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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_21/2020  
 
 
Arrêt du 24 août 2020  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, présidente, Hohl et May Canellas. 
Greffière: Monti. 
 
Participants à la procédure 
Association A.________, 
représentée par Me Vanessa Maraia-Rossel, 
défenderesse et recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Marc Mathey-Doret, 
demandeur et intimé. 
 
Objet 
contrat de travail; résiliation avec effet immédiat, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 
26 novembre 2019 par la Chambre des prud'hommes 
de la Cour de justice du canton de Genève 
(C/4161/2018-5; CAPH/205/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. L'Association A.________ (ci-après: l'employeuse) gère des établissements médico-sociaux (EMS) à Genève. Le 5 mars 2014, elle a engagé B.________ en qualité d'animateur (ci-après: l'employé). De durée indéterminée, son contrat de travail prévoyait un délai de congé de trois mois pour la fin d'un mois, dès la troisième année de service.  
Selon l'art. 3.9.2 de la convention collective de travail des EMS genevois - intégrée audit contrat -, l'employé d'EMS doit « faire preuve de tact et de gentillesse envers les résidents et leurs proches, user de patience et de compréhension et s'empresser à secourir et à rendre service. » 
Le taux d'activité de l'employé a été fixé à 80 % dès le 1er juin 2014. Il est devenu animateur qualifié dès le 1er octobre 2015. 
En dernier lieu, son salaire mensuel brut s'élevait à 5'250 fr., versés treize fois l'an. 
Selon son cahier des charges, l'employé devait, notamment, encadrer « le personnel en formation (apprentis ASE) et (évaluer) ses prestations en collaboration avec le responsable de l'animation. » 
 
A.b. L'employé n'a jamais eu un quelconque problème avec un résident jusqu'au 7 août 2017, ni par la suite. Il entretenait de bonnes relations et avait de bons échanges avec les résidents. Son comportement était bienveillant, quoique parfois un peu familier. Il lui arrivait en effet de chatouiller les résidents, de leur faire peur, de leur pincer la joue, voire de leur « faire la bise » ou d'appeler à une occasion un résident par son prénom afin de capter son attention. A la suite de son départ, les résidents ont demandé « après lui ». Il était décrit comme un « bon professionnel ».  
 
A.c. Lors d'une séance de « recadrage » tenue le 20 avril 2017, l'employé s'est vu reprocher des arrivées tardives. Il était aussi sujet à des épisodes de somnolence ou de sommeil lors d'animations ou de réunions.  
 
A.d. Le 7 août 2017, alors qu'il effectuait une animation avec plusieurs résidents, l'un d'eux s'est endormi. L'employé a jeté un stylo-feutre dans sa direction pour le réveiller et attirer son attention. Le geste était dénué de violence et de méchanceté; il n'était en aucune manière de nature à blesser le résident. L'intéressé ne s'est pas rendu compte de l'événement; il a continué de sommeiller.  
C.________, assistant socio-éducatif depuis le 1er juin 2017 auprès de l'employeuse, était présent lors de cette animation. Selon ses dires, une résidente a déclaré « Ça ne se fait pas, ça! » d'un air choqué. La stagiaire D.________, qui a également vu la scène, a expliqué que l'employé avait tenté d'attirer l'attention du résident en l'appelant par son nom, puis avait jeté un stylo pour faire du bruit à proximité de la personne âgée. Elle a confirmé que son attitude n'était pas méchante. 
 
A.e. Le même jour et dans la même salle, un second incident a impliqué l'employé et un autre résident, désorienté et connu pour des tendances à la cleptomanie.  
Apercevant ce résident s'approcher des téléphones internes posés sur une table, l'employé avait, selon ses propres allégations, lancé le même stylo-feutre sur la table. En audience, il a nuancé ses propos en déclarant qu'il s'agissait d'un geste moins agressif qu'un jet. Le stylo n'a pas touché le résident, qui n'a pas réalisé ce qui se passait. Il n'est pas prouvé que l'employé aurait accusé le résident de voler. 
Selon la stagiaire également témoin de cette scène-ci, l'employé - situé à l'autre bout de la pièce - a vainement essayé d'entrer en communication verbale avec le résident qui entendait mal. Il a alors jeté un stylo qui est tombé derrière le résident, sans l'atteindre. Ici encore, elle a décrit le geste de l'employé comme dénué de méchanceté. 
 
