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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_466/2022  
 
 
Arrêt du 10 février 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Jametti, Présidente, Kiss et May Canellas, 
greffière Monti. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par 
Me Céline Jarry-Lacombe, avocate, 
demanderesse et recourante, 
 
contre  
 
1. Y.________ SA, 
représentée par 
Me Philippe Loretan, avocat, 
2. Z.________, 
représenté par 
Me Stéphane Jordan, avocat, 
défendeurs et intimés. 
 
Objet 
délai d'appel; preuve, 
 
recours en matière civile contre la décision rendue le 14 septembre 2022 par la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais (C1 22 152). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 31 janvier 2019, A.________ SA a intenté une action en paiement contre Y.________ SA et Z.________ devant le Tribunal du district de... (VS). 
Elle s'est vu déboutée par jugement du 17 mai 2022, notifié à son avocate le lendemain. 
 
B.  
Sous la plume de son conseil, la demanderesse a interjeté appel auprès du Tribunal cantonal valaisan. Son mémoire daté du 17 juin 2022 précisait au chapitre de la recevabilité: 
 
"Remis ce jour par pli recommandé à un bureau de poste suisse à l'attention de l'autorité de céans (...), le présent appel est déposé en temps utile". 
Le pli est parvenu au Tribunal cantonal valaisan le mardi 21 juin 2022. Le Juge délégué auprès de la Cour civile II a consulté le site Internet de La Poste Suisse pour reconstituer le cheminement de cet envoi prioritaire et recommandé ("PRI + SI" = PostPac Priority/Maxilettre + Signature, selon les "Abréviations des prestations et des offres" de La Poste, publiées en ligne). Le traçage indiquait comme première prise en charge postale le tri de l'envoi au centre postal de Daillens (VD), le 20 juin 2022 à 07 h 12 du matin. 
Le Juge délégué s'est alors adressé à l'avocate de la demanderesse le 22 juin 2022 en ces termes: 
 
"Selon les informations recueillies sur le site internet de Poste CH SA (...), ledit envoi a été 'trié' (en vue de sa distribution), le (lundi) 20 juin 2022. La date et l'heure de son dépôt n'y sont en revanche pas indiquées. Cela étant, il vous est imparti le délai de 30 jours pour établir (par titre) que l'envoi en question a bien été remis à la poste le (vendredi) 17 juin 2022." 
La mandataire professionnelle s'est expliquée comme il suit le 4 juillet 2022: 
(...) votre correspondance m'a profondément surprise, étant donné que mon écriture d'appel datée du 17 juin 2022 a bel et bien été déposée auprès de la poste principale de Vevey le 17 juin 2022, aux alentours de 17 h 00. 
Il semblerait en revanche que mon colis n'ait été pris en charge que le lundi 20 juin au matin pour des raisons que la poste suisse ne parvient toujours pas à m'expliquer à ce jour, et ce même après ma réclamation formelle. 
Néanmoins, j'ai pu obtenir de leur part le traçage de mon badge client commercial qui permet de déposer son courrier à un guichet spécial situé à l'arrière de la poste principale, avenue Général-Guisan à Vevey. Comme vous pourrez le lire, mon assistante, Mme M.________, s'est servie de cette carte d'accès magnétique le vendredi 17 juin 2022, à 16 h 57 et 18 secondes pour y déposer tout le courrier du jour, y compris le colis contenant l'écriture d'appel. À cette occasion, elle était accompagnée de son compagnon qui a également pu attester du dépôt le 17 juin 2022. Je vous joins en ce sens leur[s] attestations, accompagnées de leurs cartes d'identité. 
De plus, M. P.________ avait son téléphone portable avec lui, lequel démontre grâce à sa géolocalisation qu'il se situait à 17 h 00 à la poste de Vevey, en compagnie de Mme M.________. 
Pour finir, je vous prie de trouver ci-joint copie des avis de transmission aux parties adverses et le courriel destiné à mon client (...) qui ont été établis le 17 juin 2022, à 16 h 50, juste avant que Mme M.________ ne quitte l'Etude pour se rendre à la poste déposer le colis en question. 
(...) " 
En annexe à ces déterminations figuraient: 
 
