Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_622/2024
Arrêt du 10 décembre 2024
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Hurni et Kölz.
Greffière : Mme Kropf.
Participants à la procédure
1. A.________,
représentée par
Me Saverio Lembo ou Me Abdul Carrupt, Avocats,
2. B.________,
3. C.________,
4. D.________,
5. E.________,
tous les quatre représentés par Me Stefan Leimgruber ou Me Paul Gully-Hart, Avocats,
recourants,
contre
1. F.M.________ Ltd et F.N.________ Company
représentées par Me Albert Righini ou Me François Rod, avocats,
2. G.________,
représenté par Me Nicola Meier, avocat,
3. H.________,
représenté par Me Alexandre Böhler, avocat,
4. I.________,
représenté par Me Blaise Stucki, avocat,
intimés,
Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
Objet
Levée de séquestre,
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 6 mai 2024 (ACPR/330/2024 - P/11678/2023).
Faits :
A.
A.a. J.________ (ci-après : le "settlor") a placé l'essentiel de sa fortune, évaluée à plus de USD 500 millions, dans une structure composée de diverses entités.
En particulier, en mai 2013, il a constitué un trust irrévocable, K.________ Trust (ci-après : le Trust), lequel a été incorporé à l'étranger (R.________). Dans ce contexte, il a transféré aux "trustees" la propriété de nombre de ses biens pour qu'ils les gèrent de façon discrétionnaire en faveur des membres de sa famille; les bénéficiaires étaient notamment A.________, B.________, C.________, D.________ et E.________ (ci-après : A.________ et consorts). La fonction de "trustee" était exercée conjointement par trois sociétés - également sises à R.________ -, administrées respectivement par G.________, H.________ et I.________.
K.________ Trust est l'actionnaire unique de F.M.________ Ltd, laquelle possède la société F.N.________ Company. Ces deux dernières entités - localisées à l'étranger (V.________) et administrées par d'autres personnes que les "trustees" précités - détiennent les comptes bancaires nos xxx et yyy auprès de la banque L.________ SA, en Suisse.
A.b. Depuis le décès de J.________, survenu en 2015, les "trustees" du Trust et certains des bénéficiaires de cette entité sont en conflit.
En substance, les bénéficiaires reprochent aux "trustees" de ne pas respecter la volonté du "settlor", laquelle serait que sa fortune leur soit distribuée; cette attitude les priverait indûment de leurs droits. Quant aux "trustees", ils soutiennent que l'intention du défunt serait au contraire de soustraire le contrôle de ladite fortune à certains des membres de la famille pour éviter que ces derniers se l'accaparent au détriment des autres ayants droit vu la mésentente existant entre les différents intéressés.
A.b.a. En raison de ce litige, les "trustees" et certains bénéficiaires se sont opposés et s'opposent encore dans de nombreuses procédures civiles et pénales, tant en Suisse qu'à l'étranger.
En particulier, certains des bénéficiaires, dont B.________, ont déposé, en septembre 2017 à V.________, une demande visant notamment les "trustees". Ils y contestaient le droit des "trustees" de détenir, pour le compte du Trust, l'unique part sociale de F.M.________ Ltd, au motif que ce droit leur conférerait
de facto la mainmise sur la quasi-totalité des actifs du Trust. Les "trustees", défendeurs, ont conclu au rejet de cette demande. Des mesures provisoires, applicables durant la procédure, ont été ordonnées : il a ainsi été fait interdiction aux "trustees", dès octobre 2017, de disposer de ladite part sociale; deux administrateurs judiciaires ont été désignés en avril 2018 pour veiller aux intérêts et assurer la gestion indépendante de F.M.________ Ltd et de sa filiale, F.N.________ Company. Par jugement du 9 juin 2023, la plus haute instance de V.________ a définitivement rejeté l'action intentée par les bénéficiaires et a levé les mesures provisoire s.
A.b.b. En parallèle, les 11 juin 2018 et 26 mars 2021, les "trustees" ont conclu, en leurs noms personnels, deux accords avec un bailleur de fonds afin de financer l'ensemble des procédures les opposant aux bénéficiaires.
