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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4P.266/2003 /ech 
 
Arrêt du 27 février 2004 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Rottenberg Liatowitsch et Favre. 
Greffière: Mme de Montmollin. 
 
Parties 
A.________, 
recourant, représenté par Me Yves Bertossa, 
contre 
 
B.________, 
intimé, représenté par Me Dominique Henchoz, 
Commission de taxation des honoraires d'avocat du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
Arbitraire; taxation des honoraires d'avocat 
 
Recours de droit public contre la décision de la Commission de taxation des honoraires d'avocat du canton de Genève du 13 mai 2003. 
 
Faits: 
A. 
A.________ a mandaté B.________, avocat, dans le cadre d'un partage successoral auquel était lié un litige portant sur une vente immobilière. Dans le courant de l'année 2002, l'avocat a notifié à son client des factures d'honoraires de 53'465 fr. pour environ 146 heures d'activité, 1'598 fr. de débours et 4'184 fr.75 de TVA. Le 5 novembre 2002, ce dernier a contesté ces factures, à son avis disproportionnées par rapport au travail fourni, à la faible complexité des cas, aux promesses faites en vue de minimiser les coûts, et à ses modestes moyens financiers. 
 
Le 28 mars 2003, B.________ a saisi la Commission de taxation des honoraires d'avocat du canton de Genève (ci-après: la commission) et produit son dossier. Le tarif horaire moyen pour l'activité déployée par l'avocat, ses collaborateurs ou stagiaires, soit cinq personnes, était de 366 fr. 
B. 
Par décision du 13 mai 2003, la commission a réduit de 37 heures à 15 heures le temps de travail pour la rédaction de notes de plaidoirie de première instance, sur mesures provisionnelles, et de 31 heures à 20 heures celui de rédaction d'un mémoire de réponse à l'action au fond, les 10 heures passées à rédiger les notes de plaidoirie en appel étant admises. Abaissant le nombre total de 146 heures à 113 heures, la commission a fixé les honoraires à 46'220 fr.65, montant qu'elle a arrondi à 46'200 fr., débours et TVA compris. Le tarif horaire moyen de 366 fr. a été jugé raisonnable. 
C. 
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision entreprise et de renvoyer la procédure à la commission pour nouvelle décision. Il reproche à l'autorité cantonale une appréciation arbitraire des faits en ce qu'elle n'a retenu que 78 heures de travail consacrées aux recherches juridiques, étude du dossier et préparation des écritures, qu'elle a ramenées à 45 heures dans sa modération, alors que l'avocat avait annoncé pour ces postes 98 heures. La commission aurait également versé dans l'arbitraire en ne réduisant qu'à 46'200 fr. la note de frais et honoraires, l'activité de l'avocat se résumant à la rédaction de trois brèves écritures (9 pages au plus) quasiment similaires sur des questions juridiques pourtant très simples, la rédaction d'un tableau de partage erroné et quelques correspondances à la partie adverse; la commission aurait aussi arbitrairement omis de prendre en considération le fait que cinq collaborateurs juridiques s'étaient occupés du dossier, élément entraînant du travail et des honoraires supplémentaires. 
 
L'intimé conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. 
 
La commission se réfère à sa décision. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Interjeté en temps utile contre une décision qui arrête, en dernière instance cantonale et en application du droit cantonal (art. 44 al. 2 de la loi genevoise sur la profession d'avocat; ci-après: LPAv/GE), des honoraires d'avocat (ATF 93 I 116 consid. 1 p. 120 et les arrêts cités), le présent recours est recevable au regard des art. 86 al. 1 , 87 et 89 al. 1 OJ. 
2. 
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours, c'est-à-dire qui font l'objet d'une argumentation précise et détaillée, compréhensible à la seule lecture du recours, démontrant en quoi consiste concrètement la violation invoquée (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 113 consid. 2.1; 128 III 50 consid. 1c et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral est lié par l'état de fait retenu en instance cantonale, à moins que l'une des parties n'établisse de manière circonstanciée que l'autorité cantonale a constaté ou omis de constater des faits pertinents au mépris des garanties constitutionnelles (ATF 110 Ia 1 consid. 2a). 
3. 
3.1 Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si celle-ci est insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution paraît également concevable, voire même préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1; 128 I 81 consid. 2 p. 86, 177 consid. 2.1 p. 182, 273 consid. 2.1 p. 275; 128 II 259 consid. 5 p. 280). 
 
