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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 1/2} 
1C_28/2010 
 
Arrêt du 9 novembre 2010 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger, Reeb, Raselli et Fonjallaz. 
Greffier: M. Rittener. 
 
Participants à la procédure 
Alberto Velasco, 
Ernest Greiner, 
Eric Fuld, 
tous les trois représentés par Me Carlo Sommaruga, avocat, 
recourants, 
 
contre 
 
Conseil d'Etat du canton de Genève, Section des recours, rue Henri-Fazy 2, case postale 3964, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
droits politiques, référendum obligatoire, loi n° 10'258 modifiant la loi cantonale sur l'énergie, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 12 janvier 2010. 
 
Faits: 
 
A. 
Le 9 octobre 2009, le Grand Conseil du canton de Genève (ci-après: le Grand Conseil) a adopté la loi n° 10'258 modifiant la loi cantonale sur l'énergie du 18 septembre 1986 (LEn; RSG L 2 30). La loi n° 10'258 prévoit l'introduction de nombreuses modifications législatives, non seulement dans la LEn, mais également dans la loi générale sur les zones de développement (LGZD; RSG L 1 35), la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités (LExt; RSG L 1 40), la loi sur l'imposition des personnes physiques (LIPP; RSG D 3 08), la loi générale sur les contributions publiques (LCP; RSG D 3 05) et la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (LDTR; RSG L 5 20). 
Le même jour, le Grand Conseil a également adopté la loi n° 10'462, à savoir la loi d'organisation judiciaire destinée à remplacer la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ; RSG E 2 05) et la loi instituant un conseil supérieur de la magistrature et une cour d'appel de la magistrature du 25 septembre 1997 (LCSM; RSG L 2 20). La loi n° 10'462 prévoit notamment une modification des règles de fonctionnement de la juridiction des baux et loyers et elle entraîne la modification de diverses lois, dont la LDTR. 
 
B. 
B.a Le 19 octobre 2009, la loi n° 10'258 a été publiée dans la Feuille d'avis officielle du canton de Genève. Elle était accompagnée d'un arrêté du Conseil d'Etat du canton de Genève (ci-après: le Conseil d'Etat) du 14 octobre 2009 mentionnant que, en application des art. 53A al. 2 et 160F let. d de la Constitution cantonale (Cst./GE; RSG A 2 00), la loi en question devait être publiée dans la Feuille d'avis officielle avant d'être soumise au vote du Conseil général - c'est-à-dire le corps électoral - la date du scrutin étant fixée par arrêté séparé. La loi n° 10'462 a été publiée dans la même édition de la Feuille d'avis officielle, accompagnée d'un arrêté identique mais mentionnant en plus l'art. 160F let. a Cst./GE
L'Association genevoise de défense des locataires (ci-après: l'Asloca), ainsi que Alberto Velasco, Ernest Greiner et Eric Fuld ont recouru auprès du Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif) contre l'arrêté du Conseil d'Etat du 14 octobre 2009 relatif à la loi n° 10'258. Ils se plaignaient notamment d'une violation des règles relatives au référendum obligatoire ou facultatif et demandaient la publication d'un nouvel arrêté stipulant qu'une partie de la loi n° 10'258 était soumise au référendum facultatif et une autre au vote du Conseil général. 
B.b Par arrêté du 18 novembre 2009 - publié dans la Feuille d'avis officielle du 20 novembre 2009 - le Conseil d'Etat a fixé au 7 mars 2010 la date du scrutin relatif aux lois nos 10'258 et 10'462. Cet arrêté a également été contesté par l'Asloca, Alberto Velasco, Ernest Greiner et Eric Fuld, qui ont recouru auprès du Tribunal administratif. 
 
C. 
Par arrêt du 12 janvier 2010, le Tribunal administratif a déclaré irrecevables les recours interjetés par l'Asloca. Il a déclaré recevables les recours d'Alberto Velasco, Ernest Greiner et Eric Fuld, le recours formé contre l'arrêté du 14 octobre 2009 étant rejeté et celui dirigé contre l'arrêté du 18 novembre 2009 rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Concernant ce dernier, le Tribunal administratif a constaté qu'aucun recours n'avait été déposé après la publication de l'arrêté du Conseil d'Etat du 14 octobre 2009 relatif à la loi n° 10'462, de sorte que les conclusions relatives à cette loi étaient irrecevables. S'agissant de la loi n° 10'258, le Tribunal administratif a considéré en substance que la décision du Conseil d'Etat de soumettre l'ensemble de la loi au référendum obligatoire était fondée. 
 
