Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
4A_488/2021
Arrêt du 4 mars 2022
I
Composition
Mmes les Juges fédérales
Hohl, Présidente, Kiss et Niquille.
Greffière: Monti.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Jean-Marc Reymond, avocat,
demandeur et recourant,
contre
Z.________ SA,
représentée par Me Luc André et Me James Greuter, avocats,
défenderesse et intimée.
Objet
société anonyme; contrat avec soi-même,
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le
3 août 2021 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud
(n° 371, PT11.031432-210055).
Faits :
A.
A.a. Z.________ SA est une société anonyme cotée à la bourse suisse. Elle est statutairement consacrée à la prise de participations dans divers secteurs.
Ses statuts contiennent les prescriptions suivantes:
"
Article 17 - Composition
(1) Le conseil d'administration de la société se compose de trois ou plusieurs membres. (...)
(...)
Article 19 - Délégation de la gestion
Le conseil d'administration peut déléguer tout ou partie de la gestion à un ou plusieurs de ses membres (délégués) ou à des tiers (directeurs) conformément au règlement d'organisation.
Article 20 - Représentation de la société
(...)
(2) [Le conseil d'administration] peut déléguer le pouvoir de représentation à un ou plusieurs de ses membres (délégués) ou à des tiers (directeurs, fondés de procuration, mandataires commerciaux)."
A.b. En juin 2010, à l'approche de l'assemblée générale ordinaire, certains actionnaires ont convenu de coordonner leurs droits de vote et de refuser l'élection ou la réélection de certains administrateurs.
L'assemblée s'est tenue le 9 juin 2010. La société comptait alors six administrateurs; trois d'entre eux n'ont pas été réélus.
Un important conflit divisait les actionnaires. Il impliquait notamment M.________, l'un des actionnaires principaux qui faisait partie des administrateurs évincés.
Le 15 juin 2010 s'est tenue une séance du nouveau conseil d'administration dans sa composition réduite. L'administrateur A.________ a été désigné président exécutif du conseil tandis que D.________ était nommé directeur général
(CEO, Chief Executive Officer). A l'issue de la réunion, l'administrateur N.________ a démissionné. Ne subsistaient plus que deux administrateurs, soit le prénommé et B.________, chacun doté du pouvoir de signature collective à deux. Le procès-verbal de la séance pointait la nécessité de tenir "très rapidement" une assemblée extraordinaire pour parer au "problème de quorum" et nommer de nouveaux administrateurs, "sans quoi le Conseil ne pourra[it] plus rien décider".
Dès le 15 juin 2010, M.________ a initié diverses actions civiles et pénales visant notamment la société et/ou les deux administrateurs restants ainsi que D.________. Le 25 juin 2010, le conseil d'administration a décidé que la société indemniserait les organes mis en cause dans ces procédures pour les frais y afférents (y compris les frais d'avocats) et autres dommages qu'ils devraient supporter en raison de leurs agissements, pour autant que ceux-ci relevassent de la négligence simple et que les coûts ne fussent pas déjà couverts par l'assurance contractée. Le lendemain, le conseil a signé une "décision (...) du 25 juin 2010" confirmant la prise en charge de l'intégralité des montants qui pourraient être réclamés à A.________, B.________ et/ou D.________.
Le 23 juillet 2010, les deux administrateurs ont tenu une nouvelle séance du conseil en présence de D.________.
Deux points figuraient à l'ordre du jour:
- "Contrat de travail pour A.________ en tant qu'administrateur et président exécutif", et
- " Octroi exceptionnel d'un droit de signature à D.________".
Le conseil d'administration a accepté "les conditions proposées dans le document que chacun des participants a[vait] reçu pour lecture et approbation". Il a commenté ainsi le second point:
"Les circonstances particulières liées à la composition actuelle du conseil d'administration avec 2 membres imposent l'octroi exceptionnel à D.________ (CEO) d'un droit de signature pour engager la société dans le cas présent. Ce droit est limité exclusivement à la signature du contrat précité concernant A.________".
C'est dans ce contexte qu'a été signé un contrat de travail et de mandat ("
Arbeits- und Mandatsvertrag ") liant A.________ à la société, représentée par l'administrateur B.________ et le directeur D.________. Cette convention réglementait d'une part l'emploi du prénommé "en tant que directeur exécutif", d'autre part son mandat de président du conseil d'administration. Elle prévoyait à ce double titre un salaire fixe de 27'910 fr. bruts par mois et une rémunération annuelle de 50'000 fr. nets en sa qualité de membre ordinaire du conseil d'administration. La relation de travail pouvait être résiliée moyennant un préavis de six mois pour la fin d'un mois.
A.c. Une assemblée extraordinaire s'est tenue le 6 septembre 2010.
Sept administrateurs ont été élus (dont M.________), portant ainsi à neuf les membres du conseil qui incluait toujours B.________ et A.________. Ce dernier a démissionné de sa fonction de président pour être élu vice-président, tandis que M.________ était nommé directeur général.
Le nouveau conseil d'administration a passé au crible les dépenses effectuées entre les assemblées générales du 9 juin et du 6 septembre 2010. Il a bloqué provisoirement les factures ainsi que le contrat de " travail et de mandat" concernant le prénommé.
