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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_393/2021  
 
 
Arrêt du 24 mai 2022  
 
IIe Cour de droit social  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, Moser-Szeless et Bechaalany, juge suppléante. 
Greffier : M. Berthoud. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Séverin Tissot-Daguette, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, 
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-invalidité, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 2 juin 2021 (AI 28/20-164/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________, né en 2003, est atteint d'un syndrome d'Asperger et d'un trouble du spectre autistique (notamment rapport de la doctoresse B.________, pédopsychiatre, du 19 mars). Le 3 août 2018, il a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité tendant à la prise en charge de mesures médicales et professionnelles ainsi qu'à l'octroi d'une allocation pour mineur impotent. Les mesures professionnelles sollicitées consistaient en un parcours gymnasial dispensé par l'Ecole C.________ à compter de la rentrée scolaire d'août 2019, conduisant à l'obtention d'un baccalauréat français adapté, de l'avis de l'assuré, à son handicap et lui permettant, à terme, d'intégrer l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (ci-après: EPFL). 
Par décision du 16 décembre 2019, l'office AI a rejeté la demande, au motif que le choix de la formation au sein de l'Ecole C.________ ne lui paraissait pas directement causé par l'invalidité (cf. aussi lettre du 13 décembre 2019). Il a considéré en outre que la formation en cause ne revêtait pas les critères de simplicité, d'adéquation et d'économie indispensables; de plus, le cursus de l'EPFL apparaissait trop exigeant au vu des limitations de l'assuré. 
 
B.  
A.________ a déféré la décision du 16 décembre 2019 au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, qui l'a débouté par arrêt du 2 juin 2021
 
C.  
L'assuré interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont il demande l'annulation, en concluant principalement à ce que l'intimé soit condamné à prendre en charge la formation professionnelle initiale auprès de l'Ecole C.________ dès la rentrée d'août 2019, subsidiairement au renvoi de la cause à l'administration ou aux premiers juges pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants. 
L'intimé conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Dans le cadre du développement continu de l'AI, la modification du 19 juin 2020 de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité (LAI; RS 831.20) est entrée en vigueur au 1er janvier 2022 (RO 2121 705; FF 2017 2559). 
La décision attaquée a été rendue avant le 1er janvier 2022. Du point de vue temporel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (parmi d'autres: ATF 129 V 354 consid. 1 avec les références). Sont ainsi applicables les dispositions de la LAI, celles de l'ordonnance sur l'assurance-invalidité (RAI; RS 831.201) et de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA; RS 830.1) dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021
 
2.  
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées, sinon un état de fait divergent ne peut être pris en considération (art. 97 al. 1 LTF). 
 
3.  
 
3.1. Le litige porte sur le droit du recourant à une mesure de formation professionnelle initiale, laquelle consiste dans la prise en charge des frais afférents au cursus conduisant au baccalauréat français dispensé à compter d'août 2019 au sein de l'école privée C.________.  
 
3.2. La juridiction cantonale a exposé de manière complète les règles applicables à la solution du litige (en particulier les art. 16 al. 1 LAI et 5 al. 1 et 3 RAI), si bien qu'il suffit d'y renvoyer.  
 
4.  
Les premiers juges ont constaté que le recourant est atteint du syndrome d'Asperger et d'un trouble du spectre autistique qui occasionnent une anxiété massive, des difficultés de régulation des émotions, ainsi que des problèmes comportementaux et sociaux. Ces atteintes à la santé ont généré une phobie scolaire alors que le recourant était scolarisé en école publique et qu'en raison d'un absentéisme important, il a terminé avec un an de retard la scolarité obligatoire. L'instance précédente a également constaté que le quotient intellectuel (QI) élevé du recourant autorise à le considérer comme personne à haut potentiel intellectuel. En outre, il a progressé depuis son intégration à l'Ecole C.________ dès 2017. 
Les juges cantonaux ont laissé ouverte la question du caractère simple, nécessaire et adéquat de la formation en cause, de même que celle du potentiel d'intégration du recourant sur le marché ordinaire du travail en raison de ses limitations fonctionnelles, car sa situation ne correspondait de toute manière à aucune des deux exceptions prévues à l'art. 5 al. 3, 2e phrase, RAI. S'agissant de la première exception - l'assuré a reçu un début de formation professionnelle avant d'être invalide -, les premiers juges ont retenu que le recourant était atteint dans sa santé depuis la petite enfance et n'avait pas entamé une formation professionnelle avant la survenance de l'invalidité. Quant à la seconde exception - sans invalidité, l'assuré aurait manifestement reçu une formation moins coûteuse que celle envisagée -, ils ont admis que le recourant n'avait pas apporté la preuve stricte que, sans atteinte à la santé, il aurait bénéficié d'une formation moins onéreuse et que son choix d'une formation en école privée était strictement conditionné par son invalidité. Ils ont relevé que l'Ecole C.________ est une école ouverte à tous mais spécialement conçue pour les enfants à haut potentiel intellectuel, où des outils pédagogiques originaux permettant de répondre aux besoins spécifiques des élèves dits surdoués ou précoces ont été développés. Selon la juridiction cantonale, comme le recourant est atteint du syndrome d'Asperger et d'un trouble du spectre autistique, mais qu'il est également considéré comme une personne à haut potentiel intellectuel compte tenu de son QI élevé (147) - ce qui ne constitue pas une atteinte à la santé en soi -, il correspond au profil des élèves scolarisés à l'Ecole C.________. Les juges cantonaux en ont déduit que le recourant n'avait pas établi que, sans atteinte à la santé, il ne se serait pas orienté dans un établissement privé analogue compte tenu de ses qualifications intellectuelles, de sorte que la preuve stricte d'un choix de formation dicté exclusivement par l'invalidité, telle qu'exigée par la jurisprudence (cf. ATF 106 V 165 consid. 2; arrêt 9C_83/2014 du 15 avril 2014 consid. 3.2 et les références), n'avait pas été apportée. L'intimé était donc fondé à refuser de prendre en charge les frais afférents à la scolarisation post-obligatoire au sein de l'Ecole C.________. 
 
