Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
5A_999/2022
Arrêt du 20 février 2024
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président,
Bovey et Hartmann.
Greffière : Mme Achtari.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Louis de Mestral, avocat,
recourant,
contre
1. B.________,
représenté par Me Philip L. Reizenstein,
2. C.________ SA,
représentée par Me Nicolas Guiramand, avocat,
intimés.
Objet
reconnaissance et exequatur de décisions étrangères,
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 17 novembre 2022 (C/24400/2021 ACJC/1571/2022).
Faits :
A.
A.a. Le 24 mars 2021, la banque américaine D.________ - actuellement reprise par E.________ - a déposé par-devant l'
United States District Court, Southern District of New York (ci-après: Tribunal de New York) une demande en paiement contre B.________ et F.________ visant le remboursement de montants tirés sur une ligne de crédit qui aurait été obtenue frauduleusement (" prétentions pour rupture de contrat, incitation frauduleuse, conversion et enrichissement illégitime ") (cause n° xxx).
A.b. Par jugement du 14 juin 2021, avec l'accord de D.________ et de B.________, le Tribunal de New York a, dans le cadre de l'action intentée par la première, condamné le second à lui payer un montant de USD 79'957'322.65 plus intérêts.
A.c. Le 5 mai 2021, G.________ a déposé par-devant l'
United States District Court, Southern District of Florida, West Palm Beach Division (ci-après: Tribunal de Floride) une action en paiement contre B.________, ainsi que contre H.________ et I.________ (cause n° yyy).
A.d. Le 14 mai 2021, à la demande de G.________, le Tribunal de Floride a rendu une décision intitulée "
Order Appointing Receiver " nommant A.________ en qualité de "
receiver " ("tiers-séquestre") pour les biens de B.________, se basant sur la règle 66 des
Federal Rules of Civil Procedure.
La décision porte le numéro de cause yyy et son dispositif s'étend sur une dizaine de pages. Il prévoit, en très résumé, que A.________, en sa qualité de "
receiver " (ou "tiers-séquestre") se voit notamment conférer tout pouvoir sur les biens appartenant directement ou indirectement à B.________. Le jugement prévoit explicitement que A.________, en sa qualité de "
receiver ", est autorisé à prendre immédiatement possession de tous les biens, comptes bancaires ou autres comptes financiers, registres, dossiers, informations stockées électroniquement, mots de passe et tout autre document ou instrument liés à B.________. A.________ se voit également confier la charge d'effectuer des démarches en vue de localiser lesdits biens, d'en prendre possession et de les garder, notamment en devenant signataire autorisé des comptes bancaires. Il peut, selon la décision, faire appel à des tiers pour l'assister dans ses tâches. Il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que les biens concernés soient dissimulés ou dispersés et peut introduire des actions en justice, y compris à l'étranger, en lien avec tous les biens faisant l'objet du tiers-séquestre.
Le dispositif de cette décision contient également des injonctions dirigées à l'encontre de tiers à la procédure, dont le but, en très résumé, est d'en obtenir la pleine et entière coopération. Elles ne visent pas uniquement la fourniture d'informations, mais également notamment la remise de fonds.
A.e. Par jugement du 22 juin 2021, le Tribunal de Floride a condamné B.________ à payer un montant, sans intérêts, de USD 54'599'930 à G.________ Le jugement mentionne que B.________ a consenti à celui-ci et que les parties renoncent à faire appel. Il y est en outre précisé que le jugement définitif ne concerne que B.________, les défendeurs H.________ et I.________ n'ayant pas comparu.
A.f. Le 19 juillet 2021, le Tribunal de New York a rendu une décision ordonnant la jonction des causes initiées par D.________ et G.________ sous le numéro de cause xxx, confirmant A.________ en qualité de "
receiver " et précisant ses pouvoirs en ce sens notamment que le "
receivership " était étendu à tous les biens de chaque entité énumérée dans un document annexe, intitulé l'annexe A.
Parmi les entités énumérées dans l'annexe A, figurent notamment les sociétés et trusts J.________, K.________ et L.________, lesquels détiendraient (selon ce document) des avoirs auprès de C.________ SA à U.________, à savoir respectivement les comptes "espèces/investissements" (soit "
Account, cash/investments ") n° (...), (...), et (...).
