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Chapeau

149 II 86


11. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Commune du Chenit contre Association suisse pour la protectiondes oiseaux ASPO / BirdLife Suisse et consorts (recours en matière de droit public)
1C_240/2021 du 27 janvier 2023

Regeste

Art. 8 al. 2, 8b, 9, 11 et 12 LAT, art. 5 al. 2 let. a OAT; parc éolien Eoljoux; annulation du plan d'affectation; refus du Conseil fédéral d'approuver en coordination réglée le projet; contrôle juridictionnel.
Réserve du plan directeur; ancrage des projets ayant des incidences importantes sur le territoire et l'environnement dans le plan directeur cantonal (rappel des principes applicables et de la jurisprudence; consid. 2.1).
Il n'existe pas de recours contre le refus d'approbation en coordination réglée du Conseil fédéral ni, dans ce cas de figure, contre la décision d'adoption cantonale du plan directeur cantonal (consid. 3.1). Dès lors que le plan directeur cantonal est contraignant pour l'autorité communale (art. 9 al. 1 LAT), celle-ci doit néanmoins pouvoir faire contrôler incidemment s'il contient les éléments matériels suffisants pour que le projet puisse faire l'objet d'une planification d'affectation (consid. 3.2). Nié en l'espèce que le plan directeur cantonal renferme les éléments nécessaires à une coordination réglée au sens de l'art. 5 al. 2 let. a OAT (consid. 3.4.1 et 3.4.2).
La procédure de conciliation de l'art. 12 LAT a pour objectif de résoudre les conflits et non de pallier l'absence d'éléments démontrant la coordination du projet avec la protection de la nature et du paysage (consid. 3.5).

Faits à partir de page 87

BGE 149 II 86 S. 87

A. Les offices fédéraux de l'énergie (ci-après: OFEN), de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) et du développement territorial (ci-après: ARE) ont établi en 2003 le "Concept d'énergie éolienne pour la Suisse" (OFEN, 13 juillet 2004); il déterminait les sites éoliens prioritaires pour la Suisse. Sur le territoire vaudois, les régions du Jura vaudois classées dans l'Inventaire fédéral de la protection du paysage (ci-après: IFP) en ont été exclues.

B. Une étude initiée dès 2005 par la Société électrique de la Vallée de Joux (SEVJ) a montré un potentiel éolien intéressant. Le projet de parc éolien Eoljoux est localisé aux lieux-dits "Les Grands Plats de Bise" et "Les Grands Plats de Vent" (Commune du Chenit), à
BGE 149 II 86 S. 88
l'ouest du col du Marchairuz, sur des parcelles attribuées à l'aire forestière et comprises dans l'objet IFP no 1022 "Vallée de Joux et Haut-Jura vaudois".
Le Conseil d'Etat du canton de Vaud a demandé à l'Office fédéral de l'environnement (ci-après: OFEV) d'adapter le périmètre de l'objet IFP no 1022 afin de permettre la réalisation d'un projet de parc éolien.

C. Le projet Eoljoux porte sur l'implantation de sept éoliennes. Le projet a fait l'objet de différentes procédures, menées de manière parallèle, mais indépendante: adoption du plan partiel d'affectation (ci-après: PPA) Eoljoux, affectant à la construction d'éoliennes sept aires d'implantation et les routes d'accès depuis le domaine public; projet d'aménagement routier portant sur les accès et le transfert partiel de la route existante au domaine public; demande d'autorisation pour les défrichements nécessaires à la réalisation du PPA et du projet routier (surface définitive de 43'556 m2 et temporaires de 6'905 m2, pour la phase de chantier). Le projet de parc dépassant une puissance de 5 MW, celui-ci est soumis à une étude de l'impact sur l'environnement (ci-après: EIE). Un rapport d'impact sur l'environnement (ci-après: RIE; première étape) a été rédigé en 2014. Tant le rapport 47 OAT que le RIE indiquent que des modifications de l'IFP sont en cours d'évaluation au niveau fédéral afin que le parc éolien puisse être réalisé hors de ses limites futures.
Le PPA Eoljoux a été mis à l'enquête le 26 novembre 2014. Le même jour, le projet routier et les défrichements ont aussi été mis à l'enquête. Différentes associations et organismes de protection de la nature et de l'environnement ont formé opposition. Par décision du 23 novembre 2015, le Conseil communal du Chenit a levé les oppositions et adopté le PPA ainsi qu'une version amendée de son règlement (ci-après: RPPA).