- une copie d'un badge numéroté estampillé "La Poste" destiné au "point clientèle commerciale" de l'office veveysan, ainsi qu'un relevé des accès (autorisés ou refusés) à ce secteur le 17 juin 2022. Il en ressort que le numéro de badge en question a été utilisé à 16 h 57 min 18 sec; 
- deux attestations du 1er juillet 2022 signées par Mme M.________ et M. P.________, lesquels confirment la version présentée par l'avocate et fournissent une copie de leur pièce d'identité; 
- un traçage de provenance indéfinie indiquant une présence à l'étude de l'avocate le 17 juin 2022 entre 16 h 25 et 16 h 54, puis à "La Poste" (sans précision temporelle), enfin à Monthey à 17 h 36 après un trajet en voiture; 
- une copie de deux courriers d'accompagnement datés du 17 juin 2022, portant l'adresse des conseils respectifs des défendeurs, précédée de la mention "par pli simple", et enfin, 
- une copie d'un courrier électronique envoyé par Mme M.________ au représentant de la société demanderesse le 17 juin 2022 à 16 h 50, intitulé "Votre litige c/ Y.________ SA et Z.________", dans lequel la prénommée le prie de trouver en annexe une "copie de l'envoi qu'[elle] adresse ce jour au Tribunal cantonal valaisan". 
Le 14 septembre 2022, le Juge délégué a déclaré l'appel irrecevable au motif qu'il était tardif (cf. au surplus consid. 3 infra). Il a fondé sa compétence de juge unique sur l'art. 20 al. 1 let. b LOJ (Loi valaisanne sur l'organisation de la Justice, RS/VS 173.1), qui l'autorise à statuer comme tel "en cas d'irrecevabilité manifeste".  
 
C.  
La demanderesse a déposé un recours en matière civile visant à ce que le Tribunal fédéral annule cette "décision d'irrecevabilité" et renvoie la cause "à l'autorité inférieure pour jugement". 
La défenderesse comme le défendeur ont conclu au rejet du recours dans la mesure où il était recevable, provoquant une réplique spontanée de la partie adverse qu'ils ont renoncé à commenter. 
L'autorité précédente s'est référée à son arrêt. 
A l'issue de l'échange d'écritures, une ordonnance présidentielle du 11 janvier 2023 a signifié aux parties que toute nouvelle écriture serait classée sans être prise en considération. 
Par pli du 30 janvier 2023 (Act. 31), l'avocat du défendeur a signifié qu'il "entend[ait] compléter [s]es déterminations en [s]e référant spécifiquement" à l'arrêt 6B_1428/2021 rendu le 9 janvier 2023 par l'autorité de céans. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les conditions de recevabilité régissant le dépôt d'un recours en matière civile sont réalisées sur le principe, notamment en ce qui a trait au délai de recours (art. 100 al. 1 LTF) et à la valeur litigieuse (art. 74 al. 1 let. b LTF). 
Ceci dit, les pièces nouvelles produites à l'appui du recours - plus précisément un courriel de La Poste du 17 octobre 2022 et une attestation notariée du jour suivant - sont irrecevables dès lors qu'elles ne "résultent" pas de l'arrêt attaqué et n'entrent ainsi pas dans l'exception prévue à l'art. 99 al. 1 LTF (ATF 139 III 120 consid. 3.1.2; 136 III 123 consid. 4.4.3; arrêt 4A_18/2010 du 15 mars 2010 consid. 2.1; GRÉGORY BOVEY, in Commentaire de la LTF, 3 e éd. 2022, n os 22 ss ad art. 99 LTF). Le défendeur souhaiterait également faire écarter, pour le même motif, une pièce extraite d'un site Internet dont la dernière mise à jour remonte, actuellement encore, au 15 décembre 2020. Il en sera fait abstraction, dans la mesure où elle n'est pas nécessaire pour établir la thèse de la demanderesse.  
 
2.  
Est litigieux le respect du délai de 30 jours pour faire appel (art. 311 al. 1 CPC). 
Le jugement de première instance a été notifié à l'avocate de la demanderesse le 18 mai 2022. Le délai d'appel a donc expiré le vendredi 17 juin 2022 à minuit. La demanderesse prétend avoir prouvé une remise à La Poste à cette date. Il sied au préalable de rappeler quelques principes. 
L'art. 143 al. 1 CPC requiert que l'acte soit remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au tribunal, soit - à l'attention de ce dernier -, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse. 
En pratique, l'expédition postale est la règle (cf. JEAN-MAURICE FRÉSARD, in Commentaire de la LTF, op. cit., n° 10 ad art. 48 LTF). Le délai est sauvegardé si l'acte est remis à La Poste Suisse le dernier jour du délai en cours à minuit (ATF 147 IV 526 consid. 3.1; cf. arrêt 4A_71/2021 du 13 juillet 2021 consid. 2.3 et FRÉSARD, ibidem : "à minuit pile", soit 24:00:00; arrêt 5A_503/2019 du 20 décembre 2019 consid. 4.1: "bis zur letzten Minute des Tages"). Peu importe que ce soit à un guichet postal, dans une boîte aux lettres postale ou dans un automate "MyPost 24" (ATF 142 V 389 consid. 2.2 p. 391; arrêt 5A_972/2018 du 5 février 2019 consid. 4.2).  
Le justiciable (ou son avocat) doit apporter la preuve stricte de l'expédition de l'acte procédural en temps utile (ATF 142 V 389 ibidem). Une telle preuve peut résulter du sceau postal, du récépissé de l'envoi posté en recommandé, de l'accusé de réception obtenu au guichet postal, de la quittance imprimée par l'automate MyPost 24 ou de tout autre moyen adéquat, tel le témoignage d'une ou plusieurs personnes. En revanche, la date indiquée par une machine d'affranchissement privée (ou, pour les plus modernes, le code-barres avec justificatif de distribution) ne prouve pas la remise de l'envoi à la poste (arrêt précité 5A_972/2018 consid. 4).  
En principe, le sceau postal fait foi de la date d'expédition. Toutefois, cette présomption peut être renversée par tous moyens appropriés. L'avocat qui dépose son pli dans une boîte postale après la fermeture du guichet doit s'attendre à ce que le courrier ne soit pas enregistré le jour même de la remise, mais à une date ultérieure (ATF 147 IV 526 consid. 3.1; arrêts 6B_154/2020 du 16 novembre 2020 consid. 3.1.1; 5A_503/2019 précité consid. 4.1; 5A_267/2008 du 16 octobre 2008 consid. 3.1; 5P.113/2005 du 13 septembre 2006 consid. 3.1). Aussi doit-il indiquer spontanément à l'autorité de recours, et avant l'échéance du délai, qu'il a respecté celui-ci, en présentant les moyens qui l'attestent (ATF 147 IV 526 consid. 3.1 et les arrêts cités). Il pourra s'agir d'un ou plusieurs témoins (dont les noms et adresses seront inscrits sur l'enveloppe contenant le recours), voire d'une séquence audiovisuelle filmant le dépôt du pli dans la boîte postale (avec une possible incidence sur les frais de justice, cf. ATF 147 IV 526 consid. 4). En bref, pour renverser la présomption, il importe que la partie recourante produise ses preuves dans le délai de recours, ou du moins les désigne dans l'acte de recours, ses annexes ou sur l'enveloppe qui le contient (ATF 147 IV 526 consid. 3.1 i.f.).  
 
3.  
En l'occurrence, le pli contenant l'appel est parvenu au Tribunal cantonal le mardi 21 juin 2022. La première opération attestée par La Poste est un tri au centre de Daillens le lundi 20 juin à 07 h 12 du matin. 
Nonobstant les explications et moyens de preuve fournis par l'avocate de la demanderesse le 4 juillet 2022, le juge cantonal n'a pas acquis la certitude qu'elle avait remis le mémoire d'appel à La Poste Suisse au plus tard le 17 juin 2022 à minuit. Il a justifié son appréciation comme il suit: 
 