B.
B.a. Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance de Genève (ci-après: Tribunal) le 13 décembre 2021, A.________ a formé contre B.________ et C.________ SA une requête sur la base des art. 25 ss LDIP, concluant à la reconnaissance et à l'exécution en Suisse des décisions américaines des 14 mai et 19 juillet 2021.
Il a assorti sa requête de mesures conservatoires, avec et sans audition des parties citées, concluant (de la même manière) à ce qu'il soit fait interdiction à C.________ SA d'exécuter tout ordre de transfert, toute transaction et de manière générale toute opération sur ou depuis les comptes espèces/investissements auprès de C.________ SA à U.________ n° (...) dont le titulaire est J.________, n° (...) dont le titulaire est K.________, et n° (...) dont le titulaire est L.________, ce tant que les décisions sur la reconnaissance et l'exequatur des décisions américaines des 14 mai et 19 juillet 2021 n'avaient pas été rendues.
A titre principal, A.________ a conclu à ce que les décisions américaines des 14 mai 2021 et 19 juillet 2021 soient reconnues et déclarées exécutoires et à ce que B.________ soit condamné en tous les frais judiciaires et dépens de première instance.
A.________ a produit copies des décisions américaines des 14 mai et 19 juillet 2021, munies de traductions certifiées conformes, de l'apostille de La Haye, ainsi qu'une déclaration de son conseil américain selon laquelle les décisions précitées étaient définitives et exécutoires.
B.b. Par ordonnance du 14 décembre 2021, statuant sur les mesures conservatoires sollicitée avant audition des parties citées, le Tribunal a fait interdiction à C.________ SA d'exécuter tout ordre de transfert sur ou depuis les comptes espèces/investissements n° (...) dont le titulaire est J.________, n° (...) dont le titulaire est K.________ et n° (...) dont le titulaire est L.________, et ce tant que les décisions de reconnaissance et d'exequatur des décisions américaines des 14 mai et 19 juillet 2021 n'avaient pas été rendues. Il a réservé la suite de la procédure ainsi que le sort des frais.
B.c. Par jugement du 17 mai 2022, le Tribunal, statuant par voie de procédure sommaire, a notamment débouté A.________ des fins de sa requête de reconnaissance et d'exequatur de la décision rendue le 14 mai 2021 par le Tribunal de Floride dans la cause yyy opposant G.________ à B.________ et nommant A.________ en tant que "
receiver " et celle rendue le 19 juillet 2021 par le Tribunal de New York dans la cause xxx opposant D.________ à B.________ (ch. 1 du dispositif), et ordonné la levée des mesures conservatoires instaurées par l'ordonnance rendue le 14 décembre 2021 sur mesures conservatoires (ch. 2).
B.d. Par acte déposé le 17 juin 2022 au greffe de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: Cour de justice), A.________ a recouru contre le jugement précité, dont il a sollicité l'annulation et sa réforme en ce sens que les décisions du 14 mai 2021 du Tribunal de Floride et celle du 19 juillet 2021 du Tribunal de New York sont reconnues et déclarées exécutoires.
B.e. Par arrêt du 17 novembre 2022, expédié le 30 suivant, la Cour de justice a rejeté le recours.
C.
Par acte posté le 27 décembre 2022, A.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 17 novembre 2022. Il conclut principalement à son annulation et à sa réforme dans le sens des conclusions de son recours cantonal. Subsidiairement, il sollicite le renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants. En substance, il se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits (art. 9 Cst.) et de la violation des art. 25 ss LDIP.
Invité à se déterminer, B.________ n'a pas procédé dans le délai imparti à cet effet. C.________ SA s'en est rapportée à justice. La cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt.
D.
Par ordonnance du 29 mars 2023, le Président de la Cour de céans a attribué l'effet suspensif au recours, afin de maintenir les choses en l'état pendant la procédure fédérale, en l'occurrence d'éviter la levée des mesures conservatoires et prévenir ainsi tout acte de disposition sur les comptes ouverts auprès de l'intimée n° 2.