D. Par décision du 23 mai 2016, la Cheffe du Département cantonal du territoire et de l'environnement (DTE; actuellement Département des institutions du territoire et des sports [DITS]) a approuvépréalablement le PPA Eoljoux sous certaines conditions. L'approbation définitive et l'entrée en vigueur du plan étaient soumises aux prérequis suivants: que le périmètre de l'objet IFP no 1022 soit modifié, respectivement que la compatibilité du projet avec la présence d'un site IFP soit constatée; que l'autorisation nécessaire au défrichement soit délivrée. Cette décision a été coordonnée avec celle de la Cheffe
BGE 149 II 86 S. 89
du Département des infrastructures et des ressources humaines (DIRH) du 23 mai 2016 approuvant préalablement le projet routier; elle est subordonnée aux mêmes conditions que la décision du DTE.
Le 27 juin 2016, ASPO/BirdLife CH, FP, Helvetia Nostra, Pro Natura, Pro Natura Vaud et Paysage-Libre Vaud ont recouru contre ces décisions devant la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud (cause cantonale AC.2016.0221).

E. En parallèle, le 31 mars 2016, la Direction cantonale générale de l'environnement (ci-après: DGE) a soumis à la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage (ci-après: CFNP) un projet de modification de l'objet IFP no 1022 pour avis. Le 8 avril 2016, le canton de Vaud a déposé à l'OFEV une demande de modification de l'objet IFP no 1022 pour permettre la réalisation du projet éolien hors du périmètre IFP. L'OFEV a également requis l'avis de la CFNP. Le 15 juillet 2016, la commission a indiqué qu'indépendamment de l'option choisie, une atteinte sérieuse aux buts de protection de l'IFP demeurerait.

F. Les 12 octobre 2016, l'OFEV a émis un avis négatif quant aux défrichements, position maintenue les 29 septembre 2017 et 2 juillet 2018, en dépit des compléments produits par le canton en matière de protection de l'avifaune. Le canton sollicitait par ailleurs aussi, compte tenu de l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 30 septembre 2016 sur l'énergie (LEne; RS 730.0), une modification du plan directeur cantonal (ci-après: PDCn) en vue d'y intégrer le projet Eoljoux en "coordination réglée", procédure suspendue expressément dans le cadre de la procédure d'approbation fédérale des 2ème et 3ème adaptations du PDCn, "jusqu'à la décision du Conseil fédéral sur la modification du périmètre 1022 de l'[IFP]". Le 29 septembre 2017,l'ARE a confirmé aux autorités cantonales qu'au vu du nouvel art. 12 LEne, il était sur le principe désormais possible d'aboutir à une approbation en coordination réglée sans modification de l'objet IFP; l'ARE recommandait cependant de renoncer à la demande d'approbation du site d'Eoljoux, voire même de le supprimer du plan directeur. L'OFEN, l'ARE et l'OFEV sont arrivés à la conclusion qu'il convenait de renoncer à inscrire le projet en coordination réglée.
Le 31 janvier 2018, le Conseil fédéral a approuvé la 4ème adaptation du PDCn. La carte accompagnant la mesure F51 indique les différents sites éoliens; le parc Eoljoux y figure avec la mention "intégré sous réserve de coordination relative à l'IFP".
BGE 149 II 86 S. 90

G. Le périmètre IFP no 1022 Vallée de Joux et Haut-Jura vaudois n'a finalement pas été modifié et la démarche a été abandonnée.

H. Le 31 juillet 2018, la DGE a autorisé le défrichement définitif et a levé les oppositions dans la mesure où elles étaient en lien avec la législation forestière. Cette autorisation était notamment subordonnée à l'approbation du PPA Eoljoux. Le 25 septembre 2018, l'OFEV a recouru au Tribunal cantonal contre cette décision (cause cantonale AC.2018.0039). Le lendemain, ASPO/BirdLife CH, FP, Helvetia Nostra, Pro Natura, Pro Natura Vaud, et Paysage-Libre Vaud en ont fait de même (cause cantonale AC.2018.0341).
La cause cantonale AC.2016.0221 (PPA et projet routier) a été reprise et jointe aux causes AC.2018.0039 et AC.2018.0341. Par arrêt du 16 mars 2021, la cour cantonale a admis les recours et annulé les différentes décisions rendues par les autorités communale et cantonales.

