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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_437/2017  
 
4A_439/2017  
 
 
Arrêt du 14 juin 2018  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, Présidente, Hohl et Niquille. 
Greffier : M. Piaget. 
 
Participants à la procédure 
X.________ SA, représentée par Me Didier Elsig
recourante et intimée, 
 
contre 
 
Z.________, représenté par Me Hubert Theurillat, 
intimé et recourant, 
 
Objet 
responsabilité civile, dommage corporel, fardeau de l'allégation, calcul de la perte de gain actuelle et future, avances versées par l'assureur RC, surindemnisation, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile, du 26 juin 2017 
(PT11.037049-1611897 255). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 26 janvier 2001, Z.________ (ci-après: le lésé), agriculteur indépendant né le 1er février 1957 et établi dans le canton du Jura, circulait au volant de sa voiture à Renens lorsqu'il a heurté un véhicule de livraison conduit par A.________, assuré en responsabilité civile auprès de X.________ SA (ci-après: l'assurance).  
Le soir même, puis les 27 et 29 janvier 2001, le lésé a consulté un médecin qui a diagnostiqué une fracture du sternum qui s'est avérée comminutive (elle comportait de petits fragments d'os). 
Le 19 mars 2001, l'assurance a confirmé que son assuré reconnaissait entièrement sa responsabilité. 
La fracture du sternum ne se consolidant pas, une ostéosynthèse avec greffe osseuse a été réalisée sur le lésé le 17 décembre 2002, afin de réduire ses douleurs. 
Depuis début 2005 au moins, le sternum du lésé est considéré comme consolidé, ce qui a été confirmé par CT-scan et IRM thoraciques en juin et septembre 2005. Le lésé a toutefois continué à se plaindre de douleurs thoraciques antérieures, en particulier lors d'efforts et de mouvements de rotation du tronc. 
 
A.b. Il a été retenu en procédure que l'incapacité de travail du lésé a été de 100% du 26 janvier au 4 mars 2001, de 50% du 5 mars 2001 au 16 décembre 2002, de 100% du 17 décembre 2002 au 8 avril 2003, de 75% du 9 avril 2003 au 8 mai 2004, de 100% le 9 mai 2004, de 50% du 10 mai au 31 décembre 2004, de 17% (part due à l'accident) du 1er janvier au 31 août 2005 et de 15 % (part due à l'accident) dès le 1er septembre 2005.  
 
A.c. Au moment de l'accident, le lésé était assuré auprès de B.________ à..., qui lui a versé des prestations (indemnités journalières perte de gain accident) à hauteur de 60'000 fr.  
Par décision du 13 juin 2008, l'Office AI du Jura a accordé rétroactivement au lésé une rente AI du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004 d'un montant total de 111'474 fr. 
Le 5 février 2009, le lésé a mis l'assurance en demeure de lui verser le montant de 820'084 fr., correspondant à sa perte de gain actuelle (158'270 fr.) et future (296'514 fr.), aux frais de transformation de ses constructions agricoles (nouveau rural) résultant de l'intervention d'entreprises tierces, qu'il aurait pu éviter s'il n'avait pas été accidenté (200'000 fr.), à son dommage ménager (90'300 fr.), à une indemnité pour tort moral (70'000 fr.) et à ses frais de déplacement (5'000 fr.), après déduction des sommes et acomptes versés respectivement par l'AI et par l'assurance elle-même (159'786 fr.35 selon les constatations cantonales). 
 
B.  
 
B.a. Par demande du 16 novembre 2011, le lésé (ci-après également: le demandeur) a conclu à ce que l'assurance (ci-après également: la défenderesse) soit condamnée à lui verser " la somme de 750'773 fr.65 avec intérêts à 5% dès telle date à dire de justice ".  
La défenderesse a conclu au rejet de la demande. 
En cours d'instance, une expertise médicale a été confiée au Prof. C.________, spécialiste FMH en rhumatologie (sur ses conclusions quant à l'incapacité de travail du lésé, cf. supra let. A.b). 
L'expert D.________, architecte à..., a été mandaté afin de déterminer la perte subie par le demandeur en raison de son impossibilité d'exécuter lui-même les travaux d'électricité et de maçonnerie en lien avec la construction du nouveau rural. 
Enfin, une expertise financière a été confiée à E.________, de la Fiduciaire F.________ SA, lequel a chiffré les revenus annuels moyens du demandeur à 39'000 fr. pour la période entre 1998 et 2001, à 35'000 fr. pour les années 2002 à 2004 et à 40'000 fr. pour la période de 2005 à 2016. 
Par écriture du 7 mars 2016, le lésé a actualisé le calcul de son dommage et modifié ses conclusions en ce sens que l'assurance soit condamnée à lui verser la somme de 726'031 fr.15 " avec intérêts à 5% dès telle date à dire de justice ", et à lui payer le montant de 32'400 fr. à titre de frais d'avocat avant procès. 
Lors de l'audience de plaidoiries finales, le 16 mars 2016, le lésé a réduit sa première conclusion à 666'031 fr.15 " avec intérêts à 5% dès le 16 mars 2016 ", exposant avoir reçu 60'000 fr. de la part de B.________. 
L'assurance a conclu au rejet de ces conclusions. 
 
B.b. Par jugement du 30 septembre 2016, la Chambre patrimoniale cantonale a rejeté la demande du lésé.  
 
B.c. Le demandeur a fait appel du jugement et il a repris ses conclusions du 16 mars 2016.  
Par arrêt du 26 juin 2017, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a partiellement admis l'appel et, statuant à nouveau, elle a condamné la défenderesse à verser à sa partie adverse la somme de 67'466 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2005. 
 
C.   
Le demandeur et la défenderesse exercent chacun un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal du 26 juin 2017. 
 
C.a. Le demandeur (cause 4A_439/2017) conclut principalement à son annulation et au renvoi du dossier à l'autorité cantonale pour nouvelle décision et, à titre subsidiaire, à son annulation partielle et à ce que la défenderesse soit condamnée à lui payer la somme de 243'862 fr., intérêts en sus, à titre de perte de gain. Il reproche à la cour cantonale d'avoir retenu, pour le calcul de ce dernier poste, un tarif horaire de 19 fr. alors qu'il convenait, selon lui, de s'appuyer sur un tarif de 30 fr. de l'heure. Il invoque l'arbitraire dans l'établissement des faits (art. 9 Cst.), une violation des art. 42 al. 2 et 46 al. 1 CO, ainsi que de l'art. 62 al. 1 LCR et une transgression de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.).  
La défenderesse conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt cantonal. 
Chacune des parties a encore déposé des observations. 
 