D. 
Agissant par la voie du recours de droit public, Alberto Velasco, Ernest Greiner et Eric Fuld demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt, de constater que la loi n° 10'258 est soumise au référendum facultatif, à l'exception des alinéas 1, 2 et 6 de l'art. 2 qui sont soumis au référendum obligatoire, d'ordonner au Conseil d'Etat de recommencer la procédure référendaire et d'organiser dans les plus brefs délais le scrutin pour les dispositions soumises au référendum obligatoire. Ils invoquent une violation des art. 53, 53A et 160F Cst./GE, de l'art. 8 de la loi cantonale sur la forme, la publication et la promulgation des actes officiels (LFPP; RSG B 2 05) et de l'art. 34 Cst. Ils requièrent en outre l'octroi de l'effet suspensif et des mesures provisionnelles urgentes. 
Le Tribunal administratif a renoncé à se déterminer. Le Conseil d'Etat a présenté des observations, concluant au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. Les recourants et le Conseil d'Etat ont présenté des observations complémentaires, au terme desquelles ils persistent dans leurs conclusions. 
 
E. 
Par ordonnance du 4 février 2010, le Président de la Ire Cour de droit public a rejeté la requête d'effet suspensif et de mesures provisionnelles urgentes. 
 
F. 
Le scrutin litigieux s'est tenu le 7 mars 2010. La loi n° 10'258 a été acceptée par 52,1 % des votants, soit 56'708 suffrages. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 135 III 329 consid. 1 p. 331 et les arrêts cités). Toutefois, lorsque les conditions de recevabilité ne ressortent pas à l'évidence de la décision attaquée ou du dossier, le recourant est tenu d'exposer en quoi elles sont réunies, sous peine d'irrecevabilité (art. 42 al. 1 et 2 LTF; ATF 133 II 353 consid. 1 p. 356 et les références). 
 
1.1 L'écriture déposée par les recourants est intitulée "recours de droit public". Cette voie de droit a été supprimée avec l'abrogation de l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire (art. 131 al. 1 LTF). Cela étant, l'intitulé erroné d'un recours ne nuit pas à son auteur, pour autant que les conditions de recevabilité du recours qui aurait dû être interjeté soient réunies (ATF 134 III 379 consid. 1.2 p. 382 et les arrêts cités). En vertu de l'art. 82 let. c LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours en matière de droit public concernant le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations populaires. Citoyens actifs dans le canton de Genève, les recourants ont la qualité pour recourir en cette matière (art. 89 al. 1 et 3 LTF). 
 
1.2 En principe, la qualité pour recourir suppose un intérêt actuel et pratique à obtenir l'annulation de la décision attaquée (cf. ATF 135 I 79 consid. 1.1 p. 81; 128 II 34 consid. 1b p. 36). Le Tribunal fédéral peut toutefois renoncer à cette exigence lorsque le recours porte sur un acte qui pourrait se reproduire en tout temps dans des circonstances semblables et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, ne pourrait vraisemblablement jamais être soumis au contrôle judiciaire de la Cour suprême (ATF 135 I 79 consid. 1.1 p. 81; 131 II 670 consid. 1.2 p. 673; 128 II 34 consid. 1b p. 36; 126 I 250 consid. 1b p. 252). Il peut également être renoncé à l'exigence d'un intérêt actuel lorsqu'il existe un intérêt public important à résoudre la question de principe soulevée (ATF 127 I 164 consid. 1a p. 166; 125 I 394 consid. 4b p. 397; cf. ATF 131 II 361 consid. 1.2 p. 365 s.; 128 II 156 consid. 1c p. 159). 
En l'espèce, la votation litigieuse a eu lieu le 7 mars 2010. Dans la mesure où les recourants ne concluent pas expressément à l'annulation du scrutin, on peut se demander si le recours conserve un objet. Il semble toutefois que les recourants visent une telle annulation, puisqu'ils demandent que le Conseil d'Etat soit tenu de "recommencer la procédure référendaire". Quoi qu'il en soit, la question de savoir s'il y a lieu de soumettre au référendum obligatoire une loi entraînant la modification de plusieurs textes légaux dont certains sont soumis au référendum facultatif est susceptible de se poser à nouveau et elle génère une certaine insécurité juridique. Il existe donc un intérêt public important à résoudre cette question, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
1.3 Pour le surplus, interjeté en temps utile et dans les formes requises contre une décision finale prise en dernière instance cantonale non susceptible de recours devant le Tribunal administratif fédéral, le recours est recevable au regard des art. 42, 86 al. 1 let. d, 90 et 100 al. 1 LTF. 
 
