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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_552/2021  
 
 
Arrêt du 28 décembre 2021  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Hohl, présidente, Kiss et Rüedi. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
A.________ Limited, Heritage Cove 79, De Winton AB T0L 0X0, Canada, représentée par Mes Yves Klein et Edouard Kaiflin, avocats, place du Molard 3, 1204 Genève, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
105 Baktygerev Kulmanov Street, Atyrau, Atyrau Province, Kazakhstan, 
représentée par Mes Nicolas Piérard et Vincent Guignet, avocats, rue Jargonnant 2, 1207 Genève, 
intimée. 
 
Objet 
annulation de la poursuite (art. 85a LP); mesures provisionnelles, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 17 septembre 2021 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève (C/24414/2020, ACJC/1208/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. En 2003, A1.________ Corporation (ci-après: A1.________), société sise aux États-Unis d'Amérique, a investi des fonds, par l'intermédiaire de sa filiale canadienne A.________ Limited (ci-après: A.________), dans la société B.________, en vue de développer le potentiel des champs pétrolifères détenus par cette dernière au Kazakhstan. Entre 2004 et 2017, plusieurs accords ont été conclus, lesquels concernaient aussi la société C.________ Ltd, active dans les travaux de forage pétrolier dans l'État précité.  
 
A.b. Par contrat du 14 juillet 2004, soumis au droit kazakh et contenant une clause arbitrale, A.________ s'est engagée à prêter 1'000'000 USD à B.________, montant porté par la suite à 50'000'000 USD.  
 
A.c. Les relations entre les parties sont devenues conflictuelles et ont donné lieu à un important litige.  
Par jugement du 15 septembre 2008, un tribunal de district kazakh a condamné A1.________ à payer 27'150'000 USD à C.________ Ltd et 2'476'053 USD à B.________. A la suite dudit jugement, C.________ Ltd a cédé à B.________ ses prétentions envers A1.________. 
 
A.d. Par sentence arbitrale du 7 novembre 2008 et sentence complémentaire du 4 décembre 2008, la Cour arbitrale internationale IUS, au Kazakhstan, a condamné B.________ à verser 30'073'723 USD à A.________ au titre de remboursement du prêt octroyé en juillet 2004 et à lui payer 10'512'400 KZT à titre de frais d'arbitrage.  
Ces sentences sont devenues définitives et exécutoires. 
 
A.e. Dès novembre 2011, les parties ont initié des procédures d'exécution forcée fondée sur les décisions susmentionnées devant les autorités kazakhes.  
 
A.f. Par ordonnances des 23 et 30 juin 2017, le Tribunal de première instance genevois a ordonné, sur la base des sentences arbitrales précitées, les séquestres d'avoirs détenus en Suisse par B.________. Statuant le 2 février 2018 sur les oppositions aux séquestres formées par la société précitée, il a arrêté les montants des séquestres à concurrence respectivement de 29'277'811 fr. et de 28'836'930 fr. Par arrêt du 15 mai 2018, la Cour de justice du canton de Genève a confirmé le jugement attaqué.  
 
A.g. Le 13 octobre 2017, A.________ a fait notifier à B.________ un commandement de payer aux fins de valider lesdits séquestres (poursuite no xxx). La poursuivie a formé opposition.  
 
A.h. Le 8 juin 2018, la poursuivante a sollicité la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales des 7 novembre et 4 décembre 2008 et a requis la mainlevée définitive de l'opposition précitée.  
 
Par jugement du 14 janvier 2019, confirmé par arrêt cantonal du 14 mai 2019, les sentences arbitrales ont été reconnues et déclarées exécutoires en Suisse et l'opposition a été définitivement levée à concurrence de 28'836'930 fr. 
 
B.  
Le 30 novembre 2020, B.________ a introduit auprès du Tribunal de première instance du canton de Genève une action en annulation de la poursuite (art. 85a LP), assortie d'une requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles tendant à la suspension provisoire de la poursuite. 
Par ordonnance du 11 janvier 2021, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures superprovisionnelles, a ordonné la suspension provisoire de la poursuite compte tenu de l'urgence, le procès-verbal de saisie étant entré en force. 
Statuant le 25 février 2021, l'autorité de première instance a fait droit à la requête de mesures provisionnelles et a suspendu provisoirement la poursuite. En bref, elle a estimé très vraisemblable que les créances résultant des sentences arbitrales des 7 novembre et 4 décembre 2008 étaient prescrites et ne pouvaient plus faire l'objet d'une procédure d'exécution en Suisse, raison pour laquelle les chances de succès de la demanderesse étaient supérieures à celles de la défenderesse. 
Saisie d'un appel formé par A.________, la Chambre civile de la Cour de justice, par arrêt du 17 septembre 2021, l'a rejeté et a confirmé la décision attaquée. 
 