I. La Commune du Chenit a déféré cet arrêt à l'autorité de céans, qui a rejeté son recours en matière de droit public.
(résumé)

Considérants

Extrait des considérants:

2. (...)

2.1 Aux termes de l'art. 8 al. 2 LAT, les projets qui ont des incidences importantes sur le territoire et l'environnement doivent avoir été prévus dans le plan directeur. Cette disposition ancre expressément dans la loi la réserve du plan directeur (cf. arrêt 1C_346/2014 du 26 octobre 2016 consid. 2.4). Quant à l'art. 8b LAT, entré en vigueur le 1er janvier 2018, il prévoit que le plan directeur désigne les zones et les tronçons de cours d'eau qui se prêtent à l'utilisation d'énergies renouvelables. En l'occurrence, il n'est pas contesté que le parc éolien Eoljoux nécessite un ancrage dans le plan directeur cantonal, que ce soit sous l'angle de l'art. 8 al. 2 LAT ou de l'art. 8b LAT (sur cette question, cf. ATF 147 II 164 consid. 3.2 et les références citées). Selon la jurisprudence, l'ancrage dans le plan directeur de projets ayant des incidences importantes sur le territoire et l'environnement au sens de l'art. 8 al. 2 LAT présuppose qu'ils soient approuvés en coordination réglée conformément à l'art. 5 al. 2 let. a OAT (ATF 147 II 164 consid. 3.3; arrêt 1C_346/2014 précité consid. 2.8). Le plan directeur doit montrer comment les activités ayant des effets sur l'organisation du territoire sont coordonnées. Il doit
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contenir les indications relatives à l'implantation et à l'ampleur de chaque grand projet, qui reposent sur une pesée complète des intérêts, motivée et appropriée au niveau de planification auquel on se trouve (ATF 147 II 164 consid. 3.3; arrêt 1C_346/2014 précité consid. 2.7). De tels projets sont alors susceptibles de faire l'objet d'une décision, car les questions de principe, d'implantation et de dimensionnement ont été éclaircies du point de vue de la collectivité (PIERRE TSCHANNEN, in Commentaire pratique LAT: Planification directrice et sectorielle, pesée des intérêts, vol. III, 2019, n° 30 ad art. 8 LAT).
(...)

3. Se prévalant de la nécessité d'un contrôle juridictionnel (art. 29a Cst.) et se fondant à nouveau sur l'autonomie en matière de planification locale dont elle affirme bénéficier, la recourante estime pouvoir contester, à titre préjudiciel - dans le cadre de la procédure d'adoption du PPA -, le plan directeur cantonal, plus précisément la conformité au droit du refus des autorités fédérales d'approuver le projet Eoljoux en coordination réglée.

3.1 Les plans directeurs ont force obligatoire pour les autorités (art. 9 al. 1 LAT). A teneur de l'art. 11 LAT, le Conseil fédéral approuve les plans directeurs et leurs adaptations s'ils sont conformes à la LAT, notamment s'ils tiennent compte de manière adéquate de celles des tâches de la Confédération et des cantons voisins dont l'accomplissement a des effets sur l'organisation du territoire (al. 1). L'approbation des plans directeurs par le Conseil fédéral leur confère force obligatoire pour les autorités de la Confédération et pour celles des cantons voisins (al. 2). Il en découle que, pour les éléments du plan directeur cantonal ayant une portée supracantonale, l'approbation du Conseil fédéral revêt un caractère constitutif (ATF 136 I 265 consid. 1.2; cf. arrêts 1C_536/2019 / 1C_537/2019 du 16 septembre 2020 consid. 5.2; 1C_388/2015 du 23 mars 2016 consid. 2). Dans ce cas, la décision cantonale d'adoption du plan directeur cantonal n'est sur ces points pas contraignante; elle constitue uniquement la condition procédurale nécessaire à l'approbation par le Conseil fédéral (arrêt 1C_388/2015 précité consid. 2 et les références). Délivrée sur la base d'un premier examen général, l'approbation fédérale n'a toutefois qu'un caractère d'attestation temporaire de conformité au droit fédéral; son octroi ne permet pas de constater de manière contraignante que la décision cantonale est conforme au droit (cf. arrêt 1C_388/2015 précité consid. 2 et les références; TSCHANNEN, op. cit., n° 34 ad art. 11 LAT). L'approbation du Conseil fédéral
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n'exclut ainsi pas une contestation ultérieure; non pas de l'approbation en tant que telle, à l'encontre de laquelle il n'existe pas de moyen de recours (cf. art. 189 al. 4 Cst.; arrêt 1C_388/2015 précité consid. 2; TSCHANNEN, op. cit., n° 31 ad art. 11 LAT), mais de la décision cantonale d'adoption du plan directeur cantonal (cf. arrêt 1C_388/2015 précité consid. 2). Dans ce dernier arrêt, le Tribunal fédéral a précisé qu'à l'inverse, en cas de refus d'approbation, il n'est pas possible de contester la décision cantonale d'adoption du plan directeur cantonal, car celle-ci perd alors son existence juridique et n'est plus un objet de contestation (cf. arrêt 1C_388/2015 précité consid. 2 et la référence; voir également ATF 103 Ia 130 consid. 3a et b p. 133 s.).