- L'avocate de la demanderesse n'avait pas démontré avoir été victime d'une erreur de la poste ou d'un dysfonctionnement des services d'expédition qui l'eût empêchée de fournir une quittance attestant du jour et de l'heure du dépôt de l'envoi. Le traçage du "Colis PostPac Priority" ne fournissait pas une telle preuve. 
- Il n'était pas davantage établi que l'avocate ait jamais déposé une "réclamation formelle" à la poste, comme elle le soutenait. 
- En outre, elle avait omis de produire ou de proposer en temps utile les preuves du dépôt de l'appel, soit avant l'échéance du délai y relatif. Les titres censés le démontrer, en particulier les attestations de Mme M.________ et de son ami M. P.________, avaient été déposées le 4 juillet 2022, bien après l'expiration dudit délai. 
 
4.  
Comme le souligne la demanderesse, ce raisonnement est entaché d'arbitraire. 
 
4.1. Au préalable, on confirmera que la demanderesse doit fournir la preuve certaine de l'expédition de son mémoire d'appel le 17 juin 2022, en présentant l'un ou l'autre moyen énoncé à l'art. 168 al. 1 CPC.  
L'intéressée voudrait se voir appliquer un degré de preuve moins strict, soit celui "requis pour renverser [une] présomption". A la tardiveté du moyen - soulevé en réplique - s'ajoute l'inconsistance. Certes, une allégation établie par une présomption de fait peut être infirmée par une contre-preuve, laquelle doit instiller des doutes sérieux dans l'esprit du juge afin d'affaiblir la preuve principale, mais ne doit pas nécessairement le convaincre (ATF 120 II 393 consid. 4b p. 397; LARDELLI/VETTER, in Basler Kommentar, 7 e éd. 2022, n os 36 et 87 ad art. 8 CC; ALEXANDRA JUNGO, Zürcher Kommentar, 3 e éd. 2018, n os 94 et 118 ad art. 8 CC; FABIENNE HOHL, Procédure civile, vol. I, 2 e éd. 2016, n os 2043 s.). Ceci dit, le droit à la contre-preuve appartient à la partie qui ne supporte pas le fardeau de la preuve. En l'occurrence, comme le rappelle régulièrement la jurisprudence, c'est bien à la demanderesse de prouver la date de son envoi, et la présomption d'une remise à la poste après le 17 juin 2022 joue ici contre elle.  
 
4.2. La faille dans la motivation présentée au consid. 3 ci-dessus réside dans une application intempestive de la jurisprudence requérant d'annoncer les moyens de preuve avant l'expiration du délai de recours. Cette pratique vise l'hypothèse où l'expéditeur doit supputer que le sceau postal (ou l'enregistrement par la poste) ne sera pas apposé (ou effectué) le jour de la remise, mais à une date ultérieure (arrêt précité 5A_185/2022 consid. 6 ["Dans de telles circonstances, [le recourant] ne pouvait se douter qu'il existait un risque que son pli ne soit pas enregistré le jour indiqué sur cette quittance"]; arrêt précité 5A_503/2019 consid. 4.1 ["Soweit der Einwurf bei der Post (...) nach Schalterschluss erfolgt und deshalb offensichtlich ist, dass der Eingangsstempel auf ein späteres Datum lauten wird"]). Cette situation peut notamment se présenter lorsque l'expéditeur dépose son pli l'ultime jour du délai dans une boîte postale après la dernière levée, ou lorsqu'un automate MyPost24 défectueux ne délivre aucune quittance (arrêt précité 5A_972/2018 consid. 4.3). Or, le cas d'espèce est autre. Selon les précisions de l'avocate, le pli a été préalablement affranchi en recommandé à l'étude, qui dispose d'une timbreuse fournie par la Poste. L'on sait d'expérience que cette dernière n'appose pas systématiquement son sceau sur ce type de courrier; elle ne l'enregistre pas forcément non plus sur-le-champ (cf. arrêt 6B_397/2012 du 20 septembre 2012 consid. 1.1). L'utilisateur d'un tel procédé prend donc un certain risque. Mais l'auxiliaire de l'avocate s'est ici rendue à La Poste Suisse, où elle a déposé le pli pré-affranchi au guichet commercial durant les heures d'ouverture. L'avocate pouvait légitimement supputer que le courrier serait enregistré le jour même. Aussi n'avait-elle pas à présenter au Tribunal cantonal spontanément, et dans le délai de recours, des preuves ou offres de preuve attestant de la date du dépôt. En déclarant tardifs les moyens de preuve produits, le juge d'appel s'est mépris sur la jurisprudence précitée, ce qui a induit une appréciation arbitraire des preuves.  
 