C.b. La défenderesse (cause 4A_437/2017) conclut à la réforme de l'arrêt entrepris en ce sens que le jugement de première instance - qui a rejeté la demande du lésé - soit confirmé. Elle invoque la violation de l'art. 8 CC, des art. 55 al. 1 et 84 al. 2 CPC, des art. 42 al. 1 et 2, 46 al. 1, 47 et 73 CO.  
Le demandeur conclut au rejet du recours. 
Chacune des parties a encore déposé des observations. 
L'effet suspensif sollicité par la défenderesse lui a été octroyé par ordonnance présidentielle du 19 octobre 2017. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Chacune des deux parties a interjeté recours. Ceux-ci sont dirigés contre le même jugement et reposent sur le même complexe de faits. Par conséquent, il se justifie de joindre les deux procédures et de statuer par un seul arrêt. 
 
1.1. Interjetés par les parties qui ont succombé partiellement dans leurs conclusions (en paiement pour le demandeur et libératoires pour la défenderesse) et qui ont donc qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), dirigés contre une décision (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal cantonal supérieur statuant sur recours (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), les recours sont recevables, puisqu'ils ont été déposés dans le délai (art. 46 al. 1 let. b, 48 al. 1 et 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.  
 
1.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
Dans son recours, la défenderesse revient sur le montant de 159'786 fr.35 qui correspond, selon la cour cantonale, au total des acomptes qu'elle a déjà versés au demandeur. La recourante prétend lui avoir remis des acomptes d'un montant total de 166'685 fr.55. Elle se limite toutefois à alléguer ce chiffre et à renvoyer à une pièce du dossier en énumérant les acomptes qui auraient déjà été versés, sans toutefois invoquer l'arbitraire ni expliquer, selon les exigences strictes des art. 97 al. 1 et 106 al. 2 LTF, en quoi la cour cantonale aurait établi le chiffre de 159'786 fr.35 de manière insoutenable. Il n'y a donc pas lieu d'entrer en matière sur cette critique. 
De son côté, le demandeur fournit deux nouveaux documents (n os 5 et 6: contrat-type de travail et directive salariale). Il s'agit de pièces nouvelles irrecevables (art. 99 al. 1 LTF), le demandeur ne prétendant d'ailleurs même pas que ces moyens nouveaux résulteraient de la décision de la Cour d'appel civile du 26 juin 2017. 
 
1.3. Le Tribunal fédéral applique d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal. Il n'est pas limité par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été articulés ou, à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité).  
 
2.  
 
2.1. Pour établir la perte de gain du lésé (premier poste du dommage), la Chambre patrimoniale a entrepris un calcul concret, qui visait à évaluer le dommage en fonction des coûts générés par le recours aux services de tiers rétribués (jugement de première instance p. 36 ss). En se fondant sur le rapport E.________, elle a tenu compte des salaires supplémentaires versés à des tiers qui ont remplacé le lésé pendant son incapacité de travail et considéré que son dommage se montait à 32'665 fr.50 pour la période située entre juin 2004 (moment où son fils a commencé à le remplacer à la ferme) à décembre 2005 (le fils du lésé ayant ensuite quoi qu'il en soit prévu de travailler à la ferme, indépendamment de l'accident de son père). Elle a alors observé que les indemnités versées par les assureurs sociaux (111'474 fr. de l'assurance-invalidité et 60'000 fr. de son assurance perte de gain) au demandeur étaient largement supérieures à sa perte de gain (32'665 fr.50) et, partant, qu'il avait déjà été largement indemnisé.  
Examinant les cinq autres postes du dommage prétendument subi par le lésé, elle a premièrement jugé que celui-ci n'avait pas établi avoir droit à un dédommagement au titre du préjudice ménager. Deuxièmement, se basant sur le rapport de l'expert D.________, la Chambre patrimoniale a considéré que le demandeur, sans son accident, aurait pu travailler 1'190 heures pour moderniser sa construction agricole, qu'il a au contraire dû mandater des tiers et qu'il avait droit à 47'600 fr. à ce titre. Troisièmement, elle a rejeté, faute d'allégations et de preuves, la prétention du lésé portant sur ses frais de déplacements (5'000 fr.). Quatrièmement, elle lui a accordé une indemnité pour tort moral de 15'000 fr. Enfin, elle a jugé que le demandeur avait droit à un montant de 29'052 fr. au titre de remboursement pour ses frais d'avocat et de procédure avant procès. La Chambre patrimoniale a alors observé que le montant de 91'652 fr. (47'600 fr. + 15'000 fr. + 29'052 fr.) dû au demandeur était entièrement couvert par la somme déjà versée par la défenderesse, qui se montait à 159'786 fr.35 (montant que le demandeur admet avoir perçu). 
 
2.2. En substance, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a considéré qu'il fallait calculer la perte de gain selon la méthode préconisée en matière de dommage ménager (arrêt entrepris p. 35) (et non selon la méthode concrète employée par les premiers juges) et, partant, qu'il s'agissait de rechercher dans un premier temps les heures de travaux agricoles que le demandeur ne pouvait plus effectuer en raison de problèmes de santé liés à l'accident (i.e. de déterminer les heures travaillées avant l'accident et de multiplier ce chiffre par le taux d'incapacité de travail en lien avec celui-ci) puis, dans un second temps, de calculer la valeur de ces heures (tarif horaire). La cour cantonale relève que "  dans sa demande, [le demandeur]  a allégué que sa perte de gain s'élevait au pourcentage d'incapacité multiplié par 90'000 francs. Selon lui, ce montant correspond à " son revenu annuel " calculé selon le principe du dommage normatif (...) et au tarif horaire de 30 fr. fixé par la jurisprudence. Ainsi, [le demandeur]  allègue de manière implicite un nombre d'heures travaillées annuelles de 3'000 avant l'accident ". Elle retient ce dernier chiffre, signalant que ce nombre d'heures est inscrit dans le rapport d'enquête agricole du 18 décembre 2007 de l'Office AI de Berne concernant le demandeur, que celui-ci a expliqué son emploi du temps d'une journée lors de l'audition du 16 juin 2014, que son épouse a confirmé qu'il " travaillait énormément " avant l'accident, que le rapport d'expertise du 2 mai 2002 du Dr G.________, spécialiste FMH en chirurgie à Lausanne (établi à l'intention de la défenderesse pour déterminer l'incapacité de travail du demandeur suite à l'accident) faisait état de 80 heures de travail par semaine pour un agriculteur et que les 2'700 heures retenues par l'expert E.________ n'étaient pas crédibles.  
En fonction de cette donnée (3'000 heures/année), la cour cantonale a retenu que, pour la période du 26 janvier 2001 (jour de l'accident) au jour de la retraite du lésé (le 1er février 2022), le nombre d'heures perdues du fait de l'accident était de 16'036. Après avoir multiplié ce chiffre par le tarif horaire de 19 fr., la cour cantonale a conclu que la perte de gain actuelle et future du lésé s'élevait à 304'684 fr. 
S'agissant des autres postes du dommage, l'autorité précédente a réduit à 24'990 fr. le montant dû au lésé à titre d'indemnisation pour les travaux de construction du rural, fixé à 40'000 fr. son indemnité pour tort moral et maintenu à 29'052 fr. son dédommagement pour ses frais de défense avant procès (pour le résumé, cf. arrêt entrepris p. 54). Elle a confirmé le rejet des prétentions du demandeur pour le dommage ménager et pour ses frais de déplacement. Du total de 398'726 fr. (304'684 fr. + 24'990 fr. + 40'000 fr. + 29'052 fr.), elle a déduit les prestations reçues de l'assurance AI (111'474 fr.), de l'assurance perte de gain B.________ (60'000 fr.) et de la défenderesse (159'786 fr.35) et conclu que celle-ci devait payer au demandeur le solde de 67'466 fr. (chiffre arrondi), avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2005. 
 
3.   
En l'espèce, la Cour d'appel civile a choisi de calculer le revenu hypothétique du lésé (revenu de valide) en appliquant par analogie la méthode préconisée en matière de dommage ménager (et non selon la méthode concrète employée par les premiers juges). Sur le principe, ce choix n'est plus discuté par les parties, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'y revenir. 
Dans la suite de son calcul, la cour cantonale a notamment entrepris le calcul de la perte de gain de manière globale, imputé sur le résultat les prestations versées par les assureurs, sans distinguer entre la perte de gain actuelle et la perte de gain future, et sans procéder à la capitalisation de cette dernière. Il s'impose, en partant de la méthode (dommage ménager) retenue par la cour cantonale, de reprendre l'analyse de la situation  ab ovoet de procéder à l'examen des griefs formulés par les parties dans leurs recours respectifs.  
Devant la Cour de céans, le lésé considère que l'autorité précédente aurait dû tenir compte d'un tarif horaire de 30 fr. et il revient sur le nombre d'heures travaillées par année, en soutenant qu'il a droit à un revenu majoré pour des heures supplémentaires. De son côté, l'assurance estime que la cour cantonale a calculé la perte de gain du lésé en se fondant sur des faits non allégués, que l'arrêt cantonal contient une erreur de calcul, que les juges cantonaux n'ont pas distingué entre les divers postes du dommage (ce qui ne permettrait pas de fixer correctement les intérêts compensatoires), qu'ils ont omis de procéder à la capitalisation de la perte de gain future et elle conteste sous divers angles les intérêts compensatoires retenus dans l'arrêt entrepris. 
Les critiques des parties sont, sous plusieurs aspects, liées entre elles. En conséquence, le Tribunal fédéral n'examinera pas les recours de manière successive, mais conjointement, en tranchant les griefs invoqués par chacune des parties en fonction des étapes qui jalonnent le calcul du dommage. 
 
4.   
Il convient de rappeler les principes généraux, déduits de l'art. 46 CO, qui régissent le calcul du dommage lorsque le fait générateur a entraîné, comme dans le cas présent, des lésions corporelles. 
 
4.1. En cas de lésions corporelles, la partie qui en est victime a droit au remboursement des frais et aux dommages-intérêts qui résultent de son incapacité de travail totale ou partielle, ainsi que de l'atteinte portée à son avenir économique (art. 46 al. 1 CO).  
Le préjudice causé par les lésions corporelles s'entend dans tous les cas au sens économique. Est donc déterminante la diminution de la capacité de gain. Le dommage consécutif à l'invalidité doit, autant que possible, être établi de manière concrète. Le juge partira du taux d'invalidité médicale (ou théorique) et recherchera ses effets sur la capacité de gain ou l'avenir économique du lésé; cette démarche l'amènera à estimer le gain que le lésé aurait obtenu dans son activité professionnelle s'il n'avait pas subi l'accident (ATF 131 III 360 consid. 5.1 p. 363 et les arrêts cités). 
La perte de gain correspond alors à la différence entre, d'une part, le revenu de valide (revenu hypothétique sans l'accident) et, d'autre part, le revenu d'invalide (revenu qui peut probablement être réalisé après l'accident) qui comprend les revenus qui découlent de la capacité de gain restante du lésé (cf. arrêt 4A_481/2009 du 26 janvier 2010 consid. 4.2.5; cf. ATF 129 III 135 consid. 2). 
 
4.2. L'art. 46 CO fait une distinction entre la perte de gain actuelle, qui est éprouvée au jour de la décision de la juridiction cantonale devant laquelle on peut alléguer pour la dernière fois des faits nouveaux (ATF 125 III 14 consid. 2c p. 17), et la perte de gain future, pour l'éventualité où l'incapacité de travail dure toujours parce que le lésé est devenu totalement ou partiellement invalide.  
Un dommage est actuel ou futur du simple fait qu'entre l'un et l'autre, la décision du tribunal a été rendue. Cette distinction vise à faciliter le travail du juge qui emploie des modes de calcul différents pour les deux postes (perte de gain actuelle et perte de gain future, cf. infra consid. 4.2.1 et 4.2.2) (entre autres auteurs: BENOÎT CHAPPUIS, Le moment du dommage, 2007, n. 588 p. 276 et les références). Elle répond également au besoin impératif de coordination entre la responsabilité civile et les assurances sociales (cf. infra consid. 4.3 et 4.4). 
 
4.2.1. La perte de gain (actuelle) subie jusqu'au prononcé du jugement doit être compensée de façon concrète: le lésé recevra ce qu'il n'a effectivement pas pu gagner du fait de son invalidité, des intérêts compensatoires étant en outre fixés. La perte actuelle (" effective ") est toutefois déterminée sur la base d'un calcul qui comporte la prise en compte d'éléments hypothétiques (le travail que le lésé aurait pu faire si l'acte générateur de responsabilité n'était pas survenu).  
 
4.2.2. La perte de gain future est indemnisée de manière différente puisqu'elle appelle le versement d'un montant capitalisé (donc escompté) ou d'une rente. Pour la capitalisation, il convient d'utiliser les tables et programmes à disposition, qui tiennent compte de paramètres tels que le jour du calcul, le sexe et l'âge du lésé (STAUFFER/SCHAETZLE/WEBER, Tables et programmes de capitalisation, Tome I, 6e éd. 2013, p. 112 ss). Selon une pratique constante, l'âge au jour du calcul est en principe arrondi à une année pleine (STAUFFER/SCHAETZLE/WEBER, op. cit., p. 114).  
 
