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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
5A_819/2022  
 
 
Arrêt du 10 octobre 2023  
 
IIe Cour de droit civil  
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Herrmann, Président, Bovey et De Rossa. 
Greffière : Mme Bouchat. 
 
Participants à la procédure 
A.A.________, 
représentée par Me Matthieu Genillod, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
B.A.________, 
représenté par Me José Coret, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
mesures provisionnelles (contributions d'entretien), 
 
recours contre l'arrêt de la Juge unique de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 13 septembre 2022 (TD18.000257-220418-220420, n° 461). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.A.________, née en 1967, et B.A.________, né en 1965, se sont mariés en 1989 à U.________. Deux enfants, C.A.________ et D.A.________, aujourd'hui majeurs, sont issus de cette union. 
 
B.  
Le 21 décembre 2017, l'époux a déposé une demande unilatérale en divorce. 
Par ordonnance de mesures provisionnelles notifiée le 9 mars 2020 aux parties, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne (ci-après : le président du tribunal) a en substance rejeté la requête de mesures provisionnelles déposée par l'épouse le 29 mai 2019. 
Saisi d'un appel de l'intéresée, le Juge unique de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a, par arrêt du 18 décembre 2020, annulé, puis renvoyé la cause au président du tribunal pour nouvelle décision. 
Par ordonnance de mesures provisionnelles du 25 mars 2022, le président du tribunal a notamment admis partiellement la conclusion I de la requête de mesures provisionnelles déposée le 29 mai 2019 par l'épouse (I), astreint l'époux à contribuer à l'entretien de son épouse par le versement d'une pension mensuelle provisoire, payable d'avance le premier jour de chaque mois en ses mains, de 6'000 fr. du 1er juin 2018 au 31 décembre 2019, et de 4'400 fr. dès et y compris le 1er janvier 2020 (II), rejeté toutes autres ou plus amples conclusions (IV) et déclaré l'ordonnance immédiatement exécutoire, nonobstant appel (V). 
Par arrêt du 13 septembre 2022, la Juge unique de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois (ci-après : l'autorité cantonale) a notamment joint les causes portant sur les appels déposés le 7 avril 2022 par B.A.________ (TD18.000257-220418) d'une part et par A.A.________ (TD18.000257-220420) d'autre part (I), rejeté l'appel déposé par l'époux (II), admis partiellement l'appel déposé par l'épouse, dans la mesure de sa recevabilité (III), réformé l'ordonnance précitée au chiffre II de son dispositif en ce sens que l'époux est astreint à contribuer à l'entretien de son épouse par le versement d'une pension mensuelle provisoire, payable d'avance le premier jour de chaque mois en mains de celle-ci, de 7'140 fr. du 1er juin 2018 au 28 février 2019, 7'340 fr. du 1er mars 2019 au 31 juillet 2019, 7'215 fr. du 1er août 2019 au 31 décembre 2019, 5'490 fr. du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2021 et 5'565 fr. dès le 1er janvier 2022, et l'a confirmée pour le surplus (IV), astreint l'époux à verser à son épouse la somme de 4'800 fr. à titre de dépens réduits de deuxième instance (VIII) et déclaré l'arrêt exécutoire (IX). 
 
C.  
Par acte du 20 octobre 2022, A.A.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt précité. Elle conclut principalement à la réforme des chiffres IV et VIII de son dispositif en ce sens que, d'une part, l'ordonnance de mesures provisionnelles du 25 mars 2022 est réformée au chiffre II de son dispositif comme il suit : B.A.________ est astreint à contribuer à l'entretien de son épouse par le régulier versement en mains de celle-ci, d'avance le premier jour de chaque mois, d'une pension mensuelle de 7'140 fr. du 1er juin 2018 au 28 février 2019, 7'340 fr. du 1er mars 2019 au 31 juillet 2019, 7'215 fr. du 1er août 2019 au 31 décembre 2019 et 7'675 fr. dès le 1er janvier 2020 [IV] et que, d'autre part, B.A.________ doit verser à son épouse la somme de 6'000 fr. à titre de pleins dépens de deuxième instance [VIII] (II). Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt précité, la cause étant renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants (III). Elle requiert également l'assistance judiciaire. 
Invités à se déterminer, l'autorité cantonale a déclaré le 6 juillet 2023 se référer aux considérants de l'arrêt entrepris et l'intimé a conclu le 25 août 2023 au rejet du recours. La recourante a répliqué le 14 septembre 2023. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme légale (art. 42 al. 1 LTF), le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF; ATF 134 III 426 consid. 2.2 et les références; arrêt 5A_895/2022 du 17 juillet 2023 consid. 1) rendue sur recours par une autorité supérieure statuant en dernière instance cantonale (art. 75 LTF), dans une affaire matrimoniale (art. 72 al. 1 LTF) de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse requise est atteinte (art. 51 al. 1 let. a, al. 4 et 74 al. 1 let. b LTF). La recourante a en outre qualité pour recourir (art. 76 al. 1 let. a et b LTF), sous réserve notamment de ce qui suit. Il y a donc lieu en principe d'entrer en matière.  
 