4.3. L'appréciation des preuves est l'affaire du juge du fait, qui dispose d'un vaste pouvoir d'appréciation (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). En l'occurrence cependant, la question ne laisse guère place à différentes interprétations. Qui plus est, le principe de célérité commande ici de statuer directement.  
Force est d'admettre que les explications et moyens de preuve remis à l'appui des déterminations du 4 juillet 2022 (let. B supra) forment un concours d'indices qui emporte la conviction.  
Le badge nécessaire pour accéder au secteur commercial de l'office postal veveysan a été utilisé le vendredi 17 juin 2022 à 16 h 57 minutes et 18 secondes, selon le relevé fourni par La Poste. Peu avant (16 h 50), l'assistante de l'avocate avait adressé un courriel au représentant de la demanderesse, dans lequel elle déclarait annexer une copie du pli destiné au Tribunal cantonal valaisan. Une consultation de la carte sur Internet confirme que la distance entre l'étude et l'office postal veveysan est moindre et peut être parcourue en quelques minutes à pied. L'assistante et son ami ont confirmé par écrit la version présentée par l'avocate, pièces d'identité à l'appui. S'y ajoute le fait - non contesté - que des copies du mémoire d'appel sont parvenues le lundi 20 juin 2022 auprès des avocats des parties adverses. 
Le défendeur s'est prévalu d'un arrêt récent rendu par la Cour de droit pénal ( supra let. C i.f.). Il ne saurait être question de compléter des déterminations après la clôture de l'échange d'écritures. Cela étant, l'autorité de céans intègre naturellement sa jurisprudence dans les affaires pendantes (cf. ATF 140 V 154 consid. 6.3.2 concernant les changements de jurisprudence). L'arrêt précité 6B_1428/2021 consid. 1.2.3 et 1.2.4 est cependant loin d'apporter de l'eau au "moulin" des défendeurs. Car dans notre cas, l'envoi avait bel et bien été affranchi (comme l'atteste l'enveloppe versée au dossier cantonal); qui plus est, la demanderesse a fourni suffisamment d'éléments propres à convaincre d'une remise au guichet commercial le 17 juin 2022 - ce qui n'était pas le cas dans le précédent cité. Dans ce contexte-ci, peu importe finalement que l'on ignore pour quelle raison la première opération enregistrée dans le système de La Poste n'est intervenue que le lundi 20 juin.  
En bref, tout ceci fait acquérir la certitude que l'appel a été déposé en temps utile le vendredi 17 juin 2022. 
 
5.  
Cette conclusion prive d'objet le second pan du recours, consacré à la (prétendue) composition irrégulière de l'autorité précédente. 
 
6.  
En définitive, le recours doit être admis. La demanderesse/recourante a interjeté appel dans le délai de l'art. 311 al. 1 CPC. Partant, la décision d'irrecevabilité doit être annulée et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle reprenne la procédure. 
Comme les défendeurs/intimés succombent sur leurs conclusions, ils supporteront les frais judiciaires, à parts égales et solidairement (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Dans cette même mesure, ils verseront à la recourante une indemnité pour ses frais d'avocat (art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF). 
Une copie du courrier daté du 30 janvier 2023 (Act. 31, supra let. C i.f.) sera adressée aux conseils respectifs de la recourante et de l'intimée.  
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé. La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge des intimés, solidairement entre eux. 
 
3.  
Les intimés sont condamnés solidairement à verser à la recourante une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué à la recourante et à l'intimée (avec une copie de l'écriture du 30 janvier 2023 [Act. 31]), ainsi qu'à l'intimé et à la Cour civile II du Tribunal cantonal valaisan. 
 
 
Lausanne, le 10 février 2023 
 
Au nom de la I re Cour de droit civil  
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jametti 
 
La Greffière : Monti