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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
6B_86/2020  
 
 
Arrêt du 31 mars 2020  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, 
van de Graaf et Koch. 
Greffier : M. Graa. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Olivier Bastian, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Ministère public central du canton de Vaud, 
2. B.________, 
représenté par Me Karim Raho, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Arbitraire, 
 
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 10 septembre 2019 (n° 321 PE14.014939-ERY-KEL). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par jugement du 21 novembre 2018, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a notamment condamné A.________, pour voies de fait, menaces, tentative de contrainte, infraction à la législation fédérale sur les armes et contravention à la législation fédérale sur les stupéfiants, à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 40 fr. le jour, avec sursis durant trois ans, ainsi qu'à une amende de 700 francs. 
 
B.   
Par jugement du 10 septembre 2019, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, statuant notamment sur les appels formés par le ministère public et par B.________ contre ce jugement, a réformé celui-ci en ce sens que A.________ est condamné, pour lésions corporelles graves, voies de fait, menaces, tentative de contrainte, infraction à la législation fédérale sur les armes et contravention à la législation fédérale sur les stupéfiants, à une peine pécuniaire de 300 jours-amende à 40 fr. le jour, avec sursis durant trois ans, ainsi qu'à une amende de 700 fr., que ce dernier est le débiteur de B.________ d'un montant de 10'000 fr. à titre de réparation du tort moral et qu'il doit en outre payer à celui-ci une indemnité de dépens pour la procédure de première instance. 
 
La cour cantonale a retenu les faits suivants s'agissant de l'infraction encore contestée devant le Tribunal fédéral. 
 
A C.________, au garage D.________, le 16 juillet 2014, en colère contre B.________ pour diverses raisons, E.________, accompagné de son fils A.________, s'est approché du premier nommé, qui se trouvait au téléphone avec un client. En apercevant E.________, B.________ a sorti un couteau - dont la lame était repliée - de sa poche et a fait tomber cet objet à terre. E.________ lui a donné un coup de poing au visage ainsi que des coups de pied. Il a tiré son t-shirt, déchirant ce vêtement, et a encore tenté de lui asséner deux ou trois coups de poing, que B.________ a esquivés. A.________ a, pour sa part, dissuadé deux collègues de ce dernier d'intervenir et a ramassé le couteau qui gisait au sol. Durant l'altercation, A.________ a, avec une matraque télescopique, asséné un coup à B.________, lequel a placé son bras gauche en position de protection et a reçu la frappe sur le poignet. E.________ et son fils sont ensuite partis en courant puis ont pris la fuite en motocycle. 
 
C.   
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 10 septembre 2019, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu'il est libéré du chef de prévention de lésions corporelles graves, qu'il est condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 40 fr. le jour, ainsi qu'à une amende de 700 fr., et qu'il ne doit payer aucun montant à B.________. Subsidiairement, il conclut à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir apprécié les preuves et établi les faits de manière arbitraire. Il se plaint en outre, à cet égard, d'une violation du principe "in dubio pro reo". 
 
1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat. Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire. La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe "in dubio pro reo", concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective. Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe "in dubio pro reo", celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 p. 155 s. et les références citées).  
 