1.2.  
 
1.2.1. Selon l'art. 76 al. 1 let. b LTF, le recourant doit avoir un intérêt digne de protection à l'annulation de la décision attaquée. Celui-ci consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait à son auteur, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 143 III 578 consid. 3.2.2.2; 137 II 40 consid. 2.3). L'intérêt doit être actuel, c'est-à-dire qu'il doit exister non seulement au moment du dépôt du recours, mais encore au moment où l'arrêt est rendu (ATF 143 III 578 consid. 3.2.2.2; 137 I 296 consid. 4.2; 137 II 40 consid. 2.1). Il incombe au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir au Tribunal fédéral selon l'art. 76 LTF, lorsqu'ils ne ressortent pas à l'évidence de la décision attaquée ou du dossier de la cause (ATF 133 II 353 consid. 1). Le Tribunal fédéral déclare le recours irrecevable lorsque l'intérêt digne de protection fait défaut au moment du dépôt du recours (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 et les références).  
 
 
1.2.2. La conclusion II prise par la recourante devant la cour de céans tendant à la réforme du chiffre IV du dispositif de l'arrêt cantonal est, s'agissant de la période du 1er juin 2018 au 31 décembre 2019, irrecevable faute d'intérêt à recourir (art. 76 al. 1 let. b LTF), dès lors qu'elle requiert les mêmes montants que ceux déjà obtenus en instance cantonale.  
 
 
1.3. En tant que la recourante conclut, pour la période débutant le 1er janvier 2020, au versement d'un montant de 7'675 fr., alors qu'elle demandait en appel le montant 8'430 fr. du 1er mai 2018 au 30 avril 2020, elle procède à une réduction de ses conclusions dès le 1er janvier 2020, ce qui est admissible au regard de l'art. 99 al. 2 LTF (ATF 143 V 19 consid. 1.1 et les références; 142 I 155 consid. 4.4.2 et les références).  
 
2.  
 
2.1. Comme l'arrêt entrepris porte sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 134 III 667 consid. 1.1; 133 III 393 consid. 5, 585 consid. 3.3), la partie recourante ne peut dénoncer que la violation de droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés (" principe d'allégation ", art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire expressément soulevés et exposés de manière claire et détaillée (ATF 147 I 73 consid. 2.1; 146 III 303 consid. 2; 142 III 364 consid. 2.4). Le recourant qui se plaint de la violation d'un droit fondamental ne peut donc se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition; il ne peut, en particulier, se contenter d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer ses allégations par une argumentation précise (ATF 134 II 349 consid. 3; 133 II 396 consid. 3.2). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 144 II 313 consid. 5.1; 143 II 283 consid. 1.2.2; 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4). En particulier, une décision ne peut être qualifiée d'arbitraire (art. 9 Cst.) que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité ou s'écarte de la jurisprudence du Tribunal fédéral sans motif pertinent (ATF 148 III 95 consid. 4.1). Il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 144 I 113 consid. 7.1; 142 II 369 consid. 4.3; 141 III 564 consid. 4.1 et les références).  
 
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Dans l'hypothèse d'un recours soumis à l'art. 98 LTF, le recourant qui entend invoquer que les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ne peut obtenir la rectification ou le complètement des constatations de fait de l'arrêt cantonal que s'il démontre la violation de droits constitutionnels, conformément au principe d'allégation susmentionné (cf. supra consid. 2.1). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 et la référence). Le recourant ne peut pas se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; il doit indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3). Une critique des faits qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (art. 106 al. 2 LTF; ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1; 140 III 264 consid. 2.3 et les références).  
 
3.  
 
3.1. La recourante fait valoir une application arbitraire de l'art. 230 CPC en tant que l'autorité cantonale aurait déclaré irrecevable l'augmentation de ses conclusions requise lors des plaidoiries écrites, de 8'750 fr. à 9'420 fr. pour la période du 1er mai 2018 au 30 avril 2020, et de 6'960 fr. à 7'675 fr. dès le 1er mai 2020.  
 
 
3.2. Rappelant les conditions pour modifier la demande au stade des débats principaux (art. 230 CPC), l'autorité précédente a indiqué que la recourante n'avait pas établi la réalisation des conditions restrictives pour introduire à ce stade de nouvelles conclusions et a déclaré irrecevables les montants dépassant 8'750 fr. du 1er mai 2018 au 30 avril 2020 et 6'960 fr. dès le 1er mai 2020. Pour ce faire,  
elle s'est notamment référée à un arrêt du Tribunal fédéral (cf. arrêt 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 4.4.2) qui retient que quand bien même la modification de la demande n'a pas à reposer sur des nova, au sens de l'art. 229 al. 1 CPC, l'exigence de la nouveauté demeure; ainsi une nouvelle conclusion ne peut être introduite en se fondant sur les seuls faits allégués précédemment.  
 
 
3.3. Aux termes de l'art. 227 al. 1 CPC, la demande ne peut être modifiée que si la prétention nouvelle ou modifiée relève de la même procédure et que l'une des conditions suivantes est remplie : la prétention nouvelle ou modifiée présente un lien de connexité avec la dernière prétention (let. a); la partie adverse consent à la modification de la demande (let. b). Dans la phase des débats principaux, la modification de la demande est soumise à une condition supplémentaire : elle doit reposer sur des faits ou des moyens de preuve nouveaux (art. 230 al. 1 let. b CPC); elle n'exige en revanche pas de reposer sur des nova (TAPPY, in Commentaire romand CPC, 2e éd. 2019, n° 8 ad art. 230 CPC). Vu l'art. 219 CPC, l'art. 230 al. 1 CPC s'applique par analogie à d'autres procédures, en particulier à certaines procédures spéciales du droit de la famille (TAPPY, op. cit., n° 10 ad art. 230 CPC).  
 
 
3.4. La recourante reproche à l'autorité précédente d'avoir fait preuve d'arbitraire en considérant qu'elle n'avait pas établi que les conditions restrictives pour introduire de nouvelles conclusions au stade des débats principaux étaient réunies. Selon elle, l'arrêt auquel l'autorité cantonale s'est référée ne serait pas applicable à la simple augmentation de conclusions; il concernerait uniquement la formulation de nouvelles conclusions étendant l'objet du litige.  
 
 
3.5. En l'espèce, en tant que la recourante se plaint du refus de l'autorité précédente d'augmenter ses conclusions, on relève que, s'agissant de la période du 1er janvier au 30 avril 2020, l'intéressée conclut à un montant inférieur à 9'420 fr. (à savoir 7'675 fr.), et ne démontre pas l'utilité pratique d'une éventuelle admission de ce grief. Dans cette mesure, celui-ci doit être déclaré irrecevable (art. 76 al. 1 let. b LTF; cf. pour le surplus supra consid. 1.2.1).  
 
Il en va différemment pour la période débutant le 1er mai 2020, le montant en question étant identique à celui auquel elle a conclu en appel, à savoir 7'675 francs. Cela étant, on peine à comprendre la critique de la recourante relative à l'arrêt 4A_395/2017 précité. Celle-ci n'explique en effet pas, conformément aux exigences légales (art. 106 al. 2 LTF), en quoi les conditions pour modifier la demande au sens de l'art. 230 CPC seraient différentes selon que la modification consiste en une augmentation des conclusions ou une nouvelle conclusion. On relèvera en outre que, selon la jurisprudence, il y a modification de la demande au sens des art. 227 et 230 CPC, tant lorsqu'une prétention jusqu'alors invoquée est modifiée que lorsqu'une nouvelle prétention est invoquée (arrêt 4A_439/2014 du 16 février 2015 consid. 5.4.3.1 et les références). Enfin, l'exigence d'un lien avec des faits ou des moyens de preuves nouveaux ressort expressément de la lettre de la loi (art. 230 al. 1 let. b CPC). Partant, la recourante échoue à démontrer sur ce point le caractère arbitraire de l'arrêt entrepris. Pour autant que recevable, son grief doit donc être rejeté. 
 