Le premier ("Litigation Financing Agreement") accordait aux intéressés une ligne de crédit de USD 27 millions pour leurs frais de procédure ("Claimant Costs") et de conseil ("Advisory Costs"). Quant au second ("Deed of Variation"), il augmentait cette ligne de crédit de USD 10 millions. Ces accords stipulaient que les sommes à rembourser au bailleur de fonds pourraient, dans certaines circonstances, s'élever à 1.8, 2 ou 2.5 fois les montants empruntés. Le second accord ("Deed of Variation") prévoyait en outre que les "trustees" s'engageaient à accorder au prêteur un ou plusieurs droits de gage sur les actifs de F.M.________ Ltd et de F.N.________ Company en garantie de la ligne de crédit; cet engagement était soumis à la condition que les mesures provisoires ordonnées par les juridictions de V.________ soient levées avant la fin du litige devant ces juridictions.
A.c.
A.c.a. Le 26 mai 2023, A.________ et consorts ont déposé plainte pénale à Genève contre les "trustees" du Trust - représentés par G.________, H.________ et I.________ - pour gestion déloyale (art. 158 CP). Ils se sont constitués parties plaignantes, dès lors que les "trustees", en tant que propriétaires du patrimoine du Trust, ne pouvaient pas être à la fois les lésés et les auteurs de l'infraction dénoncée, ce qui justifiait que les intérêts du Trust puissent être défendus par ses bénéficiaires.
Il ressort de cette plainte que les mis en cause, ayant choisi de livrer une "guerre judiciaire" contre les bénéficiaires, dilapideraient indûment la fortune du "settlor" plutôt que de la leur remettre; pour financer cette "guerre", ils auraient conclu deux accords ("Litigation Financing Agreement" et "Deed of Variation") à des conditions usuraires; la dette contractée par les "trustees" s'élèverait - selon les renseignements obtenus - à USD 118 millions, somme que les précités entendraient rembourser au moyen des valeurs déposées sur les comptes bancaires nos xxx et yyy de F.M.________ Ltd et de F.N.________ Company; les mis en cause se seraient en outre engagés à nantir ces fonds au profit du bailleur de fond. Selon les parties plaignantes, de tels actes mettraient manifestement en danger le patrimoine du Trust, de sorte qu'ils porteraient atteinte aux intérêts aussi bien de cette entité que de ses bénéficiaires.
Les parties plaignantes venaient également d'apprendre que les juridictions de V.________ s'apprêteraient à lever les mesures provisoires ordonnées en faveur de F.M.________ Ltd et de F.N.________ Company; les mis en cause récupéreraient donc bientôt la libre disposition des fonds de ces sociétés, avoirs qu'ils affecteraient au paiement du montant précité. Il convenait donc, selon les parties plaignantes, d'ordonner le séquestre des deux comptes bancaires précités afin d'éviter que la mise en danger évoquée se concrétise.
A.c.b. Le 31 mai 2023, le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après : le Ministère public) a ouvert une instruction pénale contre G.________, H.________ et I.________ pour gestion déloyale. Il a également ordonné le séquestre des relations bancaires ouvertes par F.M.________ Ltd et F.N.________ Company auprès de L.________ SA.
A.c.c. Par lettres des 14 juillet et 23 octobre 2023, F.M.________ Ltd et F.N.________ Company ont demandé la levée de ces séquestres, estimant que les conditions matérielles d'une future confiscation ou créance compensatrice n'étaient pas réalisées ou susceptibles de le devenir : les valeurs saisies leur appartenaient et les bénéficiaires du Trust ne jouissaient d'aucune prérogative (directe) sur celles-ci; les valeurs étaient d'origine licite, provenant de la fortune du "settlor"; ces fonds n'étaient pas non plus impliqués dans la conclusion des accords "Litigation Financing Agreement" et "Deed of Variation" ou dans les faits reprochés aux prévenus; entre avril 2018 et juin 2023, les actifs saisis avaient été gérés par des administrateurs judiciaires indépendants, de sorte qu'ils n'avaient pas pu faire l'objet d'une utilisation illicite; quant aux conditions de l'art. 158 CP, elles n'étaient pas réunies puisque les mis en cause n'avaient pas eu d'autre choix, au vu des mesures provisoires ordonnées par les juridictions de V.________, que de faire appel à un bailleur de fonds pour financer leur défense devant ces juridictions et semblaient avoir négocié l'obtention du financement litigieux aux meilleures conditions possibles.