1.2. La cour cantonale a exposé que les images de vidéosurveillance du garage ne comprenaient pas le début de l'altercation. Cette phase de l'échauffourée n'avait été vue par aucun témoin. Le recourant et E.________ avaient tous deux contesté qu'un coup de matraque eût été porté par celui-ci sur le bras de l'intimé. Ce dernier avait cependant été constant dans ses déclarations. Il ne s'était jamais contredit et avait détaillé le déroulement de l'altercation. Le recourant avait, quant à lui, fourni des explications invraisemblables. Il avait prétendu qu'il ne savait rien du litige opposant son père à l'intimé et qu'il ignorait tout du but de la visite de celui-ci au garage. Il avait toutefois également déclaré qu'en quittant son motocycle, il avait emporté la matraque télescopique se trouvant toujours sous sa selle, "au cas où ça tournerait mal", qu'il n'avait pas l'intention d'utiliser cet objet et ignorait que son père et l'intimé étaient brouillés. Le recourant avait aussi indiqué qu'il avait porté la matraque non ouverte, cachée sous son bras, qu'il avait placé une veste par-dessus, n'avait jamais brandi cette arme ou levé le bras, mais était demeuré bras croisés et à distance de l'intimé durant l'altercation. Or, sur les images de vidéosurveillance, le recourant n'apparaissait jamais avec les bras croisés, tandis que sa matraque n'était pas cachée sous le bras ou sous une veste. L'un des témoins - qui n'avait pas assisté au début de l'altercation - avait en outre déclaré que le recourant tenait alors une matraque à la main. Sur les images de vidéosurveillance, le recourant semblait extraire de sa poche la matraque juste avant de sortir du champ de la caméra. Au cours des débats de première instance, le recourant avait relevé qu'il n'était pas visible sur les images de vidéosurveillance durant sept secondes et avait soutenu que cette durée aurait été trop courte pour sortir la matraque, la déployer, frapper l'intimé puis replier l'arme, ce qu'il n'aurait pu faire que sur le bitume. Selon la cour cantonale, une matraque télescopique pouvait pourtant se déployer d'une seule main, d'un unique geste et donc très rapidement. Il en allait de même pour la replier. Ainsi, sept secondes avaient suffi au recourant pour déployer sa matraque télescopique, frapper l'intimé et replier l'arme.  
 
L'autorité précédente a ajouté que, selon le recourant, l'intimé avait dû se blesser en tombant. Or, selon une attestation médicale du 10 avril 2017, les lésions constatées sur l'intéressé évoquaient un coup porté par un objet contondant, non une chute. En outre, selon les déclarations de E.________, le sol sur lequel l'intimé serait tombé était fait de terre et de gazon, ce qui rendait encore moins vraisemblable l'hypothèse d'une blessure causée par une chute. Il convenait ainsi de retenir que le recourant avait activement participé à l'altercation, en portant un coup de matraque à l'intimé puis, toujours muni de cette arme, en empêchant les collègues de ce dernier d'intervenir d'une quelconque manière. 
 
1.3. Ignorant les réquisits légaux en matière de contestation de l'établissement des faits, le recourant développe une argumentation purement appellatoire et, partant, irrecevable, par laquelle il substitue sa propre appréciation des preuves à celle à laquelle s'est livrée l'autorité précédente, sans démontrer en quoi celle-ci serait arbitraire. Il en va ainsi lorsqu'il livre sa propre lecture des déclarations successives de l'intimé, sans montrer quelle constatation insoutenable aurait pu en être tirée par la cour cantonale, l'intéressé ayant au demeurant - comme l'a relevé l'autorité précédente - constamment expliqué que le recourant lui avait asséné un coup avec sa matraque, cette frappe ayant pu être parée par un mouvement de protection avec le bras gauche. Par ailleurs, il n'était aucunement arbitraire de prêter foi aux explications de l'intimé s'agissant de la réalité du coup de matraque reçu, même si celui-ci n'a pas, au cours de ses déclarations successives, pu rapporter l'ordre exact dans lequel il avait reçu les frappes en étant assailli par le recourant et son père, ni livrer un récit circonstancié de l'enchaînement précis de ses gestes et déplacements tandis qu'il essayait d'échapper à l'assaut. Le recourant tente également en vain d'identifier de prétendues invraisemblances dans la version des événements de l'intimé, aucun des aspects abordés ne faisant apparaître comme insoutenable la constatation selon laquelle il a asséné un coup de matraque à l'intéressé. Il en va de même lorsque le recourant rediscute librement la crédibilité de ses propres déclarations en tentant d'en exposer la vraisemblance, sans démontrer qu'il aurait été arbitraire de les écarter.  
 