 
4.  
La recourante se plaint d'une constatation manifestement inexacte des faits et d'une appréciation arbitraire des preuves en lien avec les revenus réalisés par l'intimé au sein de E.________ Sàrl dès le 1er janvier 2020 et arrêtés à 4'396 fr. 90 net par mois. Elle soutient également que l'appréciation de l'autorité cantonale serait insoutenable en tant qu'elle nierait l'application du principe de la transparence. 
 
 
4.1. Pour la période dont le présent recours implique un examen, à savoir dès le 1er janvier 2020, l'autorité cantonale a retenu que l'époux avait travaillé à plein temps comme chef de projet au sein de F.________, dans l'équipe de direction jusqu'au 31 décembre 2019, date du départ à la retraite de son supérieur hiérarchique. Il y occupait d'une part un poste à mi-temps dans des activités spécifiques à F.________ aux côtés dudit professeur et d'autre part un second poste à mi-temps en qualité de conseiller de la Direction de F.________. Jusqu'au 31 décembre 2019, son salaire mensuel net s'élevait ainsi à 16'153 fr. 60, hors allocations familiales ([206'198 fr. - 12'355 fr.] / 12), part au treizième salaire comprise.  
 
L'autorité cantonale a en outre retenu que, dès le 1er janvier 2020, compte tenu du changement de direction, l'époux avait signé un nouveau contrat de travail afin d'être transféré à mi-temps auprès de la Vice-présidence pour l'éducation, pour un revenu, selon fiche de salaire du mois de janvier 2020, de 7'884 fr. net par mois, part au treizième salaire comprise et frais de parking par 85 fr. déduits. En outre, sentant le vent tourner dès le changement de présidence en 2017 déjà et en prévision du manque à gagner lié à la réduction de son taux d'activité professionnelle à F.________, l'époux avait créé la société E.________ Sàrl, au printemps 2018, dont il était l'associé gérant avec signature individuelle, titulaire de 200 parts sociales unitaires de 100 francs. L'autorité précédente a retenu qu'inscrite au registre du commerce le 28 mars 2018, dite entreprise avait dégagé, du 23 mai 2018 au 3 septembre 2019, un chiffre d'affaires de 170'989 fr. 10 ( recte : 179'989 fr. 10) en tenant compte des rentrées d'argent et des débits nécessités par son exploitation, mais aussi du capital social de départ de 19'875 fr., soit un revenu mensuel net de 9'749 fr. 30 ( recte : 10'329 fr. 95) ([179'989 fr. 10 - 19'875 fr.] / 15.5 mois). Les deux premières années, la société n'avait versé aucun salaire à l'intimé, les revenus générés par la société en 2019 devant permettre de compenser le manque à gagner de l'intimé dès janvier 2020, pour une durée estimée de 18 à 24 mois. Selon décompte du mois de janvier 2020 en revanche, l'intimé avait perçu un salaire, versé douze fois l'an, de 5'000 fr. brut, soit de 4'396 fr. 90 net par mois.  
 
Examinant si le principe de la transparence trouvait application, l'autorité précédente a retenu que les pièces figurant au dossier ne permettaient pas de démontrer que l'époux et la société précitée formaient une seule et unique entité. Elle a en outre estimé qu'il n'avait pas été établi que le fait d'invoquer la diversité des sujets constituait un abus de droit ou portait manifestement atteinte à des intérêts légitimes. En effet, on ne pouvait, d'après elle, reprocher à l'intimé d'avoir créé sa société afin d'anticiper la réduction de son taux d'activité et de son salaire auprès de F.________. En outre, les pièces produites au dossier ne permettaient pas de retenir que l'époux avait effectivement perçu ou pu percevoir les montants générés par sa société entre le 23 mai 2018 et le 3 septembre 2019, ce d'autant qu'ils devaient permettre de compenser le manque à gagner de l'intimé dès janvier 2020. Dans la mesure où seuls les relevés bancaires du compte courant de la société avaient été produits au dossier, on ne pouvait clairement déterminer quel bénéfice aurait été tiré de cette activité. De plus, on ignorait si la société avait généré depuis lors des bénéfices ou si elle avait dû assumer des pertes et si l'intimé avait pu se verser un quelconque dividende ou s'il percevait un salaire supérieur. Même si l'époux disposait dans les faits de plus de temps pour se consacrer à sa société, celui-ci travaillant depuis le 1er janvier 2020 seulement à temps partiel auprès de F.________, rien au dossier ne permettait de déterminer si ce temps supplémentaire avait une incidence positive sur le résultat de la société. En définitive, les éléments au dossier ne permettant pas de retenir que l'intimé avait pu bénéficier des montants générés par sa société, on ne pouvait ajouter à ses revenus mensuels les éventuels profits tirés de celle-ci, étant précisé que la procédure se voulait sommaire et provisoire, de sorte que si de nouveaux éléments devaient être découverts, une action tendant à la modification des contributions d'entretien pouvait être déposée le cas échéant. 
 
4.2. Lorsqu'il existe une unité économique entre une société anonyme et un actionnaire unique ou principal, il peut se justifier, dans les procès du droit de la famille, de déterminer la capacité contributive du débirentier qui maîtrise économiquement la société en application des règles relatives aux indépendants (arrêts 5A_1048/2021 du 11 octobre 2022 consid. 4.2; 5A_683/2021 du 3 mai 2022 consid. 4.3). Selon la jurisprudence, on ne peut pas s'en tenir sans réserve à l'existence formelle de deux personnes juridiquement distinctes, lorsque tout l'actif ou la quasi-totalité de l'actif d'une société appartient soit directement, soit par personnes interposées, à une même personne, physique ou morale. En effet, nonobstant la dualité de personnes à la forme, il n'existe pas dans ce cas d'entités indépendantes, la société étant un simple instrument dans la main de son auteur, qui, économiquement, ne fait qu'un avec elle. On doit ainsi admettre, à certains égards, que, conformément à la réalité économique, il y a identité de personnes et que les rapports de droit liant l'une lient également l'autre, chaque fois que le fait d'invoquer la diversité des sujets constitue un abus de droit ou a pour effet une atteinte manifeste à des intérêts légitimes (art. 2 al. 2 CC; arrêt 5A_506/2014 du 23 octobre 2014 consid. 4.2.2 et les références). Si, en vue de la procédure, un époux se laisse soudainement employer par la société qu'il maîtrise économiquement à un salaire largement inférieur à celui qu'il réalisait auparavant, sans que cette diminution soit justifiée du point de vue de l'entreprise, il doit être considéré comme s'il avait intentionnellement diminué son revenu (arrêt 5A_392/2014 du 20 août 2014 consid. 2.2 et les références). La forme juridique de l'entreprise est à cet égard sans importance pour déterminer s'il faut lui imputer les bénéfices nets de la société à titre de revenus (arrêt 5A_506/2014 précité consid. 4.2.3).  
 
 
4.3. La recourante soutient que l'autorité cantonale aurait fait preuve d'arbitraire dans l'appréciation des preuves en retenant un salaire mensuel net de 4'396 fr. 90, reposant sur une seule fiche de salaire produite par l'intimé pour le mois de janvier 2020. Elle expose qu'avant 2020, l'intimé, alors qu'il travaillait à plein temps à F.________, était parvenu, selon constatations cantonales, à dégager en plus un revenu mensuel net de 9'749 fr. 30, selon les comptes bancaires de la société. Ainsi, selon elle, son revenu ne saurait être inférieur sitôt que l'intimé disposerait de davantage de temps à consacrer à cette activité.  
 
En outre, son appréciation des pièces produites et de la cause serait insoutenable en tant que l'autorité précédente a considéré que celles-ci ne permettaient pas de retenir que l'intimé formait avec E.________ Sàrl une seule et unique entité, alors que selon les faits constatés, l'intéressé est l'associé gérant au bénéfice de la signature individuelle. Dans un tel cas, l'autorité précédente aurait dû considérer que l'intimé avait la maîtrise économique de la société et décidait lui-même du salaire et des dividendes qu'il voulait bien se verser. 
 
L'arrêt serait par ailleurs arbitraire en tant qu'il nierait que la recourante jouirait d'un intérêt légitime à ce que cette identité économique soit constatée, la création de cette société ayant eu pour conséquence de réduire les revenus disponibles et, par ce biais, le montant des contributions d'entretien en sa faveur. Selon elle, son revenu mensuel net s'élèverait à tout le moins à 9'749 fr. 30, lequel se baserait sur les comptes bancaires de la société, l'intimé n'ayant pas produit les états financiers de sa société. 
 
 
4.4. En l'occurrence, à l'instar de ce que soutient la recourante, l'autorité cantonale ne pouvait pas sans arbitraire retenir que les pièces au dossier ne permettaient pas de démontrer que l'intimé et la société qu'il avait créée formaient une unité économique. En effet, selon les faits constatés - non remis en cause par l'intimé -, celui-ci est l'associé gérant de E.________ Sàrl avec signature individuelle et titulaire de 200 parts sociales; il maîtrise donc économiquement ladite société. Si l'autorité cantonale a dûment analysé si le fait d'invoquer la diversité des sujets constituait un abus de droit, en déterminant notamment le but poursuivi par les actes de l'intimé, l'examen de la seconde hypothèse, à savoir si cela portait manifestement atteinte à des intérêts légitimes, est en revanche problématique. Comme le relève la recourante et conformément à la jurisprudence (cf. arrêts 5A_506/2014 précité consid. 4.2.2 et 4.2.3; 5A_696/2011 du 28 juin 2012 consid. 4.1.2 et 4.1.3), les agissements de l'intimé, à savoir la mise à son propre compte à hauteur de 50 % dès le 1er janvier 2020, ont vraisemblablement eu une incidence directe sur sa capacité contributive et donc sur la contribution d'entretien de la recourante. Il ressort en effet de l'arrêt querellé que la baisse des revenus de l'intéressé de 16'153 fr. 60 à 12'300 fr. (F.________ 7'884 fr. + E.________ Sàrl 4'396 fr. 90) apparaît être le principal facteur de diminution de la pension de la recourante arrêtée en appel à 5'490 fr. du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2021, puis à 5'565 fr. dès lors, alors que celle-ci oscillait entre 7'140 fr. et 7'340 fr. avant le 1er janvier 2020. Dans un tel cas, l'autorité cantonale ne pouvait pas, sans verser dans l'arbitraire, renoncer à appliquer le principe de la transparence, ce d'autant plus qu'elle avait constaté - par un calcul certes critiquable, celui-ci se basant sur le chiffre d'affaires - qu'entre le 23 mai 2018 et 3 septembre 2019, alors même que l'intimé travaillait à plein temps pour son ancien employeur, la société avait dégagé un revenu mensuel net considérablement supérieur, à savoir 9'749 fr. 30. L'autorité précédente ne pouvait pas non plus, dans le cadre de son appréciation, se contenter des relevés bancaires du compte courant de la société, mais devait, conformément à la maxime inquisitoire sociale (art. 272 CPC par renvoi de l'art. 276 al. 1 CPC; arrêt 5A_784/2022 du 12 juillet 2023 consid. 5.2 et les références), requérir la production des bilans et comptes de pertes et profits, respectivement tirer les conséquences d'un défaut de collaboration de la part de l'intimé.  
 
Le grief apparaît par conséquent fondé, le recours devant être admis sur ce point et la cause renvoyée à l'autorité cantonale, afin qu'elle complète l'instruction et établisse le montant des revenus de l'intimé pour ce qui concerne ses activités au sein de E.________ Sàrl, dès le 1er janvier 2020. 
 
Au vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs soulevés par la recourante. 
 
 
5.  
En définitive, le recours est admis dans la mesure où il est recevable. Le chiffre IV du dispositif de l'arrêt attaqué est annulé en tant qu'il porte - dans le cadre de la réforme du chiffre II du dispositif de l'ordonnance du 25 mars 2022 - sur le montant de la contribution d'entretien arrêté en faveur de la recourante dès le 1er janvier 2020, et la cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. L'intimé, qui succombe (cf. ATF 141 V 281 consid. 11.1), supportera les frais de la procédure et versera en outre des dépens à la recourante (art. 68 al. 1 et 2 LTF). Il en résulte que la requête d'assistance judiciaire de cette dernière est sans objet. Il appartiendra à la cour cantonale de statuer à nouveau sur les frais judiciaires et les dépens de la procédure cantonale (art. 67 et 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable. Le chiffre IV du dispositif de l'arrêt attaqué est annulé en tant qu'il porte sur le montant de la contribution d'entretien arrêté en faveur de la recourante dès le 1er janvier 2020, et la cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
3.  
Une indemnité de 3'000 fr., à verser à la recourante à titre de dépens, est mise à la charge de l'intimé. 
 
4.  
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est sans objet. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Juge unique de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 10 octobre 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Herrmann 
 
La Greffière : Bouchat