A.c.d. À la suite du courrier du 14 juillet 2023 susmentionné, A.________ et consorts se sont opposés à la levée des séquestres. Ils ont relevé que, si les fonds n'étaient pas d'origine illicite, leur gestion par les "trustees" l'était et il importait dès lors peu que F.M.________ Ltd et F.N.________ Company -
de facto gérées et instrumentalisées par les mis en cause - ne soient pas impliquées dans les faits dénoncés, leurs actifs étant l'objet d'une infraction "en cours" de commission. Selon les parties plaignantes, les prévenus auraient violé l'art. 158 CP en contractant une dette personnelle - critiquable tant dans son principe que dans sa quotité - qu'ils entendaient faire supporter au Trust; elles pourraient en conséquence prétendre, à la fin de la procédure, à se voir restituer les fonds séquestrés en rétablissement de leurs droits.
A.________ et consorts n'ont pas déposé d'autres déterminations à la suite du courrier du 23 octobre 2023 de F.M.________ Ltd et de F.N.________ Company.
A.c.e. Par ordonnance du 7 novembre 2023, le Ministère public a levé les séquestres portant sur les comptes nos xxx et yyy ouverts au nom respectivement de F.M.________ Ltd et de F.N.________ Company auprès de la banque L.________ SA, en Suisse. Il a considéré qu'il n'existait pas de lien de connexité entre les valeurs saisies et les faits imputés aux prévenus, à défaut pour ces avoirs d'être le produit d'une infraction, respectivement d'avoir servi - ou de devoir servir de manière imminente - à en commettre une.
B.
B.a. Par actes séparés du 20 novembre 2023, A.________ et consorts ont formé des recours contre cette ordonnance. Les deux sociétés ainsi que les trois prévenus se sont déterminés. Les parties plaignantes ont déposé une écriture spontanée en avril 2024, invoquant des faits nouveaux; ces déterminations n'ont pas été communiquées aux autres parties.
B.b. Par arrêt du 6 mai 2024, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après : la Chambre pénale de recours) a joint les recours formés par A.________, d'une part, et par B.________, C.________, D.________ ainsi que E.________, d'autre part, et les a déclarés irrecevables.
C.
Par acte du 4 juin 2024, A.________ et consorts (ci-après : les recourants) interjettent un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, en concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. A titre de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, ils requièrent l'octroi de l'effet suspensif en ce sens que les séquestres conservatoires portant sur les comptes nos xxx et yyy ouverts au nom de F.M.________ Ltd, respectivement de F.N.________ Company, auprès de la banque L.________ SA, en Suisse, soient maintenus jusqu'à droit jugé sur leur recours.
La cour cantonale a renoncé à se déterminer, se référant aux considérants de son arrêt. Quant au Ministère public, il ne s'est pas opposé à la requête d'effet suspensif; sur le fond, il a conclu au rejet du recours. G.________, H.________ et I.________ (ci-après : les prévenus intimés) - agissant en commun - ainsi que F.M.________ Ltd et F.N.________ Company (ci-après : les sociétés intimées) ont conclu au rejet de la requête d'effet suspensif, à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet. Les 25 juillet, 2 et 6 août 2024, l'autorité précédente, le Ministère public et les prévenus intimés ont renoncé à déposer des déterminations complémentaires. Le 30 août 2024, respectivement le 19 septembre 2024, les recourants, les sociétés intimées et les prévenus intimés ont déposé des observations. Ces dernières écritures ont été communiquées aux différentes parties le 23 septembre 2024.
Par ordonnance du 5 juillet 2024, le Président de la II e Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a admis la requête d'effet suspensif.
Considérant en droit :
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2).
1.1. Ne mettant pas un terme à la procédure pénale ouverte à la suite de la plainte déposée par les recourants contre les prévenus intimés, l'arrêt attaqué est de nature incidente. Le recours au Tribunal fédéral n'est dès lors en principe recevable qu'en présence d'un risque de préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Cela étant, le présent recours est dirigé contre un arrêt d'irrecevabilité, ce qui équivaut à se plaindre d'un déni de justice et permet en conséquence l'entrée en matière indépendamment de la condition du risque de préjudice irréparable (ATF 149 IV 205 consid. 1.2; 143 I 344 consid. 1.2; arrêt 7B_1000/2024 du 25 octobre 2024 consid. 1.2 et les arrêts cités).