S'agissant de la manipulation de la matraque, le recourant conteste tout d'abord que les images de vidéosurveillance l'eussent montré en train d'extraire cette arme de sa poche avant de disparaître du champ de la caméra. On ne voit pas en quoi la correction d'un éventuel vice sur ce point serait susceptible d'influer sur le sort de la cause (cf. art. 97 al. 1 LTF), puisque la version des événements retenue par l'autorité précédente n'implique pas nécessairement qu'un tel geste fût effectivement accompli par le recourant avant qu'un coup fût porté à l'intimé. Par ailleurs, l'argumentation du recourant s'avère derechef purement appellatoire lorsqu'elle consiste dans sa propre appréciation du temps et de la surface nécessaires à la fermeture de sa matraque, de son attitude sur les images de vidéosurveillance, ou encore du déroulement des événements pendant les sept secondes durant lesquelles les protagonistes se sont trouvés hors du champ de la caméra, l'intéressé ne présentant aucun élément faisant apparaître comme insoutenables les constatations de la cour cantonale à cet égard. 
 
Le recourant prétend ensuite que la blessure subie par l'intimé au bras gauche serait incompatible avec la posture de défense que ce dernier prétend avoir adoptée, une chute devant être à l'origine de cette lésion. Sur ce dernier point, le recourant ne démontre nullement qu'il aurait été arbitraire, pour la cour cantonale, de se fonder sur le certificat médical du 10 avril 2017, dans lequel le médecin ayant examiné l'intimé a indiqué que la blessure concernée était évocatrice d'un coup porté avec un objet contondant et non d'une chute. S'agissant du geste adopté par l'intimé pour parer le coup, le recourant ne fait pas davantage apparaître l'état de fait de l'autorité précédente comme arbitraire, mais affirme, de manière appellatoire et sans s'appuyer sur d'autres éléments, qu'une frappe portée depuis le haut aurait dû - compte tenu du geste de protection avec "avant-bras gauche au-dessus de son front, avec le pouce vers le bas" accompli par l'intimé - causer une blessure sur le côté extérieur du poignet et non du côté du pouce, lequel était orienté vers le bas. On ne voit pourtant pas pourquoi la matraque, frappant du haut vers le bas, n'aurait pas pu atteindre le radius de l'intimé, ce dernier ayant pu, afin de protéger sa tête, orienter sa main non pas verticalement mais avec la paume orientée partiellement vers le ciel, plaçant ainsi cet os en première position face à l'arme du recourant. 
 
C'est donc en vain que le recourant conteste l'état de fait de la cour cantonale, qui n'apparaît pas arbitraire. Le grief doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs soulevés; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, mais uniquement celles qui sont soulevées devant lui, sauf en présence d'une violation du droit évidente (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1 p. 106; 140 III 115 consid. 2 p. 116; 138 I 274 consid. 1.6 p. 280; cf. arrêt 6B_1280/2019 du 5 février 2020 consid. 6). 
 
Tel est le cas en l'espèce, puisque la cour cantonale a condamné le recourant à une peine pécuniaire de 300 jours-amende, alors que, selon l'art. 34 al. 1 CP dans sa teneur depuis le 1er janvier 2018, la peine pécuniaire est, sauf disposition contraire, de 180 jours-amende au plus (ATF 145 IV 449 consid. 1.4 p. 452 s.; 144 IV 217 consid. 3.6 p. 237). Cette violation manifeste du droit fédéral peut être corrigée d'office par le Tribunal fédéral. 
 
3.   
Au vu de ce qui précède, le recours doit être très légèrement admis. Pour le reste, il doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe très largement, supporte les frais judiciaires, toutefois réduits pour tenir compte de l'admission partielle (art. 66 al. 1 LTF). Comme l'admission très partielle du recours ne résulte pas de son argumentation mais de la correction d'office d'une violation évidente du droit fédéral, il n'y a pas lieu d'octroyer des dépens au recourant. L'intimé, qui n'a pas été invité à se déterminer, ne saurait prétendre à des dépens. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est très partiellement admis. Le dispositif du jugement attaqué est réformé comme suit s'agissant de la peine : 
 
"condamne A.________ à une peine pécuniaire de 180 (cent huitante) jours-amende, le montant du jour-amende étant fixé à 40 fr. (quarante francs), sous déduction de 1 (un) jour de détention avant jugement et à une amende de 700 fr. (sept cents francs);" 
 
Pour le reste, le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 31 mars 2020 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
Le Greffier : Graa