A.f. C.________ a attendu que leur responsable commune (E.________) soit revenue de vacances, le 22 août 2017, pour lui parler de l'incident auquel il avait assisté. Celle-ci a alors organisé une réunion le 25 août 2017, avec le directeur - revenu de vacances le 21 août 2017 - et la responsable des ressources humaines, de retour le 15 août 2017. Le directeur a pris la décision de licencier l'employé avec effet immédiat. Ce dernier était quant à lui absent du 25 au 28 août 2017.  
 
A.g. Le 29 août 2017, l'employé a été appelé pour un entretien avec la responsable des ressources humaines. Il lui a été reproché ses retards et ses endormissements, puis les incidents du 7 août précédent lui ont été exposés. Il les a admis, en expliquant traverser une période difficile. Le licenciement immédiat lui a alors été signifié.  
 
A.h. L'employé est retourné auprès de ses collègues et leur a annoncé, à leur stupéfaction, qu'il quittait l'entreprise.  
 
A.i. Selon le courrier de licenciement du même jour, les motifs de cette décision tenaient dans le fait pour l'employé d'avoir lancé un stylo-feutre en direction d'un résident endormi et d'avoir agi de même à l'adresse d'un résident à tendance cleptomane. Il était aussi reproché à l'employé d'avoir demandé au résident « cleptomane » d'« arrêter de voler » et de l'avoir ainsi « stigmatisé » en sachant que ce résident souffrait de désorientation et avait pour habitude d'emmener des objets dans sa chambre. Ces faits avaient été constatés « par plusieurs témoins ».  
 
A.j. L'employé a contesté son licenciement par courrier du 13 septembre 2017.  
L'employeuse a refusé d'entrer en matière. 
 
A.k. L'employé a retrouvé un emploi à compter d'octobre 2017.  
 
B.  
 
B.a. Le 15 février 2018, l'employé a assigné l'employeuse en conciliation devant le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève. Il a ensuite déposé une demande concluant au paiement de 24'806 fr. 70.  
Par jugement du 14 mars 2019, le Tribunal prud'homal a condamné l'employeuse à verser au demandeur 14'306 fr. 75 bruts à titre de salaire durant le délai de congé plus 6'000 fr. nets à titre d'indemnité pour licenciement immédiat injustifié, le tout avec intérêts moratoires et sous réserve des déductions sociales et légales usuelles. 
 
B.b. Par arrêt du 26 novembre 2019, la Cour de justice genevoise a rejeté l'appel de l'employeuse et confirmé le jugement attaqué. Ses motifs seront évoqués ci-dessous dans la mesure utile à la discussion des griefs formulés dans le présent recours.  
 
C.   
L'employeuse recourt en matière civile au Tribunal fédéral, en concluant à ce que l'employé soit débouté de toutes ses conclusions. 
L'autorité précédente s'est référée à son arrêt. L'employé intimé a conclu au rejet du recours. 
Les parties ont spontanément répliqué et dupliqué. 
Par ordonnance présidentielle du 2 avril 2020, la demande d'effet suspensif formée par la recourante a été rejetée. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment celles afférentes à la valeur litigieuse minimale de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF) et au délai de recours (art. 46 al. 1 let. c et art. 100 al. 1 LTF). 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), notion qui inclut le droit constitutionnel. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), il n'examine en principe que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 141 III 86 consid. 2; 140 III 115 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée, selon le principe d'allégation (art. 106 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4  in fine).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). « Manifestement inexactes » signifie ici « arbitraires » (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 117; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe d'allégation (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références).  
La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes en conformité avec les règles de procédure les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 90). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18). 
 
3.   
Est litigieux le licenciement immédiat dont l'employé a été l'objet. L'autorité d'appel, à l'instar des premiers juges, a considéré qu'une telle décision ne reposait pas sur un motif suffisant. En préambule, les juges cantonaux ont observé que le travail en milieu médico-social impliquait une position particulière des employés face aux résidents, qui sont souvent diminués dans leurs capacités cognitives et physiques. Cela ne signifiait toutefois pas que tout écart à la politesse à leur égard soit prohibé et que les employés, en particulier les membres d'une équipe d'animation, doivent faire preuve de déférence absolue à l'égard des résidents. Au contraire, ces établissements étant un lieu de vie à moyen ou long terme pour les résidents, une certaine familiarité, contenue dans des limites, était inévitable et bénéfique à l'humeur et au bien-être des personnes âgées en particulier. Si le personnel d'EMS devait tout particulièrement veiller aux besoins des résidents les plus affaiblis, cela ne signifiait pas que tout comportement s'assimilant à de la familiarité soit interdit. Les jets de stylo survenus lors des deux incidents du 7 août 2017 étaient des gestes dépourvus de violence et de méchanceté, et les deux intéressés ne s'étaient rendu compte de rien. Quant au dernier motif invoqué pour justifier le licenciement, consistant dans le fait d'avoir traité le second résident de voleur et de l'avoir stigmatisé, ce comportement n'était pas établi. Il apparaissait en revanche que ce résident avait des tendances cleptomanes; il était donc concevable qu'il décide de s'emparer des téléphones et qu'il soit ensuite difficile de les retrouver. Que l'employé ait voulu l'en empêcher ne paraissait pas être un motif futile. 
 
4.   
Parmi ses nombreux griefs, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir enfreint le droit fédéral, respectivement d'avoir versé dans l'arbitraire en constatant certains faits. 
 
4.1. S'agissant de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsqu'elle déduit des éléments recueillis des constatations insoutenables. L'arbitraire ne résulte pas déjà du seul fait qu'une autre solution serait concevable, voire préférable (ATF 136 III 552 consid. 4.2).  
 
4.2. La recourante évoque un passage de l'arrêt attaqué selon lequel « le travail en milieu médico-social implique une position particulière des em ployés face aux résidents, qui sont, souvent, diminués dans leurs capacités cognitives et physiques. Cela n'implique cependant pas que tout écart à la politesse à leur égard soit prohibé et que les employés en question, en par ticulier lorsqu'ils sont membres d'une équipe d'animation, fassent preuve de déférence absolue à l'égard des résidents ». Selon elle, le cahier des charges de l'employé imposait des devoirs bien plus étendus, inconciliables avec les considérations qui précèdent. L'animateur était ainsi tenu d' « accueillir et accompagner les résidents dans le respect de leur inté grité et leurs habitudes de vie en vue d'assurer un bien-être et un confort moral, physique et spirituel (...); [de] promouvoir le développement ou le main tien de leur potentiel, de leur autonomie et de leurs libertés propres, en encourageant la communication et la participation, ainsi qu'en incitant les choix personnels, empreints de valeurs de respect et de tolérance de la part des collaborateurs et des autres résidents (...); [de] mettre en place, afin de permettre l'épanouissement de chacun et en raison de l'hétérogénéité de la population accueillie au sein de l'institution, des stratégies d'intervention adap tées aux divers troubles présents : sensoriels, physiques, cognitifs. » Il devait en outre « garantir le bien-être général au moment de l'animation ainsi que la sécurité et l'intégrité des réside nts ». La recourante enchaîne sur les aptitudes exigées d'un animateur, dont le calme et une bonne stabilité émotionnelle. Elle échoue toutefois à faire la démonstration d'une incompatibilité entre les considérations de la cour cantonale et le cahier des charges de l'employé (à supposer qu'il corresponde à ce qu'elle affirme), respectivement les qualités qu'elle prétend attendre de ses employés - étant entendu que l'appréciation du comportement de l'animateur à l'aune de l'art. 337 CO relève du droit. Elle ne convainc pas davantage d'un quelconque arbitraire lorsqu'elle se réfère aux « conceptions, recommandations et formations actuelles en matière de comportements attendus du personnel soignant et/ou d'animation vis-à-vis des résidents d'un EMS ».  
 
