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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_244/2020  
 
 
Arrêt du 16 décembre 2020  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, présidente, Hohl et May Canellas. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
A.________ Limitada, 
représentée par Me Phillip Landolt, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
représentée par Me Antonio Rigozzi, 
intimée. 
 
Objet 
arbitrage international, 
 
recours en matière civile contre la sentence rendue le 4 mars 2020 par un Tribunal arbitral avec siège à Genève (n° 21133/ASM/JPA). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par contrat conclu le 31 août 2007, A.________ Limitada (ci-après: A.________), société xxx, a sous-traité à B.________ SA (ci-après: B.________), société ayant aussi son siège à xxx, la partie maritime des travaux de construction d'un terminal... dans la baie de zzz, à xxx. 
Une clause arbitrale, insérée dans le contrat, confiait à un tribunal arbitral de trois membres, à constituer sous l'égide de la Chambre de Commerce Internationale (CCI), le soin de régler les différends pouvant résulter de l'exécution dudit contrat. Le siège de l'arbitrage était fixé à Genève. Le contrat prévoyait principalement l'application du droit anglais, mais aussi du droit xxx, en ce qui concerne l'exécution des travaux. 
En cours d'exécution des travaux, en date du 20 décembre 2012, A.________ a fait appel à des garanties bancaires à hauteur de 7'947'217'582 xxx et de 3'755'269 dollars américains (USD). Ceci a contraint B.________ a conclure un nouvel accord de financement avec la Banque de X.________ qui lui a octroyé une ligne de crédit de 20'505'649 USD. 
 
B.   
Le 12 juin 2015, B.________, se fondant sur la clause d'arbitrage figurant dans le contrat, a adressé à la CCI une requête d'arbitrage dirigée contre A.________, en faisant valoir diverses prétentions. Les conclusions prises par la demanderesse au cours de la procédure arbitrale seront mentionnées, dans la mesure utile, à l'occasion de l'examen des griefs s'y rapportant. 
Un Tribunal arbitral de trois membres a été constitué, le siège de l'arbitrage fixé à Genève et l'anglais désigné comme langue de la procédure. 
A.________ a conclu au rejet des conclusions prises par la demanderesse. A titre reconventionnel, elle a réclamé le versement de dommages-intérêts forfaitaires pour cause de retard. 
Par sentence finale du 4 mars 2020, le Tribunal arbitral a prononcé ce qui suit au sujet des conclusions qui seules intéressent la présente procédure : 
 
" 9) DECLARES that A.________ wrongfully called the Bonds and owes to B.________ S.A. a principal amount of USD 20,505,649 (...) for Bond Values; 
10) DECLARES that A.________ owes to B.________ S.A. a further principal amount of USD 3,755,269 (...) for Bond Values; ". 
 
C.   
Le 15 mai 2020, A.________ (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral aux fins d'obtenir l'annulation de ladite sentence. 
S'agissant des conclusions relatives aux garanties bancaires, l'intéressée reproche au Tribunal arbitral d'avoir statué  ultra ou extra petitaet d'avoir violé son droit d'être entendue. En ce qui concerne la problématique relative aux dommages-intérêts forfaitaires pour cause de retard, elle fait valoir que les arbitres ont omis de statuer sur une partie de sa demande reconventionnelle.  
Le 13 juillet 2020, la recourante a indiqué que la partie de son recours portant sur la question des dommages-intérêts forfaitaires était sans objet, vu la sentence complémentaire du 6 juillet 2020 par laquelle le Tribunal arbitral avait corrigé le montant des dommages-intérêts forfaitaires. 
Par ordonnance présidentielle du 14 juillet 2020, la recourante a été invitée, sur demande de B.________ (ci-après: l'intimée), à verser le montant de 60'000 fr. à la Caisse du Tribunal fédéral en garantie des dépens de cette partie. Elle s'est exécutée en temps utile. 
Au pied de sa réponse du 24 septembre 2020, l'intimée a conclu au rejet du recours. 
La recourante a déposé une réplique spontanée, suscitant une duplique de la partie adverse. 
Le Tribunal arbitral s'est référé à sa sentence. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le Tribunal arbitral, celles-ci se sont servies de l'anglais, tandis que, dans le mémoire qu'elle a adressé au Tribunal fédéral, la recourante a employé le français, respectant ainsi l'art. 42 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 70 al. 1 Cst. (ATF 142 III 521 consid.1). Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral rendra, par conséquent, son arrêt en français. 
 
