de la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF) ou d'autres éléments ressortant du dossier (cf. arrêt 5A_621/2007 du 15 août 2008 consid. 1.2). Le recourant doit ainsi indiquer, conformément à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, les éléments suffisants pour permettre au Tribunal de céans d'estimer aisément la valeur litigieuse, sous peine d'irrecevabilité (ATF 136 III 60 consid. 1.1.1 p. 62 et les références; JEAN-MAURICE FRÉSARD, Commentaire de la LTF, 2e éd., n° 6 ad art. 51). 
 
1.2. En l'occurrence, étaient litigieuses en instance cantonale les conclusions tendant à la réparation du dommage résultant de la perte des rentes pour enfant de l'AVS qui n'avaient pas été versées durant la période où la rente de vieillesse du recourant était ajournée (d'octobre 2011 à septembre 2016). Bien que le recourant n'ait pas chiffré ses prétentions et que les premiers juges n'aient pas fixé le montant en cause, il apparaît que la somme litigieuse dépasserait le seuil de 30'000 fr. prévu à l'art. 85 al. 1 let. a LTF, de sorte que le recours en matière de droit public est recevable de ce chef.  
 
2.   
La conclusion subsidiaire du recours tend à la suspension du présent procès jusqu'à droit connu dans une demande en réparation que le recourant a adressée à la Caisse cantonale d'allocations familiales. Cette conclusion constitue une requête d'agencement de la procédure qui doit être examinée préliminairement. 
Le juge peut ordonner la suspension pour des raisons d'opportunité, notamment lorsque le jugement d'un autre litige peut influencer l'issue du procès (art. 6 al. 1 PCF, en relation avec l'art. 71 LTF). La suspension ne doit être admise qu'exceptionnellement, en particulier lorsqu'il se justifie d'attendre la décision d'une autre autorité (ATF 130 V 90 consid. 5 p. 94 s.; ordonnance 2C_141/2018 du 12 octobre 2018 et les références; en lien avec une demande de révision: ATF 138 II 386 consid. 7 p. 392). 
En l'espèce, la suspension n'est pas opportune, d'autant moins qu'on saisit mal en quoi l'issue de la seconde affaire invoquée par le recourant serait susceptible d'influencer le sort du présent litige, alors que celui-ci porte uniquement sur la responsabilité de la caisse de compensation intimée (et non d'un tiers) en raison de la violation alléguée de ses obligations de renseignement et de conseil. Il n'y a dès lors pas lieu de donner suite à la requête de suspendre la présente procédure. 
 
3.   
Le recours en matière de droit public peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), que le Tribunal fédéral applique d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). 
 
4.   
Le litige porte sur la responsabilité de la caisse intimée au sens de l'art. 78 LPGA pour le préjudice que le recourant soutient avoir subi par la non-perception de rentes pour enfant en raison d'une violation de l'art. 27 al. 2 LPGA qu'il impute à l'intimée. La question est de savoir si celle-ci a engagé sa responsabilité au sens de l'art. 78 LPGA en raison d'une omission fautive, singulièrement si l'on pouvait raisonnablement exiger de sa part qu'elle attirât l'attention du recourant sur le fait que l'ajournement de la rente de vieillesse avait pour effet d'ajourner simultanément les rentes pour enfant. 
Les premiers juges ont rappelé la teneur et la portée de ces deux dispositions légales, ainsi que les règles jurisprudentielles qui s'y rapportent. Il suffit de renvoyer à leur jugement sur ce point. 
 
5.   
La juridiction cantonale a admis que le recourant ne pouvait ignorer, à la lumière des explications fournies dans le formulaire "Demande de rente de vieillesse", que les bénéficiaires d'une rente de vieillesse avaient droit à une rente complémentaire pour chacun de leurs enfants de plus de 18 ans qui accomplissait une formation jusqu'au terme de celle-ci, mais au plus tard jusqu'à son 25 ème anniversaire. Elle en a déduit que le recourant, en décidant d'ajourner sa rente de vieillesse et, partant, de renoncer aux rentes pour enfant, avait agi en connaissance de cause. De surcroît, les premiers juges ont constaté que le recourant n'avait pas produit de pièces laissant supposer que l'un ou l'autre de ses enfants se trouvait à ce moment-là en formation, si bien qu'on ne pouvait pas reprocher à l'intimée d'être restée passive. En effet, rien ne permettait de penser, au vu des informations disponibles, que les enfants du recourant étaient éligibles aux rentes pour enfant, le recourant ayant manqué à son obligation de collaborer à l'instruction de son dossier.  
En outre, les juges cantonaux ont constaté que le recourant n'avait pas déposé de demande auprès de sa propre caisse d'allocations familiales afin d'obtenir le versement de telles prestations. Ils en ont déduit que l'intimée n'était pas en mesure de savoir, par le biais du Service des allocations familiales du Centre patronal, si les enfants du recourant étaient encore et toujours en formation, car ce service n'avait jamais versé d'allocations familiales en faveur des enfants du recourant. 
Comme l'intimée n'avait pas enfreint son obligation de renseigner et que le recourant ne pouvait se prévaloir de son droit à la protection de la bonne foi, la demande en réparation du dommage au sens de l'art. 78 LPGA était infondée. 
 