3.2 En l'espèce, le Conseil fédéral a refusé d'approuver le parc Eoljoux en coordination réglée. Aussi, dans ce cas très particulier, la commune recourante ne disposait-elle d'aucune voie de droit pour s'en plaindre (cf. arrêt 1C_388/2015 précité consid. 2 in fine; cf. également art. 189 al. 4 Cst.), alors qu'elle souhaite pourtant voir ce projet éolien s'implanter sur son territoire communal. Elle ne pouvait en particulier pas s'en prendre à la décision cantonale d'adoption du plan directeur, qui allait dans le sens de ses préoccupations (cf. arrêt 1C_388/2015 précité consid. 2). Or, dès lors que le PDCn est contraignant pour la commune recourante et l'empêche de réaliser sur son territoire le projet Eoljoux (art. 9 al. 1 LAT), celle-ci doit pouvoir le faire contrôler incidemment (cf. ATF 111 Ia 129 consid. 3d; voir également HEINZ AEMISEGGER, in Commentaire pratique LAT: Autorisation de construire, protection juridique et procédure, vol. IV, 2020, n° 36 ad art. 34 LAT). La procédure d'approbation fédérale ne saurait restreindre les possibilités de recours (cf. ATF 103 Ia 130 consid. 3b in fine). En effet, bien que ce soit le refus d'approbation en coordination réglée qui a conduit le Tribunal cantonal à condamner le projet litigieux, c'est bien le PDCn, dans lequel le parc Eoljoux est prévu, qui doit faire l'objet de cet examen: il convient de vérifier préjudiciellement s'il renferme les éléments matériels suffisants pour que ce projet puisse faire l'objet d'une planification d'affectation; en d'autres termes, il faut vérifier si le PDCn montre comment ce projet ayant des effets sur l'organisation du territoire est coordonné avec les autres intérêts en présence et contient les indications relatives à son implantation et à son ampleur, reposant sur une pesée complète des intérêts (cf. ATF 147 II 164 consid. 3.3; arrêt 1C_346/2014 du 26 octobre 2016 consid. 2.7). Or cela n'a jusqu'ici fait l'objet
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que d'un premier examen juridique provisoire par le Conseil fédéral (cf. arrêt 1C_388/2015 précité consid. 2).

3.3 En l'occurrence quoi qu'en dise la recourante et bien que la cour cantonale ait dans un premier temps considéré que l'absence de coordination réglée suffisait à admettre les recours cantonaux, celle-ci a néanmoins examiné si c'était à juste titre que le projet n'avait pas été approuvé en coordination réglée. Aussi, l'instance précédente n'a-t-elle pas privé la recourante d'un examen judiciaire de ses griefs, procédant - sans le nommer - à un contrôle incident du degré de coordination revêtu par le projet. Il ne reste partant pas de place pour une violation de l'art. 29a Cst.