Considérant en droit :
1.
Le recours a été interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et en la forme prévue par la loi (art. 42 al. 1 LTF), contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en application de normes de droit public dans une matière connexe au droit civil (art. 72 al. 2 let. b ch. 1 LTF; cf. arrêt 5A_70/2021 du 18 octobre 2021 consid. 1 et les références), par un tribunal cantonal supérieur statuant en dernière instance et sur recours ( art. 75 al. 1 et 2 LTF ), dans un litige de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse requise est atteinte (art. 74 al. 1 let. b LTF). Le recourant a en outre qualité pour recourir ( art. 76 al. 1 let. a et b LTF ). Le recours en matière civile est ainsi en principe recevable.
2.
2.1. Lorsque le litige porte sur la reconnaissance ou l'exequatur d'un acte étranger, la cognition du Tribunal fédéral n'est pas limitée à la violation des droits constitutionnels, quelle que soit la nature - provisionnelle ou non - de l'acte en discussion (ATF 143 III 51 consid. 2.3; 135 III 670 consid. 1.3.2). Il s'ensuit que la partie recourante peut invoquer tous les motifs de recours prévus aux art. 95 et 96 LTF , sauf à préciser que, le litige étant de nature pécuniaire, le Tribunal fédéral ne peut revoir l'application du droit étranger que sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 143 III 51 consid. 2.3; 138 III 489 consid. 4.3 et les références). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Cela étant, compte tenu de l'obligation de motiver qui incombe au recourant en vertu de l' art. 42 al. 1 et 2 LTF , il n'examine pas toutes les questions juridiques qui peuvent se poser, mais seulement celles qui sont soulevées devant lui (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). L'art. 42 al. 2 LTF exige par ailleurs que le recourant discute les motifs de la décision entreprise et indique précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4 et la référence). Lorsqu'une décision attaquée se fonde sur plusieurs motivations indépendantes, alternatives ou subsidiaires, toutes suffisantes pour sceller le sort de la cause, la partie recourante doit, sous peine d'irrecevabilité, démontrer que chacune d'entre elles est contraire au droit en se conformant aux exigences de motivation requises (ATF 142 III 364 consid. 2.4; 138 III 728 consid. 3.4; 136 III 534 consid. 2). En outre, le Tribunal fédéral ne connaît de la violation des droits fondamentaux que si de tels griefs ont été invoqués et motivés par le recourant ("principe d'allégation"; art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'ils ont été expressément soulevés et exposés de façon claire et détaillée (ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1; 142 II 369 consid. 2.1).
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ceux-ci ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant qui soutient que les faits ont été établis d'une manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 144 II 246 consid. 6.7; 143 I 310 consid. 2.2 et la référence), doit satisfaire au principe d'allégation susmentionné (art. 106 al. 2 LTF; cf.
supra consid. 2.1). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (ATF 145 IV 154 consid. 1.1). Lorsque, comme dans le cas particulier, l'autorité précédente était saisie d'un recours, de sorte que son pouvoir d'examen était limité à l'arbitraire s'agissant des faits retenus par le premier juge (art. 320 let. b CPC), le Tribunal fédéral contrôle librement la manière dont elle a fait usage de sa cognition limitée, en recherchant, dans le cadre des griefs qui lui sont présentés, si elle a nié - ou admis - à tort l'arbitraire de l'appréciation en fait opérée par le premier juge (interdiction de l'"arbitraire au carré"; ATF 116 III 70 consid. 2b; 112 I 350 consid. 1; arrêts 5A_160/2022 du 27 juin 2022 consid. 2.1.2.2; 5D_6/2022 du 6 mai 2022 consid. 2.2.1).
3.