Seule peut cependant être portée devant le Tribunal fédéral la question de la recevabilité du recours cantonal, à l'exclusion des conclusions et des arguments portant sur le fond (arrêt 7B_90/2024 du 8 juillet 2024 consid. 1.2 et l'arrêt cité). L'autorité cantonale n'avait dès lors pas non plus à examiner les griefs soulevés - notamment dans les écritures du 5 avril 2024 - sur le fond de la cause ou afin de démontrer l'existence de soupçons suffisants de la commission de l'infraction de gestion déloyale (cf. art. 158 CP) en tant que condition permettant un séquestre (cf. art. 197 al. 1 let. b et 263 al. 1 CPP; arrêt 7B_169/2024 du 5 août 2024 consid. 3.1.1 et 3.1.2). Partant, les griefs de déni de justice et de défaut de motivation soulevés en lien avec cette problématique (cf. ch. 3.2.2 p. 23 du recours) doivent d'emblée être écartés.
1.2. Les recourants, dont les recours cantonaux ont été déclarés irrecevables au motif qu'ils n'avaient pas la qualité pour recourir, disposent d'un intérêt juridiquement protégé à obtenir l'annulation ou la modification de l'arrêt attaqué (cf. art. 81 LTF; arrêt 7B_90/2024 du 8 juillet 2024 consid. 1.3 et les arrêts cités).
1.3. Les autres conditions de recevabilité - dont le dépôt en temps utile (cf. art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (cf. art. 42 al. 2 LTF) - n'appellent à ce stade aucune autre considération, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2.
Dans la mesure où la mention de l'audition de la recourante A.________ (cf. notamment ch. 37 ss p. 11 du recours) constituerait une requête visant à obtenir un acte d'instruction, elle doit être écartée, faute de toute motivation, notamment quant aux circonstances exceptionnelles susceptibles de justifier des mesures d'instruction devant le Tribunal fédéral (cf. art. 55 LTF; ATF 136 II 101 consid. 2; arrêt 7B_531/2024 du 3 juillet 2024 consid. 2 et l'arrêt cité).
3.
3.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins que celles-ci aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 150 I 50 consid. 3.3.1). Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 148 IV 356 consid. 2.1).
Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 150 I 50 consid. 3.3.1).
3.2. Le mémoire de recours contient un chapitre "IV. En fait" (cf. p. 6 ss du recours). Dans la mesure où les faits qui y sont exposés divergeraient de ceux constatés dans l'arrêt querellé sans être critiqués sous l'angle de l'arbitraire, il n'en sera pas tenu compte.
3.3.
3.3.1. Les recourants soutiennent que l'autorité précédente aurait arbitrairement omis de prendre en compte la "Letter of Wishes", leurs écritures du 5 avril 2024 - auxquelles était joint le rapport de l'enquêteur indépendant déposé devant le Tribunal étranger de Y.________ - et la nature exacte de la dette contractée par les "trustees"; ces éléments démontreraient l'utilisation indue des avoirs saisis, respectivement le préjudice subi par le Trust (cf. ch. 3.1.2 p. 20 ss du recours).
3.3.2. Il est cependant incontesté en l'espèce que les fonds litigieux se trouvent toujours sur les comptes détenus par les deux sociétés intimées; ils n'ont été transférés ni au Trust ni à la société ayant accordé les lignes de crédit aux prévenus intimés. Le reproche - indépendamment de savoir s'il doit être considéré comme nouveau vu la teneur non contestée de la plainte pénale résumée dans l'arrêt attaqué (cf. let. B.d.a p. 4 de l'arrêt attaqué; art. 105 al. 1 LTF) - soulevé par les recourants contre les prévenus intimés en lien avec un défaut de transfert antérieur de ces avoirs au Trust vient d'ailleurs confirmer cette constatation (cf. notamment let. a p. 28 du recours, ch. 1.2 p. 9 et ch. II p. 15 s. des observations des recourants du 30 août 2024; voir également le terme "mise en danger" employé par les recourants [en particulier let. b et c p. 30 du recours]).
La cour cantonale pouvait dès lors, sans arbitraire, retenir que les fonds litigieux n'avaient pas été utilisés et ne pas prendre en compte les éléments visant à établir non pas le transfert des avoirs des sociétés intimées, mais le caractère prétendument illicite de l'utilisation envisagée de ceux-ci par les "trustees". Une telle problématique semble au demeurant relever de l'examen incombant à l'autorité de poursuite pénale, devant laquelle les recourants pourront faire valoir leurs moyens afin de démontrer que les engagements pris par les prévenus intimés afin d'obtenir des lignes de crédit pourraient constituer un acte contraire aux intérêts du Trust (cf. en particulier
a priori les écritures du 5 avril 2024 et leur annexe; voir également ch. 2.2 p. 13 des observations du 30 août 2024 des recourants).
4.
4.1. Les recourants reprochent à l'autorité d'avoir violé l'art. 382 al. 1 CPP en considérant qu'ils n'avaient pas la qualité pour recourir, faute d'intérêt juridiquement protégé.
4.2.
4.2.1. Selon l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie - notamment au sens de l'art. 104 al. 1 CPP - qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci.
Il existe un intérêt juridiquement protégé lorsque le recourant est touché directement et immédiatement dans ses droits propres, ce qui n'est pas le cas lorsqu'il est touché par un simple effet réflexe (ATF 145 IV 161 consid. 3.1). Cet intérêt doit être actuel et pratique. L'existence d'un intérêt de pur fait ou la simple perspective d'un intérêt juridique futur ne suffit pas (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1). Le recourant doit établir que la décision attaquée viole une règle de droit qui a pour but de protéger ses intérêts et qu'il peut en conséquence en déduire un droit subjectif. La violation d'un intérêt relevant d'un autre sujet de droit est insuffisante pour créer la qualité pour recourir (ATF 145 IV 161 consid. 3.1 et les arrêts cités). Une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision ne possède donc pas la qualité pour recourir et son recours est irrecevable (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1; arrêt 7B_851/2023 du 9 juillet 2024 consid. 2.5.1 destiné à la publication).
4.2.2. La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP. Il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction (ATF 147 IV 269 consid. 3.1). En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 145 IV 491 consid. 2.3). Pour être directement touché, le lésé doit en outre subir une atteinte en rapport de causalité directe avec l'infraction poursuivie, ce qui exclut les dommages par ricochet (ATF 147 IV 269 consid. 3.1; arrêt 7B_134/2024 du 11 octobre 2024 consid. 3.2.2 et les arrêts cités).
Lorsqu'une infraction est perpétrée au détriment du patrimoine d'une personne morale, seule celle-ci subit un dommage et peut donc prétendre à la qualité de lésé, à l'exclusion des actionnaires d'une société anonyme, des associés d'une société à responsabilité limitée, des ayants droit économiques et des créanciers desdites sociétés (ATF 148 IV 170 consid. 3.3.1 et les arrêts cités; arrêt 7B_21/2023 du 1er octobre 2024 consid. 10.2). Il en va de même pour les membres du conseil et pour les bénéficiaires d'une fondation disposant de la personnalité juridique, pour l'ayant droit économique ou pour l'investisseur d'un fonds de placement "offshore" doté de la personnalité juridique (arrêt 1B_319/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1 et les arrêts cités).
4.2.3. Selon une définition courante, le trust vise un rapport juridique dans lequel le "settlor" confie des biens patrimoniaux au "trustee", afin que ce dernier les gère dans l'intérêt d'un bénéficiaire ou dans un but déterminé, selon les termes de l'acte de trust (voir également art. 2 de la Convention de La Haye du 1er juillet 1985 relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance [CLHT; RS 0.221.371]; ATF 143 II 350 consid. 3.1 et 4.2; arrêts 7B_167/2023 du 28 juillet 2023 consid. 4.3.2; 1B_319/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.2). Les biens du trust sont réputés être la propriété du "trustee", quand bien même ils constituent une masse distincte et ne font pas partie de sa fortune personnelle. Le trust est dénué de la personnalité juridique et, partant, n'a pas la qualité pour ester en justice. Le "trustee" doit être considéré comme lésé aux termes de l'art. 115 CPP en cas d'infractions portant sur les biens qui lui ont été confiés en trust. En particulier, en tant que propriétaire des biens ou avoirs du trust, ainsi que comme titulaire du compte bancaire où ces derniers sont déposés, le "trustee" est légitimé à contester le séquestre opéré sur ces biens, à l'exclusion du bénéficiaire du trust (arrêts 7B_167/2023 du 28 juillet 2023 consid. 4.3.2; 1B_319/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.2 et les références citées; MAZZUCCHELLI/POSTIZZI, in Basler Kommentar, Strafprozessordnung/Jugendstrafprozessordnung, 3e éd. 2023, nos 28 et 56 ad art. 115 CPP; JOSITSCH/SCHMID, Praxiskommentar Schweizerische Strafprozessordnung, 4e éd. 2023, n° 2 ad art. 115 CPP).
4.2.4. Selon GARBARSKI, dans l'éventualité où le "trustee" devrait être lui-même impliqué dans la commission de l'infraction - notamment celle de gestion déloyale (art. 158 CP), voire d'abus de confiance (art. 138 CP) -, la qualité de lésé devrait pouvoir être étendue aux bénéficiaires du trust (ANDREW M. GARBARSKI, Le lésé et la partie plaignante dans la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, in SJ 2017 II 125, ad II/A/2 p. 129; partageant
a priori cette opinion, MAZZUCCHELLI/POSTIZZI, op. cit., note de bas de page n° 159 ad art. 115 CPP; JOSITSCH/SCHMID, op. cit., n° 2 ad art. 115 CPP; VIKTOR LIEBER, in DONATSCH/LIEBER/SUMMERS/WOHLERS [édit.], Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung, vol. I, 3e éd. 2020, n° 5b ad art. 115 CPP; CAMILLE PERRIER DEPEURSINGE, in Commentaire Romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd. 2019, n° 13 ad art. 115 CPP). Cette conception semble avoir été suivie par le Tribunal pénal fédéral (cf. ses arrêts BB.2018.145 du 7 mars 2019 consid. 1.4; BB.2017.206 du 30 mai 2018 consid. 3.5, 3.6 et 3.7) et par certaines autorités cantonales (cf. notamment l'arrêt zurichois UH180386 du 12 avril 2019 consid. 2.5.2, l'arrêt vaudois 553 - PE16.021057 du 14 août 2017 consid. 2.4 et l'arrêt genevois ACPR/534/2014 du 14 novembre 2014 consid. 5).
4.3.
4.3.1. Un séquestre conservatoire est une mesure fondée sur la vraisemblance (ATF 143 IV 357 consid. 1.2.3 et les arrêts cités), portant sur des objets dont on peut admettre,
prima facie, qu'ils pourront être confisqués en application du droit pénal fédéral. Tant que l'instruction n'est pas achevée et que subsiste une probabilité de confiscation, de créance compensatrice ou d'une allocation au lésé, la mesure conservatoire doit être maintenue (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 et l'arrêt cité; arrêt 7B_200/2023 du 25 juin 2024 consid. 3.3). L'intégralité des fonds doit demeurer à disposition de la justice aussi longtemps qu'il existe un doute sur la part de ceux-ci qui pourrait provenir d'une activité criminelle (arrêt 7B_191/2023 du 14 mars 2024 consid. 2.3.2 et les arrêts cités). Un séquestre ne peut donc être levé que dans l'hypothèse où il est d'emblée manifeste et indubitable que les conditions matérielles d'une confiscation ne sont pas réalisées et ne pourront pas l'être (ATF 140 IV 133 consid. 4.2.1 et l'arrêt cité; arrêt 7B_191/2023 du 14 mars 2024 consid. 2.3.2).
4.3.2. Aux termes de l'art. 70 al. 1 CP, le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits.
Le but poursuivi par l'art. 70 CP est d'empêcher qu'un comportement punissable procure un gain à l'auteur ou à des tiers, conformément à l'adage selon lequel "le crime ne doit pas payer" (ATF 150 IV 338 consid. 2.1.1; 145 IV 237 consid. 3.2.1). La confiscation suppose une infraction, des valeurs patrimoniales, ainsi qu'un lien de causalité tel que l'obtention des secondes apparaisse comme la conséquence directe et immédiate de la première. L'infraction doit être la cause essentielle, respectivement adéquate, de l'obtention des valeurs patrimoniales et celles-ci doivent typiquement provenir de l'infraction en cause (ATF 145 IV 237 consid. 3.2.1; arrêt 7B_191/2023 du 14 mars 2024 consid. 2.3.3).