3.4 Dans le cadre de ce contrôle préjudiciel, la cour cantonale a, aux termes d'une motivation soignée, souligné que la question de l'inscription du projet en coordination réglée avait fait l'objet d'un examen circonstancié par les offices fédéraux concernés, par le biais du Guichet unique (cf. art. 14 al. 4 LEne et art. 7 OEne). L'OFEN, l'ARE et l'OFEV étaient arrivés à la conclusion qu'en raison des atteintes à la nature et au paysage, spécialement à la population de Grands Tétras, il convenait de renoncer à inscrire le projet Eoljoux en coordination réglée. Ces atteintes sévères avaient également été relevées par la CFNP aux termes notamment de son expertise du 15 juillet 2016. A la suite de son inspection locale, le Tribunal cantonal avait constaté que la zone d'implantation des éoliennes était particulièrement caractéristique de l'objet IFP et confirmé l'existence d'un risque d'atteinte au paysage. Ces différentes atteintes au paysage et à la nature - à tout le moins le risque de telles atteintes - mettaient en péril des intérêts nationaux; la coordination ne pouvait ainsi être considérée comme étant réglée, si bien qu'il ne pouvait être fait grief aux autorités fédérales d'avoir refusé l'approbation du parc Eoljoux.

3.4.1 Devant le Tribunal fédéral, la commune recourante ne prend pas réellement la peine de contester l'appréciation abondamment étayée de la cour cantonale. Elle fait certes valoir que l'OFEV n'aurait pas tenu compte - sans toutefois les décrire - des mesures de compensation prévues par le projet lorsqu'il a rendu son avis négatif du 12 octobre 2016. Sa critique tombe toutefois à faux: il ressort en effet sans conteste de l'arrêt attaqué que l'OFEV s'est déterminé sur la base des documents fournis par le canton, portant en particulier sur la question de la protection du Grand Tétras ("Mesure de limitation des dérangements pour le grand tétras"); dans
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son nouvel avis du 29 septembre 2017, l'office fédéral n'en a pas pour autant modifié sa position, estimant que si ces mesures étaient de nature à améliorer les conditions de vie de l'espèce, elles ne modifiaient en rien l'impact sur son habitat prioritaire; l'OFEV a persisté dans sa position par un dernier avis du 2 juillet 2018, après avoir examiné le rapport établi, en 2018, par l'ornithologue Lionel Maumary.
Au regard de ces avis négatifs successifs, il apparaît que la coordination entre les intérêts nationaux liés à la protection du biotope du Grand Tétras, espèce protégée (art. 7 de la loi fédérale du 20 juin 1986 sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages [LChP; RS 922.0]; liste rouge des espèces menacées en Suisse, catégorie "en danger" [EN]; espèce prioritaire au niveau national [OFEV 2019, catégorie 1]), et l'intérêt national à la production d'énergie renouvelable n'a pas été valablement opérée. Selon le Plan d'action Grand Tétras Suisse (OFEV, 2008), la région du projet est qualifiée d'habitat très favorable pour le Grand Tétras; il est de surcroît établi qu'une population de Grands Tétras - que l'OFEV qualifie de "plus important noyau de population [...] du Jura" (cf. observations du 5 juillet 2021) - habitant en permanence le grand massif forestier situé immédiatement au sud-est des installations éoliennes projetées a été observée; l'existence de places de parade a également été constatée; cela corrobore le statut d'habitat de première importance (P1) au sens du Plan d'action Grand Tétras Suisse (potentiel d'habitat suffisant et effectifs importants; cf. plan d'action, ch. 6.1, p. 21).

3.4.2 Sous l'angle de la protection du paysage, singulièrement de l'objet IFP no 1022, la coordination avec l'intérêt national à la production d'énergie renouvelable n'apparaît pas non plus réglée au sens de l'art. 5 al. 2 let. a OAT. Selon sa fiche d'inventaire, l'importance nationale du site résulte tant de ses éléments paysagers uniques (forêt de résineux, pâturages boisés, lacs de Joux et Brenet, rivière de l'Orbe, forêt du Risoux au nord, etc.) que des nombreuses espèces - dont le Grand Tétras - auxquelles il fournit un habitat (cf. fiche IFP no 1022, ch. 1 et 2). La CFNP, intervenant en application de l'art. 7 al. 2 LPN, s'est prononcée défavorablement à l'implantation du projet dans le périmètre de l'objet IFP, non seulement en 2011, dans le cadre de l'approbation de la 1ère adaptation du PDCn, mais aussi ultérieurement, aux termes d'une expertise circonstanciée du 15 juillet 2016. Elle a ainsi également abouti à la conclusion que le projet portera fortement atteinte aux objectifs de
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protection de l'objet IFP, que ce soit en matière de protection du paysage ou du point de vue écologique, en particulier de la préservation des milieux naturels, habitats privilégiés d'espèces animales (cf. CFNP, rapport du 15 juillet 2016, ch. 7 ss, p. 13 s.). Outre que les différentes autorités concernées n'ont relevé aucune erreur, lacune ou contradiction dans ce dernier document, la commune recourante ne discute aucunement ses conclusions, dont rien ne commande ainsi de s'affranchir (cf. ATF 127 II 273 consid. 4b). Le risque d'atteinte au paysage a en outre été constaté par la cour cantonale lors de son inspection locale. A l'inverse, on cherche en vain, que ce soit dans les différents rapports et prises de position des autorités fédérales ou dans le PDCn lui-même, des éléments permettant d'expliquer comment l'implantation du projet Eoljoux - et les atteintes qu'il suppose - pourrait être conciliée avec les objectifs de protection de l'objet IFP no 1022. Force est ainsi de constater que la coordination entre le projet litigieux et les intérêts nationaux liés à la protection de la nature et du paysage n'est en l'occurrence pas réalisée.

3.5 Enfin, en lien avec les critiques qui précèdent, la recourante affirme qu'il eût appartenu au Conseil fédéral, dès lors qu'il n'approuvait pas le projet Eoljoux en coordination réglée, d'entamer une procédure de conciliation au sens de l'art. 12 LAT. A cet égard, on relèvera que le projet Eoljoux demeure formellement suspendu. De plus, comme l'a souligné le Tribunal cantonal, rien n'empêche les autorités cantonales de modifier le PDCn, s'agissant du projet Eoljoux, et d'y apporter les éléments nécessaires manquants, démontrant, le cas échéant, comment celui-ci pourrait être concilié avec les intérêts importants de protection de la nature et du paysage. Au demeurant, la procédure de conciliation a pour objectif la résolution de conflits et non pas celui de pallier d'autres insuffisances (cf. WALDMANN/HÄNNI, in Raumplanungsgesetz, Bundesgesetz vom 22. Juni 1979 über die Raumplanung [RPG] 2006, n° 4 ad art. 12 LAT; voir également TSCHANNEN, op. cit., n° 6 ad art. 12 LAT). Cette procédure ne peut avoir pour but de remédier, en l'occurrence, à l'absence d'éléments permettant de démontrer comment le projet litigieux pourrait être coordonné avec les intérêts de protection du paysage et de la nature. Le grief est rejeté.

3.6 Sur le vu de ce qui précède, le PDCn ne contient pas les éléments suffisants pour que la coordination du projet Eoljoux avec les autres intérêts en présence puisse être qualifiée de réglée au sens de l'art. 5
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al. 2 let. a OAT
. Le refus d'approbation du Conseil fédéral ne viole pas le droit fédéral. Le grief doit être rejeté. Il n'y a ainsi pas lieu de répondre à la question de savoir si la commune est réellement autonome (s'agissant de l'autonomie reconnues aux communes vaudoises en matière de planification, cf. arrêts 1C_267/2019 du 5 mai 2020 consid. 7.2; 1C_424/2014 / 1C_425/2014 du 26 mai 2015 consid. 4.1.1), spécialement quant au choix des zones se prêtant à l'utilisation d'énergies renouvelables, ce que contestent les intimés, invoquant l'art. 8b LAT.
Au surplus, il n'est sur le principe pas discuté que, faute de coordination réglée, un projet de parc éolien tel que celui ici en litige ne peut faire l'objet d'une planification d'affectation (ni d'ailleurs d'une autorisation de défrichement, la condition de l'art. 5 al. 2 let. b de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur les forêts [LFo; RS 921.0] n'apparaissant pas réalisée). C'est dès lors à juste titre que la cour cantonale a, pour ce motif, admis les recours cantonaux et annulé le PPA Eoljoux et les différentes décisions y afférentes; cela scelle le sort de la cause, sans avoir à connaître du grief portant sur le défaut de coordination entre le PPA, plus précisément l'étude de l'impact sur l'environnement menée dans ce cadre, et l'autorisation de défricher (art. 25a LAT et art. 5 LFo).

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Considérants 2 3

références

ATF: 147 II 164, 103 IA 130, 136 I 265, 111 IA 129 suite...

Article: art. 5 al. 2 let. a OAT, art. 12 LAT, art. 9 al. 1 LAT, art. 8 al. 2 LAT suite...