2.   
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues par les art. 190 à 192 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), conformément à l'art. 77 al. 1 let. a LTF
Le siège du Tribunal arbitral se trouve à Genève. Aucune des parties n'avait son siège en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont dès lors applicables (art. 176 al. 1 LDIP). 
 
3.  
 
3.1. Qu'il s'agisse de l'objet du recours, du délai de recours, des conclusions prises par la recourante ou encore des griefs invoqués par celle-ci dans son mémoire, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce.  
 
3.2. La recevabilité du présent recours suppose encore que les parties n'aient pas exclu la possibilité d'interjeter un recours.  
 
3.2.1. Aux termes de l'art. 192 LDIP, si les deux parties n'ont ni domicile, ni résidence habituelle, ni établissement en Suisse, elles peuvent, par une déclaration expresse dans la convention d'arbitrage ou un accord écrit ultérieur, exclure tout recours contre les sentences du tribunal arbitral; elles peuvent aussi n'exclure le recours que pour l'un ou l'autre des motifs énumérés à l'art. 190 al. 2 LDIP.  
 
3.2.2. La jurisprudence fédérale a dégagé progressivement les principes découlant de la disposition examinée. Il en ressort, en substance, que la pratique n'admet que de manière restrictive les conventions d'exclusion et qu'elle juge insuffisante une renonciation indirecte. Quant à la renonciation directe, elle ne doit pas forcément comporter la mention de l'art. 190 LDIP et/ou de l'art. 192 LDIP. Il suffit que la déclaration expresse des parties fasse ressortir de manière claire et nette leur volonté commune de renoncer à tout recours. Savoir si tel est bien le cas est affaire d'interprétation (ATF 143 III 589 consid. 2.1.1).  
 
3.2.3. En l'espèce, le contrat conclu par les parties énonce notamment ce qui suit à son art. 65.3:  
 
" (vi) the decision of the arbitration tribunal will be final and binding, and the parties waive any rights to appeal or to review such award by any court or tribunal, except in case of manifest error of law, denial of justice or bias; " 
Si cette clause fait indubitablement ressortir la commune volonté des parties de restreindre fortement le droit de recourir contre la sentence du Tribunal arbitral devant quelque tribunal étatique que ce soit, force est de constater qu'elle n'exclut pas tout recours, puisqu'elle réserve expressément les cas d'erreurs juridiques manifestes. 
En l'occurrence, ni la recourante ni l'intimée n'ont fait allusion à ladite clause. La partie intimée a du reste indiqué ne pas contester la recevabilité du recours. Dans ces conditions, il convient d'entrer en matière, étant donné que les parties n'ont pas exclu toute possibilité de recourir contre la sentence attaquée. 
 
4.   
A ce stade, le litige ne porte plus que sur la problématique relative aux garanties bancaires. 
 
4.1. Dans la sentence attaquée, le Tribunal arbitral retient que la recourante n'avait pas le droit de faire appel aux garanties bancaires (sentence, n. 1363). L'intimée peut ainsi récupérer l'intégralité des montants libérés, à savoir 7'947'217'582 xxx et 3'755'269 USD. Seule demeure litigieuse la question du taux de conversion xxx/USD. Se référant notamment au témoignage du dénommé C.________, les arbitres retiennent un taux de conversion de 474.45 xxx pour 1 USD (sentence, n. 1374 et 1377). Sur cette base, ils estiment que la valeur des garanties (" value of the bonds ") s'élève à 20'505'649 USD. Aussi l'intimée peut-elle prétendre au paiement dudit montant (sentence, n. 1377). Celle-ci a également droit à ce que la recourante lui verse diverses sommes pour compenser les frais qu'elle a dû supporter en vue de financer la libération desdites garanties, c'est-à-dire les démarches entreprises afin d'obtenir une nouvelle ligne de crédit (sentence, n. 1405 et 1428 s.).  
 
4.2. Le 17 avril 2020, la recourante a déposé une demande tendant à la correction de la sentence attaquée. Elle a notamment fait valoir que le tribunal arbitral avait converti, à tort, en dollars américains, la garantie bancaire libérée à hauteur de 7'947'217'582 xxx. En outre, elle a relevé que les arbitres avaient comptabilisé à double le montant de la garantie libérée en dollars américains, raison pour laquelle l'intimée se trouvait indûment enrichie.  
Dans la sentence complémentaire du 6 juillet 2020, le Tribunal arbitral a rejeté la première demande de correction, dès lors que celle-ci ne résultait pas d'une erreur de calcul ou typographique, ou de toute erreur de nature similaire, mais impliquait au contraire une remise en cause du raisonnement des arbitres. Ceux-ci ont expressément indiqué ne pas vouloir exprimer d'avis quant au bien-fondé de cette requête (sentence complémentaire, n. 36). Le Tribunal arbitral a en revanche admis la seconde demande de correction. Il a ainsi retenu que la valeur de la garantie libérée à hauteur de 7'947'217'582 xxx équivalait à 16'750'380 USD, et, partant, a rectifié le ch. 9 du dispositif en ce sens. 
 