2. 
Les recourants reprochent au Conseil d'Etat d'avoir soumis l'ensemble de la loi n° 10'258 au référendum obligatoire, alors que certaines des dispositions légales modifiées par cette loi étaient soumises au référendum facultatif. Ils invoquent l'art. 34 Cst. et se plaignent d'une violation des art. 53, 53A et 160F Cst./GE ainsi que de l'art. 8 LFPP. 
 
2.1 Saisi d'un recours pour violation des droits politiques, le Tribunal fédéral revoit librement l'interprétation et l'application du droit fédéral et du droit constitutionnel cantonal, ainsi que des dispositions de rang inférieur qui sont étroitement liées au droit de vote ou en précisent le contenu et l'étendue (art. 95 let. a, c et d LTF; ATF 132 I 282 consid. 1.3 p. 284; 129 I 185 consid. 2 p. 190). Il n'examine en revanche que sous l'angle restreint de l'arbitraire l'interprétation d'autres règles du droit cantonal (ATF 123 I 175 consid. 2d/aa p. 178; 121 I 1 consid. 2 p. 3, 357 consid. 3 p. 360 et les arrêts cités). En présence de deux interprétations également défendables, il s'en tient en général à celle retenue par la plus haute autorité cantonale (ATF 131 I 126 consid. 4 p. 131, 386 consid. 3.2 p. 391; 121 I 334 consid. 2b p. 338; 115 Ia 148 consid. 2 p. 153 et les arrêts cités). 
 
2.2 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. D'après la jurisprudence, il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales. Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 133 III 175 consid. 3.3.1 p. 178; 133 V 57 consid. 6.1 p. 61; 132 III 226 consid. 3.3.5 p. 237; 131 III 314 consid. 2.2 p. 315 s.). 
 
3. 
La question à résoudre est celle de savoir si l'on peut soumettre au référendum obligatoire l'intégralité d'une loi cantonale qui entraîne la modification de plusieurs textes légaux, dont certains sont soumis au référendum facultatif et d'autres au référendum obligatoire. S'agissant d'actes cantonaux, cela dépend uniquement du droit public cantonal, qui est sur ce point souverain (ATF 99 Ia 518 consid. 3 p. 520). 
 
3.1 Les dispositions de la constitution cantonale pertinentes à cet égard sont les suivantes: 
Art. 53 Généralités 
Les lois votées par le Grand Conseil sont soumises à la sanction du peuple lorsque le référendum est demandé par 7 000 électeurs au moins dans le cours des 40 jours qui suivent celui de la publication de ces lois et sous les réserves ci-après. 
 
Art. 53A Référendum obligatoire 
1 Les lois qui ont pour objet un nouvel impôt ou la modification du taux ou de l'assiette d'un impôt sont soumises obligatoirement à l'approbation du Conseil général (corps électoral). 
2 Est également soumise obligatoirement à l'approbation du Conseil général (corps électoral) toute modification à l'une des lois de protection des locataires et des habitants de quartier énumérées à l'article 160F. 
 
Art. 160F Référendum obligatoire 
Pour garantir la volonté populaire et les effets du droit d'initiative exercé par le passé, toute modification des lois ci-après qui ont été adoptées par le Peuple à la suite d'une initiative populaire ou qui ont été adoptées par le Grand Conseil en provoquant un retrait d'une initiative populaire, doit être soumise obligatoirement à votation populaire. Il s'agit des lois suivantes dans leur état exécutoire au jour du dépôt de l'initiative populaire à l'origine du présent article : 
a) la loi modifiant diverses lois concernant le Tribunal des baux et loyers, à savoir les articles 29, 30, 35B et 56M à 56P de la loi d'organisation judiciaire et les articles 426 à 448 de la loi de procédure civile, du 4 décembre 1977; 
b) la loi instituant la commission de conciliation en matière de baux et loyers, du 4 décembre 1977; 
c) la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977; 
d) la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi), du 25 janvier 1996; 
e) la loi sur les plans d'utilisation du sol, à savoir les articles 15A à 15G de la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités, du 26 juin 1983. 
Il ressort du texte des dispositions citées ci-dessus que le référendum facultatif est la règle dans le canton de Genève. Une loi n'est soumise au référendum obligatoire que dans certains cas bien précis, énumérés notamment aux art. 53A et 160F Cst./GE. Les dispositions susmentionnées ne traitent cependant pas du cas particulier d'une loi entraînant la modification de plusieurs textes légaux, dont certains sont soumis au référendum facultatif et d'autres au référendum obligatoire. Dès lors que la question n'est pas clairement réglée par les normes en cause, il convient de prendre en considération d'autres méthodes d'interprétation. 
 
3.2 Les art. 53A et 160F Cst./GE désignent les lois qui doivent faire l'objet d'un référendum obligatoire, le référendum facultatif étant la règle selon l'art. 53 Cst./GE. L'objectif poursuivi par ces dispositions est de garantir que certaines lois soient dans tous les cas soumises au vote populaire. Le souci de ne pas priver le peuple d'une possibilité de s'exprimer est d'une importance capitale en matière de droits politiques, en particulier dans le canton de Genève, dont la constitution expose en préambule que "la souveraineté réside dans le peuple" (art. 1 al. 2 Cst./GE). Il se retrouve également dans l'adage "in dubio pro populo" - appliqué en matière d'initiative populaire - qui veut qu'un texte n'ayant pas un sens univoque soit interprété de manière à favoriser l'expression du vote populaire (cf. ATF 134 I 172 consid. 2.1 p. 177; 111 Ia 292 consid. 3c p. 300; 104 Ia 343 consid. 4 p. 348; 101 Ia 354 consid. 9c p. 367; arrêt 1C_357/2009 du 8 avril 2010, consid. 2.3 publié in RDAF 2010 I 252; Alberto Ferrari, Die Zuständigkeit und das Verfahren der Ungültigerklärung von Volksbegehren, thèse Zurich 1982, p. 144 ss). 
Lorsqu'un texte est soumis uniquement au référendum facultatif, le risque existe qu'il ne puisse pas faire l'objet d'un scrutin populaire, si les 7'000 signatures requises par l'art. 53 Cst./GE ne sont pas réunies. Il est donc indiscutable que le fait de soumettre au référendum facultatif des dispositions qui devraient être soumises au référendum obligatoire porte atteinte aux droits politiques des citoyens (cf. Bénédicte Tornay, La démocratie directe saisie par le juge, thèse Genève 2008, p. 174 ss et les références citées). En revanche, soumettre au référendum obligatoire une disposition qui, prise isolément, aurait été soumise au référendum facultatif n'est pas en soi préjudiciable aux droits populaires, dans la mesure où le peuple est finalement appelé à se prononcer sur celle-ci. Dans une telle situation, l'objectif de garantir une votation populaire pour certaines modifications légales est atteint. C'est d'ailleurs le cas en l'espèce, les modifications d'actes législatifs mentionnés aux art. 53A et 160F Cst./GE ayant bien été soumises au vote populaire. 
 
3.3 Les recourants ne contestent pas véritablement ce qui précède, mais ils soutiennent que la loi en cause aurait dû être scindée, afin qu'une partie de celle-ci soit soumise au référendum facultatif. Il convient de déterminer si un tel procédé est compatible avec la constitution cantonale et si cette solution s'impose en l'espèce. 
3.3.1 En principe, le référendum doit viser l'acte législatif dans son entier. Le droit cantonal peut exceptionnellement prévoir la possibilité d'un référendum partiel, qui ne porterait que sur certaines dispositions (cf. Yvo Hangartner/Andreas Kley, Die demokratischen Rechte in Bund und Kantonen der Schweizerischen Eidgenossenschaft, 2000, p. 689 s.). Le Tribunal fédéral a cependant émis de sérieuses réserves sur ce type de référendum, qui présente de graves inconvénients. En permettant au peuple de retrancher certains éléments d'une loi, on risque en effet d'en compromettre l'harmonie, la cohérence ou l'efficacité, voire d'entraîner la caducité de toute la réglementation (ATF 99 Ia 518 consid. 3b p. 521 s.). Par ailleurs, le référendum doit en principe se limiter aux cas expressément prévus par la constitution. Est réservée l'institution du référendum obligatoire extraordinaire, qui permet au parlement de soumettre spontanément à la sanction du peuple un acte qui n'y est pas automatiquement assujetti. Ce type de référendum fait toutefois l'objet de critiques de la part de la doctrine, une partie de celle-ci estimant en outre qu'il n'est licite que s'il repose sur une base constitutionnelle expresse (cf. Etienne Grisel, Initiative et référendum populaire, 3e éd., 2004, p. 330 s.; Yvo Hangartner/Andreas Kley, op. cit., p. 688 et 790 s. et les références citées). 
3.3.2 Les considérations qui précèdent ne conduisent pas à exclure dans tous les cas la scission d'un projet de loi dont les divers composantes ne sont pas toutes soumises au même type de référendum, étant rappelé que le droit public cantonal est souverain lorsqu'il s'agit d'actes cantonaux (cf. ATF 99 Ia 518 consid. 3 p. 520). Il convient toutefois d'admettre un tel procédé avec retenue. En effet, si certaines modifications législatives sont soumises au référendum obligatoire et d'autres au référendum facultatif, le risque existe qu'une seule partie de la loi soit finalement soumise au vote populaire et, le cas échéant, rejetée. Il y aurait alors lieu de craindre que les inconvénients mentionnés ci-dessus en relation avec le référendum partiel ne se réalisent, notamment des problèmes de cohérence et d'efficacité de la loi en cause. 
3.3.3 Les parties s'accordent à dire qu'une telle scission est possible dans le canton de Genève. Le Tribunal administratif considère qu'un renvoi partiel de la loi devant le peuple est admissible si les dispositions légales soumises au référendum facultatif peuvent être "maintenues sans complication" et si un éventuel rejet des autres dispositions ne compromet pas "l'économie ou l'équilibre" de la loi. En cas de doute, il conviendrait de soumettre l'ensemble de la loi à la votation populaire. Il devrait en aller de même lorsque l'adoption de la loi a donné lieu à des affrontements politiques devant le Grand Conseil ou si une scission de la loi risque de dénaturer ou de tronquer les débats parlementaires. Quant au Conseil d'Etat, il se réfère à sa pratique en la matière et relève qu'il a procédé à de telles scissions lorsque certaines modifications légales étaient accessoires ou qu'elles n'avaient pas de lien intrinsèque avec l'objet principal de la loi. Les recourants mentionnent d'ailleurs eux-mêmes un certain nombre de cas où l'exécutif cantonal a procédé de la sorte. Ils ne sauraient toutefois être suivis lorsqu'ils invoquent un changement de pratique à cet égard, le Conseil d'Etat évoquant d'autres cas où l'entier de la loi a été soumis au référendum obligatoire. 
3.3.4 S'agissant de la loi litigieuse, le Tribunal administratif considère qu'une scission n'était pas justifiée. Il estime qu'il n'était pas possible de soumettre au référendum obligatoire uniquement les dispositions modifiant la LDTR, la LIPP et la LCP sans risquer de porter atteinte à l'équilibre de la loi adoptée. Le Conseil d'Etat partage cette appréciation. Dans les observations qu'il a produites dans la présente procédure, il expose notamment que la loi n° 10'258 est le fruit d'un compromis politique, qu'il s'était engagé à la soumettre dans son ensemble au référendum obligatoire et que le Grand Conseil l'a adoptée en ayant conscience du caractère indissociable de la LEn et des autres lois modifiées. De plus, certaines modifications de la LDTR ont leur pendant matériel dans la LEn, de sorte que si seules ces dernières étaient adoptées une "incohérence irréductible" serait à craindre. Le Conseil d'Etat précise encore que les dispositions soumises au référendum obligatoire étaient dans un "rapport intrinsèque étroit" avec les dispositions matérielles de la loi sur l'énergie - soumises en principe au référendum facultatif - et que la loi dans son ensemble est le fruit d'un consensus politique qui a permis son adoption par le Grand Conseil. 
Les explications des autorités précitées apparaissent convaincantes. En effet, une scission de la loi n° 10'258 pour la soumettre en partie seulement au référendum obligatoire aurait des conséquences difficilement prévisibles. Le risque existe qu'une seule partie de la loi entre en vigueur, sans que le législateur n'ait évalué les implications d'une telle situation. Or, au vu de l'objet de la loi litigieuse et des nombreuses dispositions légales modifiées par celle-ci, il est vraisemblable que l'équilibre de la loi s'en trouve altéré. Il convient en outre de respecter la volonté du législateur, qui a adopté cette loi comme un tout, après avoir débattu de son détail et dégagé un compromis politique. Le Grand Conseil a d'ailleurs accepté de soumettre l'intégralité de cette loi au vote populaire, le Conseil d'Etat s'étant expressément engagé à le faire lors des débats (cf. Mémorial des séances du Grand Conseil du canton de Genève, séance du 9 octobre 2009 à 20h30, troisième débat). Au demeurant, conformément à sa jurisprudence en matière de droits politiques (cf. supra consid. 1.2), le Tribunal fédéral s'en tient en principe à l'appréciation des autorités cantonales de dernière instance si plusieurs interprétations sont défendables. Rien ne justifie de s'écarter de cette pratique en l'espèce, de sorte qu'il y a lieu de se référer aux arguments du Conseil d'Etat et à l'avis exprimé par la majorité du Grand Conseil. 
 