La Cour de justice a considéré que la question de savoir si les deux décisions américaines dont la reconnaissance et l'exequatur étaient requis relevaient de la nature civile, permettant alors l'application des dispositions générales des art. 25 ss LDIP, devait s'apprécier selon la conception du droit suisse. Il n'était dès lors pas déterminant que les décisions en question eussent été rendues sur la base du code de procédure civile américain et non sur la base de dispositions américaines du droit de la faillite. Contrairement à ce que soutenait le recourant, le Tribunal ne pouvait se limiter à examiner les décisions américaines précitées pour en déduire la matière à laquelle elles ressortissaient selon le droit suisse. Le fait que ces décisions ne fassent pas état de l'insolvabilité de l'intimé n'était pas pertinent pour exclure que lesdites décisions relèveraient du domaine de la faillite selon le droit suisse et,
a fortiori, en déduire qu'elles ressortiraient de la matière civile. Le Tribunal avait, au contraire et avec raison, cherché à circonscrire le but de la requête intentée par le recourant en Suisse et les effets des décisions américaines dont la reconnaissance était demandée en droit suisse.
La Cour de justice a ensuite constaté que le recourant avait précisément demandé la reconnaissance de sa qualité de "
receiver " afin de pouvoir accomplir sa " mission " en Suisse, à savoir " échanger avec C.________, (...) prendre possession des fonds conformément aux décisions américaines et (...) les rapatrier aux Etats-Unis ". Dès lors, le but final de la requête déposée en Suisse par le recourant - qui était prédominant - était d'augmenter la part de fonds à partager entre les créanciers lésés par les agissements frauduleux de l'intimé, en rapatriant aux Etats-Unis les valeurs patrimoniales déposées en Suisse auprès de l'intimée. Il devait être assimilé au but visé par l'administrateur d'une faillite étrangère, de sorte que les décisions américaines dont il était demandé la reconnaissance et l'exequatur ne relevaient pas de la matière civile.
La Cour de justice a considéré que le présent cas pouvait être rapproché de celui dont elle avait eu à traiter dans son arrêt ACJC/660/2010 du 27 mai 2010 (confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 5A_483/2010 du 8 février 2011). En effet, les larges pouvoirs conférés au recourant s'apparentaient à ceux confiés aux liquidateurs nommés par les tribunaux des Iles Caïmans pour récupérer les actifs de sociétés en liquidation à travers le monde. Or, une reconnaissance abstraite du statut de "
receiver " du recourant et des pouvoirs qui s'y accompagnent, notamment solliciter des renseignements auprès de l'intimée et ordonner des transferts de fonds, permettrait à celui-ci, comme dans le cas de l'arrêt ACJC/660/2010 pour les liquidateurs, d'agir sans contrôle du juge suisse de la faillite et de contourner ainsi les restrictions imposées par les art. 166 ss LDIP.
La Cour de justice en a conclu que dans la mesure où le recourant n'avait pas préalablement obtenu, ni même requis, la reconnaissance de décisions de faillite étrangères et que les décisions américaines des 14 mai et 19 juillet 2021 dont il tirait sa qualité de "
receiver " n'y étaient pas assimilables (pas davantage qu'au concordat ou à une procédure analogue), son statut de "
receiver " ne pouvait pas être constaté de manière abstraite sans violer les art. 166 ss LDIP. Au surplus, le recourant - qui précisément contestait que les décisions américaines susvisées fussent des décisions de faillite - n'avait pas démontré la réalisation des conditions posées par les art. 166 ss LDIP dans le cas d'espèce (notamment le respect du principe de l'égalité des créanciers). Enfin, contrairement à ce que soutenait le recourant, il était possible qu'une décision étrangère pût ne pas être reconnue en Suisse, que cela soit sous l'angle des art. 25 ss LDIP ou des art. 166 ss LDIP.
La Cour de justice a encore constaté que la " mission " que le recourant était censé accomplir en Suisse était contraire à l'ordre public suisse. En effet, les actes que le recourant entendait accomplir en Suisse, relevant de l'exécution forcée, tomberaient sous la protection instaurée par l'art. 271 ch. 1 CP. On voyait mal comment il pourrait être justifié que la qualité de "
receiver " du recourant fût reconnue abstraitement, lui donnant alors la capacité de procéder à des actes d'exécution forcée sans violer l'art. 271 ch. 1 CP, tandis qu'il était refusé aux liquidateurs et aux administrateurs de faillite étrangère de faire reconnaître leur qualité préalablement à la reconnaissance de la décision de faillite étrangère. La situation du recourant ne pouvait pas non plus être rapprochée de celle dite " step into the shoes ". Au contraire de celle-ci, le recourant agissait en tant que personne nommée par les tribunaux américains et ayant pour mission de récupérer les biens de l'intimé déposés auprès de l'intimée et non comme simple substitut d'un failli dans des rapports contractuels avec un cocontractant localisé en Suisse.