En matière d'appréciation des preuves, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur le sens et la portée d'un tel élément, ou encore lorsqu'elle tire des constatations insoutenables des éléments recueillis (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4a). 
3.2 
3.2.1 
Le recourant se plaint tout d'abord de ce que la commission a procédé à une appréciation arbitraire des faits, en sous-estimant de 20 heures le décompte horaire produit par l'avocat, de sorte qu'il se verrait facturer un total de 65 heures pour les procédures litigieuses, au lieu des 45 heures finalement retenues par la commission. 
 
Ce raisonnement ne saurait être partagé. Il ressort effectivement des mouvements d'archives provenant du bureau de l'avocat intimé que ce dernier a compté des prestations relatives à l'examen du dossier, l'examen de droit, la préparation d'écritures, la rédaction de notes de plaidoirie ou leur révision pour un total d'heures supérieur à celui retenu par la commission. Une telle différence s'explique par le fait que certaines rubriques du "détail des prestations" comportent des activités mixtes impliquant des vacations et un travail strictement judiciaire ou scientifique. Tel est par exemple le cas de l'intervention du 21 juin 2002, "lettre au client, téléphone du client, préparation de la réponse au fond" ... 5.20 heures. 
 
Le recourant n'établit pas en quoi l'examen de la commission eût dû être plus précis, au vu des documents fournis par l'avocat, et en quoi le défaut de précision relevé s'avère arbitraire. Indépendamment de ce qui précède, on constate que le "détail des prestations" cite d'innombrables conférences téléphoniques et courriers, impliquant plusieurs juristes, avocats et notaires, et démontrant en fin de compte que la limitation du nombre d'heures accordées par la commission à 113 heures en tout, incluant le temps voué aux interventions strictement procédurales, n'est pas arbitraire dans son résultat. 
 
Le premier moyen du recourant doit en conséquence être écarté. 
3.2.2 Le recourant fait ensuite grief à l'autorité cantonale d'avoir violé l'art. 9 Cst. en n'abaissant la note de frais et honoraires qu'à hauteur de 46'200 fr. Il critique en particulier le fait que la commission ait admis un total de 45 heures consacrées à la rédaction des écritures, alors que ces dernières étaient fort minces, qu'une des deux questions pertinentes ne nécessitait au maximum qu'une heure de travail et que les 30 heures d'activité passées à établir un tableau de partage étaient en grande partie vaines, ce dernier étant inutilisable, les efforts de l'avocat n'ayant permis que d'augmenter de 150'000 à 185'000 fr. la créance du recourant. 
 
Selon la jurisprudence que le recourant cite d'ailleurs, et conformément au principe déduit de l'art. 9 Cst. - précédemment de l'art. 4 aCst. -, la rémunération de l'avocat doit demeurer dans un rapport raisonnable avec la prestation fournie et ne doit pas contredire d'une manière grossière le sentiment de la justice (ATF 93 I 116 consid. 5 et les arrêts cités, p. 122/123). Selon l'art. 40 LPAv/GE, les honoraires sont, sous réserve des décisions de la commission, fixés par l'avocat lui-même, compte tenu du travail qu'il a effectué, de la complexité et de l'importance de l'affaire, de la responsabilité qu'il a assumée, du résultat obtenu et de la situation du client. 
 
