Avis important:
Les versions anciennes du navigateur Netscape affichent cette page sans éléments graphiques. La page conserve cependant sa fonctionnalité. Si vous utilisez fréquemment cette page, nous vous recommandons l'installation d'un navigateur plus récent.
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_538/2017  
 
 
Arrêt du 26 janvier 2018  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Karlen, Juge présidant, 
Fonjallaz et Eusebio. 
Greffière : Mme Sidi-Ali. 
 
Participants à la procédure 
 A.________, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens. 
 
Objet 
Détention provisoire, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 7 novembre 2017 (747 PE17.016786-DBT). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 31 août 2017, A.________ a été arrêté par la police au domicile de ses parents, peu après minuit. Il serait arrivé sur place très énervé quelques heures auparavant, parlant seul à haute voix, faisant des reproches à son père. A l'arrivée de celui-ci, l'intéressé l'aurait poursuivi à l'intérieur de la maison, le contraignant à se réfugier au deuxième étage, lui aurait planté une fourchette dans le torse et lui aurait asséné un coup de poing au visage; il aurait également insulté sa mère.  
Les parents de A.________ ont déposé plainte en raison de ces faits et le Ministère public de l'arrondissement de La Côte a ouvert une instruction pénale pour lésions simples qualifiées et injure. 
Cette procédure a été jointe à une autre procédure en cours dirigée contre A.________, auquel il est reproché d'avoir pénétré sans droit sur une parcelle privée, d'avoir eu une altercation et d'avoir bouté le feu à un escalier en bois menant à la caravane de la personne impliquée dans cette querelle. 
 
A.b. Par ordonnance du 3 septembre 2017, le Tribunal vaudois des mesures de contrainte (Tmc) a ordonné la mise en détention de A.________ pour une durée de trois mois, au motif d'un risque de réitération et de collusion.  
Le Tmc a prolongé la détention provisoire pour une durée de trois mois par ordonnance du 23 octobre 2017. 
Statuant sur recours de l'intéressé lui-même ainsi que de son conseil, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal a confirmé cette décision par arrêt du 7 novembre 2017. 
 
B.   
Par courrier du 30 novembre 2017, A.________ adresse au Tribunal fédéral une écriture qu'il a rédigée à l'attention du Tribunal cantonal le 11 novembre 2017, dont on comprend qu'il conteste l'arrêt cantonal et demande sa libération de la détention provisoire. 
Informé par le Tribunal fédéral de ce qui précède, l'avocat mandaté d'office pour la procédure cantonale dépose un acte de recours en matière pénale pour le compte du prévenu le 13 décembre 2017. Invité par le Tribunal fédéral à présenter une procuration, l'avocat indique par correspondance du 8 janvier 2018 ne pas avoir obtenu ce document de la part du recourant. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP. Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours en matière pénale est recevable. 
 
2.   
Dans son écriture, le recourant se plaint à plusieurs reprises que les instances cantonales n'ont pas tenu compte de l'ensemble de son dossier psychiatrique. Or, contrairement à ce qu'il affirme, les juges cantonaux se sont référés au dossier de l'hôpital de Prangins dans lequel le recourant a été hospitalisé à deux reprises (arrêt attaqué p. 3 et 13 à 15) ainsi qu'à celui du Département de psychiatrie du CHUV (arrêt attaqué p. 3 et 14). Pour le surplus, le recourant n'expose pas quels éléments le concernant dans dit "dossier psychiatrique" n'auraient à tort pas été pris en considération dans la présente procédure. Il n'y a ainsi aucune violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 1 Cst.). 
 
3.   
Une mesure de détention provisoire ou pour des motifs de sûreté n'est compatible avec la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let. c CEDH). 
 