La Cour de justice a enfin considéré que, contrairement à ce que soutenait le recourant, il ne pouvait être exigé du juge suisse de limiter et d'encadrer précisément le rôle de "
receiver " du recourant et de lui donner des instructions claires afin de ne pas violer l'ordre public suisse. En effet, la décision étrangère devant produire en Suisse les effets qu'elle avait acquis dans l'Etat d'origine, il n'était pas possible de restreindre les pouvoirs du recourant tels que confiés par les tribunaux américains. De plus, ceux-ci étant très larges, la restriction serait telle qu'elle viderait de sa substance la qualité de "
receiver " du recourant. On était loin du cas dans lequel il s'agissait de réduire le montant réclamé à titre de dommages-intérêts punitifs ou d'honoraires d'avocat à un niveau tolérable sous l'angle de l'ordre public suisse. Enfin, en l'absence de reconnaissance d'une décision de faillite étrangère, l'exception au principe de la "
Wirkungsgleichstellung " ne s'appliquait pas en l'espèce.
4.
Aux termes de griefs qui se recoupent largement, le recourant se plaint d'un établissement manifestement inexact des faits et d'une violation des art. 25 ss et 166 ss LDIP .
Il considère que la cour cantonale a retenu de manière erronée que les décisions dont la reconnaissance et l'exequatur sont demandés relevaient de l'exécution forcée, soit de la faillite, et non de la matière civile et d'avoir, ce faisant, considéré à tort qu'une procédure de reconnaissance et d'exequatur selon les art. 25 ss LDIP n'était pas possible, la voie à suivre étant celle des art. 166 ss LDIP. Si la Cour de justice avait à juste titre rappelé que c'était la
lex fori qui déterminait si une décision avait été rendue "en matière civile" par l'autorité étrangère, elle ne pouvait en revanche être suivie lorsqu'elle affirmait qu'il n'était pas déterminant que les décisions en question aient été rendues sur la base du code de procédure civile américain et non sur la base du droit de la faillite américain. En effet, la cour cantonale ne pouvait pas ignorer la nature de la procédure étrangère pour procéder à une évaluation
in abstracto. L'état de fait et le cadre juridique étranger devaient être "révélateurs" du caractère civil ou non de la décision en question. Ce n'était d'ailleurs pas parce qu'une institution de droit civil américain est inconnue en droit suisse qu'elle ne relèverait pas du droit civil. Si la Cour de justice n'avait pas établi les faits de manière manifestement inexacte, elle serait arrivée à la conclusion que les décisions américaines dont la reconnaissance et l'exequatur sont demandés ressortissaient non pas à l'exécution forcée, mais au droit civil. L'institution du "
receivership " ici litigieux n'avait rien à voir, à l'aune du droit américain, avec une procédure de faillite suisse au sens des art. 197 ss LP, puisque celle-ci correspond au droit américain de la faillite qui figure dans le chapitre 7 du
US Bankruptcy Code. Or, en l'occurrence, les décisions américaines avaient été rendues en application du droit civil américain, à savoir de la règle 66 des
Federal Rules of Civil Procedure. Le recourant souligne qu'il ressortait clairement de sa présentation "En fait" et de ses pièces 8 et 11, que la Cour de justice avait à dessein choisi d'ignorer, qu'il existe plusieurs types de "
receivership " en droit américain. Il convenait ainsi de distinguer le "
receivership " du droit de la faillite du "
receivership " institué par décision d'une autorité indépendamment de la solvabilité du débiteur. Or il résultait clairement des décisions dont la reconnaissance et l'exequatur sont demandés que l'insolvabilité de B.________ n'était nullement en question et que ces décisions déployaient les mêmes effets sur tous les défendeurs, sans qu'aucune faillite soit mentionnée. Ces éléments avaient été écartés sans aucun fondement ni motivation, alors qu'ils étaient décisifs pour juger de l'applicabilité
in casu des art. 25 ss LDIP.