4.3. En vertu du principe de l'imputation des avantages, les prestations des assurances sociales versées au lésé, pour lesquelles l'assureur social est au bénéfice d'un droit de subrogation, doivent encore être imputées sur la créance que celui-là détient contre le responsable (ATF 131 III 360 consid. 6.1 et les références doctrinales).  
 
4.3.1. Seules les prestations nominales de l'assureur social sont déduites du dommage que le lésé est en droit de réclamer au tiers responsable ou à son assureur (cf. arrêt 4A_77/2011 du 20 décembre 2011 consid. 4.2.1).  
 
4.3.2. Pour que les prestations sociales soient déduites du dommage, il faut en outre qu'il existe, entre les prestations sociales pour lesquelles les assurances sont subrogées aux droits du lésé en vertu de la loi (cf. art. 72 al. 1 de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales [LPGA, RS 830.11]) et le dommage dont la réparation est demandée à l'auteur (ou à son assurance), une concordance déjà en raison de l'événement dommageable, qui soit au surplus une concordance matérielle, temporelle et personnelle (  Kongruenzgrundsatz : ATF 134 III 489 consid. 4.2 p. 491 s. et les références; 130 III 12 consid. 7.1 p. 16).  
En vertu de la concordance matérielle (ou fonctionnelle), il s'agit de savoir quand les prestations servies par l'assureur social compensent fonctionnellement un dommage (ou autrement dit, quand elles revêtent un caractère indemnitaire). Les prestations servies par l'assureur social qui sont de même nature qu'un dommage sont indemnitaires (art. 74 LPGA). En ce sens, les indemnités versées par l'assureur social qui concordent avec la perte de gain actuelle (cf. art. 74 al. 2 let. b LPGA) ne sont pas de nature à compenser fonctionnellement la perte de gain future (cf. art. 74 al. 2 let. c LPGA; GHISLAINE FRÉSARD-FELLAY, Le recours subrogatoire de l'assurance-accidents sociale contre le tiers responsable ou son assureur, 2007, n. 1384 p. 457 et les auteurs cités et n. 1419 p. 469; WEBER/SCHAETZLE, Zeit ist Geld oder der unterschätzte Einfluss des Rechnungstages auf die Schadensberechnung, REAS 2004 p. 109 ss; MARC SCHAETZLE, Tücken der Schadensberechnung, REAS 2004 p. 113 ss). 
La concordance fonctionnelle est réalisée entre les rentes d'invalidité, y compris les rentes complémentaires et les rentes pour enfants, d'une part, et l'indemnisation de la perte de gain, d'autre part (ATF 131 III 360 consid. 7.3 p. 368). De même, elle est admise entre les indemnités journalières (  Taggelder) de l'assurance-accidents, d'une part, et la perte de gain actuelle, d'autre part (ANDREA KOTTMANN, Schadensberechnung und Schadensschätzung bei Körperverletzung und Tötung, 2012, n. 285 ss p. 116 ss).  
 
4.4. L'exigence de la concordance fonctionnelle et temporelle a pour conséquence de proscrire certaines méthodes de calcul du dommage.  
 
4.4.1. Il est en particulier exclu de procéder à un " calcul global " ("  Globalrechnung " ou "  Gesamtschadenmethode ") qui réunirait la perte de gain actuelle et la perte de gain future, avant d'imputer globalement les prestations sociales indemnisant ces deux postes (SCHAETZLE, op.cit., p. 114; GHISLAINE FRÉSARD-FELLAY, La concordance temporelle des droits et ses écueils, REAS 2016, p. 378; BERNHARD STUDHALTER, Leiser Abschied von der Polykongruenz, REAS 2008, p. 348 et les auteurs cités à la note 13; KOTTMANN, op. cit., p. 120 et les auteurs cités à la note 526; cf. MARC HÜRZELER, in Personenschadensrecht, Hürzeler/Tamm/Biaggi [éd.], 2010, p. 105 n. 201).  
 
4.4.2. Est également prohibé le procédé qui consiste à compenser les soldes ("  Saldoverrechnung ") de chacun de ces postes (perte de gain actuelle et perte de gain future) lorsque l'un des deux est positif en raison d'une prestation sociale excédentaire. Autrement dit, même si la perte de gain passée et la perte de gain future sont calculées séparément et que les prestations sociales sont imputées de manière distincte pour chacune des deux phases, l'excédent de prestations sociales (dans le cas alors examiné, l'AI, l'AA et la PP) sur la perte de gain actuelle ne peut être compensée avec le découvert qui résulte de la perte de gain future sans violer le principe de la concordance temporelle (ATF 134 III 489). Une conclusion inverse reviendrait à faire profiter l'auteur du dommage (son assurance responsabilité civile) d'une prestation sociale excédentaire qui n'est pas indemnitaire (et, partant, qui ne peut en soi être à l'origine d'une surindemnisation; FRÉSARD-FELLAY, op. cit., La concordance temporelle, p. 379; KOTTMANN, op. cit., p. 120 s.; BERNHARD STUDHALTER, Gesamtschadenmethode, Saldoverrechnung und Kongruenzdivergenzen, REAS 2006 p. 125; sur la part non-indemnitaire des prestations versées par les assureurs sociaux, cf. arrêt 4A_77/2011 du 20 décembre 2011 consid. 4.2).  
 
4.5. La situation qui précède (interdiction de la compensation des soldes en cas d'excédent de prestations sociales sur l'un des postes du dommage) doit être clairement distinguée de celle où - comme c'est le cas en l'espèce - l'assureur responsabilité civile a déjà versé des acomptes (avances) au lésé. Dans ce cas de figure, l'excédent s'explique par ces paiements et non par le versement de prestations sociales excédentaires.  
 
4.5.1. S'il est établi que les acomptes visaient un poste déterminé du dommage (par exemple, la perte de gain actuelle), l'assureur responsabilité civile qui entend compenser l'excédent résultant de ce poste (contrairement au cas évoqué précédemment, il s'agit bien ici d'une surindemnisation) avec le découvert découlant d'un autre poste (par exemple, la perte de gain future) doit alors invoquer la compensation au sens de l'art. 120 CO (cf. arrêt 4A_197/2011 du 20 juin 2011 consid. 2.3 et 2.4).  
 
