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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
2P.66/2002/elo 
{T 0/2} 
 
Arrêt du 5 mars 2003 
IIe Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Wurzburger, Président, 
Müller et Meylan, juge suppléant. 
Greffière: Mme Rochat. 
 
Parties 
X.________, recourant, 
 
contre 
 
Conseil-exécutif du Canton de Berne, 3000 Berne 8, 
agissant par la Direction des finances du canton de Berne, 3011 Berne. 
 
Objet 
art. 8 al. 1 et 9 Cst. (application du nouveau système de rémunération), 
 
recours de droit public contre la décision du Conseil exécutif du Canton de Berne du 30 janvier 2002. 
 
Faits: 
A. 
Le 8 novembre 1995, le Grand Conseil du canton de Berne a adopté un Décret sur les traitements et les allocations versés au personnel de l'administration cantonale bernoise (Décret sur les traitements, DTr). Ce texte est entré en vigueur le 1er janvier 1997. II abroge le précédent Décret du 10 mai 1972 concernant les traitements des membres d'autorités et du personnel de l'Etat de Berne (aDTr ou décret de 1972). 
 
Selon l'art. 32 DTr, le passage de l'ancien au nouveau système de rémunération consiste à transférer les agents et les agentes dans la nouvelle classe de traitement correspondant à leur poste, un échelon au-dessus du montant de leur ancien traitement brut. L'art. 31 al. 1 DTr précise que le traitement brut servant de base aux articles 32 à 34 se compose de l'ancien traitement de base, augmenté des allocations de renchérissement, mais sans les allocations familiales ni celles pour enfant. 
 
L'ancien système de rémunération comportait le versement d'une allocation d'ancienneté. L'art. 5 al. 1 aDTr était ainsi libellé: "jusqu'à ce que le maximum du traitement soit atteint, il est versé à l'expiration de chaque année civile, au début du trimestre qui suit, une allocation d'ancienneté". Le nouveau régime ne prévoit en revanche plus le versement d'allocations d'ancienneté, mais une progression de salaire par le passage à un échelon de traitement supérieur dépendant de l'expérience acquise, ainsi que des performances individuelles et du comportement (art. 6 al. 1 et 2 DTr). 
B. 
X.________ travaille, depuis le 1er janvier 1989, comme secrétaire juriste auprès de la Chancellerie d'Etat du canton de Berne. Par décision du 1er décembre 1997, il a été transféré avec effet rétroactif au 1er janvier 1997 en classe 24. Le salaire brut déterminant a été calculé en tenant compte des sept allocations d'ancienneté qu'il avait régulièrement touchées depuis 1990. 
 
X.________ a recouru contre cette décision d'affectation auprès du Conseil-exécutif du canton de Berne. Sur le fond, il se plaignait essentiellement du fait que sa huitième allocation d'ancienneté, acquise selon lui au 31 décembre 1996, n'avait pas été prise en compte pour le calcul du salaire déterminant au sens de l'art. 32 DTr. 
 
Par décision du 30 janvier 2002, le Conseil-exécutif a rejeté le recours pour le motif que tous les traitements des agents cantonaux devaient être calculés selon le nouveau décret à partir du 1er janvier 1997. Même si cela conduisait à des effets juridiques différents qu'en 1996 pour des faits comparables, le résultat ne constituait pas une violation du principe de l'égalité de traitement, mais était dû uniquement à la modification législative en vigueur le 1er janvier 1997. 
C. 
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Conseil-exécutif du 30 janvier 2002 et de renvoyer l'affaire à l'autorité inférieure compétente pour nouvelle décision qui fixe, d'une part, "le salaire déterminant pour le transfert selon les dispositions transitoires du décret du 8 novembre 1995 sur les traitements au montant égal à l'ancien traitement de base correspondant à la classe 19 avec huit allocations d'ancienneté au sens du décret du 10 mai 1972 concernant les traitements des membres d'autorités et du personnel de l'Etat de Berne", et, d'autre part, "le montant de la différence de salaire due à partir du 1er janvier 1997, intérêts compris". Ses arguments et ses moyens seront examinés ci-après, dans la mesure utile. 
 