Le recourant est ainsi d'avis que c'est à tort que la Cour de justice a jugé non pertinent le fait que les décisions américaines ne fassent pas état de l'insolvabilité de l'intimé, alors même que le Tribunal fédéral et la doctrine considèrent qu'une décision étrangère n'est qualifiée de "décision de faillite étrangère" que si le motif qui a présidé à son ouverture est l'insolvabilité. Autrement dit, une décision étrangère ne peut être reconnue selon l'art. 166 LDIP que dans la mesure où elle déploie des effets minimaux typiques de la faillite. Or, en l'espèce, les décisions américaines ne déploient pas de tels effets: elles ne concernent en rien l'insolvabilité du débiteur; il ne s'agit pas d'une procédure d'exécution forcée générale et collective dans un pays dont le système juridique connaît de telles procédures, mais d'une procédure civile/privée initiée par deux créanciers dans le cadre d'actions en paiement; la procédure de "
receivership " ne vise pas un égal désintéressement de tous les créanciers du débiteur et ne concerne que deux des créanciers de B.________, à savoir les banques D.________ et G.________; enfin, la procédure de "
receivership " ne porte pas sur tout le patrimoine du débiteur qui en serait dessaisi, mais uniquement sur une liste de biens précisément circonscrits et qu'on retrouve dans le document annexé à la décision du 19 juillet 2021 (annexe A). Contrairement à ce que la Cour de justice avait retenu, les décisions américaines relevaient donc bien du droit civil. Le fait que le "
receiver " ait été nommé par une autorité judiciaire ne changeait rien au fait qu'il l'avait été dans le cadre de demandes en paiement de nature privée sur requête de créanciers et que sa mission s'inscrivait dans le cadre du droit civil.
Le recourant fait enfin grief à la Cour de justice d'avoir procédé à une analogie erronée entre le cas d'espèce et l'arrêt 5A_483/2010 du 8 février 2011, ce qui l'avait conduite à retenir à tort que les décisions dont la reconnaissance et l'exequatur sont demandés ressortissaient à l'exécution forcée. En effet, l'arrêt précité avait été rendu dans un contexte bien particulier, à savoir celui de la liquidation et de la dissolution de sociétés. Il ressortait par ailleurs de cet arrêt que la
Grand Court des Îles Caïmans avait rendu des ordonnances de mise en liquidation des sociétés impliquées. Or, en l'espèce, il n'y avait pas eu de décision de faillite étrangère dans laquelle le "
receivership " s'inscrirait, et il n'était pas question d'insolvabilité du débiteur. Le recourant ajoute que l'arrêt 5A_483/2010 est considéré par la doctrine comme étant dépassé depuis l'adoption du nouvel art. 174c LDIP dans le cadre de la récente révision du chapitre 11 de la LDIP.
5.
La question qui se pose est de savoir si la décision étrangère doit être reconnue en Suisse.