4.5.2. S'il est au contraire établi que les avances de l'assureur responsabilité civile étaient destinées à être déduites du dommage global (sans viser un poste spécifique), les parties partent d'emblée du principe que, dès que le dommage (i.e l'ensemble des postes) sera établi, un décompte sera effectué (et la question de la compensation au sens de l'art. 120 CO ne se pose pas); s'il résulte un découvert du décompte final, l'assureur sera condamné à le couvrir et à verser le montant correspondant au lésé; s'il en découle un excédent (surindemnisation), il appartiendra à l'assureur de le récupérer, le cas échéant en formant, si la demande principale du lésé est pendante, une demande reconventionnelle.  
 
4.6. D'un point de vue procédural, on peut rappeler que la maxime des débats (à laquelle le présent litige est soumis) impose aux parties d'alléguer les faits et d'offrir les moyens de preuve propres à les établir; le juge ne peut ni suppléer ni suggérer des faits qu'une partie n'aurait pas allégués spontanément (arrêt 4A_566/2015 du 8 février 2016 consid. 4.2.1; cf. arrêt 4A_491/2010 du 30 août 2011 consid. 2.1 publié in Pra 2012 p. 125). Il est toutefois sans importance que les faits aient été allégués par l'une ou l'autre des parties puisqu'ils font partie du cadre du procès et que le juge peut donc en tenir compte (cf. arrêt 4A_566/2015 déjà cité consid. 4.2.1).  
En l'occurrence, il s'agit de savoir si le demandeur, à qui incombe le fardeau de la preuve, a véritablement allégué les éléments de faits susceptibles d'établir son revenu hypothétique, s'il est parvenu à en apporter la preuve, et dès lors si, sur la base de ces faits, l'action est matériellement fondée. Autrement dit, il faut contrôler si le demandeur a respecté les principes procéduraux valables en matière de fardeau de l'allégation (  Behauptungslast) ou de charge de la motivation suffisante des faits allégués (  Substanziierungslast), cette dernière obligeant le demandeur à énoncer les faits pertinents (cf. art. 221 al. 1 let. d CPC) de manière suffisamment précise pour que la partie adverse puisse motiver sa contestation ou en apporter la contre-preuve (ATF 127 III 365 consid. 2b).  
Il s'agit d'incombances procédurales: si une partie ne respecte pas le fardeau de l'allégation (soit elle n'allègue pas un fait ou pas de façon suffisamment précise), ce fait n'est pas pris en compte. S'il s'agit d'un fait constituant le fondement de sa prétention, sa demande sera rejetée (cf. arrêt 5A_213/2017 du 11 décembre 2017 consid. 5 non publié in ATF 144 III 54). 
La question de savoir si la partie à qui incombe le fardeau de la preuve a véritablement allégué les éléments de fait nécessaires ne doit pas être confondue avec celle de la recevabilité de la demande quant à la forme de sa rédaction (arrêt 5A_213/2017 déjà cité consid. 4 et 5). 
 
5.   
Il n'est plus contesté que le revenu hypothétique doit en l'espèce être calculé selon l'équation suivante: [nombre d'heures travaillées annuellement] x [tarif horaire]. Il s'agit par contre d'examiner si les composantes de l'équation ont été établies correctement. 
 
5.1. Sous l'angle procédural, l'assurance reproche à la cour précédente d'avoir calculé la part principale de la perte de gain (celle liée à l'activité agricole du lésé), en se fondant sur un chiffre - 3'000 heures, i.e les heures de travail annuelles que le lésé ne pouvait plus effectuer suite à l'accident et pour lesquelles il prétend avoir droit à une indemnisation - qui n'a pas été valablement allégué par le demandeur.  
Selon la cour cantonale, le lésé " allègue de manière implicite un nombre d'heures travaillées annuelles de 3'000 avant l'accident ". Le constat est imprécis puisque le paragraphe de la demande auquel l'autorité précédente renvoie mentionne explicitement le chiffre de 3'000 (heures) (complètement d'office selon l'art. 105 al. 2 LTF). Le passage contenu à l'" Article 33 de la demande " se présente en effet comme suit: 
 
" Son revenu annuel, calculé selon le principe du dommage normatif prérappelé ci-dessus, et au tarif fixé par la jurisprudence, représente un montant annuel de 90'000.-- (cf. rapport d'enquête sociale du 18 décembre 2007 de l'Office AI de Berne (PJ No 10), soit 3'000 heures x CHF 30.--. " 
Ce paragraphe n'est pas allégué dans la partie " En fait " du mémoire, mais dans sa partie " En droit ", qui comporte plusieurs autres " articles " dans lesquels le demandeur procède au calcul des divers postes de son préjudice (complètement d'office selon l'art. 105 al. 2 LTF). On peut toutefois d'emblée relever que le chiffre litigieux n'a pas échappé à la défenderesse puisque celle-ci, dans les nouveaux allégués de sa réponse, s'est explicitement prononcée sur ce point, en affirmant que la " durée normale " du travail d'un agriculteur était de l'ordre de 2'130 heures/année, que le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de retenir un chiffre de cet ordre de grandeur (2'060 heures) et qu'il est donc question d'un " nombre d'heures significativement moins important que les quelques '3'000 heures' annuelles dont se prévaut présentement le demandeur (...) (demande: art. 33; appréciation du Tribunal) " (complètement d'office selon l'art. 105 al. 2 LTF). 
Cela étant, la cour précédente aurait été excessivement formaliste si elle avait rejeté la demande sur ce point pour défaut de motivation sans avoir au préalable invité le demandeur à préciser ses allégués (cf. art. 56 CPC; sur la prise en compte du comportement procédural de la partie adverse, cf. arrêt 5D_42/2007 du 18 février 2008 consid. 2.1). 
La cour cantonale, procédant à une appréciation des preuves, est alors parvenue à la conviction que le demandeur travaillait à raison de 3'000 heures par an avant l'accident. La défenderesse ne soutient pas que l'autorité précédente aurait retenu ce point de fait en sombrant dans l'arbitraire (art. 9 Cst.) et il n'y a donc pas lieu de s'y arrêter. 
 