Le 29 septembre 2010, la société a résilié avec effet immédiat le contrat de A.________, pour autant qu'il fût valable. L'intéressé a exprimé son opposition.
B.
Le 29 mars 2011, A.________ a assigné la société en conciliation devant la Chambre patrimoniale du canton de Vaud. Il a ensuite déposé une demande en paiement de 750'000 fr. plus intérêts.
Il a été mis au bénéfice de l'assistance judiciaire.
La Chambre patrimoniale, puis le Tribunal cantonal vaudois ont successivement rejeté sa demande (pour les motifs, cf. consid. 2.2
infra).
C.
Agissant par la voie du recours en matière civile, A.________ a prié le Tribunal fédéral d'admettre sa demande à hauteur de 510'095 fr. 15. Il a déposé parallèlement une requête d'assistance judiciaire complète étayée par diverses annexes.
L'autorité précédente n'a pas été invitée à se déterminer, non plus que la société intimée.
Considérant en droit :
1.
Les conditions de recevabilité grevant l'exercice du recours en matière civile sont réalisées sur le principe. En particulier, le délai de recours a été respecté (art. 100 al. 1 LTF en lien avec l'art. 46 al. 1 let. b LTF) et la valeur litigieuse de 750'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a LTF) excède largement le minimum requis (art. 74 al. 1 LTF).
2.
2.1. Le recourant a désormais réduit ses prétentions à 510'095 fr. 15, qui ont les fondements suivants selon l'autorité précédente:
-
à raison du contrat de travail et de mandat signé le 23 juillet 2010:
1) salaire d'employé jusqu'au prochain terme de résiliation ordinaire
(167'460 fr. pour la période du 1er octobre 2010 au 31 mars 2011);
2) indemnité pour résiliation immédiate injustifiée
(167'460 fr.);
3) honoraires d'administrateur
(30'663 fr. pour la période du 1er juillet 2010 au 10 février 2011);
4) contributions aux fonds de pension
(20'370 fr. couvrant la période du 9 juin 2010 au 31 mars 2011);
5) participation au programme d'intéressement prévue par l'art. 24 du contrat (40'000 fr.);
6) solde de vacances non prises
(11'030 fr.);
7) remboursement de frais professionnels selon l'art. 23 du contrat
(1'797 fr. 70);
-
à raison de la décision du 25 juin 2010 concernant la prise en charge des frais de procédure :
remboursement des frais d'avocat générés par les procédures auxquelles le recourant a participé en qualité d'organe
(71'314 fr. 45).
2.2. L'analyse des juges cantonaux, dans ce qu'elle a d'utile à la résolution du litige soumis au Tribunal fédéral, est la suivante:
- Le contrat de travail et de mandat du 23 juillet 2010 est entaché de nullité.
Dès le 15 juin 2010, le conseil d'administration se réduisait aux deux membres suivants, alors que les statuts en requéraient trois au minimum: A.________ et B.________, chacun doté du pouvoir de signer à deux.
Dans ce contexte, aucun des deux administrateurs ne pouvait octroyer un pouvoir de représentation à D.________ dans le but de signer le contrat précité: A.________ devait se récuser s'agissant d'une décision tendant à déléguer ses propres pouvoirs; étant personnellement intéressé à la conclusion du contrat, il se trouvait pris dans un conflit d'intérêts. Quant à B.________, il ne pouvait procéder seul à une telle délégation alors qu'il était titulaire d'une signature collective à deux. Le procédé adopté n'était pas admissible: en déléguant à un tiers le pouvoir de ratifier le contrat le concernant, l'administrateur intéressé éludait les règles proscrivant la conclusion d'un contrat avec soi-même.
A titre superfétatoire, l'art. 15 du Règlement d'organisation interne de la société imposait à un comité des rémunérations de soumettre au conseil d'administration les principes régissant la rémunération de ses membres et le déclarait même seul compétent pour les dix rémunérations annuelles les plus importantes de la société.
- Il était superflu de déterminer si l'accord illicite était un contrat de travail ou un mandat: l'art. 320 al. 3 CO était de toute façon applicable par analogie aux contrats de durée partiellement exécutés, condition réalisée en l'occurrence. Cette règle supposait toutefois la bonne foi de l'employé. Or, A.________ savait que le conseil d'administration réduit à deux membres ne pouvait plus rien décider. Il ne pouvait ignorer les règles concernant les attributions et le fonctionnement du conseil dont il était membre. De même, il ne pouvait méconnaître le Règlement d'organisation, notamment son art. 15. En bref, il ne pouvait avoir la conviction d'avoir valablement conclu un contrat avec la société.
- Le demandeur sollicitait aussi le remboursement des frais d'avocat encourus dans les procès dans lesquels il avait été attrait en raison de ses fonctions dirigeantes. En vain. Lui et B.________ avaient certes signé une "décision du 25 juin 2010" imposant à la société de prendre en charge leurs frais de défense, mais les deux administrateurs avaient agi pour eux-mêmes exclusivement, de sorte que cette convention était illicite au même titre que le contrat de travail et de mandat.