C.  
Le 27 octobre 2021, A.________ (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile dans lequel elle conclut, principalement, à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que la demande visant à suspendre provisoirement la poursuite est rejetée. Subsidiairement, elle a requis l'annulation de l'arrêt entrepris et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
B.________ (ci-après: l'intimée) et la cour cantonale n'ont pas été invitées à répondre au recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. L'action entreprise par la partie intimée au présent recours est celle prévue par l'art. 85a al. 1 LP, accordant au débiteur poursuivi le droit d'agir en tout temps au for de la poursuite pour faire constater que la dette n'existe pas ou plus, ou qu'un sursis a été consenti. La suspension provisoire de la poursuite, en l'espèce accordée par les instances cantonales, est une mesure provisionnelle prévue par l'art. 85a al. 2 LP; ses effets sont limités à la durée du procès en annulation de la poursuite. Le prononcé de la Cour de justice est donc une décision incidente assujettie à l'art. 93 al. 1 LTF (ATF 137 III 324 consid. 1.1; 134 I 83 consid. 3.1; arrêts 4A_286/2020 du 25 août 2020 consid. 1; 4A_638/2018 du 18 mars 2019 consid. 4; 4A_652/2016 du 30 janvier 2017 consid. 5). L'hypothèse envisagée par l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'entrant pas en ligne de compte, la recevabilité du recours en matière civile suppose ainsi que la décision attaquée soit de nature à causer un préjudice irréparable aux termes de l'art. 93 al. 1 let. a LTF.  
 
1.2.  
 
1.2.1. Un préjudice ne peut être qualifié d'irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF que lorsque la partie recourante subit un dommage qu'une décision favorable sur le fond ne fera pas disparaître complètement; il faut en outre un dommage de nature juridique, tandis qu'un inconvénient seulement matériel est insuffisant (ATF 138 III 190 consid. 6; 134 III 188 consid. 2.2; 133 III 629 consid. 2.3.1; 131 I 57 consid. 1). Lorsque, comme en l'espèce, il n'est pas manifeste que la condition de recevabilité prévue à l'art. 93 al. 1 let. a LTF est remplie, il appartient à la partie recourante d'alléguer et d'établir que la décision incidente lui cause un préjudice irréparable, faute de quoi le recours est déclaré irrecevable (ATF 138 III 46 consid. 1.2; 137 III 324 consid. 1.1).  
 
1.2.2. En l'espèce, la recourante soutient que la suspension provisoire de la poursuite a pour effet de la priver de la libre disposition de la créance dont elle est titulaire à l'égard de l'intimée. Elle fait valoir que la décision attaquée l'empêchera de mettre la main, pendant une durée relativement longue, sur les actifs saisis dans le cadre de la poursuite en validation des séquestres qu'elle a introduite, à savoir une créance de 6'018'086 fr. 69 que détient l'intimée à l'encontre d'une société tierce, ce qui lui causerait un préjudice irréparable.  
Semblable argumentation n'emporte nullement la conviction de la Cour de céans. Contrairement à ce qu'affirme l'intéressée, la décision attaquée n'a pas pour effet de la priver de la " libre disposition de sa créance " reposant sur les sentences arbitrales des 7 novembre et 4 décembre 2008. La suspension provisoire de la poursuite introduite en Suisse n'a aucune incidence matérielle sur ladite créance. Elle n'empêche pas davantage la recourante d'entreprendre d'autres démarches, en Suisse ou à l'étranger, en vue de recouvrer les montants qu'elle réclame à l'intimée sur la base desdites sentences arbitrales. Par ailleurs, on ne discerne pas en quoi le fait que la poursuite introduite par la recourante ne puisse provisoirement pas suivre son cours risquerait de lui causer un préjudice de nature juridique. Il ressort du reste du procès-verbal de saisie produit par l'intéressée en annexe à son recours que l'office des poursuites du canton de Genève a requis et obtenu l'encaissement de la créance saisie. Les montants versés par la débitrice séquestrée sont désormais consignés conformément à l'art. 9 LP. Dans ces conditions, on ne voit pas quel préjudice irréparable risquerait de subir la recourante. Si l'action introduite par la partie intimée sur la base de l'art. 85a LP venait à être rejetée, la procédure d'exécution forcée poursuivrait son cours à partir du stade auquel elle a été provisoirement suspendue, étant rappelé que l'office des poursuites a d'ores et déjà pu consigner la somme relative à la créance saisie. L'intéressée ne démontre ainsi pas en quoi la décision finale, dans l'hypothèse où celle-ci lui serait favorable, ne permettrait pas de faire disparaître entièrement un éventuel préjudice (cf. aussi arrêt 5P.420/2002 du 22 avril 2003 consid. 4). Les arrêts cités par la recourante dans son mémoire ne permettent pas d'aboutir à une autre conclusion. La condition du préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF n'est ainsi pas réalisée. Il suit de là que l'arrêt entrepris ne peut pas faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral. Partant, le recours est irrecevable. 
 
2.  
La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée, qui n'a pas été invitée à déposer une réponse, n'a pas droit à des dépens. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est irrecevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 28 décembre 2021 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
Le Greffier : O. Carruzzo