4.3. La recourante voudrait faire rectifier la constatation selon laquelle les incidents du 7 août 2017 se sont produits en présence de « plusieurs résidents », qu'elle estime diamétralement contraire à la réalité: en fait, une vingtaine de résidents y auraient assisté. Elle dénonce de surcroît une violation de l'art. 8 CC, arguant de ce que l'intimé aurait lui-même déclaré - lors de son audition devant les premiers juges - qu'une vingtaine de résidents étaient présents. Quoi qu'en pense la recourante, cet élément est sans pertinence pour l'issue de la cause. La précision souhaitée ne serait pas de nature à accroître la gravité du geste de l'employé - sachant notamment qu'il n'est pas avéré qu'un autre résident se serait trouvé sur la trajectoire du stylo, s'agissant du second incident. Une des conditions pour modifier l'état de fait de l'arrêt attaqué fait déjà défaut (cf.  supra consid. 2.2 et BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, n° 64 ad art. 105 LTF).  
 
4.4. Selon la recourante, l'employé aurait de son propre aveu lancé le feutre sur le résident endormi et non seulement « dans sa direction », comme constaté par la cour cantonale. Dans sa demande, l'employé aurait ainsi allégué avoir lancé « sur les jambes du résident un marqueur de couleur »; dans un autre passage de ce même mémoire, il aurait précisé « sur les genoux d'un résident ».  
C'est toutefois à juste titre que la cour cantonale a renoncé à déterminer si le stylo-feutre avait été lancé sur les jambes du résident ou à côté de lui, dans la mesure où il était de toute façon avéré que le geste était dénué de violence et de méchanceté, et n'était pas de nature à blesser le résident qui avait du reste continué à sommeiller. Comme le fait observer l'intimé, ces considérations balistiques ne sont pas pertinentes. Dans ces circonstances, il ne saurait être question de violation du droit fédéral. 
 
4.5. La recourante soutient encore qu'il eût fallu constater, au sujet du second incident, que le résident avait lancé le feutre avec une certaine force pour qu'il traverse la salle. L'on ne sait toutefois rien de la grandeur de la salle, de sorte qu'il est exclu d'abonder dans son sens.  
 
4.6. La recourante fustige un passage de l'arrêt attaqué, dans lequel les juges se refusent à « retenir que les autres employés ou résidents ont été  choqués provisoirement ou de manière durable »,en évoquant « une extrapolation qui ne ressort pas du dossier, puisqu'il semble au contraire que les résidents ont conservé leur affection pour l' (employé) jusqu'à son départ ». Cette constatation serait contredite par les témoignages de C.________et de la stagiaire D.________. L'on ne peut toutefois la suivre sur ce chapitre. Certes, le premier nommé a déclaré, lors de son audition, qu'à titre personnel, il était choqué par le jet de stylo. Cela étant, il a dans le même temps affirmé s'être senti « mal à l'aise avec ce qu' (il) avait constaté le 7 août 2017», ce qui est dissonant. Qu'il ait éprouvé un semblable sentiment se conçoit. Cependant guère plus, compte tenu des constatations cantonales - fondées notamment sur le mouvement reconstitué par l'intéressé en salle d'audience - dont il ressort que le geste n'était absolument pas violent; que le stylo atteignait à peine sa cible pourtant à deux mètres de lui; et, enfin, qu'il n'y avait aucune force dans le mouvement. Quant à la stagiaire témoin des deux incidents, elle a indiqué qu'elle était dérangée par ce geste qu'elle trouvait irrespectueux, mais non qu'elle était choquée. En aurait-il d'ailleurs été différemment que ceci n'aurait aucun impact sur l'issue du litige.  
 
4.7. La recourante tient pour diamétralement contraire à la réalité le fait, constaté par la cour cantonale, selon lequel l'employé aurait prodigué, durant trois ans, des prestations de qualité. Cette appréciation ne prête cependant pas flanc à la critique. Certes, l'employé s'est vu reprocher des arrivées tardives ainsi que des épisodes de somnolence ou de sommeil durant les animations, lors d'une séance de « recadrage » du 20 avril 2017 (cf.  supra let. A.c). Cela étant, il n'avait jamais eu un quelconque problème avec un résident jusqu'au 7 août 2017 - ni après; il entretenait de bonnes relations et avait de bons échanges avec eux, à tel point qu'à la suite de son départ, les résidents demandaient « après lui ». Il était également décrit comme un bon professionnel (cf.  supra let. A.b). L'on ne décèle dès lors nulle trace d'arbitraire dans les constatations de la cour cantonale.  
 
4.8. Retenir, à l'instar de la cour cantonale, que l'employé avait été soudainement coupé de ses relations avec ses collègues et les résidents dont il n'avait pas pu prendre congé serait tout aussi arbitraire, aux yeux de la recourante, à mesure que la cour cantonale avait elle-même également constaté qu'au terme de la séance du 29 août 2017 lors de laquelle l'employé s'est vu signifier son licenciement immédiat, il était « retourné auprès de ses collègues et leur (avait) annoncé, à leur stupéfaction, qu'il quittait l'entreprise ». Certes, il est fait état d'un ultime contact avec les collègues de l'employé. Cela étant, le fait pour ce dernier, alors qu'il était sous le coup de la nouvelle, d'annoncer à ses collègues qu'il quittait l'entreprise immédiatement et de faire face à leur stupéfaction n'est pas nécessairement assimilable à la possibilité de prendre congé d'eux et des résidents, qui impliquerait un échange d'un autre niveau.  
Les juges cantonaux n'ont dès lors pas versé dans l'arbitraire en constatant les faits pertinents pour l'issue de la cause. 
 
5.  
 
5.1. La recourante soutient que l'employé avait la responsabilité d'encadrer le personnel en formation et, en l'absence de sa supérieure hiérarchique, l'équipe d'animation en général. La cour cantonale aurait violé l'art. 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC en considérant qu'il s'agissait-là de faits nouveaux irrecevables en appel. Selon elle, ces éléments ressortiraient expressément du cahier des charges de l'employé, versé à la procédure en première instance. Il aurait appartenu aux juges de le retenir, lors même qu'il n'était pas allégué, en vertu de la maxime inquisitoire sociale gouvernant les conflits de droit du travail d'une valeur litigieuse inférieure à 30'000 fr.  
 
5.2. La cour cantonale s'est laissé guider par plusieurs motifs alternatifs et indépendants. Premièrement, il s'agissait de faits nouveaux irrecevables en appel. Deuxièmement, à supposer qu'ils fussent recevables, l'employeuse n'expliquait pas en quoi les comportements querellés constitueraient une violation des devoirs de formateur (si ce n'est que l'employé ne s'était pas comporté de façon exemplaire devant une stagiaire), ni dans quelle mesure il avait des responsabilités particulières à l'égard de la stagiaire concernée (si ce n'est d'exercer son travail en sa présence). Troisièmement, ces éléments de fait n'étaient pas avérés : ainsi, il ne ressortait pas du cahier des charges que l'employé aurait eu une quelconque responsabilité à l'égard des stagiaires; il n'était fait référence qu'aux apprentis. Quant à une prétendue position de « cadre » de l'employé, elle n'était pas crédible : le simple fait que l'employé organisait seul des animations et suppléait à la responsable, en son absence, ne suffisait pas à lui conférer cette qualité, sachant qu'il se trouvait payé quelque 5'000 fr. bruts par mois. Quatrièmement, même à retenir que l'employé occupait une position de formateur ou de cadre, cela ne changerait rien à l'appréciation des circonstances à l'origine du licenciement.  
 
5.3. La recourante conteste chacun des pans de cette argumentation. Elle se trouve toutefois devant une muraille dont les pierres sont solidement scellées: à supposer en effet que l'employé ait eu des responsabilités d'encadrement du personnel en formation, ou de l'équipe d'animation, il faudrait effectivement concéder que cela ne changerait fondamentalement rien à l'issue du litige. Or, cette conclusion suffit à sceller le sort du grief.  
 
6.  
 
6.1. La recourante dénonce une violation de l'art. 337 CO. En se focalisant sur le fait que, lors du premier incident du 7 août 2017, le geste de l'employé était dénué de violence et de méchanceté et n'était pas de nature à blesser le résident endormi, sans tenir compte d'autres circonstances, la cour aurait méconnu cette disposition légale. Il aurait également fallu tenir compte du fait qu'il animait seul cette séance de groupe, en présence d'une vingtaine de résidents et de deux employés subalternes qu'il avait la responsabilité d'encadrer en l'absence de la responsable de l'animation. La cour cantonale aurait perdu de vue que des tiers - tels que des membres de la famille d'un résident ou un journaliste - auraient théoriquement pu être présents, de sorte que les intérêts de l'EMS auraient pu être atteints, par l'entremise d'une plainte ou d'un article de presse peu reluisant. Il en irait pareillement du second incident: la cour cantonale se serait focalisée sur le caractère dénué de violence et de méchanceté du geste de l'employé, sans tenir compte du manque de patience, de calme et de retenue auquel s'ajoutait l'irrespect. Dans les deux cas, il aurait fallu garder à l'esprit la propension de ce collaborateur à manquer de distance et de retenue vis-à-vis des résidents. Qui plus est, lors de son audition par l'employeuse le 29 août 2017, il ne se serait pas excusé de ses agissements, ne manifestant ni regret ni volonté de s'amender. La recourante estime finalement choquant de mentionner que les deux résidents concernés par les projectiles ne s'étaient même pas rendu compte de ce qui se passait.  
 
6.2. L'art. 337 CO autorise l'employeur comme le travailleur à résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs (al. 1). Constituent notamment de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a signifié le congé la continuation des rapports de travail (al. 2).  
Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate doit être admise de manière restrictive. Seul un manquement particulièrement grave peut justifier le licenciement immédiat du travailleur. Un manquement moins grave ne peut entraîner une telle sanction que s'il a été répété malgré un avertissement. Par manquement de l'une des parties, on entend en règle générale la violation d'une obligation imposée par le contrat, mais d'autres faits peuvent aussi justifier une résiliation immédiate (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 31; 129 III 380 consid. 2.1 et 2.2). 
Le manquement doit être objectivement propre à détruire le rapport de confiance essentiel au contrat de travail ou, du moins, à l'atteindre si profondément que la continuation des rapports de travail ne peut raisonnablement pas être exigée; de surcroît, il doit avoir effectivement abouti à un tel résultat (ATF 142 III 579 consid. 4.2 et les arrêts cités). Le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), si la résiliation immédiate répond à de justes motifs (art. 337 al. 3 CO). Il prendra en considération toutes les circonstances du cas particulier et sa décision, rendue en vertu d'un pouvoir d'appréciation, ne sera revue qu'avec réserve par le Tribunal fédéral (entre autres, ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 32). 
 
6.3. En l'espèce, est litigieuse la question de savoir si l'employeuse avait, dans les circonstances concrètes, un juste motif de mettre un terme au contrat de travail avec un effet immédiat.  
A deux reprises le 7 août 2017, l'animateur a jeté un stylo, sans force et sans agressivité, en direction d'un résident puis d'un autre, à chaque fois dans le but d'attirer leur attention. Le premier dormait pendant une animation; le second, enclin à la cleptomanie, s'approchait de téléphones et n'a semble-t-il pas entendu l'animateur qui l'interpellait. Ce type de geste est bien évidemment critiquable - a fortiori de la part d'une personne qui avait elle-même récemment été sujette à des somnolences. Il procède d'un irrespect à l'égard de personnes âgées aux facultés diminuées. L'animateur avait clairement d'autres possibilités d'attirer l'attention des deux résidents, notamment celle de se déplacer vers l'intéressé et de lui toucher doucement l'épaule ou le bras. L'autorité précédente était fondée à souligner que le projectile n'a pas perturbé les deux intéressés qui ne se sont aperçus de rien; cet élément permettait en effet d'attester que le jet était totalement dénué de violence et de force. Dans le même temps, il est inacceptable d'adopter un comportement irrespectueux qui ne serait pas utilisé à l'égard d'un adulte en pleine possession de ses moyens - et qui n'aurait vraisemblablement pas été du goût de l'animateur s'il en avait été lui-même victime. 
Ceci dit, il convient de tenir compte de toutes les circonstances du cas concret pour résoudre la question de savoir si le comportement incriminé était d'une gravité telle qu'il pouvait justifier une résiliation immédiate. 
L'animateur travaillait depuis trois ans et quelques mois lorsque les deux incidents sont survenus le 7 août 2017. Il n'avait jusque-là pas eu le moindre problème avec un résident - et n'en a pas eu après. Il a manqué aux résidents lorsqu'il a été licencié. Il entretenait avec eux de bonnes relations et avait de bons échanges; il était un bon professionnel. Le seul problème relevé est une "séance de recadrage" quelque quatre mois avant les événements, au cours de laquelle il lui a été reproché des somnolences et arrivées tardives. Cet élément, selon les constatations souveraines de la cour cantonale, n'a toutefois pas influé dans la décision de résilier le contrat. 
Dans un parcours sans accrocs véritables, il est tout au plus fait état d'une "grande proximité", d'une certaine familiarité avec les résidents: il arrivait ainsi à l'animateur de les chatouiller, de leur faire peur, de leur pincer la joue, voire de les embrasser sur la joue ou de les appeler par leur prénom pour attirer leur attention. Des comportements infantilisants ou trop familiers, qu'une personne adulte disposant de toutes ses facultés n'accepterait pas, sont à proscrire. Il faut toutefois garder à l'esprit le besoin de marques d'affection que peuvent éprouver les personnes âgées dans leur quotidien. Le personnel d'EMS se trouve ainsi confronté simultanément à des impératifs de respect et de distance professionnelle, et au souci de prodiguer un minimum de chaleur humaine à des personnes diminuées. La frontière entre les deux peut se révéler délicate à tracer en pratique. 
Si l'animateur a pu franchir cette frontière occasionnellement et adopter une fois ou l'autre un comportement inadéquat et infantilisant, force est de constater qu'il n'est pas fait état d'écarts fréquents, ni de manquements graves. A aucun moment avant le présent litige, l'employeuse ne s'est plainte de l'attitude de l'animateur, qui est qualifiée de bienveillante dans l'arrêt attaqué. Or, vu le haut standard de comportement qu'elle se dit en droit d'attendre de ses collaborateurs - standard qu'elle doit ainsi s'attacher à faire respecter -, l'employeuse n'eût pas manqué de réagir si l'attitude générale de l'employé avait été empreinte d'une familiarité inadéquate. Lorsqu'elle entend subsumer dans la maltraitance les gestes précités qui n'avaient jusque-là provoqué aucune réaction de sa part, elle franchit le Rubicon. 
L'employé a admis traverser une période difficile, qui pouvait aussi expliquer les somnolences et arrivées tardives ayant provoqué peu avant une séance de recadrage. Toutefois, il n'avait jusque-là pas démérité, et n'a pas reproduit de comportements inadéquats les jours suivants le 7 août. Par ailleurs, le fait qu'il n'ait pas opéré de catharsis avant de se retrouver partie à la procédure ne revêt pas une importance particulière. 
Dans de telles circonstances, l'autorité précédente pouvait juger, sans excéder son pouvoir d'appréciation, que les deux jets de stylo, pour critiquables et irrespectueux qu'ils fussent, ne revêtaient pas encore une gravité suffisante pour fonder un licenciement immédiat. L'employeuse eût pu et dû se contenter d'adresser un avertissement à l'animateur. Les juges cantonaux ont porté une appréciation mesurée, tenant compte non seulement des exigences particulières pesant sur les épaules du personnel d'EMS, mais aussi des difficultés de leur tâche et des besoins spécifiques de personnes diminuées. Le long chapitre de la recourante sur le comportement exigible d'un tel personnel et sur les prétendues erreurs qui entacheraient l'arrêt attaqué ne rend pas justice à cette décision nuancée, qui a précisément su faire la part des choses dans le cas concret. 
En définitive, le grief de violation de l'art. 337 CO doit être rejeté, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la question de la notification en temps utile du licenciement avec effet immédiat. 
 