3.
A l'encontre de cette analyse, le recourant décoche des moyens de fait et de droit qui seront examinés successivement.
3.1. Le Tribunal fédéral se fonde en principe sur les faits retenus par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), lesquels incluent les constatations opérées par les premiers juges lorsqu'elles sont reprises au moins implicitement dans l'arrêt attaqué (arrêt 4A_484/2018 du 10 décembre 2019 consid. 2.2; sous l'OJ, ATF 129 IV 246 consid. 1 p. 248; 118 IV 122 consid. 1 p. 124).
Le recourant peut objecter que les faits ont été établis de façon manifestement inexacte (c'est-à-dire arbitraires selon l'art. 9 Cst.) ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF. Il doit cependant cibler des éléments
pertinents pour l'issue du litige (cf. art. 97 al. 1
i.f. LTF), c'est-à-dire qui soient aptes à modifier le dispositif de la décision entreprise; ce
requisit découle de l'exigence d'un intérêt à recourir (BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, n° 34 ad art. 97 LTF).
Dans la mesure où il critique l'appréciation des preuves, le recourant doit soulever le grief d'arbitraire (art. 9 Cst.) et expliquer de façon circonstanciée en quoi un tel vice entacherait l'appréciation portée par l'autorité précédente (principe de l'allégation, cf. consid. 3.2
infra; voir par ex. ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 255). L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait défendable, voire préférable (ATF 137 I 1 consid. 2.4
i.f.).
3.2. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), qui est en principe appliqué d'office. Eu égard, toutefois, à l'exigence générale de motivation énoncée à l'art. 42 al. 2 LTF, l'autorité de céans n'examine d'ordinaire que les griefs soulevés, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 116). En outre, la dénonciation d'une violation des droits constitutionnels doit répondre à des exigences plus strictes: le principe d'allégation impose au recourant d'indiquer quel droit constitutionnel a été violé et d'expliquer par le détail en quoi consiste la violation (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 II 244 consid. 2.2; 133 II 396 consid. 3.2).
4.
4.1. Le recourant dresse une longue liste des vices censés entacher l'état de fait retenu par la Cour d'appel vaudoise. Encore faudrait-il qu'ils importent pour l'issue de la cause.
L'autorité précédente a jugé nuls le contrat de travail et de mandat signé le 23 juillet 2010 et la décision du 25 juin 2010. A raison, selon des explications qui seront fournies ci-dessous. Par ailleurs, une restitution fondée sur le droit de l'enrichissement illégitime n'entre pas en ligne de compte (consid. 6.4
infra). Partant, constituent des enjeux pour l'issue du litige les circonstances dans lesquelles le pouvoir de signature a été conféré à D.________, la conscience qu'avait le recourant du potentiel conflit d'intérêts, ou encore la comparaison de la rémunération prévue avec les conditions du marché.
Or, plusieurs griefs du recourant viennent s'échouer sur le même récif, à savoir l'absence de pertinence pour le sort de la cause. Il en est ainsi des rectifications suivantes souhaitées par le recourant:
- le conseil d'administration pouvait être composé d'un seul membre;
- le recourant n'était pas actionnaire;
- il avait exercé des fonctions exécutives comme président du conseil d'administration et directeur exécutif, et avait fourni à ce double titre d'importantes quantités de travail;
- son contrat de travail et de mandat contenait une clause de prohibition de concurrence;
- la partie adverse avait refusé de collaborer en omettant de transmettre des pièces nécessaires pour fixer les contributions dues à la caisse de pension et la participation au plan d'intéressement;
- le contrat précité contenait un § 25 sur ce dernier point;
- le recourant n'avait pas démissionné;
- l'intimée n'avait aucun motif de le licencier alors qu'il avait rempli correctement ses fonctions aux dires de l'expert;
- les circonstances du licenciement auraient dû être précisées;
- il n'était pas prouvé qu'une indemnité d'assurance aurait été versée pour couvrir partiellement les frais d'avocat engagés dans les divers procès;
- la société intimée n'avait pas versé au recourant ce qu'elle lui devait en vertu du contrat.
On relèvera au passage que l'interprétation des statuts d'une personne morale relève du droit (cf. ATF 114 II 193 consid. 5a; 87 II 89 consid. 3 p. 95; arrêts 4A_392/2008 du 22 décembre 2008 consid. 4.2.1 et 7B.9/2005 du 3 mai 2005 consid. 2.3) - tout comme la question de savoir s'il existe de justes motifs de résilier un contrat. De toute façon, pour les raisons précitées, ces questions juridiques sont privées d'objet. Doivent aussi être pointés les traits appellatoires de la critique présentée par le recourant, lequel ne s'essaie pas véritablement à démontrer en quoi l'autorité précédente aurait ignoré la pertinence des éléments litigieux.
Il reste à examiner les autres griefs de fait.
4.2.
4.2.1. La Cour d'appel aurait violé l'art. 55 CPC en mentionnant plusieurs articles du Règlement d'organisation interne de la société intimée alors qu'ils n'avaient fait l'objet d'aucun allégué. Elle aurait aussi enfreint le droit d'être entendu du recourant en omettant de statuer sur ce grief déjà soulevé en appel.
4.2.2. Le recourant a effectivement soumis ce moyen à l'autorité précédente, qui ne l'a pas traité. Rien n'indique que l'intimée aurait commenté le grief dans sa réponse à l'appel. Un bref survol des écritures échangées en première instance montre que le recourant a allégué l'art. 19 des Statuts dans sa réplique (all. 681, let. A.a
supra) en sollicitant à ce titre la production du Règlement d'organisation en vigueur en 2010 (pièce requise 107). La cour de céans est toutefois dispensée d'approfondir ses recherches dans ce volumineux dossier pour s'assurer que, réellement, aucun allégué ne sous-tendait les constatations litigieuses.
Il appert en effet que les dispositions dudit Règlement n'influencent pas l'issue du litige et ne seront dès lors pas prises en compte au moment d'examiner le bien-fondé de l'analyse juridique développée par les juges cantonaux.
4.3. Ceux-ci auraient prétendument dû constater les salaires perçus par les administrateurs éconduits M.________ et O.________, tout comme les conditions de travail prévues dans le contrat du directeur D.________. Ces points de comparaison permettraient d'inférer que la rémunération et le traitement réservés au recourant "étaient parfaitement raisonnables et n'avaient rien d'excessif par rapport aux conditions pratiquées par l'intimée à cette époque".
Compléter l'état de fait en ce sens ne mènerait pas pour autant le recourant à bon port et ne lui permettrait pas d'échapper à la nullité du contrat en établissant qu'il était conforme aux conditions du marché et n'était pas préjudiciable pour la société (cf. consid. 5.3.2 chiffre I.
infra). Car, de l'aveu même du recourant, il n'est pas question ici des conditions du marché, mais de pratiques en cours dans la société intimée. Or, il ne suffirait pas d'établir que les conditions contractuelles s'inscrivaient dans les normes de la société pour en déduire qu'elles se conformaient aux lois du marché et n'étaient en rien préjudiciables à l'intéressée. Dès lors que l'expert ne s'est apparemment pas prononcé sur cette question, il n'y a pas matière à discussion.
4.4. La cour cantonale aurait encore dû préciser que les frais professionnels du recourant sujets au remboursement atteignaient 1'797 fr. 70 selon l'expert, et avaient été visés par l'administrateur O.________.
Le contrat prévoyant le remboursement desdits frais a été taxé de nul, à juste titre. Au surplus, le recourant ne prétend pas à l'application des règles sur l'enrichissement illégitime. A lire l'arrêt attaqué, il a tout de même touché des prestations pécuniaires de l'intimée, ce qui est corroboré par ses conclusions tendant au paiement d'un salaire fixe à partir du 1er octobre 2010 seulement. Dès lors, on ne voit guère que le recourant puisse prétendre au remboursement de frais professionnels dans la mesure précitée.
4.5. Enfin, les juges cantonaux auraient indûment retenu que dans le cadre des multiples démarches judiciaires et administratives initiées par M.________, le recourant avait consulté une étude d'avocats "afin d'assurer la défense de ses intérêts". En réalité, il aurait encouru des frais d'avocat pour l'unique raison qu'il représentait la société intimée en sa qualité d'organe.
On peut donner acte au recourant du fait que les honoraires facturés par l'étude d'avocats, aux dires de l'expert, ont été "calculés conformément aux règles applicables en matière de fixation des honoraires ainsi qu'au droit du mandat". Sur cette base, la Chambre patrimoniale a jugé que la note d'honoraires "p[ouvai]t être retenue" à concurrence de 121'314 fr. 45 - sans pour autant reconnaître au recourant une prétention en remboursement.
Telle qu'elle est résumée dans les décisions cantonales, l'expertise ne préjugeait pas du point de savoir qui, du recourant ou de l'intimée, devait assumer lesdits frais. Au demeurant, c'est en dernier ressort au juge de trancher une telle question. La Chambre patrimoniale a énoncé la liste des procédures initiées par M.________; il en résulte que certaines actions visaient la société intimée à l'exclusion du recourant, tandis qu'il était personnellement actionné dans d'autres - aux côtés de l'intimée ou non. Cette liste fait implicitement partie de l'état de fait retenu en appel. Rien n'indique que les frais d'avocat discutés par l'expert concernaient la société elle-même plutôt que le recourant, comme il le prétend; du reste, il n'explique pas pour quelle raison il aurait assumé lui-même des frais ne le concernant pas, plutôt que de débiter les comptes de la société. En bref, on ne discerne nulle trace d'arbitraire dans le constat selon lequel le recourant a engagé ces frais pour défendre ses intérêts.
Il s'ensuit le rejet de cet ultime moyen de fait.
5.
5.1. Le recourant touche au coeur du litige en plaidant la validité du contrat de travail et de mandat conclu le 23 juillet 2010.
Le traitement de ce moyen de droit impose un rappel des principes gouvernant l'admissibilité d'un acte juridique conclu avec soi-même.