6.   
Le recourant se prévaut d'une violation des art. 27 LPGA et 9 Cst., ainsi que d'une appréciation arbitraire des moyens de preuve. Il soutient que l'intimée s'est fondée sur des informations erronées (de provenance inconnue et qui n'avaient de surcroît pas été vérifiées) relatives à la situation de ses quatre enfants, ce qui l'a conduite à retenir à tort que ces derniers, âgés de plus de 18 ans, ne poursuivaient pas d'études. Il reproche aussi à l'intimée d'avoir omis de lui indiquer que l'ajournement de sa rente de vieillesse empêchait le versement des rentes pour enfant, la communication du 29 novembre 2011 ne faisant mention à ce sujet que du montant de la rente de vieillesse ajournée dès le 1 er octobre 2011 (2'320 fr.). Le recourant en déduit que l'administration l'a induit en erreur en le laissant penser qu'il ne renonçait provisoirement qu'à sa rente de vieillesse.  
Par ailleurs, le recourant invoque le document interne de l'intimée, daté du 10 novembre 2015, en relevant qu'il y est fait mention de l'ajournement de la rente de son fils B.________. A son avis, cette indication qui figure nouvellement dans le dossier de l'intimée n'est guère compréhensible. Le recourant allègue qu'il n'avait donné aucune information supplémentaire entretemps et s'interroge sur sa provenance "dans la mesure où l'intimée prétend ne recevoir aucune information de la part d'autres institutions, même internes à celles-ci". Il ajoute qu'il n'a pas été informé de cet ajournement que l'intimée aurait introduit sans explication. 
 
7.  
 
7.1. Le recourant soutient en vain que l'intimée aurait disposé d'informations erronées au sujet de la situation professionnelle de ses enfants, car son argumentation à cet égard ne remet pas en cause la constatation de la juridiction cantonale sur ce point. Celle-ci avait retenu, sur la base des explications précises dans le formulaire de rente daté du 7 septembre 2011, que le recourant savait que le droit à une rente pour enfant supposait que celui-ci accomplît une formation et qu'il avait dès lors renoncé au versement de rentes pour enfant en parfaite connaissance de cause. A cet égard, le questionnaire d'annonce est effectivement clair et l'intimée pouvait partir de l'idée que le recourant ne demandait pas de rentes pour enfant parce qu'ils n'étaient pas en formation, puisque l'assuré n'a présenté aucun contrat d'apprentissage ou attestation d'un établissement d'enseignement (documents mentionnés comme devant être joints à la demande de rente). L'intimée n'avait donc pas à l'interpeller à ce sujet, en l'absence de tout élément - qu'il aurait appartenu au recourant de fournir - qui aurait permis de penser que les enfants du recourant pouvaient prétendre des rentes pour enfant complémentaires à celle, seule requise, de leur père. L'information relative à l'ajournement, du 29 novembre 2011, n'était donc pas erronée.  
 
7.2. A l'inverse de ce que prétend ensuite le recourant, le document du 10 novembre 2015 ne fait pas apparaître comme erronée l'information donnée précédemment par l'intimée le 29 novembre 2011 quant à l'ajournement de la seule rente ordinaire de vieillesse de l'AVS. En effet, comme on vient de le voir, l'intimée ignorait en 2011 que l'enfant B.________ suivait une formation au-delà de sa majorité, sans que cette méconnaissance puisse lui être reprochée. L'information en cause n'est apparue qu'en lien avec la demande de rente pour orphelin de mère déposée le 23 septembre 2015, dans le cadre de laquelle la caisse intimée a apparemment reçu une attestation d'études, la demande de rente ayant été vérifiée le 29 septembre 2015.  
Enfin, on ne saurait reprocher à la caisse intimée ne n'avoir pas indiqué au recourant, en novembre 2015, que la rente pour enfant était ajournée. En procédure cantonale, l'intimée a mentionné avoir envoyé à l'assuré avec sa lettre du 29 novembre 2011 un fascicule d'information sur l'âge flexible de la retraite (memento 3.04), lequel renseignait l'assuré de manière claire et précise sur l'effet de l'ajournement de sa prestation. Ce fait n'a pas été contesté par le recourant (cf. écritures des 16 novembre 2017 et 12 septembre 2018), de sorte qu'il convient de considérer qu'il avait reçu les informations selon lesquelles l'ajournement de la rente de vieillesse entraînait également celui des rentes pour enfant. De plus, l'intimée n'était pas tenue de renouveler cette information en 2015 dans le cadre de la demande de rente d'orphelin, car elle pouvait partir de l'idée que les conséquences de l'ajournement étaient connues. 
 
7.3. Il s'ensuit que l'intimée n'a pas violé son obligation de renseigner et de conseiller (art. 27 LPGA), aussi bien à l'époque où le recourant avait déposé une demande de rente de vieillesse et requis son ajournement (en 2011), qu'à l'occasion de l'instruction de la demande de rente d'orphelin pour son fils B.________ (en 2015).  
A défaut d'acte illicite, la juridiction cantonale était en droit de considérer que la demande en réparation (art. 78 LPGA) était infondée. 
 
8.   
Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
La requête de suspension de la procédure est rejetée. 
 
2.   
Le recours est rejeté. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 21 février 2019 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Pfiffner 
 
Le Greffier : Berthoud