5.  
Le recourant se prévaut d'une constatation erronée et incomplète des faits pertinents (art. 97 al. 1 et 105 al. 1 et 2 LTF), ainsi que d'une violation du droit au sens de l'art. 95 let. a LTF, en particulier des art. 16 ss LAI et des dispositions correspondantes du RAI. Il reproche aux premiers juges d'avoir omis de tenir compte du fait qu'il avait suivi un cursus au sein de l'école publique jusqu'en 2017, et que ses problèmes d'anxiété massive l'en empêchent depuis lors. A cet égard, il relève que la doctoresse B.________ a attesté qu'il avait dû se tourner vers la structure de l'Ecole C.________ en raison de cette anxiété et du trouble du spectre autistique (cf. rapport du 18 juin 2019) et qu'il n'a pas la capacité d'intégrer un gymnase public à cause de son hypersensibilité consécutive à ce trouble (cf. rapport du 20 août 2019). Le recourant soutient qu'il est manifeste qu'il aurait opté pour un cursus aboutissant à un diplôme suisse s'il avait été en bonne santé, de sorte qu'il est arbitraire d'admettre qu'il aurait également fréquenté une école spécialisée en raison de son haut potentiel intellectuel. A son avis, la preuve stricte d'un choix de formation dicté exclusivement par l'invalidité a été apportée. 
Par ailleurs, le recourant se réfère à l'avis de la doctoresse B.________ qui a attesté que la formation poursuivie à l'Ecole C.________ est non seulement adaptée à son état de santé et à ses capacités, mais qu'elle constitue également le seul moyen lui permettant d'obtenir un baccalauréat lui ouvrant la porte des Hautes Ecoles, d'une université ou de l'EPFL. En décidant de ne pas soutenir son projet actuel, l'intimé risque de le priver de toutes études supérieures dont certaines, notamment une HES où les effectifs sont réduits ou une université à distance, apparaissent manifestement adaptées à son état de santé. 
 
6.  
 
6.1. Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, on ne saurait nier le droit à la prise en charge de la formation sollicitée au motif que le recourant n'aurait pas établi que, sans atteinte à la santé, il ne se serait pas orienté dans un établissement privé comme l'Ecole C.________. En effet, dans son rapport du 19 mars 2019, la doctoresse B.________ a attesté que le recourant avait été suivi de novembre 2016 à juin 2018 pour un état anxio-dépressif avec des difficultés de gestion de l'humeur et pour une phobie scolaire, et qu'une médication avait été prescrite à la suite d'une consultation en urgence en mai 2017. A ce moment-là, alors que le recourant fréquentait l'école publique de U.________ (jusqu'en 2017), il avait commencé à être extrêmement angoissé malgré de très bons résultats scolaires en développant une phobie scolaire; il avait repris l'école en intégrant l'Ecole C.________ en septembre 2017. Dans son avis du 20 août 2019, la doctoresse B.________ a précisé que le passage à l'école spécialisée avait été nécessaire en raison de la situation catastrophique. Par ailleurs, l'assuré n'était pas en mesure de suivre le gymnase public en raison d'hypersensibilités en lien avec le trouble du spectre autistique. Sur ce point, la doctoresse B.________ a indiqué que le recourant avait besoin d'aménagements spécifiques en raison de son trouble du spectre autistique et qu'il pouvait poursuivre sa scolarité seulement si l'environnement était adapté (cf. rapport du 18 juin 2019).  
Dans ces circonstances, du point de vue médical, le besoin de soutien particulier et la nécessité d'une scolarisation en école privée avec des aménagements spécifiques en raison du trouble du spectre autistique sont dus à l'atteinte à la santé. Par conséquent, la preuve requise par la jurisprudence, soit que sans invalidité l'assuré aurait manifestement bénéficié d'une formation moins onéreuse (cf. arrêt 9C_83/2014 précité, consid. 3.2), est apportée. 
 
6.2. Comme la juridiction cantonale a laissée ouverte la question de savoir si les autres conditions du droit aux mesures professionnelles en cause étaient réalisées, la cause ne se trouve pas en état d'être jugée faute de constatations à cet égard. Il convient dès lors de lui renvoyer la cause pour qu'elle statue à nouveau sur le droit éventuel du recourant à la prestation litigieuse. La conclusion subsidiaire du recours doit être admise.  
 
7.  
L'intimé, qui succombe, supportera les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et les dépens du recourant (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis en ce sens que l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 2 juin 2021, est annulé, la cause lui étant renvoyée pour nouvelle décision. Le recours est rejeté pour le surplus. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
L'intimé versera une indemnité de dépens de 2800 fr. au recourant pour la procédure fédérale. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 24 mai 2022 
 
Au nom de la IIe Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Parrino 
 
Le Greffier : Berthoud