5.2. Toujours sous l'angle procédural, la recourante reproche également à l'autorité cantonale d'avoir retenu un autre chiffre - 1'190 heures qui représentent les heures que le demandeur aurait lui-même consacrées, si l'accident n'était pas survenu, pour moderniser ses constructions agricoles - qui n'aurait pas été valablement allégué par le lésé.  
Sur ce point, la cour cantonale a relevé que le demandeur n'avait pas allégué les travaux qu'il aurait accomplis, ni qu'il aurait dû être remplacé par un tiers ou un proche pour que ces travaux soient réalisés ni, à cet égard, le tarif auquel aurait été soumis le tiers (ou le proche). Force est également de constater (complètement d'office selon l'art. 105 al. 2 LTF) que le lésé n'a pas allégué le nombre d'heures réalisées par un tiers ou un proche, ni même les années durant lesquelles ces travaux ont été effectués. 
Cela étant, aucun élément ne permet de retenir que le demandeur a allégué le nombre d'heures relatif aux travaux de modernisation de sa construction agricole. On ne saurait ici, comme précédemment, inférer du comportement de la défenderesse en procédure un argument en faveur du demandeur, puisqu'il ne résulte pas de l'arrêt cantonal que la défenderesse se serait prononcée sur ce point dans ses écritures, ce que le demandeur ne prétend d'ailleurs pas. C'est à tort que la cour cantonale a retenu ce poste. 
 
5.3. S'agissant toujours des heures travaillées par année (en lien avec son activité agricole), le lésé soutient que la cour cantonale aurait dû tenir compte de la réglementation cantonale jurassienne qui prescrit que la durée hebdomadaire de l'activité d'un travailleur agricole ne peut dépasser 60 heures, que, pour 3'000 heures annuelles, le travailleur remplaçant le demandeur ne pouvait travailler au-delà de 2'700 heures/année (chiffre que l'expert E.________ retient dans son rapport) et que les 300 heures/année supplémentaires doivent, avec l'accord du travailleur, être rémunérées avec une majoration de 50%.  
Force est ici de constater que ce raisonnement ne résulte pas de l'arrêt entrepris et que le demandeur ne prétend pas avoir allégué ces distinctions dans la procédure cantonale ni avoir fait état d'une quelconque majoration qui serait dictée par le droit cantonal. 
En outre, le demandeur se fonde sur une construction artificielle qui a en réalité pour effet d'augmenter le revenu qu'il tirait de son activité avant l'accident. Il ne s'agit en l'occurrence pas de déterminer le coût d'un travailleur qui, seul et dans le respect des normes de droit cantonal sur la durée hebdomadaire du travail, remplacerait réellement l'agriculteur indépendant dans les activités que celui-ci ne peut plus réaliser lui-même; il s'agit, dans la seule perspective de l'agriculteur indépendant, de fixer la valeur de son activité professionnelle (qui n'est pas soumise à une limite hebdomadaire) avant son accident en prenant appui sur les tarifs fixé sur le plan cantonal. 
 
5.4. Le lésé reproche à la cour cantonale de n'avoir pas retenu un tarif horaire de 30 fr.  
 
5.4.1. Premièrement, il se plaint d'une violation de son droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., plus précisément de son droit d'obtenir une décision motivée.  
La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu consacré par l'art. 29 al. 2 Cst. l'obligation pour le juge de motiver ses décisions. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, lui paraissent pertinents (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88). Savoir si la motivation présentée est convaincante est une question distincte de celle du droit à une décision motivée. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision du juge, le droit à une décision motivée est respecté (arrêt 4A_474/2008 du 13 février 2009 consid. 2.1; cf. ATF 126 I 97 consid. 2c p. 103). 
En l'espèce, la cour cantonale a répondu à l'argumentation du demandeur visant à convaincre du bien-fondé d'un tarif horaire de 30 fr. Elle l'a écartée en s'appuyant sur l'expertise E.________, en indiquant qu'il convenait de donner la préférence au salaire horaire préconisé pour un travailleur agricole qualifié disposant de nombreuses années d'expérience dans le canton du Jura et en laissant entendre que la comparaison avec les données du canton du Valais n'était pas opportune, les employés étant mieux payés dans ce dernier canton. Elle a alors conclu que le montant de 19 fr. était équitable au vu des circonstances et du fait qu'aucun élément au dossier ne permettait de retenir un montant supérieur. La motivation de la décision attaquée permet de comprendre pour quelle raison la cour cantonale a retenu un tarif horaire de 19 fr. et il ne saurait donc être question de violation du droit d'être entendu, autre étant la question de savoir si la motivation présentée est erronée (cf. infra consid. 5.4.2). 
 
5.4.2. Dans un deuxième grief, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir fixé le tarif horaire de manière arbitraire (art. 9 Cst.). Elle aurait omis de tenir compte de l'affirmation de l'expert selon laquelle il s'agirait de se référer au tarif horaire du canton du Valais, qui semble être un tarif horaire de référence.  
Le recourant se méprend à cet égard puisque l'expert ne suggère pas de s'écarter des chiffres (plus modestes) valables pour le canton du Jura, pour se fonder sur ceux établis par le canton du Valais. En réalité, le recourant, pour favoriser l'application des critères valaisans plus généreux à son égard, se fonde sur une indication de l'expert qui ne vise pas le tarif horaire en lui-même, mais exclusivement la question de l'indexation du coût de la vie, ce que le recourant rappelle d'ailleurs explicitement dans son écriture. La cour cantonale n'a donc pas commis d'arbitraire en retenant le tarif jurassien. 
Cela étant, le recourant ne démontre pas en quoi l'autorité précédente aurait fait preuve d'arbitraire en ce qui concerne l'indexation du coût de la vie et il n'y a pas lieu de s'arrêter sur ce point. 
Le moyen, pour autant qu'il soit recevable, est infondé. 
 
5.4.3. Le recourant invoque également une violation de l'art. 46 al. 1 CO. Il expose des passages de la jurisprudence et évoque les commentaires d'auteurs de doctrine, sans que l'on comprenne toutefois ce qu'il entend en tirer comme argument en lien avec le cas concret. Il n'y a donc pas lieu de s'y attarder.  
 
5.4.4. Quant aux griefs relatifs à l'art. 42 al. 2 CO et à l'art. 62 al. 1 LCR, le recourant se borne à les mentionner sans toutefois fournir la moindre motivation qui permettrait de comprendre en quoi ces dispositions auraient été transgressées.  
Les griefs sont irrecevables. 
 
5.4.5. Toujours concernant le tarif horaire et par analogie avec la jurisprudence relative au dommage ménager, le recourant soutient qu'il convenait de lui allouer une plus-value moyenne de 37,5 % (à ajouter au tarif horaire retenu par la cour cantonale) pour la qualité de son travail.  
Force est de constater que le demandeur n'a, dans la procédure cantonale, pas allégué les faits qui permettraient d'asseoir son raisonnement juridique, ce que le recourant ne conteste d'ailleurs pas. En outre, il résulte de l'arrêt entrepris que les juges cantonaux ont pris pour référence le plus haut salaire horaire préconisé pour un travailleur agricole qualifié dans le cas concret et que, par ce choix, ils ont tenu compte de la qualité du travail fourni (cf. arrêt entrepris consid. 5.3 p. 42 s. citant l'arrêt 4C.324/2005 du 5 janvier 2006 consid. 3.5). 
La critique se révèle dès lors sans consistance. 
 
5.4.6. Il n'y a pas lieu d'examiner les critiques portant sur le tarif horaire de 19 fr. en tant qu'elles concernent les heures relatives aux travaux de modernisation de la ferme puisque, comme on l'a vu, le demandeur n'a pas fourni d'allégations valables sur cette composante de son préjudice (cf. supra consid. 5.2).  
 
5.5. En conclusion, s'agissant du revenu hypothétique lié à l'activité agricole du lésé, on peut retenir, à la suite de la cour cantonale, que le demandeur travaillait en moyenne 3'000 heures/année à un tarif horaire de 19 fr.  
En ce qui concerne le revenu hypothétique lié à la modernisation du rural, on constate que le demandeur n'a pas allégué un élément essentiel pourtant nécessaire au calcul de la perte de gain. L'arrêt entrepris (qui retient que la défenderesse doit au demandeur la somme de 24'990 fr.) doit être réformé et la demande sera rejetée sur ce point. 
 
6.   
Pour la suite du calcul, il convient de distinguer la perte de gain actuelle de la perte de gain future, de façon à calculer correctement chacun des postes du dommage et de procéder aux déductions des prestations sociales en respectant le principe de la concordance (cf. infra consid. 6.1 et 6.2). Il s'agira ensuite d'examiner l'indemnité versée à titre de tort moral (cf. infra consid. 6.3), puis celle correspondant aux frais d'avocat avant procès (cf. infra consid. 6.4). 
 
6.1. La perte de gain actuelle couvre la (première) période comprise entre le jour de l'accident (26 janvier 2001) et la date de l'arrêt cantonal (26 juin 2017).  
 
6.1.1. Selon les constatations cantonales, cette période équivaut à 13'964 heures de travail " perdues " en raison de l'incapacité de travail (soit 16'036 heures [correspondant à la période couvrant la perte de gain actuelle et future] - 2072 heures [correspondant à la période couvrant la perte de gain future, soit 3'000 h / 365 j x 1'681 j x 15%]).  
La recourante fait toutefois état d'une erreur de calcul en lien avec la perte de gain actuelle liée à l'activité agricole, qui affecterait le nombre d'heures retenu par la cour cantonale pour la période du 10 mai 2004 au 31 décembre 2004. La cour cantonale aurait comptabilisé 477 jours alors que cette période ne compte que 236 jours. 
L'erreur est manifeste et le demandeur la reconnaît lui-même. Il convient donc de déduire du chiffre total retenu par la cour cantonale les 241 jours (477 - 236) ajoutés par erreur, ce qui correspond à 1'980 heures (3'000 / 365 x 241), soit, pour tenir compte de l'incapacité de travail de 50% durant cette période, à 990 (et non 970 comme le prétend le demandeur) heures. 
Une fois la correction effectuée, le nombre déterminant pour la perte de gain actuelle est de 12'974 heures (13'964 - 990). Au tarif de 19 fr./heure, c'est un montant de 246'506 fr. qui doit être comptabilisé au titre de revenu hypothétique dans le calcul de la perte de gain actuelle. 
 
6.1.2. De ce montant, il convient de déduire les sommes déjà versées au lésé par les assureurs sociaux durant la même période (imputations des avantages). Il résulte à cet égard des constatations cantonales qu'il a perçu 111'474 fr. de l'AI et 60'000 fr. de B.________, soit un montant total de 171'474 fr.  
En l'occurrence, le demandeur a admis que toutes les composantes de la rente AI concordent avec la perte de gain (complètement selon l'art. 105 al. 2 LTF). En outre, il résulte de l'arrêt cantonal que cette rente a été versée au demandeur pour une période limitée, du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004. Cela étant, sous l'angle de la concordance, il est patent que la rente qui lui a été versée correspond à sa perte de gain actuelle (et non à sa perte de gain future), tant d'un point de vue fonctionnel que sous l'angle temporel. 
S'agissant du montant versé par B.________, le demandeur a aussi admis que toutes ses composantes concordent avec la perte de gain (complètement selon l'art. 105 al. 2 LTF). Comme il s'agit d'indemnités journalières " perte de gain accident " résultant de l'incapacité de travail du lésé, elles concordent avec la perte de gain actuelle (et non future). 
Il en résulte que, pour la (première) période considérée, la perte de gain (actuelle) est de 75'032 fr. (246'506 fr. - 171'474 fr.). 
 
6.1.3. A ce stade, on peut observer qu'il n'y a pas (encore) lieu d'imputer le montant des acomptes versés par la défenderesse puisque le demandeur reconnaît lui-même que ce montant doit être déduit du dommage total qu'il a subi (complètement d'office selon l'art. 105 al. 2 LTF). L'opération sera effectuée une fois que l'ensemble des postes du dommage aura été examiné (cf. supra consid. 4.5.2; pour le calcul, cf. infra consid. 7).  
 
6.2. La perte de gain future couvre la (deuxième) période comprise entre la date de l'arrêt cantonal (le 26 juin 2017) et le jour de la retraite du lésé (1er février 2022).  
 
6.2.1. A la suite de la recourante, on peut observer que les magistrats cantonaux ont ignoré la jurisprudence constante en la matière en omettant de capitaliser le dommage futur au taux d'escompte de 3,5 % et en application des tables de Stauffer/Schaetzle (cf. ATF 129 III 135 consid. 2.3.2.3; 125 III 312; récemment: arrêt 4A_254/2017 du 9 avril 2018 consid. 3).  
Contrairement à ce que pense le demandeur - qui tente de justifier l'absence de capitalisation -, la période de 5 ans comprise entre le moment où le jugement a été rendu (le 28 juin 2017) et l'âge de la retraite (1er février 2012 [recte: 2022]) est indiscutablement une longue période nécessitant une capitalisation. 
L'âge du lésé au moment de la capitalisation devant être arrondi à une année pleine, la période de la perte de gain future est en l'espèce de cinq ans. 
Comme il s'agit d'entreprendre la capitalisation jusqu'au jour de la retraite du demandeur (2022), il convient d'appliquer la Table no A3x (Rente temporaire d'activité jusqu'à l'âge 65 - hommes) pour un homme de 60 ans (âge au jour du calcul) en tenant compte du taux de 3,5% appliqué en droit de la responsabilité civile (ATF 125 III 312 consid. 7 p. 321 s.; STAUFFER/SCHAETZLE/WEBER, op. cit. Tables et programmes, Table A3x p. 290 ou Table A2x p. 262), ce qui conduit à retenir un facteur de 4.45. 
Cela étant, le montant dû pour la perte de gain future se monte à 38'047 fr.50 (3'000 [heures/année] x 19 [tarif horaire] x 4.45 [facteur tenant compte de la capitalisation sur la période litigieuse de cinq ans] x 0.15 [15% incapacité de travail]). 
 