4.   
En l'occurrence, la cour cantonale a retenu que les indices de culpabilité étaient suffisants. Elle a estimé que les parents du recourant étaient crédibles dans leur description des lésions corporelles commises au préjudice du père. Celles-ci étaient en outre corroborées par les constatations de la police. Les juges cantonaux ont relevé que les parents sont dans une dynamique d'aide envers le recourant et non d'accablement. Ils ont ainsi considéré que les faits présumés du 31 août 2017, cumulés aux faits présumés - et non contestés par le recourant - de la procédure à laquelle celle-ci a été jointe, étaient suffisamment graves pour justifier la détention, indépendamment des autres événements qui avaient fait l'objet de plaintes par la suite retirées. 
Le recourant expose de façon appellatoire quantité de faits qui sont sans rapport avec ces éléments, principalement en lien avec ses difficultés à trouver logement et emploi. Le recourant n'exposant pas en quoi les constatations de fait de la cour cantonale seraient manifestement inexactes ni en quoi les faits dont il tente de se prévaloir seraient susceptibles d'influer sur le sort de la cause, le Tribunal fédéral ne sauraient prendre ceux-ci en considération (cf. art. 97 al. 1 LTF). Au surplus, que le recourant ait parfois des contacts avec sa mère et d'autres membres de sa famille n'exclut en rien que les événements du 31 août 2017 se soient déroulés de la façon dont le retient l'arrêt attaqué. A cet égard, de façon appellatoire encore et en contradiction avec les constatations de la police lors de l'interpellation du 31 août 2017, le recourant fait valoir qu'il n'a jamais rencontré (ni même cherché à rencontrer) son père depuis septembre 2016. Il ne peut être suivi sur ce point. Il se contente d'expliquer sa présence au domicile de ses parents lors de son interpellation par le fait qu'il a choisi de dormir sous le figuier du jardin pour éviter d'être confronté à son père. Cette explication est peu crédible, dès lors qu'on ne voit pas pourquoi le recourant aurait choisi de s'installer dans le jardin, donc sur la parcelle même de ses parents, s'il souhaitait véritablement éviter son père. Aussi y a-t-il lieu de confirmer l'appréciation des instances précédentes qui ont donné crédit aux déclarations des parents plutôt qu'à celles du prévenu. Les indices de culpabilité sont ainsi suffisants pour la mise en détention provisoire. 
 
5.  
 
5.1. L'art. 221 al. 1 let. c CPP pose trois conditions pour admettre un risque de récidive. En premier lieu, le prévenu doit en principe déjà avoir commis des infractions du même genre (pour une exception à cette exigence, cf. ATF 137 IV 13 consid. 3 et 4 p. 18) et il doit s'agir de crimes ou de délits graves. Deuxièmement, la sécurité d'autrui doit être sérieusement compromise. Troisièmement, une réitération doit, sur la base d'un pronostic, être sérieusement à craindre. La gravité de l'infraction dépend, outre de la peine menace prévue par la loi, de la nature du bien juridique menacé et du contexte, notamment la dangerosité présentée concrètement par le prévenu, respectivement son potentiel de violence. La mise en danger sérieuse de la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves peut en principe concerner tous types de biens juridiquement protégés. Ce sont en premier lieu les délits contre l'intégrité corporelle et sexuelle qui sont visés.  
Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées. 
En général, la mise en danger de la sécurité d'autrui est d'autant plus grande que les actes redoutés sont graves. En revanche, le rapport entre gravité et danger de récidive est inversement proportionnel. Cela signifie que plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences seront élevées quant au risque de réitération. Lorsque la gravité des faits et leurs incidences sur la sécurité sont particulièrement élevées, on peut ainsi admettre un risque de réitération à un niveau inférieur. Il demeure qu'en principe, le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire (et en principe également suffisant) pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 143 IV 9 consid. 2 p. 14 ss; arrêt 1B_455/2016 du 9 décembre 2016 consid. 3.1). 
 
5.2. La cour cantonale s'est référée à un rapport du 13 juin 2017 établi par l'hôpital de Prangins, à l'audition du Chef de la Division médiation de la Police cantonale du 7 septembre 2017, ainsi qu'aux déclarations faites par les multiples personnes ayant déposé - et cas échéant retiré - plainte contre lui. Il en ressort notamment que le recourant présente un potentiel de violence concret, en dépit du peu d'antécédents ayant donné lieu à condamnation, 34 interventions à son encontre ayant occupé la police, dont la plupart au cours des deux années écoulées. Ces éléments du dossier font également état des nombreuses menaces ainsi que du fait que, vu l'interpellation du 31 août 2017 au domicile de son père, le recourant est particulièrement susceptible de les mettre à exécution.  
De son côté, le recourant fait totalement abstraction des multiples plaintes d'actes de violence dont il a fait l'objet ou des 34 interventions policières précitées. Il laisse entendre qu'il n'a pas menacé ni attaqué son père et affirme que sa famille ne le craint pas. Ainsi qu'on l'a vu, ces allégations sont en contradiction avec les déclarations des intéressés. 
A cela s'ajoutent les éléments tirés du rapport établi par l'hôpital de Prangins le 13 juin 2017, en particulier le fait que le recourant se montre indifférent aux normes, aux règles et aux contraintes, qu'il fait preuve d'une faible tolérance à la frustration et d'une difficulté à tirer un enseignement des expériences ou des sanctions subies. 
Dans ces circonstances, il y a lieu de confirmer que le recourant, enclin à mettre ses menaces à l'égard de son père ou d'autres personnes à exécution, présente un risque concret de récidive d'actes de violence à l'encontre d'autrui. 
 