Les valeurs patrimoniales confiscables se rapportent à tous les avantages économiques illicites obtenus directement ou indirectement au moyen d'une infraction, qui peuvent être déterminés de façon comptable en prenant la forme d'une augmentation de l'actif, d'une diminution du passif, d'une non-diminution de l'actif ou d'une non-augmentation du passif (ATF 144 IV 1 consid. 4.2.2).
4.3.3. En vertu de l'art. 71 al. 1 CP, lorsque les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonne leur remplacement par une créance compensatrice de l'État d'un montant équivalent; elle ne peut être prononcée contre un tiers que dans la mesure où les conditions prévues à l'art. 70 al. 2 CP ne sont pas réalisées.
Le but de cette mesure est d'éviter que celui qui a disposé des objets ou valeurs à confisquer soit privilégié par rapport à celui qui les a conservés; elle ne joue qu'un rôle de substitution de la confiscation en nature et ne doit donc, par rapport à celle-ci, engendrer ni avantage ni inconvénient. En raison de son caractère subsidiaire, la créance compensatrice ne peut être ordonnée que si, dans l'hypothèse où les valeurs patrimoniales auraient été disponibles, la confiscation eût été prononcée : elle est alors soumise aux mêmes conditions que cette mesure. Néanmoins, un lien de connexité entre les valeurs saisies et l'infraction commise n'est pas requis (ATF 141 IV 360 consid. 3.2; arrêt 7B_191/2023 du 14 mars 2024 consid. 2.3.4).
4.4. Indépendamment de l'éventuel statut de lésés auxquels pourraient prétendre les recourants en tant que bénéficiaires d'un trust supposément lésé par les actes des ses "trustees" (cf. consid. 2.2.3 p. 9 de l'arrêt attaqué), la cour cantonale a considéré que les recourants ne disposaient en tout état de cause d'aucun intérêt juridique au maintien du séquestre pour cinq motifs (cf. consid. 2.2.4 p. 9 s. de l'arrêt attaqué) :
premièrement, les sociétés intimées étaient les seules titulaires des comptes bancaires saisis et étaient ainsi les seules directement touchées dans leurs droits par les séquestres prononcés; le Trust, en tant qu'actionnaire unique de la société intimée F.M.________ Ltd - laquelle détenait ensuite F.N.________ Company -, n'était atteint que de façon médiate;
deuxièmement, la confiscation au sens de l'art. 70 CP n'avait pas pour but de prévenir la commission d'un futur acte illicite; les montants que les recourants entendaient maintenir sous main de justice n'avaient pas (encore) fait l'objet d'une utilisation ou d'un début d'utilisation indue par les "trustees" et il importait peu que cela résulte (éventuellement) des mesures ordonnées par les juridictions de V.________, puis par le Ministère public;
troisièmement, une confiscation ou une restitution ne pouvait pas porter sur "l'objet" d'une infraction, mais uniquement sur les valeurs qui en étaient le résultat; or les avoirs en cause ne provenant pas d'un acte illicite, leur saisie conservatoire n'avait point lieu d'être;
quatrièmement, les fonds litigieux n'avaient pas été (en l'état) soustraits au Trust, de sorte qu'ils ne sauraient lui être restitués à l'issue de la procédure;
cinquièmement, le prononcé d'une créance compensatrice (cf. art. 71 CP) ne pouvait pas non plus être envisagé, dès lors que les conditions de l'art. 70 CP n'étaient pas réunies.
4.5.
4.5.1. Ces différents raisonnements ne prêtent pas le flanc à la critique et les recourants ne développent aucune argumentation propre à démontrer l'existence d'un droit juridiquement protégé à obtenir dans le présent cas le maintien des séquestres sur les avoirs litigieux.
4.5.2. En tout état de cause, il est tout d'abord incontesté que l'origine des fonds est licite. Les recourants ne prétendent ensuite pas qu'eux-mêmes ou le Trust seraient les titulaires des comptes où se trouvent ces avoirs. S'il semble en avoir été fait mention lors des engagements pris par les prévenus intimés afin d'obtenir les lignes de crédit sollicitées, les recourants ne prétendent en revanche pas que les sommes en cause auraient été débitées à ce jour des comptes des deux sociétés intimées, que ce soit en faveur de la société bailleresse de fonds, des prévenus intimés ou du Trust. Au contraire, les fonds litigieux n'ont pas quitté les comptes des deux sociétés intimées (cf. en particulier ch. 1.2
in fine p. 9 des observations du 30 août 2024 des recourants; voir également consid. 3.3.2 ci-dessus) et on ne saurait donc considérer qu'ils auraient été soustraits du patrimoine du Trust à la suite des engagements pris par les prévenus intimés. Un séquestre en vue de leur restitution en faveur du Trust apparaît ainsi d'emblée exclu, dès lors que celui-ci n'en a jamais été le détenteur à ce jour (cf. art. 263 al. 1 let. c CPP).
S'agissant ensuite d'un séquestre en vue d'une confiscation (cf. art. 70 CP et 263 al. 1 let. d CPP) ou afin de garantir le prononcé d'une créance compensatrice si les valeurs illicites ont disparu (cf. l'art. 71 al. 1 CP, l'ancien art. 71 al. 3 CP [RO 2010 1881] applicable en l'espèce vu la date de l'ordonnance à l'origine du présent litige et l'art. 263 al. 1 let. e CPP [RO 2023 463]; arrêt 7B_155/2024 du 5 mars 2024 consid. 1.2), les considérations qui précèdent, notamment celles relatives à l'absence d'utilisation desdits fonds, suffisent également pour confirmer l'absence de lien de connexité entre les avoirs saisis et les faits reprochés aux prévenus intimés, soit en particulier d'avoir pris des engagements usuraires pour obtenir des lignes de crédit. Ce constat s'impose d'autant plus que les recourants reconnaissent que le dommage qui en résulterait serait la dette contractée
a priori à la charge du Trust dont ils sont les bénéficiaires (cf. notamment let. b p. 30 et let. d p. 31 du recours).
Dans la mesure enfin où une confiscation en application de l'art. 69 CP (
instrumenta sceleris) pourrait entrer en considération s'agissant de valeurs patrimoniales (dans le sens contraire cependant MADELEINE HIRSIG-VOUILLOZ, in Commentaire romand, Code pénal I, 2e éd. 2021, n° 20 ad art. 69 CP; TRECHSEL/JEAN-RICHARD-DIT-BRESSEL, Praxiskommentar Schweizerisches Strafgesetzbuch, 4e éd. 2021, n° 1 ad art. 69 CP; FLORIAN BAUMANN, in Basler Kommentar, 4e éd. 2019, n° 16 ad art. 69 CP), les recourants ne développent aucune argumentation permettant de comprendre en quoi un éventuel transfert futur des avoirs litigieux, notamment en faveur du Trust, serait susceptible de compromettre dans le présent cas la sécurité des personnes, serait contraire à la morale ou à l'ordre public (cf. ATF 137 IV 249 consid. 4.4; arrêt 6B_348/2024 du 21 octobre 2024 consid. 6.1).
5.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Les recourants, qui succombent, supporteront, solidairement entre eux, les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 et 5 LTF ). Les prévenus et les sociétés intimés, qui obtiennent gain de cause, ont droit à une indemnité de dépens, laquelle sera mise à la charge des recourants, solidairement entre eux (cf. art. 68 al. 1, 3 et 4 LTF ); dès lors que les prévenus intimés agissent en commun dans la présente cause, l'indemnité sera fixée de manière globale; il en ira de même pour les sociétés intimées.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, fixés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
3.
Une indemnité globale de dépens, arrêtée à 2'500 fr., est allouée aux prévenus intimés, à la charge des recourants, solidairement entre eux.
4.
Une indemnité globale de dépens, arrêtée à 2'500 fr., est allouée aux sociétés intimées, à la charge des recourants, solidairement entre eux.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 10 décembre 2024
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
La Greffière : Kropf