5.   
Dans un premier moyen, la recourante reproche au Tribunal arbitral d'avoir statué  ultra ou extra petita.  
 
5.1. L'art. 190 al. 2 let. c LDIP permet d'attaquer une sentence, notamment, lorsque le tribunal arbitral a statué au-delà des demandes dont il était saisi. Tombent sous le coup de cette disposition les sentences qui allouent plus ou autre chose que ce qui a été demandé (  ultra ou extra petita). Cependant, selon la jurisprudence, le tribunal arbitral ne statue pas au-delà des demandes s'il n'alloue en définitive pas plus que le montant total réclamé par la partie demanderesse, mais apprécie certains des éléments de la réclamation autrement que ne l'a fait cette partie. Le tribunal arbitral ne viole pas non plus le principe  ne eat iudex ultra petita partium s'il donne à une demande une autre qualification juridique que celle qui a été présentée par le demandeur. Le principe  jura novit curia, qui est applicable à la procédure arbitrale, impose en effet aux arbitres d'appliquer le droit d'office, sans se limiter aux motifs avancés par les parties. Il leur est donc loisible de retenir des moyens qui n'ont pas été invoqués, car on n'est pas en présence d'une nouvelle demande ou d'une demande différente, mais seulement d'une nouvelle qualification des faits de la cause. Le tribunal arbitral est toutefois lié par l'objet et le montant des conclusions qui lui sont soumises, en particulier lorsque l'intéressé qualifie ou limite ses prétentions dans les conclusions elles-mêmes (arrêts 4A_678/2016 du 22 mars 2016 consid. 3.2.1 et 4A_440/2010 du 7 janvier 2011 consid. 3.1, non publié, de l'ATF 137 III 85).  
 
5.2. La recourante fait valoir que le Tribunal arbitral est sorti du cadre que lui fixaient les conclusions de l'intimée en lui allouant les sommes de 20'505'649 USD (montant réduit à 16'750'380 USD dans la sentence complémentaire) et de 3'755'269 USD à titre de restitution des garanties appelées à tort. A cet égard, elle soutient, en citant divers passages des écritures déposées par l'intimée, que celle-ci n'a jamais réclamé la conversion en dollars américains de la garantie libellée en xxx.  
 
5.3. Appliqués au cas particulier, les principes qui viennent d'être rappelés commandent de rejeter le grief de la recourante fondé sur le motif prévu à l'art. 190 al. 2 let. c LDIP.  
Nul ne conteste que les garanties ont été libérées en deux devises distinctes, soit à hauteur de 7'947'217'582 xxx et de 3'755'269 USD. Cela étant, contrairement à ce que soutient la recourante, l'intimée ne s'est pas contentée de réclamer uniquement la restitution des garanties dans les montants et les devises dans lesquelles celles-ci ont effectivement été libérées. Dans son mémoire après audience du 12 octobre 2018, reflétant le dernier état de ses conclusions, l'intimée a notamment indiqué ce qui suit: 
 
(94) Nature and extent of any liability for the value of the bond  
Executive summary: B.________ is entitled to  xxx 7,947,217,582 and  USD 3,755,269, alternatively such other sum as the Tribunal deems fit (having regard to the Parties' claims).  
474. B.________'s position is set out in [Opening/1102 and 1126]. The quantum experts have proceeded on the basis that the bond values are xxx 7,947,217,582 and USD 3,755,269 (...). 
475. Without prejudice to B.________'s position that A.________'s call on the bond was wrongful/unlawful, to the extent that the Tribunal decides that A.________ was entitled to call the bonds but in a lesser amount, the Tribunal would need to reduce the bond values and B.________'s bond finance claim accordingly. " 
N'en déplaise à la recourante, la conclusion par laquelle l'intimée a demandé au Tribunal arbitral de lui accorder 7'947'217'582 xxx et 3'755'269 USD ou,  alternativement, tout autre montant que celui-ci jugerait approprié permettait sans nul doute aux arbitres de statuer comme ils l'ont fait et d'allouer un montant exprimé uniquement en dollars américains. Que l'intimée n'ait pas requis expressément la conversion des montants en dollars américains n'y change rien. Qu'elle ait mentionné, dans le tableau résumant ses diverses prétentions, sous n. 483 du mémoire précité, les montants 7'947'217'582 xxx / 3'755'269 USD sous la rubrique " Bond values " n'est pas décisif, pas plus que le contenu de la note de bas de page figurant sous ledit tableau (" All sums are expressed in xxx except for those claims where costs have been incurred by B.________ in US Dollars. For the avoidance of doubt, B.________ claims both the xxx and USD amounts "). La recourante ne peut davantage être suivie lorsqu'elle tente de limiter la portée de la conclusion invitant le tribunal arbitral à octroyer le montant qu'il estimera approprié, en soutenant que celle-ci viserait uniquement l'hypothèse où les arbitres ne feraient que partiellement droit aux prétentions élevées par l'intimée.  
Comme le relève à juste titre l'intimée, l'appel injustifié aux garanties l'a obligée à conclure un accord de financement pour un montant total de 20'505'649 USD. Aussi le Tribunal arbitral était-il parfaitement en droit, sur la base des conclusions qui lui étaient soumises, d'allouer à l'intimée la " valeur " des garanties appelées à tort. Il n'est donc pas sorti du cadre formel que lui fixaient les conclusions de l'intimée. 
La recourante fait encore valoir, en invoquant une unique opinion doctrinale (BERGER/KELLERHALS, International and Domestic Arbitration in Switzerland, 3e éd, n. 1208), que la conclusion litigieuse ne serait pas suffisamment précise. Ce faisant, elle perd toutefois de vue que, si elle estimait que ladite conclusion manquait de précision ou laissait une trop grande marge de manoeuvre aux arbitres et lui faisait courir le risque de se voir imposer une solution qu'elle n'avait pas envisagée, elle aurait dû s'en plaindre d'emblée lors de la procédure arbitrale, ce que l'intéressée n'établit pas, ni même n'allègue (arrêt 4P.114/2001 du 19 décembre 2001 consid. 3b). Partant, le motif pris du caractère imprécis de ladite conclusion n'est plus recevable à ce stade de la procédure. 
Pour le reste, on relèvera encore que l'arrêt du Tribunal fédéral auquel fait référence la recourante dans son mémoire ne lui est d'aucun secours. Dans cette affaire, la Cour de céans a en effet jugé que le tribunal arbitral, saisi d'une conclusion tendant au paiement de " EUR 300,000 in Dinar counter value of 15 September 2010 ", n'avait pas violé l'art. 190 al. 2 let. c LDIP en allouant une somme libellée en euros (arrêt 4A_654/2011 du 23 mai 2012 consid. 5.2). Les circonstances de la présente espèce ne sont nullement comparables, dès lors que l'intimée ne s'est pas limitée à exiger le paiement d'un montant précis dans une devise déterminée. 
Le moyen examiné se révèle ainsi dénué de fondement. 
 
6.   
Dans un second moyen, la recourante dénonce une violation de son droit d'être entendue. Elle revient à la charge en soutenant que la Formation a omis de tenir compte du fait que les garanties bancaires ont été appelées en xxx et en dollars américains. Le tribunal arbitral aurait en outre procédé à la conversion en dollars américains du montant libellé en xxx, de façon inattendue, sans que l'intimée ne réclame une telle conversion et sans interpeller les parties, les privant ainsi de la possibilité de pouvoir s'exprimer sur ce point. 
 
6.1. La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP, un devoir minimum pour le tribunal arbitral d'examiner et de traiter les problèmes pertinents. Ce devoir est violé lorsque, par inadvertance ou malentendu, le tribunal arbitral ne prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la sentence à rendre. Il incombe à la partie soi-disant lésée de démontrer, dans son recours dirigé contre la sentence, en quoi une inadvertance des arbitres l'a empêchée de se faire entendre sur un point important. C'est à elle d'établir, d'une part, que le tribunal arbitral n'a pas examiné certains des éléments de fait, de preuve ou de droit qu'elle avait régulièrement avancés à l'appui de ses conclusions et, d'autre part, que ces éléments étaient de nature à influer sur le sort du litige (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1 et 4.1.3; arrêt 4A_478/2017 du 2 mai 2018 consid. 3.2.1). Si la sentence passe totalement sous silence des éléments apparemment importants pour la solution du litige, c'est aux arbitres ou à la partie intimée qu'il appartiendra de justifier cette omission dans leurs observations sur le recours. Ils pourront le faire en démontrant que, contrairement aux affirmations du recourant, les éléments omis n'étaient pas pertinents pour résoudre le cas concret ou, s'ils l'étaient, qu'ils ont été réfutés implicitement par le tribunal arbitral (ATF 133 III 235 consid. 5.2 p. 249; arrêt 4A_478/2017, précité, consid. 3.2.1).  
En Suisse, le droit d'être entendu se rapporte surtout à la constatation des faits. Le droit des parties d'être interpellées sur des questions juridiques n'est reconnu que de manière restreinte. En règle générale, les tribunaux étatiques ou arbitraux apprécient librement la portée juridique des faits et ils peuvent statuer aussi sur la base de règles de droit autres que celles invoquées par les parties. A titre exceptionnel, il convient d'interpeller les parties lorsque le juge ou le tribunal arbitral envisage de fonder sa décision sur une norme ou une considération juridique qui n'a pas été évoquée au cours de la procédure et dont les parties ne pouvaient pas supputer la pertinence (ATF 130 III 35 consid. 5 et les références). Au demeurant, savoir ce qui est imprévisible est une question d'appréciation. Aussi le Tribunal fédéral se montre-t-il restrictif dans l'application de ladite règle pour ce motif et parce qu'il convient d'avoir égard aux particularités de ce type de procédure en évitant que l'argument de la surprise ne soit utilisé en vue d'obtenir un examen matériel de la sentence par l'autorité de recours (arrêt 4A_716/2016 du 26 janvier 2017 consid. 3.1). Il le rappelle régulièrement, en refusant d'étendre cette jurisprudence à l'établissement des faits (arrêt 4A_525/2017 du 9 août 2018 consid. 3.1 et les arrêts cités). 
 
6.2. Tel qu'il est présenté, le grief ne saurait prospérer. Le Tribunal arbitral n'a en effet nullement ignoré le fait que les garanties bancaires avaient été appelées à concurrence de 7'947'217'582 xxx et de 3'755'269 USD. Il a en revanche décidé d'allouer à l'intimée la " valeur " desdites garanties - ce qu'il était en droit de faire sur la base des conclusions qui lui avaient été soumises - qu'il a visiblement arrêtée en tenant compte du fait que la libération injustifiée des garanties avait contraint l'intimée à demander une ligne de crédit en dollars américains. Cela étant, il faut bien voir que les problématiques relatives à la conversion en dollars américains de la garantie appelée en xxx et au taux de conversion applicable ont bel et bien été discutées au cours de la procédure arbitrale, ce qui ressort du reste expressément de la sentence attaquée (n. 1373). Comme le relève l'intimée, la recourante a du reste indiqué ce qui suit dans son mémoire après audience du 12 octobre 2018:  
 
" 511. The parties are agreed that the sums called against the bonds totalled xxx 7,947,217,582 and USD 3,755,269. However, there is a dispute between the parties as to the amount of the sums called when converted into USD which arises from the parties using different exchange rates. A.________'s position is that the correct rate to be applied is xxx 521.41 per USD, being the applicable conversion rate as at 20 December 2012 when the bonds were called. " 
Le taux de conversion applicable était ainsi l'un des points litigieux. Que la recourante ait abordé cette question afin de déterminer si l'appel aux garanties était ou non valable ne signifie pas pour autant que les arbitres ne pouvaient pas légitimement en tenir compte au moment d'arrêter le montant finalement alloué à l'intimée. Partant, la recourante plaide en vain l'effet de surprise et se plaint, à tort, d'une violation de son droit d'être entendue. 
 
7.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), qui seront réduits et fixés à 40'000 fr., étant donné le retrait d'une partie du recours. Elle se verra restituer le solde de l'avance de frais effectuée. La recourante versera en outre à l'intimée une indemnité à titre de dépens arrêtée à 50'000 fr., qui sera prélevée sur les sûretés fournies par la recourante. Le solde du montant versé à titre de sûretés lui sera restitué. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 40'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. Le solde de l'avance de frais lui est restitué. 
 
3.   
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 50'000 fr. à titre de dépens. Cette indemnité sera prélevée sur les sûretés déposées à la Caisse du Tribunal fédéral. Le solde du montant versé à titre de sûretés, soit 10'000 fr., est libéré en faveur de la recourante. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal arbitral avec siège à Genève. 
 
 
Lausanne, le 16 décembre 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
Le Greffier : O. Carruzzo