Le Conseil-exécutif conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet, sous suite de frais et dépens. 
D. 
Par ordonnance présidentielle du 7 mars 2002, la procédure de recours de droit public a été suspendue jusqu'à droit connu sur le recours déposé par X.________ auprès du Tribunal administratif du canton de Berne. Ce recours ayant été déclaré irrecevable par jugement présidentiel du 25 juillet 2002, la présente procédure a alors été reprise le 10 octobre 2002. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 128 I 177 consid. 1 p. 179, 46 consid. 1a p. 48). 
1.1 Fondée exclusivement sur le droit cantonal, la décision entreprise ne peut être attaquée devant le Tribunal fédéral par aucune voie de recours ordinaire, de sorte que le présent recours de droit public est recevable de ce point de vue (art. 84 OJ). 
1.2 Selon l'art. 55a de la loi cantonale sur le statut général de la fonction publique du 5 novembre 1992 (loi sur le personnel, LPers), le Conseil-exécutif statue en unique et dernière instance cantonale sur les recours et les oppositions contre les décisions de transfert des agents et agentes dans le nouveau système de traitement. Par ailleurs, sous l'angle de l'art. 6 par. 1 CEDH, le Tribunal administratif a déclaré irrecevable le recours parallèle qui lui avait été adressé. Le présent recours est donc bien dirigé contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ). 
1.3 Sauf exceptions dont aucune n'est ici réalisée, le recours de droit public a une fonction purement cassatoire (ATF 128 III 50 consid. 1b p. 53; 126 II 377 consid. 8c p. 395; 125 II 86 consid. 5 p. 96 et la jurisprudence citée). Dans la mesure où le recourant demande autre chose que l'annulation de la décision attaquée, ses conclusions sont dès lors irrecevables. 
1.4 Le recourant a qualité pour recourir au sens de l'art. 88 OJ, du moment qu'il entend défendre ses intérêts patrimoniaux, en faisant valoir qu'à l'occasion de son transfert dans nouveau système de rémunération, il a été privé du bénéfice d'une allocation d'ancienneté à laquelle il avait droit en 1996 pour le calcul du salaire déterminant de 1997. 
2. 
Le recourant reproche tout d'abord au Conseil-exécutif d'avoir appliqué l'art. 31 DTr, en relation avec l'art. 5 aDTr, d'une manière qui viole le droit à l'égalité au sens de l'art. 8 Cst. 
2.1 Selon la jurisprudence, une décision viole le principe de l'égalité de traitement lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 127 V 448 consid. 3b p. 454; 125 I 1 consid. 2b/aa p. 4 et la jurisprudence citée). 
2.2 En l'espèce, le recourant ne conteste pas que les agents qui se trouvaient dans la même situation que lui, à savoir ceux dont l'année de service avait débuté postérieurement au 1er octobre de l'année civile, ont tous été traités de la même manière que lui, en ce sens que le traitement déterminant pour le transfert dans le nouveau système de rémunération a été calculé sans tenir compte de l'allocation d'ancienneté qui leur aurait été acquise à raison de l'année de service révolue entre le 1er octobre et le 31 décembre 1996. Il fait valoir en revanche qu'il est victime d'une discrimination injustifiée par rapport à ceux des agents dont l'année de service est venue à terme au plus tard le 30 septembre 1996, qui, eux, ont bénéficié de la prise en compte de l'allocation d'ancienneté afférente à cette année de service. 
 
De son côté, le Conseil-exécutif considère que cette différence de traitement se justifie par l'entrée en vigueur, au 1er janvier 1997, du nouveau système de rémunération qui ne comporte plus de versement d'allocations d'ancienneté. L'abrogation du système existant jusqu'alors est en effet la seule circonstance qui, pour les agents dont l'année de service se terminait postérieurement au 30 septembre 1996, faisait obstacle à la prise en compte de l'allocation d'ancienneté afférente à cette année de service. La situation était toutefois différente pour les agents dont l'année de service venait à échéance au plus tard le 30 septembre 1996: dans leur cas, il subsistait en effet un laps de temps d'au moins trois mois entre la fin de l'année de service et l'entrée en vigueur du nouveau système, de sorte que leur traitement pour l'année de service subséquente était déterminé selon l'ancien système, soit en tenant compte de l'allocation d'ancienneté acquise pendant l'année de service écoulée. 
2.3 Le recourant fait valoir qu'il aurait dû être traité de la même manière, du moment que l'allocation d'ancienneté repose sur l'accomplissement d'une pleine année de service et que, dans son cas, cette condition s'était réalisée au 31 décembre 1996, soit avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1997, du nouveau système de traitement. L'allocation d'ancienneté de l'année 1996 devait donc être prise en compte dans le calcul du traitement déterminant pour le transfert dans le nouveau système. 
 
L'autorité intimée pouvait cependant refuser de suivre cette argumentation. Il n'est en effet pas contesté que, dans l'ancien système de rémunération, l'allocation d'ancienneté afférente à une année de service était conçue non pas comme s'ajoutant au traitement de cette même année de service, à la manière d'une gratification ou d'un bonus, mais comme remplissant la fonction d'une augmentation de traitement pour l'année de service subséquente. Cela découle clairement du système légal, puisqu'aussi bien, selon la lettre claire de l'art. 5 al. 1 aDTr, l'allocation d'ancienneté était versée "jusqu'à ce que le maximum du traitement soit atteint", ce qui revient à dire qu'elle était destinée à combler, par paliers successifs, la différence entre traitement minimum et traitement maximum. C'est également la solution la plus conforme à la nature même de cette allocation. 
 