5.2. On relèvera en préambule que les faits sont antérieurs au 1er janvier 2014, date marquant l'entrée en vigueur de l'Ordonnance contre les rémunérations abusives dans les sociétés anonymes cotées en bourse (ORAb; RS 221.331). Cette réglementation sera transférée le 1er janvier 2023 dans le Code des obligations (cf. art. 95 al. 3 et art. 197 ch. 10 Cst. ; Code des obligations [Droit de la société anonyme] Modification du 19 juin 2020, RO 2020 4005 ss
passim et Message du 23 novembre 2016, FF 2017 355 et 530 ss; Ordonnance du 2 février 2022 portant dernière mise en vigueur partielle de la modification du 19 juin 2020 [...], RO 2022 109).
5.3.
5.3.1. Bien que le Code des obligations soit peu disert sur la question, il est admis que les membres du conseil d'administration peuvent être rémunérés sous la forme d'honoraires ou de tantièmes (THOMAS ALEXANDER STEININGER, Interessenkonflikte des Verwaltungsrates, 2011, p. 83 s.; PETER BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht, 4e éd. 2009, § 13 n. 237 ss; FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, Schweizerisches Aktienrecht, 1996, § 28 n. 121 ss).
Selon la doctrine, la société dispose d'une grande latitude en la matière. La rémunération peut être prévue par les statuts ou un contrat (STEININGER, op. cit., p. 83
i.f. et 86; BÖCKLI, op. cit., § 13 n. 239). A défaut, le conseil d'administration est compétent pour régler cette question qui le concerne pourtant directement (STEININGER, op. cit., p. 86
i.f.; CHRISTOPH BÜHLER, in Zürcher Kommentar, 3e éd. 2018, n° 170 de l'Introduction aux art. 707-726 CO ; OLIVIER BASTIAN, Délégation de compétences et répartition des tâches au sein du conseil d'administration, 2010, p. 306 s.; BÖCKLI, op. cit., § 13 n. 239a; ROLAND MÜLLER, Honorierung von Verwaltungsräten aus rechtlicher Sicht, in RSJB 2011 125 s.; FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, op. cit., § 28 n. 129).
5.3.2. Le droit suisse ne contient aucune règle générale spécifique sur le contrat conclu avec soi-même
stricto sensu (
Selbstvertrag; contratto con se stesso), situation dans laquelle une même personne est doublement partie à l'acte juridique, d'un côté pour son propre compte, de l'autre comme représentante d'autrui. Cette figure, à l'instar de la double représentation (
Doppelvertretung, doppia rappresentanza), recèle un risque de conflit d'intérêts (cf. entre autres CHRISTINE CHAPPUIS, in Commentaire romand, Code des obligations I, 3e éd. 2021, n° 32 ad art. 33 CO; BÜHLER, op. cit., n° 132 ad art. 717 CO; BÖCKLI, op. cit., § 13 n. 601 s.).
De longue date, le Tribunal fédéral juge ce type de contrat inadmissible (
unzulässig), et partant dépourvu de validité (
ungültig), sous réserve de deux exceptions:
I. La nature même de l'affaire exclut tout risque de léser le représenté. Tel est notamment le cas lorsque l'acte est conclu aux conditions du marché.
II. Le représenté y a consenti par avance ou a ratifié l'acte (ATF 144 III 388 consid. 5.1; 127 III 332 consid. 2a; 126 III 361 consid. 3a p. 363; 95 II 617 consid. 2a p. 621; 39 II 561 consid. 3 p. 568, considéré comme le
leading case).
Ces principes valent aussi pour la représentation légale d'une personne morale par ses organes. La personne morale est présumée tacitement exclure le pouvoir de représentation pour tout acte comportant un risque de conflit entre ses propres intérêts et celui de son représentant. Le consentement ou la ratification doit émaner d'un organe de même rang, ou de rang plus élevé (ATF 144 III 388 consid. 5.1; 126 III 361 consid. 3a).
Saisi d'une affaire dans laquelle un administrateur avait conclu un contrat avec lui-même (en ce sens qu'il avait signé, pour le compte de la société anonyme, une cession de créance en faveur d'une communauté héréditaire dont il faisait partie), le Tribunal fédéral a jugé l'acte valable parce qu'il avait été ratifié ultérieurement par le président du conseil d'administration, réputé doté de la signature individuelle (art. 718 al. 1 CO). La thèse d'un acte de gestion devant recueillir l'approbation de l'ensemble du conseil d'administration a été écartée (art. 716 al. 2 CO; ATF 127 III 332 consid. 2b/bb).
L'autorité de céans a également reconnu la validité du licenciement d'un vice-directeur, bien que cette décision émanât initialement de son seul supérieur hiérarchique ne disposant pas du pouvoir de signature individuel: le congé avait ensuite été ratifié par un autre membre de la direction lui aussi doté de la signature à deux (ATF 128 III 129 spéc. consid. 2c).
La cour de céans a déjà été saisie d'une série de litiges impliquant l'intimée au présent recours. Celle-ci contestait la validité de divers actes juridiques conclus par ses administrateurs A.________ et B.________ entre juin et septembre 2010, dont un contrat de travail et un accord de séparation avec le directeur D.________. Pour l'autorité de céans, il importait peu que le conseil d'administration n'atteignît plus le quorum de trois, ce problème étant sans incidence sur le pouvoir de représentation des deux administrateurs restants qui étaient habilités à signer conjointement. En outre, on ne dénotait aucun conflit d'intérêts dans ces affaires (arrêts 4A_55/2017 du 16 juin 2017 consid. 5; 4A_147/2014 du 19 novembre 2014 consid. 3; 4A_151/2014 du 14 octobre 2014 consid. 4; 4A_617/2013 du 30 juin 2014 consid. 5; 4A_459/2013 du 22 janvier 2014 consid. 3).
5.3.3. A ces exigences de fond conditionnant la validité d'un acte conclu avec soi-même s'ajoute un
requisit de forme écrite pour les affaires supérieures à 1'000 fr. (art. 718b CO; BÜHLER, op. cit., n° 11 ad art. 718b CO; PETER/CAVADINI, in Commentaire romand, Code des obligations II, 2e éd. 2017, n° 8 ad art. 718b CO; BÖCKLI, Insichgeschäfte und Interessenkonflikte im Verwaltungsrat [...], in GesKR 2012 358; PETER JUNG, Insichgeschäfte im Gesellschaftsrecht oder vom gefahrlosen Umgang mit sich selbst, in Entwicklungen im Gesellschaftsrecht VI, 2011, p. 280).
5.3.4. La doctrine approuve sur le principe la jurisprudence concernant les affaires conclues avec soi-même (STRAESSLE/VON DER CRONE, Die Doppelvertretung im Aktienrecht, in RSDA 2013 340
i.f et s., et sous-note 14; BÖCKLI, op. cit., GesKR 2012 355
i.f. et ss; JUNG, op. cit., p. 281 et sous-note 31; ANSGAR SCHOTT, Insichgeschäft und Interessenkonflikt, 2002, p. 54). Sont toutefois discutés les points de savoir s'il n'y a là qu'un problème de représentation et qui, au sein de la société, a compétence pour approuver ou ratifier un contrat conclu avec soi-même. S'agissant de la ratification par un organe de même rang, certains auteurs pointent la proximité pouvant régner entre les administrateurs et la pression pesant sur celui qui sera amené à ratifier l'acte (STEININGER, op. cit., p. 123 s.) - tout en reconnaissant la nécessité de trouver une solution praticable (SCHOTT, op. cit., p. 201).
La doctrine met en garde contre les mécanismes visant à éluder l'interdiction de contracter avec soi-même, notamment lorsque l'administrateur pris dans un conflit d'intérêts habilite un autre administrateur doté, comme lui, de la signature collective, à signer seul l'acte dans lequel il a un intérêt. En ce cas, l'acte doit être tenu pour nul (SCHOTT, op. cit., p. 203-205; STEININGER, op. cit., p. 125 s.).
5.4.
In casu, le recourant (A.________), nommé président du conseil d'administration par
interim, et l'autre administrateur restant (B.________) se sont accordés sur un "contrat de travail et de mandat" conférant au premier une rémunération mensuelle pour son "travail" ainsi qu'une indemnisation pour son activité d'administrateur. Le recourant était bel et bien pris en tenailles entre ses propres intérêts et ceux de la société: tandis que celle-ci devait veiller à ses finances et opter pour une rémunération raisonnable et appropriée, celui-là avait tout avantage à obtenir un tel contrat et la rémunération la plus élevée possible. Ce dilemme n'a du reste pas échappé aux différents protagonistes qui se sont attachés à contourner l'écueil: le recourant et B.________ ont conféré au directeur D.________ le pouvoir spécial de signer le contrat aux côtés de B.________ pour le compte de la société, tandis que le recourant se bornait à signer le contrat en son nom propre.
Les juges cantonaux y ont vu un montage éludant l'interdiction de conclure un contrat avec soi-même et ont constaté la nullité du contrat litigieux.
Le recourant objecte qu'il a tout au plus cédé un
pouvoir de signature au directeur, qui avait toute liberté de donner ou refuser son approbation s'il jugeait le contrat contraire aux intérêts de la société. Cela revient à s'interroger sur l'indépendance de la personne qui se voit déléguer un pouvoir de signature. La cour cantonale a plus ou moins explicitement considéré que le directeur D.________ n'était pas un organe indépendant de même rang. Or, on ne voit pas ce qui permettrait d'infléchir une telle conclusion, sachant que les directeurs sont habituellement assujettis aux instructions du conseil d'administration (ATF 128 III 129 consid. 1a/aa p. 131
i.f. et consid. 1a/bb p. 133) et que tel était bien le cas s'agissant de D.________, comme l'a déjà constaté la cour de céans dans une autre cause évoquée par le recourant lui-même (arrêt précité 4A_55/2017 consid. 4.2). Un certain lien semblait en outre l'unir à B.________, dont il avait été un collaborateur. Les faits constatés dans l'arrêt attaqué n'appellent pas une analyse contraire à celle tenue par les juges cantonaux. On relèvera au passage une curiosité dans l'arrêt attaqué, lequel retient en page 9 qu'à l'issue d'une séance du 9 juin 2010, D.________ avait été nommé directeur opérationnel "avec signature collective à deux"; la suite des événements relatés par la cour d'appel semble montrer que tel n'était pas le cas. Quoi qu'il en soit, il suffit de constater que le directeur n'avait pas le rang et l'indépendance nécessaires pour représenter la société en lieu et place de A.________ dans l'affaire litigieuse.
Enfin, le recourant tente vainement d'établir un parallèle avec l'ATF 133 III 77. Comme l'a souligné la Cour d'appel vaudoise, ce précédent vise une autre situation, dans laquelle le conseil d'administration se résume à une seule personne, laquelle doit nécessairement avoir le pouvoir de représenter la société pour satisfaire à l'art. 718 al. 3 CO.
5.5. Le recourant objecte encore que la rémunération prévue et les conditions aménagées par le contrat n'avaient rien d'excessif et étaient parfaitement raisonnables, dans la droite ligne de ce qui avait été prévu pour d'autres administrateurs.
Las pour lui, l'état de fait ne permet pas de retenir que les conditions accordées n'étaient en rien préjudiciables à la société (cf. consid. 4.3
supra). La doctrine reconnaît une certaine difficulté à établir que ce type d'accord correspond aux conditions du marché, en raison du manque de transparence entourant la rémunération des administrateurs; toutefois, cet écueil peut être surmonté par le recours à un expert (STEININGER, op. cit., p. 112 s.). Or, les larges citations de l'expertise effectuées par le recourant ne lui sont d'aucun secours sur cette question.
Il s'ensuit le rejet du grief central du recours.
6.
6.1. Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir renoncé à qualifier l'accord du 23 juillet 2010 de contrat de travail. Elle aurait en particulier refusé indûment de le mettre au bénéfice de l'art. 320 al. 3 CO.
6.2. Cette disposition a la teneur suivante:
"3 Si le travailleur fournit de bonne foi un travail pour l'employeur en vertu d'un contrat qui se révèle nul par la suite, tous deux sont tenus de s'acquitter des obligations découlant des rapports de travail, comme s'il s'agissait d'un contrat valable, jusqu'à ce que l'un ou l'autre mette fin aux rapports de travail en raison de l'invalidité du contrat."
Selon la doctrine, cette règle cible notamment des cas de nullité absolue, par exemple liés au fait que le travailleur n'a pas l'exercice des droits civils ou le représentant de la partie employeuse n'a pas la procuration nécessaire (cf. WYLER/HEINZER, Droit du travail, 4e éd. 2019, p. 92 ss; THOMAS PIETRUSZAK, in Kurzkommentar Obligationenrecht, 2014, n° 12 ad art. 320 CO; STREIFF/VON KAENEL/RUDOLPH, Arbeitsvertrag, Praxiskommentar zu Art. 319-362 OR , 7e éd. 2012, p. 147 n. 9 et la réf. à un jugement zurichois du 28 février 2006, in JAR 2007 519; REHBINDER/STÖCKLI, Berner Kommentar, 3e éd. 2010, n° 23 ad art. 320 CO; ADRIAN STAEHELIN, Zürcher Kommentar, 4e éd. 2006, n° 28 ad art. 320 CO).
L'autorité précédente s'est prévalue du précédent dans lequel le Tribunal fédéral avait appliqué par analogie l'art. 320 al. 3 CO à un contrat de durée invalidé pour cause d'erreur - tout en précisant que la même solution s'imposait si l'on appliquait la théorie des relations contractuelles de fait (ATF 129 III 320 consid. 7.1.2 et 7.2 p. 330, cité aux ATF 132 III 242 consid. 4.2
in principio p. 245 et 137 III 243 consid. 4.4.4, ainsi que dans l'arrêt 4A_335/2018 du 9 mai 2019 consid. 5.2.1).
D'aucuns ont pointé une méconnaissance de la
ratio legis sous-tendant l'art. 320 CO, lequel est censé assurer la protection sociale du travailleur, et ont jugé inopportun de s'appuyer sur l'art. 25 al. 1 CO (CHRISTIANA FOUNTOULAKIS, Le sort des prestations à la fin des contrats de durée, in La pratique contractuelle 2, [PICHONNAZ/WERRO ÉD.] 2011, spéc. p. 68 ss; cf. aussi les commentaires de PASCAL PICHONNAZ, in RSJ 2020 276 s. et DC 2019 335 ad arrêt 4A_335/2018).
S'il n'est pas nécessaire d'entamer ici une discussion, il faut néanmoins faire montre d'une certaine prudence et garder à l'esprit que l'application d'une règle par analogie doit tenir compte des circonstances concrètes.
Cela étant, l'art. 320 al. 3 CO présuppose la
bonne foi du prestataire de services. La cour de céans considère que l'art. 3 al. 2 CC n'est pas applicable, suivant en cela une partie de la doctrine - au détriment de la position adoptée par le Conseil fédéral dans son Message (cf. Message du 25 août 1967, FF 1967 II 305 s.). En conséquence, l'art. 320 al. 3 CO peut être tenu en échec uniquement si le travailleur avait une connaissance effective de l'invalidité (
Ungültigkeit), c'est-à-dire de la conséquence juridique du vice affectant le contrat (ATF 132 III 242 consid. 4.2.5). A été invoquée la nécessité de protéger un jeune n'ayant pas l'âge requis pour travailler (art. 30 LTr [RS 822.11]), ou un travailleur étranger dépourvu d'une autorisation de travail.
6.3.
6.3.1. Selon l'autorité précédente, le recourant "savait évidemment" qu'après la démission de N.________, le conseil d'administration "ne pouvait plus rien décider", faute d'être valablement constitué; de même, il "ne pouvait ignorer les règles concernant les attributions et le fonctionnement du conseil d'administration, dont il était membre", non plus que le Règlement d'organisation, en particulier son art. 15. En bref, on ne pouvait imputer au recourant "la conviction d'avoir valablement conclu un contrat avec l'intimée".
6.3.2. En admettant même que l'art. 320 al. 3 CO soit applicable au contrat litigieux, encore faudrait-il que le recourant ait ignoré l'inefficacité de la délégation de pouvoir à D.________, respectivement l'invalidité (
Ungültigkeit) du contrat signé le 23 juillet 2010, si l'on entend se conformer à la jurisprudence précitée.
On évitera de prendre appui sur l'art. 15 du Règlement d'organisation, pour les raisons exposées ci-dessus (consid. 4.2). On concédera par ailleurs que la connaissance du vice quant au quorum requis pour les membres du conseil d'administration est sans importance dans ce cas précis. Cela étant, les circonstances entourant le stratagème consistant à donner à un directeur subordonné le pouvoir spécial de signer un contrat de travail au nom de la société permet d'inférer sans arbitraire, respectivement sans violer le droit fédéral, que le recourant avait conscience de la
possibilité qu'un tel contrat ne fût pas valable, et avait accepté une telle hypothèse pour le cas où elle serait avérée.
Au demeurant, la situation du recourant n'est en rien comparable aux cas particuliers du jeune travailleur ou du travailleur étranger évoqués dans l'ATF 132 III 242, et les circonstances d'espèce ne semblent guère offrir une assise suffisante à une application analogique de l'art. 320 al. 3 CO.
6.4. Au vu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire de qualifier le contrat litigieux puisqu'un autre motif conduit déjà à écarter l'art. 320 al. 3 CO. Au surplus, les autres prétentions déduites du prétendu contrat de travail présupposent la validité de l'accord, prémisse non réalisée en l'espèce.
On relèvera encore que le recourant ne préconise pas l'application des règles sur l'enrichissement illégitime et qu'il n'y a pas matière à établir l'étendue d'un éventuel devoir de restitution - étant rappelé que le recourant a touché des prestations pécuniaires de l'intimée pour son activité et qu'on ne peut préjuger d'un droit au remboursement de ses frais professionnels dans les circonstances d'espèce.
7.
Le recourant dénonce enfin une violation de l'art. 402 al. 1 CO. L'autorité précédente aurait indûment refusé de lui reconnaître le droit au remboursement des frais d'avocat engagés pour le compte de la société.
Là encore, le grief est construit sur une prémisse s'écartant des constatations des juges cantonaux, à savoir que les frais d'avocat payés par le recourant auraient concerné la société elle-même. Dans la mesure où il agissait pour la défense de ses intérêts (consid. 4.5
supra), la cour vaudoise pouvait conclure sans violer le droit fédéral que la décision de mettre ces frais au compte de la société intimée était frappée de nullité dès lors qu'elle avait été prise dans l'intérêt propre des deux administrateurs dont elle émanait.
8.
En définitive, le recours doit être rejeté dans son ensemble, et avec lui la demande d'assistance judiciaire. En effet, l'octroi d'une telle aide nécessite le cumul de deux conditions, soit des ressources insuffisantes, mais aussi l'absence de chances de succès du recours (art. 64 al. 1 LTF; cf. par ex. arrêt 4A_618/2017 du 11 janvier 2018 consid. 6; ATF 138 III 217 consid. 2.2.4; 129 I 129 consid. 2.3.1). Or, l'épaisseur de l'arrêt attaqué et du mémoire de recours, ainsi que la complexité du litige ayant divisé les actionnaires au cours de l'été 2010 ne doivent pas fausser la décision: sur les deux aspects centraux du litige que sont la nullité du contrat de travail et de mandat et l'inapplicabilité de l'art. 320 al. 3 CO, la démarche du recourant apparaissait d'emblée vouée à l'échec.
Il s'ensuit que le recourant supportera les frais judiciaires, fixés à 6'500 fr. en tenant compte notamment de sa situation financière (art. 65 al. 2
i.f. et art. 66 al. 1 LTF).
Il sera en revanche dispensé de payer des dépens à l'intimée dès lors qu'elle n'a pas eu à se déterminer.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, fixés à 6'500 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties ainsi qu'au Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 4 mars 2022
Au nom de la I re Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Hohl
La Greffière : Monti