5.1. S'agissant de la reconnaissance de décisions étrangères, les dispositions générales des art. 25 ss LDIP s'appliquent dans toutes les matières sur lesquelles porte la LDIP, à l'exception des décisions de faillites étrangères (art. 166-174), des concordats homologués à l'étranger (art. 175) et des sentences arbitrales étrangères (art. 194). Pour les décisions portant sur un rapport de droit matériel mais limitées dans leurs effets à une poursuite en cours, les art. 25 ss LDIP ne s'appliquent pas (BUCHER,
in Commentaire romand, LDIP/CL, 2011, n° 4 ad art. 25 LDIP). Ainsi, les art. 25 ss LDIP ne s'appliquent qu'aux décisions rendues en matière civile, à défaut de celles qui relèvent de l'exécution forcée (ATF 129 III 683 consid. 5.2; arrêt 5A_483/2010 du 8 février 2011 consid. 3.2). En matière de faillite internationale, le chapitre 11 de la LDIP consacre seulement des principes d'entraide. La décision étrangère peut être reconnue en Suisse à des conditions précises (art. 166 LDIP) et cette reconnaissance permet l'ouverture d'une mini-faillite en Suisse (art. 170 LDIP). Celle-ci est soumise au droit suisse et consiste en une procédure ancillaire par rapport à la faillite principale étrangère (ATF 147 III 365 consid. 3.2.2). La reconnaissance du jugement de faillite étranger selon l'art. 166 LDIP, contrairement à celle selon les art. 25 ss LDIP, n'a pas pour effet d'étendre les effets de la faillite étrangère au territoire suisse et donc d'intégrer celle-ci dans l'ordre juridique suisse. La reconnaissance crée simplement la condition préalable à une forme d'entraide judiciaire en faveur d'une procédure menée à l'étranger (ATF 147 III précité consid. 3.2.1 et les références).
La LDIP ne contient aucune disposition sur les poursuites ou sur le droit applicable à celles-ci dans un contexte international. En effet, le droit des poursuites relève du droit public, de sorte qu'il est soumis au principe de territorialité, selon lequel un État ne peut pas imposer ses actes de souveraineté dans un autre. En raison de l'absence de toute disposition dans la LDIP, une poursuite menée en Suisse est exclusivement régie par la LP. Les actes de poursuite étrangers ne sont donc pas reconnus et il n'y a pas d'entraide internationale en la matière (STAEHELIN, Das internationale Betreibungsrecht,
in BlSchK 2015 p. 125 ss [126 s., 137 ss]).
Si le débiteur n'a aucun lien avec la Suisse (art. 46 ss LP), une poursuite n'est possible que s'il possède des valeurs patrimoniales en Suisse, notamment par le biais du séquestre (art. 52 LP).
5.2. En l'espèce, le recourant se contente de soutenir qu'étant donné que les décisions américaines dont la reconnaissance et l'exequatur sont demandés ne ressortissent pas à la faillite, elles constituent forcément des décisions rendues en matière civile, et non d'exécution forcée. Une telle conception ne saurait être suivie. En particulier, l'argument du recourant selon lequel la procédure ne vise pas le désintéressement de tous les créanciers et ne porte pas sur tout le patrimoine du débiteur n'est pas pertinent. Même si elles ne ressortissent pas à la faillite, les décisions concernées relèvent bien de l'exécution forcée. En effet, si l'on s'en tient à sa propre description de celles-ci, le recourant a été nommé pour exécuter de précédentes décisions matérielles statuant sur l'existence des créances. Le but des décisions dont la reconnaissance est demandée est d'exécuter ces décisions au fond, en saisissant des biens appartenant au débiteur pour les rapatrier aux Etats-Unis afin de dédommager certains créanciers du débiteur. Ces décisions permettent au recourant d'administrer des biens appartenant encore au débiteur pour obtenir le recouvrement de créances au paiement desquelles celui-ci a été condamné et d'agir lui-même sur le sol suisse, sans recourir aux moyens de contrainte disponibles en Suisse.
Cette conclusion ne prive au demeurant pas les créanciers étrangers de la possibilité de se faire désintéresser. S'ils entendent saisir les biens du débiteur en Suisse, il leur reste la possibilité de faire reconnaître les décisions au fond, si les conditions de la reconnaissance sont remplies, puis d'obtenir un séquestre des éventuels biens (art. 271 al. 1 ch. 6 LP).
Il suit de là que le grief de violation de l'art. 25 LDIP doit être rejeté, ce qui suffit à sceller le sort de la cause et rend sans objet celui-ci relatif à l'art. 27 al. 1 LDIP. Quant au grief de violation l'art. 9 Cst. dans la constatation des faits, il est sans portée.
6.
En définitive, le recours est rejeté. Les frais judiciaires, arrêtés à 20'000 fr., sont mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Aucuns dépens ne sont dus, les intimés ayant renoncé à toute détermination quant au fond et quant aux mesures provisionnelles (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 20'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 20 février 2024
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
La Greffière : Achtari