3.4 En définitive, s'il n'est pas nécessairement exclu de scinder une loi pour la soumettre en partie au référendum obligatoire et en partie au référendum facultatif, ce procédé doit demeurer exceptionnel compte tenu des sérieux inconvénients qu'il présente. Dans le cas d'espèce, le Tribunal administratif et le Conseil d'Etat peuvent être suivis lorsqu'ils considèrent que les conditions d'une telle scission ne sont pas réalisées. Leur appréciation sur ce point ne consacre pas de violation des art. 53, 53A et 160F Cst./GE, de sorte que ce grief doit être rejeté. Il serait néanmoins souhaitable que cette question soit clarifiée dans le droit cantonal et que le constituant ou le législateur, s'ils entendent permettre les scissions évoquées ci-dessus, les règlent expressément en édictant des conditions claires à cet égard. 
 
4. 
Invoquant l'art. 34 Cst., les recourants soutiennent par ailleurs que le référendum obligatoire a été indûment étendu à des modifications légales soumises au référendum facultatif. Si l'on comprend bien leur raisonnement, ce procédé serait de nature à créer une certaine confusion chez l'électeur, si bien que le résultat du scrutin du 7 mars 2010 aurait été faussé. 
 
4.1 L'art. 34 Cst. protège la libre formation de l'opinion des citoyennes et des citoyens et l'expression fidèle et sûre de leur volonté. Les électeurs doivent pouvoir se former une opinion sur la base la plus libre et la plus complète possible (ATF 129 I 185 consid. 5 p. 192; 125 I 441 consid. 2a p. 444). De cette garantie découle notamment le droit à une exécution régulière du scrutin (ATF 121 I 138 consid. 3 p. 141 et les arrêts cités; Bernhard Maag, Urnenwahl von Behörden im Majorzsystem, thèse Zurich 2004, p. 64). Le scrutin sera donc annulé si l'on constate un vice de procédure important et de nature à influer sur le résultat du vote (cf. ATF 131 I 442 consid. 3.3 p. 448 s.; 121 I 1 consid. 5b/aa p. 12; 119 Ia 271 consid. 3b p. 273; 113 Ia 46 consid. 7a p. 59; Piermarco Zen-Ruffinen, L'expression fidèle et sûre de la volonté du corps électoral, in: Thürer/Aubert/Müller (éd.), Droit constitutionnel suisse, Zurich 2001, n. 46 p. 361). De manière générale, il importe en outre que la question posée au peuple soit formulée d'une manière simple, claire et objective (Etienne Grisel, op. cit., p. 116 et les références). 
 