Dans son rapport raisonnable avec la prestation offerte, la rémunération ne doit pas rendre onéreux à l'excès le recours à l'avocat qui, s'il n'est pas exigé par la loi, est nécessaire en fait pour presque tous les justiciables, peu familiarisés avec les règles de la procédure (ATF 93 I 116 consid. 5a p. 122 déjà cité). A Genève, les avocats établissent leurs notes selon leur appréciation, sans être liés à un tarif, ce qui rend d'autant plus importante la censure de la commission. En l'absence d'un tarif, l'autorité de modération apprécie le montant des honoraires en tenant compte, dans chaque cas concret, de tous les éléments nécessaires à la décision (Claude Rouiller, La protection de l'individu contre l'arbitraire de l'Etat, in RDS 106/1987 II p. 324/325), au nombre desquels figure également la valeur litigieuse (ATF 117 II 282 consid. 4c p. 284). Cette valeur est généralement un critère essentiel, s'agissant de rechercher l'existence d'une éventuelle disproportion manifeste entre les services rendus par l'avocat et le montant de sa rémunération. Le Tribunal fédéral n'intervient que si le recourant démontre que le montant global alloué à l'avocat a été fixé de manière arbitraire (art. 90 al. 1 let. b OJ). 
 
En l'espèce, la valeur litigieuse, ou les valeurs litigieuses concernant les deux différends, le premier de vente immobilière et le second successoral, ne sont pas mentionnées par le recourant ou dans la décision de la commission. Il ressort des notes de plaidoirie du 10 juillet 2002 produites devant le Tribunal fédéral par l'intimé que la vente immobilière portait sur un bien-fonds faisant l'objet d'un droit d'emption cessible pour le prix de 1'325'000 fr., à laquelle le recourant s'est opposé avec succès. Le litige en partage de succession avait également trait à des montants importants. 
 
Même en l'absence de précision quant aux valeurs exactes faisant l'objet des deux litiges, qui lui étaient connues au vu du dossier remis par les mandataires, la commission a procédé à une appréciation du montant des honoraires à l'heure pondérés entre les diverses catégories de juristes intervenus dans les procédures, de 366 fr., constituant une moyenne qui échappe à la critique et que l'autorité cantonale a justement décrite comme étant "raisonnable". Les arguments du recourant, qui fait valoir aujourd'hui que la procédure concernant la vente immobilière ne méritait qu'une seule heure d'étude pour l'examen du droit d'emption, que la procédure de partage n'était pas complexe, d'une part, et qu'elle n'a rapporté qu'une amélioration de 35'000 fr. par rapport à la dette reconnue, d'autre part, ne sont pas décisifs; dans la mesure où ils ont trait à la bonne exécution du mandat, ils relèvent du juge ordinaire selon l'art. 39 LPAv/GE cité par la commission dont la décision ne donne lieu à aucune critique sur ce point, échappant de la sorte à tout examen du Tribunal fédéral dans la présente procédure (art. 90 al. 1 let. b OJ). 
 
En définitive, il apparaît que la commission pouvait, au bénéfice de son large pouvoir d'appréciation, se borner à réduire les durées excessives consacrées à la rédaction d'actes de procédure pour rétablir l'équilibre souhaité entre les prestations de l'avocat et sa rémunération. Cet équilibre paraît respecté même si l'on tient compte du fait que cinq personnes se soient occupées des affaires du recourant au sein de l'Etude de l'intimé, ce qui a pu entraîner une duplication du travail ayant elle-même pour conséquence une majoration des coûts; au reste, en s'adressant à un grand bureau d'avocats, dont les nombreux associés et collaborateurs figurent sur le papier à lettres, le recourant ne devait pas ignorer que son dossier pourrait être traité par plusieurs collaborateurs (cf. ATF 124 III 363 consid. II/2d p. 368). Le second moyen du recourant doit en conséquence aussi être rejeté. 
4. 
Le recourant, qui succombe, supportera les frais de justice et versera une indemnité de dépens à l'intimé qui a plaidé par l'entremise d'un confrère. Toutefois, pour tenir compte de l'ensemble des circonstances, et notamment de la simplicité de la cause devant le Tribunal fédéral ainsi que du fait qu'il s'agit de la défense de ses propres intérêts par le biais d'un avocat de l'Etude dont il est le chef, l'intimé recevra une indemnité limitée à 1'000 fr. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant. 
3. 
Le recourant versera à l'intimé une indemnité de 1'000 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Commission de taxation des honoraires d'avocat du canton de Genève. 
Lausanne, le 27 février 2004 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: