Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_325/2021  
 
 
Arrêt du 21 décembre 2021  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Parrino, Président, Stadelmann et Moser-Szeless. 
Greffier : M. Ourny. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Samuel Thétaz, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Office cantonal AI du Valais, 
avenue de la Gare 15, 1950 Sion, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité (rente d'invalidité), 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du Valais, Cour des assurances sociales, du 4 mai 2021 (S1 19 57). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, né en 1962, exploite en tant qu'indépendant une entreprise de menuiserie-charpenterie depuis 1988. Le 22 avril 2016, il a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité auprès de l'Office cantonal AI du Valais (ci-après: l'office AI), arguant être en incapacité de travail depuis octobre 2015 en raison d'opérations aux épaules consécutives à des accidents.  
Selon les avis médicaux recueillis par l'office AI, l'assuré présentait une pleine capacité de travail dans son activité habituelle, avec toutefois une diminution de rendement de 75 %, ainsi qu'une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles (port de charges limité à 5 kg, pas d'activités lourdes ni de travaux en élévation des bras) (rapports du docteur B.________, spécialiste en rhumatologie et en médecine interne générale, du 5 décembre 2016, et du docteur C.________, médecin généraliste auprès du Service médical régional [SMR], du 9 février 2017). Entre autres mesures d'instruction, l'office AI a encore effectué une enquête économique, au terme de laquelle l'enquêteur a fixé le taux d'invalidité à 44 %, sur la base de la méthode extraordinaire d'évaluation (rapport du 4 novembre 2016 et son complément du 17 juillet 2018). 
 
A.b. Par projet de décision du 23 juillet 2018, l'office AI a informé l'assuré qu'il envisageait de lui reconnaître un droit à un quart de rente d'invalidité dès le 1 er octobre 2016. L'intéressé a contesté le calcul de la rente et a conclu à l'octroi de trois quarts de rente, entraînant un nouveau complément du rapport de l'enquêteur économique, lequel a réévalué le taux d'invalidité à 35,46 % (rapport du 27 septembre 2018). Dans un nouveau projet de décision du 3 octobre 2018, l'office AI a informé l'assuré de son intention de lui dénier tout droit à une rente d'invalidité. Par décision du 28 janvier 2018, il a rejeté la demande de prestations de l'assuré, motif pris que le degré d'invalidité (35,46 %) - déterminé selon la méthode extraordinaire d'évaluation - était insuffisant pour ouvrir le droit à une rente d'invalidité.  
 
B.  
Saisie d'un recours contre la décision de l'office AI, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du Valais l'a rejeté par jugement du 4 mai 2021. 
 
C.  
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, en concluant à sa réforme en ce sens qu'un quart de rente d'invalidité au minimum lui soit octroyé à compter du 1 er octobre 2016. A titre subsidiaire, il conclut à l'annulation du jugement entrepris et au renvoi de le cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.  
L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. A.________ a répliqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le Tribunal fédéral, qui est un juge du droit, fonde son raisonnement juridique sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 145 V 188 consid. 2) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées et la correction du vice susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF); à défaut, un état de fait divergent de celui de la décision attaquée ne peut pas être pris en compte (ATF 145 V 188 consid. 2 précité; 135 II 313 consid. 5.2.2). 
 
2.  
 
2.1. Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d'invalidité à partir du 1 er octobre 2016, plus particulièrement, au regard des motifs du recours, sur la méthode d'évaluation de l'invalidité à appliquer pour fixer le degré d'invalidité et sur l'obligation de réduire le dommage qui incombe à l'assuré.  
 
2.2. Le jugement attaqué expose de manière complète les dispositions légales et la jurisprudence relatives notamment à l'évaluation de l'invalidité et au choix de la méthode applicable pour procéder à celle-ci (art. 16 LPGA et art. 28a LAI; ATF 128 V 29 consid. 1; cf. aussi ATF 137 V 334 consid. 3.1), ainsi qu'à l'obligation de diminuer le dommage dans le cas d'un assuré de condition indépendante (arrêt 9C_36/2018 du 17 mai 2018 consid. 4.2 et les arrêts cités). Il suffit d'y renvoyer.  
On rappellera que le choix de la méthode d'évaluation de l'invalidité est une question de droit sur laquelle le Tribunal fédéral se prononce librement (arrêt 9C_337/2020 du 25 novembre 2020 consid. 3 et la référence). 
 
3.  
La juridiction cantonale a tout d'abord écarté le grief du recourant selon lequel l'intimé n'aurait pas pu revenir sur son premier projet de décision du 23 juillet 2018; un projet de décision ne devait pas être confondu avec l'acte administratif défini à l'art. 5 PA (RS 172.021) et l'intimé pouvait revenir sur un préavis sans que les conditions d'une révision ou d'une reconsidération fussent remplies. Dès lors que le recourant n'avait pas, ensuite de la notification du projet de décision en question, pris de dispositions contraires à ses intérêts sur lesquelles il ne pouvait pas revenir, son grief tiré d'une violation du principe de la bonne foi ne pouvait pas non plus être retenu. 
Sur le fond, les juges cantonaux ont relevé qu'à partir de 2015, le bénéfice ainsi que le chiffre d'affaires réalisés par l'entreprise du recourant avaient diminué, avant de remonter en 2017. Selon le recourant, cette tendance devait se maintenir grâce à une réduction des activités lourdes de charpente au profit de travaux de menuiserie plus adaptés, comme l'entretien d'immeubles ainsi que la pose de parquets et de portes de garage. Par ailleurs, la masse salariale avait baissé alors que le coût de la location de personnel externe avait augmenté, notamment en 2017. Selon l'instance précédente, compte tenu de l'adaptation du modèle d'entreprise du recourant à des activités plus conformes à ses limitations fonctionnelles et de l'engagement fluctuant de tiers, il n'était pas possible de déterminer si le travail fourni par des tiers correspondait à la diminution de rendement du recourant de 75 % dans son activité habituelle, de sorte que l'intimé avait appliqué à bon droit la méthode extraordinaire pour évaluer la perte de gain de l'intéressé. 
La cour cantonale a enfin rejeté les griefs du recourant tirés de violations de sa liberté économique, de l'interdiction de l'arbitraire et du principe de la proportionnalité, en lien avec l'obligation de réduire le dommage. Il avait toujours refusé de reprendre une activité de salarié, employait un salarié de longue date, avait indiqué privilégier les travaux de menuiserie, avait fait appel à du personnel tiers lorsque cela était nécessaire et avait adapté son modèle d'affaires bien avant 2015. Partant, on ne pouvait que suivre les conclusions de l'enquêteur économique dans son rapport de septembre 2018 ainsi que les chiffres retenus par celui-ci qui n'avaient pas été critiqués par le recourant, compte tenu du fait que l'intimé aurait même pu exiger de l'assuré qu'il reprît une activité de salarié. 
 
4.  
 
4.1. Le recourant, se plaignant d'une violation des art. 28 et 28a LAI et de l'art. 16 LPGA, reproche tout d'abord à l'intimé et au tribunal cantonal d'avoir appliqué la méthode extraordinaire d'évaluation de l'invalidité au détriment de la méthode de comparaison des revenus, laquelle lui assurerait un taux d'invalidité supérieur à 40 %. Il soutient qu'ensuite de la survenance de ses problèmes de santé, les résultats d'exploitation de son entreprise n'auraient été influencés par aucun facteur étranger à l'invalidité. L'intimé aurait requis la production des comptes 2017 avant de rendre sa décision, ce qui signifierait qu'il privilégiait alors la méthode de comparaison des revenus. Il aurait en outre modifié son premier projet de décision sur la base du même dossier et des mêmes chiffres, l'enquêteur économique ayant pour sa part pris des conclusions erronées et contraires au droit dans son rapport du 27 septembre 2018, en se basant sur une écriture du mandataire du recourant du 28 février 2018 dont il avait déjà connaissance lors de l'établissement du rapport du 17 juillet 2018. Selon le recourant, on ne saurait le contraindre à renoncer à des travaux de charpente, dont il ne pourrait pas se passer et qu'il ne pourrait pas systématiquement confier à son ouvrier ou à des travailleurs temporaires.  
 
4.2. Dans son écriture adressée à l'intimé le 28 février 2018, le recourant a indiqué avoir adapté ses tâches professionnelles dans le but de réduire sa perte de gain, ensuite de l'apparition de ses problèmes de santé. Comme souligné par les premiers juges, il a relevé avoir diminué ses activités de charpente ainsi que les travaux lourds et accomplir en contrepartie davantage de travaux de menuiserie, ce dont l'enquêteur économique a tenu compte dans son rapport complémentaire du 27 septembre 2018 pour réévaluer à la baisse la perte de gain. Il résulte en outre des faits constatés par la cour cantonale - qui lient le Tribunal fédéral (cf. consid. 1 supra) - que le recourant fait appel à du personnel temporaire en fonction des besoins, de sorte que les résultats d'exploitation de son entreprise dépendent d'au moins un facteur étranger à l'invalidité. Ainsi, les circonstances justifient le choix de l'intimé et de l'autorité précédente d'appliquer la méthode extraordinaire pour déterminer le taux d'invalidité, comme d'ailleurs requis par le recourant dans son écriture du 28 février 2018. Le fait que celui-ci invoque dorénavant l'application d'une autre méthode d'évaluation ne saurait suffire à admettre le bien-fondé de son grief. Rien n'interdisait par ailleurs à l'enquêteur économique de compléter son analyse dans son rapport complémentaire du 27 septembre 2018 pour aboutir à de nouvelles conclusions, ni à l'intimé de se fonder sur cette nouvelle évaluation pour rendre une décision qui s'écartait du premier projet de décision du 23 juillet 2018. Enfin, on ne voit pas en quoi l'intimé ou la juridiction cantonale auraient, en appliquant la méthode extraordinaire d'évaluation de l'invalidité, confondu la situation personnelle du recourant avec celle de son entreprise, comme le soutient le recourant en se référant à la jurisprudence prohibant une telle confusion (cf. notamment arrêt 9C_236/2010 du 7 octobre 2009 consid. 3.4).  
 
5.  
 
5.1. Se plaignant de violations "de l'application faite de l'obligation à l'assuré de réduire son dommage" et de sa liberté économique (art. 27 Cst.), le recourant reproche à l'intimé et aux juges cantonaux de lui avoir imposé d'accomplir uniquement des travaux d'entreprise légers ou de débuter un apprentissage dans un domaine inconnu alors qu'il était âgé de 55 ans. La volonté de l'intimé de lui faire entamer une nouvelle formation serait dénuée de toute logique et contrairement à ce qu'aurait retenu la juridiction cantonale, il n'aurait pas refusé de "reprendre" une activité salariée, dès lors qu'il aurait toujours travaillé comme indépendant. Par ailleurs, son état de santé ne serait plus susceptible d'amélioration et rien ne permettrait de soutenir que des travaux légers ne se heurteraient pas à ses limitations fonctionnelles. Au demeurant, il ne serait pas envisageable pour son entreprise d'accepter uniquement des chantiers dépourvus de travaux de charpente, plus rémunérateurs, dès lors que le maître d'ouvrage confie en général les travaux de menuiserie et de charpente à la même entité. La taille modeste de son entreprise rendrait encore plus difficile une modification de ses activités principales et il ne pourrait pas compter sur le recours à des travailleurs temporaires de manière régulière pour les travaux qu'il ne peut pas effectuer lui-même. En outre, les travaux de menuiserie comprendraient également des travaux lourds. Le raisonnement absurde de l'intimé constituerait une ingérence illicite dans l'exercice de la liberté économique du recourant.  
 
5.2. Les critiques du recourant concernant sa reconversion imposée dans une nouvelle activité salariée tombent à faux, dès lors que tant l'intimé que l'instance précédente ont évalué le taux d'invalidité en tenant compte de son choix de poursuivre son activité habituelle moyennant certains aménagements. Le recourant ayant clairement exprimé ce choix et librement réorganisé son entreprise pour assurer la viabilité de celle-ci malgré les atteintes à sa santé, on ne voit pas que la cour cantonale aurait violé sa liberté économique.  
 
5.3. Par ailleurs, les premiers juges n'ont pas retenu que son entreprise était tenue de renoncer à tout travail de charpente pour réduire le dommage; le rapport complémentaire de l'enquêteur économique du 27 septembre 2018, qui fonde le taux d'invalidité retenu de 35,46 %, mentionne que l'on peut exiger du recourant qu'il accomplisse des travaux de menuiserie, avec une baisse de rendement, et qu'il renonce à accomplir lui-même les travaux de charpente pour les confier, sous sa surveillance et sa direction, à son ouvrier ou à des travailleurs temporaires. Par rapport à la première évaluation du taux d'invalidité ressortant du rapport complémentaire du 17 juillet 2018, le nouveau calcul présenté dans le rapport subséquent du 27 septembre 2018 prend mieux en compte les aménagements effectués dans l'entreprise ensuite de l'apparition des problèmes de santé du recourant, ainsi que ses limitations fonctionnelles, qui le handicapent plus lourdement dans des travaux de charpente que dans ceux en principe plus légers de menuiserie. La nouvelle évaluation du taux d'invalidité, arrêté à 35,46 %, reflète davantage les activités encore exigibles de la part de l'assuré, dont il a fait état dans son courrier du 28 février 2018, que l'évaluation précédente ayant abouti à un taux d'invalidité de 44 %. Il convient de s'y tenir. Dès lors, par ailleurs, que le recourant a voulu maintenir son activité habituelle sans envisager une reconversion professionnelle, il devait s'attendre à devoir aménager certains champs d'activité en fonction des limitations mises en évidence par les médecins. A cet égard, c'est en vain qu'il soutient que les travaux de charpente ne pourraient pas être effectués sans lui, alors qu'il avait l'habitude - déjà avant la survenance de l'atteinte à la santé - de recourir à l'aide d'auxiliaires temporaires en cas de besoin.  
 
6.  
C'est finalement en vain que le recourant se plaint d'une violation de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.), en réitérant certains de ses griefs, dès lors que l'on ne voit pas en quoi le jugement attaqué, qui est conforme à la législation fédérale en matière d'assurance-invalidité, serait insoutenable en particulier dans son résultat. 
 
7.  
Ensuite de ce qui précède, le recours est mal fondé. 
 
8.  
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du Valais, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 21 décembre 2021 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Ourny