4.2 En l'occurrence, on ne voit pas quelle irrégularité aurait entaché le scrutin litigieux et les recourants n'en mentionnent aucune. Il découle au demeurant des considérants qui précèdent que les règles cantonales applicables en matière de référendum ont été respectées. Par ailleurs, la question posée au peuple était claire, puisqu'elle se limitait à l'acceptation ou au refus de la loi litigieuse. La critique des recourants pourrait éventuellement se rattacher au principe de l'unité de la matière, qui interdit de mêler, dans un même objet soumis au peuple, plusieurs propositions de nature ou de but différents, qui forceraient ainsi le citoyen à une approbation ou à une opposition globales, alors qu'il pourrait n'être d'accord qu'avec une partie des propositions qui lui sont soumises (ATF 129 I 366 consid. 2.1 p. 369; 90 I 69 consid. 2c p. 74). Cela étant, il n'apparaît pas que la loi n° 10'258 soit en contradiction avec ce principe, ce que les recourants reconnaissent d'ailleurs expressément. 
 
5. 
Enfin, les recourants se plaignent d'une violation de l'art. 8 al. 4 LFPP, en reprochant au Tribunal administratif de s'être fondé à tort sur cette disposition pour rejeter leur recours. 
 
5.1 L'art. 8 LFPP règle la publication des initiatives populaires, des contreprojets, des lois constitutionnelles et des lois dans la Feuille d'avis officielle. L'art. 8 al. 4 LFPP prévoit que "les lois soumises au référendum obligatoire font l'objet, sur décision du Conseil d'Etat, d'une publication particulière". On peut se demander s'il s'agit d'une disposition sur le droit de vote et les votations populaires au sens de l'art. 95 let. d LTF ou s'il s'agit d'une simple norme cantonale d'organisation qui n'est pas étroitement liée au droit de vote et que le Tribunal fédéral ne reverrait que sous l'angle de l'arbitraire. Cette question peut toutefois demeurer indécise, dès lors que cette disposition est de toute façon respectée. 
 
5.2 Le Tribunal administratif considère que l'art. 8 al. 4 LFPP confère un certain pouvoir d'appréciation au Conseil d'Etat lorsqu'une loi entraîne la modification de plusieurs textes légaux qui ne sont pas tous soumis au référendum obligatoire. Comme le relèvent les recourants, cette interprétation extensive de l'art. 8 al. 4 LFPP peut être discutée et l'on peut douter que cette disposition confère à elle seule un pouvoir d'appréciation au Conseil d'Etat. Cela étant, l'arrêt attaqué précise que ce pouvoir d'appréciation n'est pas sans limites et que le Conseil d'Etat doit favoriser au mieux l'exercice des droits politiques garantis par l'art. 34 Cst., tout en respectant le travail du parlement et la volonté exprimée par celui-ci. Or, ce sont effectivement le respect des droits politiques et de la volonté du législateur qui sont déterminants en la matière. Au demeurant, l'art. 8 al. 4 LFPP n'a aucunement été violé en l'espèce, la loi n° 10'258 ayant fait l'objet de la publication particulière requise. Le raisonnement du Tribunal administratif est en outre conforme aux considérants qui précèdent et le résultat auquel il aboutit n'entre pas en contradiction avec la constitution cantonale et la garantie des droits politiques (cf. supra consid. 3 et 4). 
 
6. 
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Les recourants, qui succombent, devront supporter des frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge des recourants. 
 
3. 
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, ainsi qu'au Conseil d'Etat et au Tribunal administratif du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 9 novembre 2010 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: 
 
Féraud Rittener