6.2.2. S'agissant de l'imputation des avantages, le lésé n'a reçu, pour la (deuxième) période considérée, aucune prestation indemnitaire des assureurs sociaux. Il en résulte un découvert de 38'047 fr.50 pour la perte de gain future.  
 
6.3. S'agissant du tort moral, le capital (40'000 fr.) octroyé au demandeur par la cour cantonale n'est pas discuté. S'agissant des intérêts, il résulte de l'arrêt entrepris (consid. 8.2) que l'indemnité a été appréciée au jour du jugement. Partant, le demandeur aura droit à un intérêt moratoire de 5% l'an dès le 26 juin 2017.  
 
6.4. En ce qui concerne les frais d'avocat avant procès, le capital (29'052 fr.) octroyé au demandeur n'est pas discuté. S'agissant des intérêts, qui sont en principe fixés à compter d'une date moyenne pour ce poste (cf. ATF 131 III 12 consid. 9.5), le lésé n'a pas conclu au paiement d'intérêts avant de le faire de manière globale lors de l'audience des plaidoiries du 16 mars 2016. Il n'y a pas lieu d'examiner cette date de manière plus approfondie, le demandeur n'ayant quoi qu'il en soit droit à aucun intérêt jusqu'à la date de l'arrêt cantonal (cf. infra consid. 8).  
 
7.   
Le dommage subi par le lésé comprend dès lors la perte de gain actuelle (75'032 fr.), la perte de gain future (38'047 fr.50), le tort moral (40'000 fr.) et les frais d'avocat avant procès (29'042 fr.), soit un montant total de 182'121 fr.50. 
De cette somme, il convient maintenant de déduire la totalité des acomptes que la défenderesse a déjà versés (cf. supra consid. 4.5.2), soit 159'786 fr.35. Il en résulte un solde de 22'335 fr.15 en faveur du lésé (cf. supra consid. 4.5.2, première alternative). 
 
8.   
Pour trancher la question des intérêts compensatoires, qui présuppose de tenir compte de chaque poste séparément, des modifications du taux d'invalidité au cours des mois, des prestations sociales devant être imputées et des nombreux acomptes versés à des dates différentes, il s'impose d'utiliser le programme de calcul Leonardo (cf. SCHAETZLE/WEBER, Manuel de capitalisation, Leonardo II, 5e éd. 2001, n. 2.331 ss p. 150 ss). Sur la base des données retenues en l'espèce, l'application du logiciel indique qu'à la date de l'arrêt cantonal, le lésé ne pouvait prétendre à aucun intérêt (ce qui s'explique notamment par les versements réguliers faits dès 2003 par les assureurs sociaux et par la défenderesse). 
Le montant de 22'335 fr. 15 sera dès lors assorti d'intérêts moratoires de 5% l'an dès le 26 juin 2017 (date de l'arrêt cantonal). 
On ne saurait à cet égard reprocher au demandeur, comme le fait la défenderesse qui plaide l'insuffisance de l'allégation en lien avec la perte de gain future, de n'avoir pas réclamé des intérêts. Il résulte en effet de l'arrêt entrepris que le demandeur, lors de l'audience de plaidoiries finales, a réclamé des intérêts dans la procédure cantonale, puisqu'il a sollicité, de manière globale, des " intérêts à 5% dès le 16 mars 2016 ". Cela étant, le  dies a quo fixé au 26 juin 2017 est parfaitement admissible au regard des conclusions du demandeur.  
Enfin, on ne saurait non plus suivre la défenderesse lorsqu'elle soutient que les intérêts sollicités ne sont pas décrits de manière suffisamment précise et que le demandeur aurait dû indiquer s'il s'agissait d'intérêts par mois, par an ou par décennie (acte de recours p. 12 s.). Le taux de 5% est celui fixé par l'art. 104 al. 1 CO pour l'intérêt moratoire et, partant, il convient de se fonder sur un taux annuel de 5% (ATF 122 III 176 consid. 5a). 
 
9.  
 
9.1. Il résulte des considérations qui précèdent que le recours en matière civile du demandeur doit être rejeté dans la mesure où il est recevable et que le recours de la défenderesse (qui tendait à supprimer, à tout le moins à réduire l'indemnité due au lésé) doit être partiellement admis. L'arrêt attaqué est réformé en ce sens que la défenderesse est condamnée à verser au demandeur le montant de 22'335 fr.15 avec intérêts à 5% l'an dès le 26 juin 2017.  
 
9.2. Le recours du demandeur étant rejeté, il en supportera les frais judiciaires (6'000 fr.) et les dépens (7'000 fr.).  
S'agissant du recours de la défenderesse, on observe que celle-ci obtient une réduction de l'indemnité (capital) due au lésé (cour cantonale: 67'466 fr. [chiffre arrondi]; Tribunal fédéral: 22'335 fr. [chiffre arrondi]) et on note que, si l'on ajoute les différents intérêts dont sont assorties les indemnités, la défenderesse doit verser, proportionnellement, un montant largement inférieur [env. 23'450 fr.] à celui auquel elle était tenue par l'arrêt cantonal [env. 111'000 fr.] Dans ces conditions, les frais judiciaires (3'500 fr.) seront supportés à raison de 1/5 par la défenderesse (700 fr.) et de 4/5 par le demandeur (2'800 fr.), celui-ci supportant également les dépens (réduits), fixés à 2'400 fr. 
Après compensation, les montants supportés par le demandeur pour la procédure fédérale seront de 8'800 fr. (frais judiciaires) et de 9'400 fr. (dépens). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Les procédures 4A_437/2017 et 4A_439/2017 sont jointes. 
 
2.   
Le recours du demandeur est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
3.   
Le recours de la défenderesse est partiellement admis et l'arrêt de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois du 26 juin 2017 est réformé en ce sens que la défenderesse est condamnée à verser au demandeur le montant de 22'335 fr.15 avec intérêts à 5% l'an dès le 26 juin 2017. 
 
4.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'800 fr., sont mis à la charge du demandeur. 
 
5.   
Le demandeur versera à la défenderesse le montant de 9'400 fr. à titre de dépens réduits. 
 
6.   
La cause est renvoyée à la cour précédente pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. 
 
7.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour d'appel civile. 
 
 
Lausanne, le 14 juin 2018 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
Le Greffier : Piaget