6.  
 
6.1. A teneur de l'art. 197 al. 1 let. c CPP, qui concrétise le principe de la proportionnalité, les mesures de contrainte ne peuvent être prises que si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères. L'art. 212 al. 2 let. c CPP rappelle cette exigence en prévoyant que les mesures de contrainte entraînant une privation de liberté doivent être levées dès que des mesures de substitution permettent d'atteindre le même but. L'art. 237 al. 1 CPP prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention provisoire ou de la détention pour des motifs de sûreté si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention.  
 
6.2. Comme le relève à juste titre la cour cantonale, il ressort du dossier, en particulier des courriers du Département de psychiatrie du CHUV et du rapport de l'hôpital de Prangins, que le recourant ne donne souvent pas suite aux convocations qui lui sont adressées et que, malgré plusieurs hospitalisations sur une base apparemment volontaire, il a été de moins en moins coopérant (refusant un suivi ambulatoire et tout autre suivi médical ultérieur). Selon certains intervenants, de telles hospitalisations semblaient au demeurant être un simple moyen pour le recourant de se faire offrir le gite et le couvert. A cet égard, il met lui-même l'accent dans son recours sur sa "saine santé mentale" et son "équilibre intérieur", de sorte qu'on ne saurait lui prêter en l'état une véritable volonté de se soumettre à un suivi médical, moins encore à un placement en institution médicale.  
En sus de ce qui précède, vu la teneur des rapports de police et de l'hôpital de Prangins précités, en particulier s'agissant de la faible tolérance du recourant à la frustration et de son indifférence aux normes et contraintes, il n'est pas concevable qu'une obligation de se soumettre à un traitement médical régulier, une interdiction de périmètre ou d'entretenir des relations avec les personnes concernées soient de nature à prévenir tout risque de récidive. 
A cela s'ajoute qu'à ce stade, l'examen d'un placement en institution ou d'autres mesures de substitution se révèlent prématurés, une expertise psychiatrique ayant été ordonnée à brève échéance. On peut quoi qu'il en soit douter qu'il appartienne au juge de la détention de se prononcer sur des mesures de substitution, vu les circonstances - en particulier la virulence avec laquelle le recourant s'en serait pris à son propre père -, cette question nécessitant un examen approfondi de la situation, ce qu'il appartiendra au juge du fond de faire. 
 
7.   
Enfin, le recourant ne s'en prend pas à la proportionnalité de la durée de la détention et celle-ci n'apparaît pas critiquable, la peine privative de liberté encourue pour les lésions corporelles simples dont il est prévenu pouvant aller jusqu'à trois ans, que celles-ci soient qualifiées ou non du fait de l'usage de la fourchette. Dans les deux hypothèses, vu la violence des faits présumés du 31 août 2017 et les éventuelles autres infractions avec lesquelles ces lésions corporelles simples pourraient entrer en concours, une détention provisoire de 5 mois demeure proportionnée à la peine prévisible. 
 
8.   
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté et l'arrêt attaqué confirmé. Les conditions posées à l'art. 64 al. 1 LTF étant réunies, il n'est pas perçu de frais judiciaires. Le recourant ayant choisi d'agir seul devant le Tribunal fédéral, il n'y a pas lieu d'accorder d'indemnité à l'avocat le représentant dans la procédure cantonale. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Le présent arrêt est rendu sans frais. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Ministère public central du canton de Vaud et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, ainsi que, pour information, à Me Pierre-Alain Killias, avocat à Lausanne. 
 
 
Lausanne, le 26 janvier 2018 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Karlen 
 
La Greffière : Sidi-Ali