7.  
 
7.1. En dernier lieu, la recourante fait grief à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 337c al. 3 CO en allouant à l'employé une indemnité pour licenciement immédiat injustifié. Elle considère que celui-ci a commis une faute grave. Même à supposer qu'elle soit insuffisante pour justifier un licenciement immédiat, elle était d'un degré tel qu'elle justifiait la suppression de toute indemnité. L'employé n'avait manifesté des regrets que lors de son audition devant les premiers juges et encore ceux-ci étaient-ils en demi-teinte. S'y ajoute que ses prestations durant trois ans avaient laissé à désirer, puisque l'employeuse lui avait reproché des arrivées tardives, des épisodes de somnolence ou de sommeil.  
 
7.2. La cour cantonale a considéré que l'employé avait droit à une indemnité pour licenciement immédiat injustifié. Les gestes qui lui étaient reprochés étaient inadéquats, mais dénués de toute violence et de toute méchanceté. Il avait regretté son geste et était un bon employé depuis plus de trois ans. Il avait soudainement été coupé de toutes ses relations avec ses collègues et les résidents, dont il n'avait pas pu prendre congé. Elle a dès lors astreint l'employeuse à lui verser une indemnité correspondant à un peu plus d'un mois de salaire - soit 6'000 fr.  
 
7.3. Les critiques que la recourante décoche à l'adresse du jugement cantonal manquent leur cible. L'article 337c al. 3 CO prévoit qu'en cas de résiliation immédiate injustifiée, le juge peut allouer au travailleur une indemnité dont il fixera librement le montant, en tenant compte de toutes les circonstances, mais sans dépasser l'équivalent de six mois de salaire. Sauf cas exceptionnel, elle doit être versée pour tout licenciement immédiat dénué de justes motifs (ATF 133 III 657 consid. 3.2 p. 660; 135 III 405 consid. 3.1 p. 407). Or, le cas présent ne se présente pas comme une exception à cette règle et la faute de l'employé n'est pas telle qu'elle justifierait d'annihiler cette peine conventionnelle. Le Tribunal fédéral ne voit nul motif de substituer sa propre appréciation à celle des juges cantonaux qui en ont fait un usage mesuré.  
Il s'ensuit le rejet de ce grief également. 
 
7.4. La recourante ne soulève pas d'autres griefs, ce qui clôt la discussion.  
 
8.   
En définitive, le recours doit être rejeté. La recourante supportera les frais de la présente procédure fixés selon le tarif réduit (art. 65 al. 4 let. c et art. 66 al. 1 LTF) et versera à l'intimé une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais de procédure, fixés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
La recourante versera à l'intimé une indemnité de 1'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 24 août 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La présidente : Kiss 
 
La greffière : Monti