Il en découle que, dans le cas où l'année de service prenait fin, comme pour le recourant, au 31 décembre 1996, l'allocation d'ancienneté y afférente n'aurait été acquise qu'autant que le traitement pour l'année de service subséquente aurait été régi par le système de rémunération en vigueur jusqu'alors, ou par un nouveau système comportant lui aussi le versement de telles allocations. Or, aucune de ces hypothèses n'était réalisée dans le cas particulier: non seulement le traitement pour l'année 1997 était régi par le nouveau système dès et y compris le 1er janvier 1997, mais encore ce nouveau système ne comporte précisément pas le versement de telles allocations. Il est dès lors sans importance que, par l'accomplissement, au 31 décembre 1996, d'une année de service complète, les conditions auxquelles était subordonné le droit à une allocation d'ancienneté y afférente aient été remplies: encore une fois, cette circonstance n'aurait pu être opérante que si le régime de rémunération n'avait pas changé au 1er janvier 1997. 
 
Cette circonstance était également sans influence sur le calcul du traitement à prendre en considération pour le transfert dans le nouveau système. Comme le recourant le relève lui-même, était déterminant le traitement "au moment de I"entrée en vigueur du nouveau système". Or, l'entrée en vigueur du nouveau système au 1er janvier 1997 a eu pour effet que l'ancien n'a pu déployer ses effets que jusqu'au 31 décembre 1996 à minuit. "Au moment de l'entrée en vigueur du nouveau système", le traitement était donc celui qui s'appliquait jusqu'à cette dernière date et n'avait pas encore subi l'effet d'une huitième allocation d'ancienneté puisque, selon l'art. 5 al. 1 aDTr, celle-ci était versée au début du trimestre qui suivait chaque année civile. Comme on l'a vu, l'allocation d'ancienneté qui aurait été versée au recourant si l'ancien décret de 1972 était resté en vigueur ne fait donc pas partie de l'ancien traitement brut. Dans ces conditions, le Conseil-exécutif n'a pas violé l'art. 8 Cst. en traitant différemment le recourant et les agents se trouvant dans le même cas que lui, de ceux dont l'année de service se terminait au plus tard le 30 septembre 1996, pour le calcul de l'ancien traitement de base. 
2.4 Pour les mêmes motifs, le moyen que le recourant entend tirer d'une violation du principe de la non-rétroactivité des lois s'avère lui aussi mal fondé. Dès lors qu'une allocation d'ancienneté acquise en raison de l'année de service 1996 n'aurait été opérante au plus tôt que le 1er janvier 1997, il ne saurait être soutenu qu'une réglementation qui en supprime la prise en compte et qui entre elle-même en vigueur à la même date déploie un quelconque effet rétroactif. 
3. 
Le recourant se prévaut enfin d'une violation du droit à la protection de la bonne foi, dans la mesure où l'art. 5 aDTr constituait, pour lui, une promesse d'augmentation de salaire pendant huit ans qui n'a pas été honorée par le Conseil-exécutif, sans que la nouvelle réglementation ne l'y autorise. 
 
Ancré à l'art. 9 Cst., et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi confère au citoyen, à certaines conditions, le droit d'exiger des autorités qu'elles se conforment aux promesses ou assurances précises qu'elles lui ont faites et ne trompent pas la confiance qu'il a légitimement placée dans ces promesses et assurances. Ce principe lie également le législateur, en particulier s'il a promis dans la loi que celle-ci ne serait pas modifiée ou serait maintenue telle qu'elle pendant un certain temps, créant ainsi un droit acquis (ATF 128 II 112 consid. 10a/bb p. 125/126 et les références citées). 
 
Cette condition n'est cependant pas remplie s'agissant des fondements du régime des traitements et des allocations, qu'il appartient au Grand Conseil de fixer en vertu de l'art. 23 al. 2 LPers. Depuis l'entrée 
en vigueur de cette disposition, le 1er juillet 1993, les agents de la fonction publique devaient en effet s'attendre à ce que le décret de 1972 soit modifié. Au demeurant, le recourant ne peut pas se prévaloir d'une assurance concrète que lui aurait faite l'autorité de nomination au sujet de la perception des allocations d'ancienneté. 
 
Le présent recours n'est donc pas davantage fondé au regard du principe de la bonne foi. 
4. 
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Succombant, le recourant doit supporter un émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant et au Conseil-exécutif du canton de Berne, agissant par la Direction des finances du canton de Berne. 
Lausanne, le 5 mars 2003 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: